jeudi 22 août 2013

Notule d'un "amicus regis"

Comme notre très européen Giorgio Napolitano, Robert Mugabe a été réélu à près de 90 ans. Pour le premier, c'est l'honneur dû à la sagesse, pour le second, c'est... euh... une longue histoire. Disons que les "pères de la Nation" ont souvent cet insigne privilège de diriger ad vitam aeternam l'appareil d'Etat qu'ils ont contribué à ériger. Le peuple étant théoriquement reconnaissant. Imaginez un Atatürk partir grossièrement après deux mandats. Bouh ! Heureusement qu'il mourut en pleine quinzième année de sa charge à seulement 57 ans. Ça lui valut d'être parti ad patres en odeur de sainteté et non en ex-président battu aux élections. Le pauvre de Gaulle, il en a fait tout un fromage de son obsession démocrate et de son référendum; voilà le résultat, mort dans un village...

Robert, lui, est de cet acabit. Le "bon père de famille". Qui reste coûte que coûte. A la limite, on comprend le désir de durer (surtout à un âge où ça sent le sapin) mais quand on se sait indéboulonnable, pourquoi s'asseoir sur une chaise et truquer sans cesse les élections alors qu'on peut se reposer à volonté sur un trône ? "Allez, ça recommence !". Bah quoi, c'est logique. Une monarchie authentique a plus de valeur qu'une république viciée. Pourquoi jouer la comédie et ne pas installer tout bonnement une monarchie ? L'envie est là, les structures sont là, le consentement est là. Car même l'Africain de base a bien noté que ses dirigeants ont la vilaine tendance à se maintenir à demeure. Pourquoi devenir autocrate alors qu'on peut être monarque, comprends pas...

D'autant que les roitelets de province ne manquent pas dans ce continent. Il existe même un "forum des rois, sultans, princes, cheikhs et chefs coutumiers d'Afrique". Si, si. "Même que" Khadafi s'était proclamé Roi des rois. Admirez-moi ça (pour le seul Nigeria), j'en passe et des meilleurs :

George Osodi








Et il y a Mswati III du Swaziland, Letsie III du Lesotho et Mohammed VI du Maroc. Ces derniers jouent naturellement dans la cour des grands. C'est la mode. Jadis, l'empereur Haïlé Sélassié Ier d'Ethiopie pouvait se targuer d'être le chef d'une des plus vieilles dynasties régnantes. L'empereur Bokassa Ier du Centrafrique faisait plus rire qu'autre chose. "Ouais, c'était n'importe nawak han !". Pourquoi donc ? Quand le noblaillon Bonaparte qui n'avait aucune raison de devenir empereur le devient, ça fait distingué et ses descendants portent fièrement les titres de princes et princesses. Idem pour les Pahlavis. Deux générations suffisent pour devenir respectable. Et une impératrice en exil, c'est toujours chic... Mais quand un gus africain ose la même chose, c'est évidemment une connerie et il ne viendra à l'idée de personne de considérer ses descendants comme "Ses Altesses Impériales"...

Robert, donc. Robert Ier du Zimbabwe. Et les élections d'abord, à quoi ça sert dans les pays africains et arabes ? Comme dirait Céline, "à s'engueuler et puis c'est tout". Le peuple vote nécessairement mal. Même s'il vote bien, la "communauté internationale" s'empresse de penser le contraire. Il fut un temps où les radicaux français refusaient le droit de vote aux femmes car sous influence du curé; même raisonnement pour les peuples arabo-musulmans et les peuples africains, les uns influencés par le Coran, les autres par les intérêts de leur clan. Il faut donc des hommes à poigne, des présidents mal élus mais bien serviles. Des remparts contre le "terrorisme". Car la sûreté de l'Occidental vaut bien plus que la dignité de l'Africain. D'accord. Ah oui, l'Occidental préfère tout de même un président qu'un monarque car même si, in fine, ils se confondent dans les faits, il y a au moins dans le premier cas de figure, des urnes à déplacer et des missions à expédier. Une ambiance, quoi...

Et c'est vulgaire d'élire un chef d'Etat au suffrage universel direct, non ? "Ah le fasciste !". Calme, calme. Une simple conjecture. Même les Roms ont un "roi international". Son décès lui vaut une nécrologie. Il faut des monarques, c'est sûr. La monarchie adoucie les mœurs. Ernest Renan écrivait je ne sais plus où que "la monarchie répond à des besoins profonds de la France. Notre amabilité seule suffit pour faire de nous de mauvais républicains. Les charmantes exagérations de la vieille politesse française, la courtoisie qui nous met aux pieds de ceux avec qui nous sommes en rapport, sont le contraire de cette raideur, de cette âpreté,  de cette sécheresse que donne au démocrate le sentiment perpétuel de son droit. La France n'excelle que dans l'exquis, elle n'aime que le distingué, elle ne sait faire que de l'aristocratique". Voilà un bon exemple d'universalisme des valeurs françaises à exporter d'urgence. Hein Robert ? Et quand on est monarque, il y a toujours quelqu'un qui finit par vous respecter...

