mardi 24 janvier 2012

"L'incrédulité instinctive"

"Ça suffit alors ! Tu débloques à la fin ! Tu es un crypto-païen ou quoi !" s'était évanouie ma mère. "Bah non hein, je suis un déconstructioniste, j'ai le droit !". Oui, j'en avais le droit. Assurément. Le problème, c'est qu'elle s'en fichait. Moi aussi d'ailleurs; je ne sais comment je me rappelai à cet instant précis de Derrida, un auteur que je n'ai jamais lu, évidemment. J'ai balancé, hihi. Je m'épate toujours dans un fauteuil, dans ces cas-là. Car, je voudrais le dire, l'argumentation ne se fait pas seulement en paroles; il faut adopter une posture d'autorité qui montre que vous avez compris des choses que les autres ignorent. Oh que oui ! Ça nous fait une belle jambe, je sais, mais il faut bien meubler...

C'est que dans une série turque, Adini Feriha Koydum, une mère qui venait d'apprendre (58:40) que sa fille avait perdu sa virginité, adopta grosso modo le comportement mécanique que toutes les mères turques adopteraient dans cette situation : un cri à pleine poitrine, une baffe puis une rafale de gnons, les malédictions d'usage et LE geste sine qua non de l'ire maternelle orientale, le crêpage de chignon. Du type, la main droite qui s'agrafe sur la tête de la petite et valse avec elle jusqu'à épuisement. Certaines familles optent également pour la "falaka", les coups de bâton sur la plante des pieds. Je connais une famille kurde alévie qui n'avait pas hésité à employer ce supplice pour leur fille tombée amoureuse (et non enceinte, pour le coup) d'un Kurde sunnite. Ça serait une sorte de "protocole" à suivre avant l'apaisement; car ce qui est pathétique dans ce genre d'affaires, c'est que tout le monde sait que ce qui devait se produire, se produira : le triomphe de l'amour. Du coup, les bastonnades font figure de "passage obligé" pour la catharsis. Après, tout rentre dans l'ordre, les traditions sont sauves, la mère et la fille sont bras dessus, bras dessous...

Bref, quand la "séance" a pris fin pour la fille, la mère s'en est prise ensuite à son propre corps; ses deux poings retentissaient sur sa poitrine. Ébouriffée, éruptive, très mal embouchée, la mère battait sa coulpe. Elle reconnaissait ainsi qu'elle avait failli à sa mission : assurer la "pureté". La mère frappait le chaperon, en réalité. Cette extension de son identité, celle que lui a imposée le mâle. Une simple question d'habitus en somme. Il faut bien faire un clin d'œil à Bourdieu à ce moment précis, paix à son âme...

Certes, la mère pouvait avoir des principes et demander à ses enfants de les respecter; pour leur bien, évidemment; aucun doute là-dessus. C'est une mère. Elle pouvait être influencée par son milieu, ses croyances. N'étant pas extraterrestre, je savais bien qu'il ne fallait pas jouer sur cette corde sensible. "Oui mais il faut m'expliquer une chose : la mère désapprouve le geste de sa fille d'accord, mais pourquoi elle la lynche et pis, pourquoi elle se roue elle-même de coups ! Ce n'est pas elle qui a perdu sa virginité ! Au lieu d'apaiser, pourquoi attiser !". Et toc, le réflexe pavlovien : "Ça suffit alors ! Tu débloques à la fin ! Tu es un crypto-païen ou quoi ! On verra quand tu auras une fille !"... La vieille technique ! Heureusement que je ne seraiS jamais père, je suis trop iconoclaste...

L'amande de Nedjma. Un livre de confession d'une musulmane qui avait "mal tourné". La quatrième de couverture annonçait un "cri de colère, de révolte et d'amour". En filigrane, effectivement. C'est que Badra, l'héroïne, racontait crûment et trivialement toutes ses aventures galantes. Je tournais rapidement les pages évidemment, ce qui m'intéressait, c'était l'approche sociologique, n'est-ce pas. La scène étant trop "réaliste" pour l'écrire ici, je ne puis que rapporter les propos de la vieille dame chargée d'examiner on sait tous quoi, afin de certifier on sait également tous quoi : "Félicitations ! a lancé Neggafa à ma mère, venue aux nouvelles. Ta fille est intacte" (p. 37). "Intacte". De tout temps, une obsession : "A Rome, comme à Athènes, la virginité est une valeur de premier ordre qui n'appartient en aucun cas en propre à la jeune fille, mais bien à sa famille et à sa cité. On croyait alors que la femme, à jamais marquée dans son sang par un premier rapport, pouvait transmettre à sa progéniture les particularités de son premier amant" (Gilbert Tordjman, Préface, La 1ère fois ou le roman de la virginité perdue à travers les siècles et les continents, p. 11).

