Un petit moment de déprime (la rédaction du mémoire m'étouffe) m'a poussé à "essayer" de comprendre la philosophie bouddhiste. A peine ai-je trouvé un bouquin sur la "Sagesse du bouddhisme tibétain" (de sa Sainteté) que mon frère m'a glissé une brochure sur "Rûmî et le Chemin soufi de l'Amour". Belle coïncidence. Courte épopée, malheureusement, l'autre "bouquin", le mien, me regardait avidement dans les yeux. Pourrais-je supporter la thèse ? Je me pose des questions.
Ces questions, je ne pouvais pas me les poser auparavant; plan d'avenir tiré au cordeau, nature bilieuse, ambition à couper au couteau, préparation studieuse à un hypothétique grand poste, etc. ; bref, creuser sa fosse avec sa tête. Le mysticisme était loin de moi, ça me la coupe.
Voilà donc deux orfèvres en la matière. Comment rester insensible quand Bouddha et Rûmî vous font aigle ? Le but est simple: obtenir la paix intérieure. Comment ? En éliminant la souffrance. Qui dit mieux ! En réalité, le but est presque subversif: faire peau neuve, donner un coup de peigne à l'âme. Le bouddhisme est un soufisme sans dieu; une "philosophie" orientée vers l'humanité d'où le rôle majeur de la compassion, "l'étreinte universelle" chez Rûmî.
Les deux parlent de la "libération", parvenir à l'Eveil pour l'un (le très fameux "nirvana"), devenir Insan-i Kâmil (l'homme parfait) pour l'autre.
Le bouddhisme vise à éliminer les "perceptions erronées" de la réalité (ce que le Dalaï-Lama appelle "la souffrance omniprésente") pour écarter, in fine, les "émotions perturbatrices". En gros, comme on a du mal à percevoir la nature profonde de la réalité du fait de nos préjugés, on tombe dans la colère, le désir, la haine, etc. Solution: le nirvana c'est-à-dire la connaissance; une sorte de jetée dans le gouffre pour tenter de "prendre conscience de l'absence de fondement total de nos points de vue erronés" qui passe par la compréhension de la "vacuité", de la "nature illusoire de la réalité". Tout est affaire de perception sujective puisque rien n'est doté d'une existence intrinsèque, c'est "l'absence de soi". Bref, méditation, entraînement et transformation mentale.
Le mevlevisme (ou soufisme) prône la libération à travers la rencontre avec Dieu : "depuis le jour où tu arrivas dans ce monde de l'existence, une échelle a été placée devant toi afin que tu puisses t'échapper". Comme dans le bouddhisme, la souffrance ne peut être surmontée que par la connaissance; il s'agit de la connaissance de Dieu. Entretemps, il pratique le "sema", le tournoiement accompagné du "ney", la flûte en roseau, le soupir de l'amour. Derechef, méditation, entraînement et purification.
J'avoue que lire à la source vous transporte; le hic, c'est la descente. La réalité est si morne. Je l'ai toujours pensé, la vie est dans les livres, je tire mon chapeau aux Eveillés, le chemin des écoliers, c'est connu, c'est le chemin le plus long.
Bout de chemin avec, chemin de boue sans, il n'y a pas photo. Il faut chiader, "les humains sont des créatures dotées d'ailes d'anges attachées à la queue d'un âne", dixit Mevlâna.