dimanche 11 août 2013

"D'ailleurs, tant mieux si la loi n'était pas contente ! on verrait sa gueule" (Zola)

Comme l'univers le sait, la nation turque tient beaucoup à sa fiction historique qu'elle déteste le plus, Muhteşem Yüzyıl. Un peu pour les coucheries (congrues en comparaison à celles des séries Tudors et Spartacus), follement pour les beaux yeux des şeyhzâde (princes) et sultan (princesses) et beaucoup pour l'intrigue. Le "bas peuple" s'en enticha rapidement alors que les pontes de tous bords rectifièrent des données ou pleurèrent d'indignation. Les islamistes qui devraient avoir, comme dirait Stendhal, "une profonde incurie pour tout ce qui est vulgaire" n'en disposèrent pas moins des vues très nettes sur une série que, théoriquement, ils ne regardaient pas...

L'exécration fut si vive qu'on avait même failli croire que la Providence s'en était mêlée. Peindre "librement" la vie de palais devait bien indisposer les illustres morts; et les mânes, djinns, démons et autres sujets invisibles sont des éléments de la croyance. Alors vas-y pour les déclinaisons de la malédiction. Un figurant avait reçu un bloc de marbre sur la tête en marchant tranquillement dans la rue. L'acteur principal s'était cassé la jambe en s'entraînant au maniement de l'épée. Et le plus dramatique, la célébrissime scénariste mourut d'un cancer... 

"C'est tout ?", oh que non : l'actrice principale, Meryem Uzerli, le pivot de la série, la célèbre Roxelane, s'est réfugiée en Allemagne, patrie de sa mère, pour cause de... surmenage ! Sa remplaçante, une des plus belles femmes matures de Turquie, Vahide Gördüm (la mère qui jouait dans Adını Feriha koydum) n'enthousiasme pas les foules pour le moment. Autre tragédie : la sœur du producteur est morte alors qu'elle était enceinte de 6 mois. Même les deux frères réalisateurs ont jeté l'éponge et se sont installés aux Etats-Unis ! Et coup de grâce : le Conseil d'Etat a rejeté le recours du producteur qui contestait la sanction financière infligée par le CSA turc : la série a bel et bien porté atteinte aux "valeurs nationales et morales du peuple turc" et à la "structure familiale turque". Et toc !

Ces fameuses "valeurs". Un expert a "démontré" comment la scène qui montrait le "contrôle de virginité" des jeunes recrues au harem a traumatisé la jeunesse turque, prude, évidemment. Les parents, eux, ont été bouleversés à coup sûr, il ne viendrait à l'idée de personne de vérifier la virginité des filles, ça n'existe pas en Turquie, on ne sait même pas ce que c'est, n'est-ce pas. Le Sieur a également relevé que la scène où les Tatars kidnappent la jeune Roxelane dans une église pour l'envoyer au Palais contrevient à l'idée qu'on se fait du Turc, un guerrier certes mais respectueux "des lieux de culte". Ainsi, le Turc est dépeint comme un "barbare", oh là là... Et d'autres billevesées qui n'ont aucune qualification juridique comme la représentation erronée du harem ou la vêture des femmes qui ne correspondrait pas à la mode de l'époque. Comme si l'inexactitude historique est un moyen de droit pour sanctionner une fiction...

Voilà pour les grands principes de la justice. Le producteur paiera son amende et en gagnera 20 fois plus. C'est que les pays arabes, les pays des Balkans, les pays de l'Est en raffolent. Ores, un topo sur les "violateurs de la morale turque" qui les font et feront précisément fantasmer :

Gürbey Ileri est partant, le prince Mehmet étant décédé : 

ŞEHZADE MEHMET TWITTER'I SALLADI


Burak özçivit est également partant, son personnage, l'officier du Sultan Bali Bey, regagnant ses pénates dans les Balkans :



Pelin Karahan, alias la princesse Mihrimah, et Ozan Güven, son époux Rüstem Pacha, restent; ils auront un rôle prépondérant aux côtés de l'Empereur  :



Et que dire du sang neuf pour la nouvelle saison :

Le rôle du prince Selim dit le Blond ne revient pas à Kıvanç Tatlıtuğ comme tout le monde le désirait mais à Engin Öztürk, un des violeurs de Fatmagül dans la série Fatmagül'ün suçu ne ? :



Son frère avec qui il adore se chamailler, le prince Bayazit, sera Aras Bulut Iynemli (il jouait dans l'autre série-culte Öyle bir geçer zaman ki)

 Aras Bulut İynemli


Le rôle du prince bossu Cihangir revient à l'étoile montante Tolga Sarıtaş :



