dimanche 28 septembre 2014

Soliloque...

"La fragrance de Satan", avait pondu l'ami Behlül. Épaté, je fus, évidemment. Comme dirait Victor Hugo, je lui donnais "tort tout haut et raison tout bas". Suivre les pas et tomber dans un roncier. Le déchirement, la déchirure. Pourquoi vouloir devenir aveugle quand on a la chance de pouvoir se rincer l’œil ? Parce qu'on est sur une braise. Le Malin devient conseiller, pote, marlou. Et c'est tellement bon. Et c'est tellement laid...
"Endurez et vous prospérerez !". Certes. Mais le païen en nous gigote. A quoi bon vivre dévasté ? A espérer un au-delà meilleur. En tout cas, c'est le "deal". Pas un "pari" à la Pascal non, un "contrat". La terre endosse tout ce qui est interdit, le Ciel est terriblement muet. On a beau s'embosser, on se consume. Mais tel est le conseil : "patiente ! Tu verras ! La béatitude est au coin de la rue !". Le coin de la rue, le fameux "qarîb" coranique (قريب) , "proche". 1400 ans... 
La nature humaine et l'exigence divine. Un grand écart. Une énorme distorsion. Une drôle d'épreuve. Le corps est rempli, gros de plusieurs "je". On se tortille en vrille, le "surmoi" promet, le "ça" séduit, le moi "résiste" et tout cela fait une personne. Dieu, Satan, l'humain. C'est étrange, tant le deuxième fait tout pour charmer, exciter, "recruter", tant le Premier jette ses oukases, définit des peines et attise le feu de la géhenne. Le diable est visible, perceptible et accessible. Dieu, inintelligible.
"Et si on goûtait ?", avait osé Behlül. Une peccadille. Un petit péché, vite fait, vite effacé. Une réplique satanique, évidemment. L'autre, le dévot, avait hurlé "et le canon !". Et le canon, voilà bien le drame d'une vie. L'insouciance est un formidable bordel. Behlül, pieux, avait réussi un tour de force : prier, s'agenouiller cinq fois par jour et forniquer deux fois par semaine. L'un épongeait l'autre, dans sa tête. Le dévot devint furieux, dépité et sincèrement jaloux...
Car sincèrement frustré. Le contingent des insatisfaits sera comblé là-haut. La tapée des satisfaits y sera ignorée. "Quand tu auras abreuvé la terre de tes larmes, jusqu'à une profondeur d'un pied, alors tu te réjouiras de tout" (Albert Camus). Comme qui dirait, à quelque chose malheur est bon. A quelque chose malheur doit être bon. Sinon, c'est une arnaque; c'est une injustice, c'est un délire. Une conviction demande des reins solides et c'est bien là le "truc" : il y a "rein " et "rein", l'un fait hurler de tourment, l'autre fait ronronner de volupté... Heureusement qu'on ne fait que dormir...


Sezen Aksu - Adı Bende Saklı