Une comédie. La semaine dernière, le Premier ministre turc, l'islamo-terroristo-chariatiste comme on le sait, avait pourtant avoué : "en tant que parti conservateur, nous souhaitons voir grandir des générations pieuses, c'est notre droit". Et cinq jours plus tard, 75 ans jour pour jour après l'adoption de la laïcité, le même islamo-terroristo-ahmadinejado-chariatiste publie une ode à la laïcité : "La laïcité rassemble, ne clive pas; la laïcité libère, n'opprime pas; la laïcité tolère, n'harmonise pas". Une pensée antinomique, s'il en est. Mais tout à fait ordinaire puisque "les" Erdogan n'ont pas l'heur de se synchroniser souvent. Le vrai, celui qui est grand et moustachu, aime "parler au courant de sa propre plume". Les autres, les scribes officiels, s'occupent d'arrondir les angles, de pondre de la phraséologie. Du coup, la "génération pieuse" est une improvisation erdoganienne et la "positivité de la laïcité" est une formule d'usage ministérielle. Et tant pis s'il y a comme une odeur d'insincérité. Merci quand même...
Il faut lui reconnaître un mérite à ce Monsieur. C'est un orfèvre hors pair. Il possède un véritable sens politique. L'affaire est simple : les élèves des "lycées d'imams et de prédicateurs" sont soumis à un coefficient pénalisant au concours d'entrée à la fac. S'ils ne choisissent pas le département de théologie, on leur retranche automatiquement des points; de peur qu'ils colonisent d'autres branches prestigieuses du type droit et sciences politiques et qu'ils envahissent, un jour, que Dieu Tout-Puissant nous en garde, la Haute administration. Évidemment, l'AKP essaie chaque année de supprimer ce coefficient. Le Conseil d'Etat rebuffe à chaque fois. En développant une jurisprudence qui fait rougir tout étudiant de première année. Eh bien, puisque la tradition l'exige, le gouvernement et son bras administratif, le YÖK (le Conseil de l'enseignement supérieur) ont retenté cette année de faire sauter le verrou. Évidemment, un parti de gauche, épris de justice et d'égalité n'est-ce pas, aurait applaudi et félicité en personne le gouvernement et son YÖK. Pour avoir, précisément, mis fin à la rupture d'égalité manifeste. "Aurait". Sauf que...
Le CHP, ce fameux parti de gauche qui "aurait dû" etc., n'a malheureusement pas failli à sa coutume; déranger le Conseil d'Etat. Et quand vous saisissez la énième fois la haute juridiction, eh ben le peuple ne comprend pas. Car sans être un adepte de la liberté et de l'égalité, ce peuple est plutôt conservateur. Et du coup, vous tendez la perche à un Premier ministre qui, hasard de chez hasard, est de la même trempe : "Mais qu'est-ce que vous avez contre les dévots ? Pourquoi ça vous gêne tant l'existence de ces lycées ? Nous, nous voulons des générations pieuses ! Vous, vous voulez des générations d'athées ?".
Et boum ! Car comme le disait Molière, "vous tournez les choses d'une manière, qu'il semble que vous avez raison; et cependant, il est vrai que vous ne l'avez pas". Car si ce propos n'est pas directement contraire à la laïcité (puisque simple parole), il est tout bonnement stigmatisant. Un Etat n'a pas à définir le calibre religieux des citoyens. Quoi alors ! Est-il dangereux d'être athée dans une société démocratique ? D'être un musulman non pratiquant ? D'être un non-musulman ? Quelle est cette drôle d'idée qui permet à l'Etat de décréter "le" chemin à suivre ? Et qui est cette personne qui se permet de penser ainsi ? A-t-on déjà vu un serviteur imposer ses vues à ses maîtres ? La classe politique turque a tellement peur de se mettre à dos le "peuple profond" qu'il n'est venu à l'idée de personne de poser ces simples questions ! Même pas au CHP qui ne voulait surtout pas passer pour le défenseur des athées ! Le chef du groupe parlementaire de ce parti s'est même armé d'un verset du Coran pour critiquer l'hypocrisie du gouvernement ! Il faut sans doute rappeler qu'Atatürk en personne, dans sa phase opportuniste des années 1920, avait appelé de ses voeux, "un peuple plus dévot"...
Et comme si le contraire de "pieux" était "athée". Comme si les élèves de ces lycées étaient pieux. Car sans vouloir être méchant, j'ai parfois des doutes sur les capacités "professionnelles" des imams qui sortent diplômés de ces écoles. Ces derniers forment le bas clergé dans la théoriquement-inexistante-hiérarchie-cléricale-islamique. Du type catégorie B, niveau Bac (les muftis doivent obtenir, eux, une licence). Et ils y entrent tous, presque tous, par la force de leurs parents. Et ce qui se passe dans les dortoirs des séminaires d'apprentissage du Coran, hum hum...
L'école publique fait depuis des décennies, la "propagande" de Mustafa Kemal Atatürk. On apprend ses principes, on lit sa version de l'histoire, on disserte sur ses exploits, on prête le serment de se sacrifier pour la patrie, on récite son "adresse à la jeunesse". Moi-même, j'avais eu l"honneur" de la lire devant tout le monde un jour de fête nationale. La rançon de l'intelligence, que voulez-vous... Malgré ces grands moyens, le parti de celui-ci, le CHP, n'a jamais percé lors des élections. Est-ce à dire que le peuple ne l'apprécie pas ? Un sentier risqué, je ne m'y aventure pas... En tout cas, si l'AKP réforme cette école publique infestée d'idéologie kémaliste pour, in fine, y substituer la sienne, on est "mal barré". Un gouvernement démocratique abolit les entraves qui empêchent les parents d'éduquer leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses, il ne se met pas à "produire" lui-même des cerveaux orientés. Car on appelle les pays qui ont des "Jeunesses", des pays totali... voilà, tout compris.
Et si c'est un argument plus massif qu'il faut apporter, on se contentera, précisément, de citer le Livre de ces "plus pieux" : "Rappelle-toi que ton rôle se limite à transmettre le Message" (Coran 3; 20), "Et si ton Seigneur l'avait voulu, tous les hommes peuplant la Terre auraient, sans exception, embrassé Sa foi ! Est-ce à toi de contraindre les hommes à devenir croyants" (10; 99); "Prophète ! Tu ne peux remettre dans le droit chemin un être que tu aimes. Mais seul Dieu dirige qui Il veut, car Il est le mieux à même de connaître ceux qui sont les bien-guidés" (28; 56). Allah qui "recadre" son Prophète un peu trop zélateur; et vous, vous disiez donc ?