En Orient, l'honneur, comme on le sait, reste toujours une déclinaison de l'identité féminine. La fureur se décuple lorsqu'elle cueille la pomme. Même une Samira Bellil, émancipée s'il en est, tirait de la violation de cette "habitude de pensée", une explication à ses malheurs. "En fait, je pense mériter ce que j'ai subi parce-que je ne suis plus vierge. Chez les musulmans, ne plus être vierge pour une jeune fille est un sacrilège et je sais que mon père pourrait me tuer pour cela" (Dans l'enfer des tournantes, p. 69). "Tuer pour cela". Mon Dieu ! Est-ce donc être iconoclaste que de défendre un "droit individuel au péché" ? De rejeter toutes sortes de chape de plomb ?

Le dérèglement est inéluctable. C'est écrit au ciel. Ce que je sais, c'est qu'il doit exister un païen dans chacun de nous, une "incrédulité instinctive" comme l'écrivait Tocqueville; précisément pour ne pas s'ériger en censeur moral, précisément pour ne pas s'effaroucher des choix des autres, précisément pour se concentrer sur son sort personnel. Une foi qui ne se confronte jamais au péché, n'est pas une foi. C'est une bulle. Elle éclate au contact de la première ronce. Dans l'islam, il n'y a pas d'échafaudage pour les fois mal assurées, il y a l' "irâde", la volition, la résistance intérieure, le fameux "jihâd". Pour pouvoir, le Jour venu, affirmer avec un brin de jactance vite absoute : "j'ai lutté contre les démons, Seigneur, je suis un écorché, j'attends Ta récompense"...

mardi 17 janvier 2012

Du dirigisme moral

Il existe deux sortes de nations, vais-je dire avec une suffisance qui ne manquera pas de faire pâlir tous les grands sociologues. Et les anthropologues, évidemment. La nation anglo-saxonne d'une part et tout ce qui reste d'autre part. On l'aura remarqué, n'est-ce pas, les Anglo-Saxons ont une singulière position dans l'histoire de l'humanité : ils ont colonisé à peu près tout, ils ont pondu une culture globalement jalousée et suivie, ils ont une mentalité apaisée. C'est peut-être pour cela qu'on les envie tous, leur décontraction nous irrite en même temps qu'elle nous fait loucher. L'Ecosse demande son indépendance ? "Ouais, t'inquiète, on organise un référendum bébé, peace and love"...

En contrepoint, nous avons des sociétés sous tension. Des sociétés où la gravité fait partie du jeu politique et du tissu social; l'individu et ses droits sont essentiels mais seconds par rapport aux grandes disputes sur les "principes intangibles". Alors, lorsqu'une minorité demande à discuter sur une éventuelle partition, on lui envoie des principes éternels. Car au fond, ce n'est pas l'idée de l'indépendance qui importe, c'est l'idée de polémiquer. Il est des gens qui ont un besoin effréné d'éristique. C'est la célèbre "summa divisio" : les théoriciens et les pragmatiques.

Un des grands dadas de l'establishment turc est, comme on le sait désormais par coeur, la moralité des citoyens. On s'en souvient, les fonctionnaires d'un bureau de censure avaient refusé de délivrer une autorisation pour un livre qui parlait abondamment de sexe. Motif : les petits qui regardaient pourtant la "pratique" à la télévision, ne devaient pas lire des cochoncetés. "Et s'ils les lisent ?", "oust ! L'Etat veille"... L'Etat. Encore lui et ses règles venues de nulle part (sinon des canons divins) qu'on essaie d'imposer à la société. Allez soyons juste, l'Etat ne veut que le Bien, il lutte contre le Mal, car il est (serait ?) psychologiquement risqué d'éduquer des petits gavés de sexe, de drogue, d'indécence. Soit.

