"Ça fait vraiment drôle !". Effectivement. Nous regardons le nouvel épisode qui traite précisément de la mort. La série "Muhtesem Yüzyil". Celle qui raconte la vie du Sultan Soliman le Magnifique. "Ça fait vraiment drôle !". Oui; c'est que la scénariste a prévu une scène où le Sultan va et vient, et nous avec, car les intrigues vont bon train entre-temps et notre fureur s'arrête sur l'ourdisseuse Mahidevran, mère du prince héritier. Mais c'est que, surtout, cette même scénariste a rendu l'âme deux jours avant la diffusion...
Meral Okay. Un chêne, s'il en était. Il est des gens dont le caractère s'enchâsse avec harmonie dans l'expression du corps. Sa série avait gonflé la haine de certains, comment pouvait-elle montrer un Sultan en train de faire "l'acte" ! Comment une gauchiste païenne pouvait scénariser la vie d'un Sultan-Calife ! Comment pouvait-elle concevoir un harem qui ressemblait plus à un lupanar qu'à une domus ! Comment et comment ! "Bah comme ça !", avait-elle répondu. La frange conservatrice refusait de jeter un coup d'oeil de peur de voir des scènes par trop connues; des lits froissés, des embrassades, des minauderies. Eh quoi encore, cela existait ?
Membre d'une dynastie de juges religieux, elle fut. De souche tcherkesse. Et fille d'officier. Et une comédienne de talent, une immense scénariste et parolière. Des millions lui savent gré de les avoir distraits, de les avoir éloignés des soucis quotidiens. Sa chanson "Adi bende sakli" ne nous a-t-elle pas tous chavirés en son temps ? S'il y a bien trois séries modernes qui ont marqué les Turcs, ce sont Ikinci Bahar, Aşk-ı memnu et Muhteşem Yüzyıl, soit deux sur trois qui sont sortis de son cerveau.
La raideur qui étrique l'esprit, le rend inculte, l'abrutit, pis l'anesthésie. Sinon, comment appréhender cette manchette lancée par un journal soi-disant islamiste et qui exhale tout sauf l'humanité, "Cette femme est morte, elle a partagé le même sort que son mari" ! Qui était mort d'un cancer. A ce point d'ignominie, on ne sait plus où mettre nos mains; des "islamistes" écrivent cela et nous assomment tous en se demandant si son corps "va aller à la mosquée ou au four ?". Puisqu'elle avait voulu l'incinération (un choix qui, dit en passant, n'a pas été respecté). Alors qu'un musulman ne saurait ricaner ou maudire lorsqu'une âme s'en va rejoindre le Juge unique. Que Dieu l'absolve ! aurait suffi...
Membre d'une dynastie de juges religieux, elle fut. De souche tcherkesse. Et fille d'officier. Et une comédienne de talent, une immense scénariste et parolière. Des millions lui savent gré de les avoir distraits, de les avoir éloignés des soucis quotidiens. Sa chanson "Adi bende sakli" ne nous a-t-elle pas tous chavirés en son temps ? S'il y a bien trois séries modernes qui ont marqué les Turcs, ce sont Ikinci Bahar, Aşk-ı memnu et Muhteşem Yüzyıl, soit deux sur trois qui sont sortis de son cerveau.
Son audace a pu indisposer la famille ottomane elle-même qui voulait plus un panégyrique. Mais elle avait réussi à écrire un scénario qui ne fût pas fade, où il y avait une intrigue qui tînt en haleine d'épisode en épisode. Qui a regardé la nouvelle série produite par la chaîne publique TRT et portant sur l'histoire d'un autre Sultan ou le film Fetih sur la prise de Constantinople a rapidement su faire la différence : les productions qui encensent les exploits ou atténuent les travers n'accrochent pas; car elle avait saisi une chose que les "politiquement corrects" refusent d'accepter : les Turcs savent apprécier l'amour et la diffusion des relations sentimentales. Fût-ce l'alcôve d'un Empereur.
Elle a révélé à tout un peuple que les Sultans aimaient, séduisaient, savouraient. S'il y a diffamation, elle aura à en rendre compte quelque part là-bas. Entre-temps, nous tâcherons de louer ce pari iconoclaste : le Pâdichah jouissait et son entourage intriguait. De la nature humaine classique, en somme. Un peu trop sans doute pour les Ottomans qui préféraient moins d'effusion galante, pour les conservateurs et nationalistes qui espéraient plus d'allusions politico-religieuses et pour les kémalistes eux-mêmes qui déploraient cette représentation trop séculière. Elle n'avait vraiment pas de chance, elle disait "art", le chœur répondait "idéologie"...
Elle a révélé à tout un peuple que les Sultans aimaient, séduisaient, savouraient. S'il y a diffamation, elle aura à en rendre compte quelque part là-bas. Entre-temps, nous tâcherons de louer ce pari iconoclaste : le Pâdichah jouissait et son entourage intriguait. De la nature humaine classique, en somme. Un peu trop sans doute pour les Ottomans qui préféraient moins d'effusion galante, pour les conservateurs et nationalistes qui espéraient plus d'allusions politico-religieuses et pour les kémalistes eux-mêmes qui déploraient cette représentation trop séculière. Elle n'avait vraiment pas de chance, elle disait "art", le chœur répondait "idéologie"...