dimanche 24 février 2008

La voie est ouverte: le voile peut se rabattre

Le Président Gül a, enfin, validé la loi constitutionnelle qui renforce l'égalité des citoyens devant les services publics et qui consacre un droit à poursuivre tranquillement ses études dans l'enseignement supérieur (seule une loi pouvant fixer des limites). Le mot "voile" n'apparaît donc pas. Juridiquement, le voile à la fac serait désormais libre.
En elle-même, la modification de la Constitution n'a rien de répréhensible. L'égalté, la tranquilité, l'enseignement supérieur. Que des concepts sympas. Le CHP, parti d'Atatürk, de centre-gauche (tout ça dans la théorie), a mobilisé toutes ses forces pour rédiger un joli réquisitoire contre cette loi à destination des juges constitutionnels. Evidemment, il a saisi la Cour constitutionnelle. Motif: la modification constitutionnelle ne doit pas être lue naïvement. Elle recèle une autre lecture; une lecture lèse-laïcité. Fidèle à son fonds de commerce, soucieux de garder la palme, le CHP estime que l'égalité et le droit de faire des études supérieures voilent un projet d'envergure, capable de saper les fondements sacrés de la République. Une sorte de voile vocabularique.
Un étudiant de première année de droit sait, bien évidemment, que le juge constitutionnel analyse la conformité d'une loi au texte de la Constitution. Basique. Mais , ce qu'il sait également, c'est que c'est le libellé de la loi qui est confronté à la Constitution. Pas la cervelle de ses rédacteurs. En bon positiviste. Le "pourquoi" de la loi n'entre pas dans les considérations de la Cour. Vous avez proclamé l'égalité, c'est bien mais je sens que c'est une parade et je connais votre dessein: la liberté du voile dans les facs donc la fin de la République (pour ceux qui chercheraient un rapport entre le premier membre de la phrase et le second, ne vous en faîtes pas, personne n'ose une démonstration). Donc, j'annule.
Je connaîs un peu le droit constitutionnel, je connaîs grosso modo le fonctionnement de la Cour constitutionnelle et je sais très bien qu'en Turquie, selon la formule consacrée, rien n'est impossible; si la Cour se permet de "juger" (parfois, elle donne des leçons de sociologie, de morale, de philosophie, ça lui prend de temps à autre), je l'applaudirais; si elle persiste dans un raisonnement pseudo-juridique (affaire du "367"), je l'accepterais; continuant de croire: dura jurisprudentia sed jurisprudentia.