La Turquie n'est pas DEVENUE un pays traditionaliste, elle l'a toujours été. Dans ses ressorts les plus profonds, la société reste conservatrice. Sincèrement ou non, c'est une autre question. En l'apparence, elle l'est, en tout cas. Et quand le RTÜK (CSA turc) commence à dégommer tout ce qui bouge, les kémalistes en profitent pour sursauter. "On se dirige lentement mais sûrement vers un régime sharaïque, oyez oyez !". Ils ont tort, évidemment; comme d'habitude. Car ces offensives moralisantes ne révèlent pas une nouvelle orientation, elles traduisent une réalité des faits qui existe depuis des centaines d'années. Mais comme les kémalistes n'ont jamais rien compris à l'anatolie, le présent devient pour eux un futur hautement probable. Comme une journaliste qui vient tout juste de découvrir qu'il y avait une ségrégation entre les hommes et les femmes dans les bus interrégionaux. Bonjour petite. Ou comme celui qui ne comprend toujours pas pourquoi le gouvernement a supprimé les manifestations festives à l'occasion des fêtes nationales. C'est que, de tout temps, les darons étaient opposés à ces jeux sportifs dans les stades, garçons en rut et filles en mini-jupe main dans la main. Et quand l'occasion s'est présentée, un gouvernement conservateur a tout simplement satisfait les doléances de son électorat...



Et comme il faut bien que les choses paraissent suspectes, le RTÜK s'est mis à sévir contre les scènes "immorales". Un clip par trop sexy en pleine journée ? On décoche un avertissement. Comment peut-on montrer un chanteur s'enlacer torridement avec des filles ? Une série par trop olé olé ? On pousse un cri et on inflige une amende de 400 000 livres. Si bien que j'ai une forte envie de féliciter les sieurs du RTÜK; leurs attendus sont si sérieusement rédigés qu'on n'arrive pas à les plaindre. "Ha ha, j'ai regardé jusqu'au bout, ah ouais ? Que je suis bosseur !". Car ça ne rigole(rait) pas. Par ici : "les figures de danse sont érotiques et obscènes, les filles portent des shorts, des maillots, des jupes-culottes. La scène montre des mouvements sexuels, les garçons et les filles se balancent et adoptent des positions et des regards érotiques". Ouaaah l'analyse et la culture musicale ! Et quand la série s'appelle "MUCK", bah ma foi, les sieurs n'ont pas à ouvrir un dictionnaire d'anglais pour s'en offusquer...

Contrairement à ce que l'on veut faire passer, le RTÜK ne s'ombrage pas de telles scènes, il punit un manque de discernement, une signalétique manquante et une plage horaire inappropriée (les scènes relatives au sexe ne peuvent être montrées qu'à partir de minuit). Ce n'est pas tant son pointillisme qui exaspère, c'est sa mission, la protection de la moralité publique et plus particulièrement de l'enfance et de l'adolescence. En France, ce n'est pas mieux, le CSA avait infligé une amende de 200 000 euros à Skyrock pour avoir diffusé des propos sur la fellation à 21 h (alors que les discussions sexuelles ne sont autorisées qu'à partir de 22h30). Dans la célèbre émission de Difool, qu'on a tous écoutée, n'est-ce pas...

Non non, je rassure, je ne suis pas un libertaire. Protection, il doit y avoir. Certes. Mais seulement par et pour ceux qui le veulent. Autrement dit, l'Etat n'a pas à définir des bornes morales, d'édicter des règlements sur la diffusion de telle ou telle émission. Il doit s'en remettre à la sagesse des parents. Et quand ceux-là sont débordés ou défaillants, eh bien tant pis pour eux et leurs enfants. C'est méchant mais c'est comme ça. Oui, toujours dans mon délire : la sexualité des citoyens n'est pas une affaire de l'Etat. La responsabilité est personnelle. Et pour ceux qui se désoleraient de constater de plus en plus de brebis galeuses, les Anglo-Saxons, encore eux, ont inventé un sentiment qui n'a pas son pareil : le flegme. Chacun est libre, qu'il en assume les travers et en rende des comptes. A qui il veut, à ses parents ou à son Dieu. Mais sûrement pas à l'Etat...

mercredi 4 janvier 2012

Feu !

Et après on nous demande pourquoi le nationalisme serait nocif ? "Bah parce-que", a-t-on envie de commencer. Et on s'arrête net; on le sait, à laver la tête d'un âne, on perd sa lessive. Les nationalistes n'ont aucune habitude réflexive. Malheureusement. Du coup, ils aiment des abstractions. L'Etat par-dessus tout, des bouts de carte, une géographie, une histoire. L'individu ne sert pas spécialement à quelque chose, il doit être en extase et c'est tout. La primauté revient aux idéologies, aux illusions. Les batteurs de pavé sont friands de telles aventures psychotiques, ça donne de la consistance à des existences caves, à l'existence des caves...