Merve Boluğur campera le rôle de la Vénitienne ou la juive Nurbanu, épouse de Selim (elle jouait dans Kuzey Güney avec Kıvanç Tatlıtuğ) :



"Dis-donc, c'est un pays de cocagne chez eux ?", bah oui. D'où la turcomanie, coco; le soft power. L'autorité judiciaire est contre. Le pouvoir exécutif est contre. Le pouvoir législatif est contre. Mais les audiences explosent. Même les diplomates bon chic bon genre sont obligés de suivre les séries, histoire de glisser un mot en claquant la bise. Ça aura de la gueule, assurément, de "belles gueules". Messieurs les censeurs, bonsoir...

jeudi 1 août 2013

Tours et retours

"Retournez dans votre pays !". Dixit celui qui avait torgnolé trois musulmanes à Orléans. Paf, 6 mois ferme... Il va réfléchir, en prison, le Sieur. Et le tribunal a enjoint une obligation de soins. Les psychiatres avaient dit qu'il n'était pas malade, pourtant. Tant pis. On lui fournira des soins. On le mettra avec les alcooliques et les violeurs. Une thérapie de groupe, par exemple, devrait faire l'affaire. Quand son tour viendra, il se lèvera et dira : "j'ai frappé des musulmanes; je ne comprends pas ce qu'elles font en France, elles ne servent à rien !", "avez-vous des remords ?", "non, au contraire, elles m'ont envoyé en prison !", "oui mais ce n'est pas bien de molester les autres hein !", "ta gueule, toi, pouffiasse ! Qu'est-ce tu connais..."

Non non, il faut être optimiste. Il effacera au bout de 6 mois ses réflexions de 39 ans d'existence. Et il est au chômage, le pauvre; il ne fait que mâcher une humiliation. On réécrit le scénario : "avez-vous des remords ?", "oh que oui, mon voisin de cellule était un barbu, je reconnais que j'étais dans l'erreur", "donc vous dites qu'en vous frottant à un musulman, vous avez recouvré un bon jugement ?", "non, madame, je ne me suis pas frotté à un homme, que Dieu tout Puissant m'en préserve !", "pardon !", "c'est comme un éblouissement, la foi m'a sauvé", "!!!", "oui oui, maintenant je vais buter les non voilées"... Un destin à la Arnoud Van Doorn, ça aurait de la gueule. Han han han...

Les prisons françaises, que veux-tu. Soit on se fait homo soit on se fait mollah. Jadis, quand j'étais petit, le coq du quartier avait dévalisé une boutique et blessé des personnes. Bel homme, il avait une "chambre" spéciale dans la cave; le pouce dans la bouche, on comptait les filles entrant cosmétiquées et sortant ébouriffées. Idem à la piscine; lorsque la cabine comptait quatre pieds enlacés, les blancs-becs tournaient autour. Époque où il n'y avait ni Internet ni portable; on s'ennuyait comme on pouvait... Et bien cet Apollon qui n'avait ni foi ni loi avait écopé de 20 ans de prison. A sa sortie, on le vit souillé de poils. Sa beauté n'avait pas perdu une miette. Mais il fut dit qu'il trimbalait à ses côtés une ombre noire; les mauvaises langues prétendirent que c'était son épouse...

Il aurait été tentant d'écrire un bouquin du genre Réflexion sur la question musulmane. Et de reprendre la thèse du père Sartre sur l'antisémitisme; la musulmanophobie est une passion chers amis, circulez, il n'y a rien à voir. Oui mais si seuls les insensés sont "phobiques", c'est qu'on est mal barrés, révérence parler. Car dans ce cas-là, le monde en grouille. La conception anglo-saxonne en fait une "opinion" pour mieux la combattre; la nôtre en fait une "passion" pour mieux la... la quoi ? Traiter ? En mobilisant psychiatres et thérapies ? Pff. Pourquoi ne pas laisser les gens oraliser des horreurs pour mieux déconstruire l'argumentaire qui est nécessairement bancal ? Pourquoi laisser fermenter des idées pernicieuses qui finissent par fouetter des passants

"Oulala, c'est trop sérieux tout ça, si t'es pas content, tu... euh, je veux dire, voilà quoi !". Comme me l'avez susurré un ami, "les musulmans n'ont pas l'équivalent de l'aliyah ?", "Bah si, c'est l"hégire, l'émigration au nom de la foi. Mais même les plus coincés n'y pensent pas". C'est sans doute "navrant" de le constater mais les musulmans-fils d'immigrés sont des Français. Fran-çais. Alors "retournez dans votre pays", "il doit faire beau chez vous" et autres platitudes ne sont que vaines articulations. Qui n'entend qu'une cloche n'entend qu'un son. Deux prières de plus pour la République, ça ne fait de mal à personne...