On se rappelle encore, du moins je l'espère, que l'Etat a tué 35 civils dans le Kurdistan turc, la semaine dernière. Bavure, bévue, erreur, tout ce qu'on veut. Il n'en reste pas moins que sur un plan objectif, l'Etat a bel et bien "bombardé son propre peuple". Une expression empruntée à la manchette du journal libéral Taraf, la bête noire des cachottiers de toute espèce.


Une de journal certes mais surtout "slogan" du Premier ministre Erdogan en direction de Bachar al-Asad. "L'Etat ne saurait bombarder ses propres citoyens !", avait-il rugi. Véridique. L'Etat ne saurait pilonner "ses" citoyens et dynamiter ainsi le fondement de son existence. Mais théorie que tout cela, en l'espèce, il l'a fait. Sciemment ou non, personne ne le sait. Il n'en demeure pas moins que 35 citoyens, personnes, êtres humains ont perdu la vie. Des contrebandiers. Des gueux. Des jeunes. Et des Kurdes. Le sort s'acharne. Heureusement, les responsables ont pris acte, promis des sanctions et décidé une réparation. Même l'état-major a publié un communiqué de condoléances. Mais. Ce fichu mais...

Tout le monde le sait, tout le monde le pense : les Kurdes sont des citoyens de seconde zone. Il suffit de tendre l'oreille quand une famille kurde emménage dans un immeuble à Istanbul. "Les bruits, les odeurs"... C'est flagrant : 35 citoyens meurent et il n'y a aucune marque de respect à leur mémoire, les réjouissances du nouvel an vont bon train; leurs funérailles sont bouclées en moins de deux, personne ne s'apitoie des jours durant sur leur vie, leurs amours, leurs espérances comme on le ferait pour les militaires turcs tombés au "front". Le nationaliste en chef du pays, Devlet Bahçeli (qui porte bien son prénom, "devlet" signifiant "Etat") va jusqu'à même assassiner la conscience, affirmant que la probabilité même infime (1 %) que ces gens appartinssent au PKK justifiait qu'ils fussent assaillis ! A feu et à sang, une "vérité turque éternelle" ?

Le Kurdistan; une réalité que les Turcs contribuent à bâtir. Par leur indifférence, par leur morgue. N'avait-il pas raison, le président du BDP, quand il releva que cette "discrimination" dans l'amertume avait consacré ipso facto, la création du Kurdistan. Istanbul en fête, Sirnak en larmes. Izmir dans l'ivresse, Diyarbakir en rage. Elle est où cette Nation turque ? Ce désir de vivre ensemble ? Les choses sont claires, en réalité : les Turcs se considèrent toujours comme les seigneurs et ne daignent partager les émotions des "croquants". Comment alors disqualifier rationnellement la proposition de Leyla Zana sur un référendum d'autodétermination des Kurdes quand les Turcs n'ont d'autre argument que celui, technique, froid, de "préservation de l'intégrité territoriale" ? A quoi bon taxer de "séparatiste" celui qu'on s'obstine justement à ne pas considérer comme son égal ? Où est la logique ?

Même Erdogan, pourtant si adroit quand il n'est pas conseillé, en vient à défendre l'Etat, l'Etat parallèle à son gouvernement, les forces obscures qui aiment à défaire ce qu'il a peloté. Lui-même jette un voile sur les défaillances de ses services de renseignement. Un conservateur islamiste qui prône l'injustice au nom des "intérêts supérieurs de l'Etat". Alors que son modèle, le Calife Omar s'effrayait à l'idée de rendre des comptes à Dieu si un loup dévorait un mouton au bord du Tigre : "Kenar-ı Dicle’de bir kurt aşırsa bir koyunu/Gelir de adl-i ilahi sorar Ömer’den onu". Le Tigre, comme par hasard, quel visionnaire...

Puisqu'il faut toujours s'abstenir de ramper dans les phrases pour dire en moins bien ce que les autres ont dit en orfèvre, laissons la parole à Ahmet Altan, rédacteur en chef du journal Taraf, un des rares journalistes turcs à pouvoir rester objectif ET partial, qui critique un Premier ministre larbin, flagorneur, suppôt de l'Etat : "Si tu te mets à diriger pendant dix ans un Etat sans l'avoir au préalable nettoyer de son poison, si tu tournes le dos à ton peuple pour accéder aux plus hautes fonctions, si tu deviens un complice de cet Etat, ce poison finira par couler dans tes veines. Tu seras empoisonné. Tu deviendras un élément corrompu d'un Etat infecté. Et tu commenceras à menacer, à mentir, à éluder, à calomnier. Et quand cet Etat que tu crois diriger bombardera sous tes ordres le peuple, tu défendras l'Etat. Tu ne formuleras même pas d'excuses. Sous ton gouvernement, cet Etat a déchiqueté 35 enfants de ce pays. Soit c'est l'Etat que tu diriges qui t'a tendu un piège soit c'est toi qui les as fait sciemment tuer. C'est lequel ? On a cru que tu avais été piégé mais en préférant défendre ceux qui ont bombardé, cacher la vérité à ton peuple, dénaturer les faits, tu nous as expliqués que tu n'avais pas été trompé. Alors rends-compte des enfants tués. Au lieu de t'agiter pour dire que l'Etat n'a pas bombardé son peuple, dis-nous comment l'Etat a bombardé le peuple. Qui a donné l'ordre de tuer ? Pourquoi ? Tu dis avoir été briefé par ton général de brigade, est-ce qu'il est venu à l'esprit de ton général de brigade de demander à la caserne qui se trouve là-bas s'il y a des contrebandiers dans les parages ? S'il ne l'a pas fait, pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? Pourquoi n'a-t-il pas pris ses dispositions avant le commencement des bombardements ? Tu lui as demandé à ton général de brigade ? Tu étais un homme du peuple quand tu as pris le pouvoir, tu te dressais contre les agissements de l'Etat, tu parlais avec ton peuple, tu lui demandais conseil, tu faisais la lumière sur les crimes de l'Etat, maintenant que tu es devenu un flagorneur de cet Etat, tu ne parles qu'avec tes agents, tes généraux, ton brigadier. (...) Explique-nous pourquoi vous avez tué ces enfants. Pourquoi ne vous êtes vous même pas excusés ? (...) Si ces morts étaient des Turcs, aurais-tu parlé de la sorte ? Tu as parlé comme cela car tu considères le militaire supérieur au civil, le Turc supérieur au Kurde. Honte sur toi, regarde-toi, tu étais le héros du peuple, tu es devenu le jouet de l'Etat. (...) Valait-il la peine de s'humilier ainsi pour accéder au palais présidentiel ? D'absorber le poison de l'Etat ? Tu as vu, toi aussi tu as fini par être empoisonné".

PS : "Devletin içindeki zehri temizlemeden o devleti on yıl boyunca yönetmeye kalkarsan, o devletin en tepesine tırmanabilmek için kendi halkına arkanı döner, devletin yardakçılığına soyunursan, o zehir kaçınılmaz olarak senin damarlarına da akar.
Sen de zehirlenirsin.
Zehirlenmiş bir devletin zehirlenmiş bir parçası haline gelirsin.
O zaman başlarsın tehditlere, yalanlara, saptırmalara, iftiralara.
O yönettiğini sandığın devlet senin emrinde halkını bombalar, sen devlete sahip çıkarsın.
Bir özür bile dilemezsin.
Senin başbakanlığını yaptığın devlet bu ülkenin 35 çocuğunu bombalarla parçaladı.
Ya seni kendi yönetimindeki devlet tuzağa düşürdü...
Ya sen bile bile öldürttün.
Hangisi?
Biz senin “tuzağa düşürüldüğünü” düşünüyorduk ama sen bombacılara sahip çıkarak, gerçekleri halkından saklayarak, olayları saptırarak, “tuzağa düşmediğini” anlattın bize.
O zaman öldürülen çocukların hesabını ver.
“Devlet halkını bombalamadı” diye tepineceğine, devlet halkı nasıl bombaladı onu anlat.
O insanların ölüm emrini kim verdi?
Niye verdi?
“Tugay komutanımla konuştum” diyorsun, tugay komutanın sana “bir dakika başbakanım, sınır karakoluna bir sorayım, orada gerçek kaçakçılar var mı” demedi mi?
Demediyse niye demedi?
Niye bombardıman başlamadan önce durumu kontrol etmedi?
Sordun mu bunu o senin “tugay komutanına”?
Sen milletin bir parçasıydın işbaşına geldiğinde, devletin bu millete yaptıklarına karşı çıkıyordun, gidip milletinle konuşuyor, milletine danışıyordun, devletin suçunu saklamaya çalışmıyor, devletin suçlarını aydınlatmaya, engellemeye uğraşıyordun, şimdi devlet yardakçılığına soyununca sadece istihbaratçınla, generalinle, “komutanınla” konuşuyorsun.
Sorsana o köydeki insanlara o gece neler olduğunu.
Bak BDP Eşbaşkanı Demirtaş sormuş: “Son bir aydır her gün gidiyorlar. Son bir aydır karakol izin vermiş durumda. 50 ve 100’er kişilik gruplar her gün katırlarla gidiyorlar. 28 aralıkta öğlen saatinde devletin karakolunun önünden gidiyorlar. Kaç kişinin gittiğini karakol biliyor. İki yol var, ikisi de karakolun önünden geçiyor. Bunların hepsi tanık anlatımıdır. Alışverişini yapıyorlar, geri geliyorlar. Öğlen geçtikleri iki yol da akşam saatlerine doğru köyün girişinde askerler tarafından kapatılıyor. İlk köylü grubu köye girmek üzereyken onlara kılavuzluk yapan bir kişi ‘Askerler köyü kapatmışlar, bekleyin’ diyor. Askerler mallarına el koyarlar diye bekliyorlar.”
Sana “komutanların” bunları anlatmıyor, değil mi?
Anlatıyorlarsa da sen bize anlatmıyorsun.
Biz senin dün yaptığın konuşmadan Uludere ile ilgili ne öğrendik?
Hiçbir şey.
Bir sürü boş laf.
Manasız bir bağırış çağırış.
Bu devletin zehrini yutan, milletiyle böyle konuşur zaten, korkutmaya çalışır, tehditler yağdırır, iftiralar atar.
Senin “komutanların” bunları daha önce çok yaptı, şimdi onların yerine sen yapıyorsun, yaşadığımız “büyük değişim” bu oldu, gerçek generaller yerine “sivil postuna bürünmüş generaller” çıkıyor artık karşımıza.
Bize, o sınır karakolunun varlığından haberdar olduğu 35 çocuğu nasıl, neden, kimin emriyle öldürttüğünüzü anlatmıyorsun, o akşam sınır karakoluna neden danışmadığınızı anlatmıyorsun, danıştıysanız karakolun size gerçeği niye söylemediğini anlatmıyorsun, yanlış istihbaratın nereden geldiğini anlatmıyorsun, o istihbaratı neden “çek edemediğinizi” anlatmıyorsun, sen bize hiçbir şey anlatmıyorsun bu katliamla ilgili.
Bu çocukları niye öldürdünüz, bize bunu söyle.
Niye bir özür bile dilemediniz?
Bu umursamaz, aldırmaz, devlet yardakçısı hallerinizle bütün bir Kürt halkını da kurban haline getirdiniz, sadece o çocukları bombalayarak değil, o bombardımandan sonraki o korkunç umursamazlığınızla bu ülkeyi hiç kimsenin beceremeyeceği biçimde böldünüz.
Ölenler Türk askeri olsa o kürsüde öyle mi konuşacaktın?
Askeri sivilden, Türk’ü Kürt’ten üstün gördüğün için öyle konuştun, senin gibiler yıllardır öyle gördüğü için zaten bu ülkenin acıları hiç dinmiyor.
Yazık sana, şu düştüğün hale bak, milletin yiğidiydin, devletin oyuncağı oldun.
Bir de kalkmış hiç yüzün kızarmadan bizim gazeteye laf ediyorsun, “bizim gazetenin arkasındakileri, emelleri, amelleri biliyormuşsun”.
Bu gazetenin “arkasındakilerle”, gizli emelleriyle, amelleriyle ilgili ne biliyorsan dürüst bir adam gibi lafı dolaştırmadan açıkla.
Açıklayamazsın çünkü yalan söylüyorsun.
28 Şubat’ın andıççı generalleri gibi iftira atıyor, kendi ahlakından da hepimizi kuşkuya düşürüyorsun.
Değer miydi bir Köşk için bu zillete?
Değer miydi gidip devletin zehrini içmeye?
Bak sen de zehirlendin sonunda".

Toygar Işıklı - Dudaktan Kalbe - Mesafe.wmv