Tout le monde se pose la question. Ca trotte. Est-ce que je suis sur écoutes ? Les écoutes ont le vent en poupe en Turquie. La plainte initiale a pour auteur Önder Sav; oui, celui qui avait eu "l'audace" de blaguer sur le Prophète. Le tombeur du fameux tabou. Il papotait tranquillement avec un Préfet, de choses et d'autres. L'entretien fut publié intégralement dans Vakit, le journal "chariatiste". Deniz Baykal, en bon berger, dénonça immédiatement le système d'écoutes mis en place par le Gouvernement. Et après, ce fut l'emballement.
Les "victimes" se bousculent; certains en profitent pour fantasmer: je crois que je suis également écouté. On lui demande sa profession: professeur à la faculté de théologie. C'est vrai que le gouvernement a mille raisons pour écouter un théologien...
Mitterrand, jadis, n'avait pas trouvé mieux à dire que : "il n'y a pas un système d'écoutes à l'Elysée. D'ailleurs je ne sais pas comment ça marche". Comme si c'était lui, en personne, qui appuyait sur les boutons. Je l'aime toujours. Le Premier Ministre a, en bonne conscience, proposé de mettre en place une commission parlementaire chargée de faire la lumière. Non, lui a rétorqué le CHP; sans explication rationnelle. Et après on nous demande de critiquer le Gouvernement...
Autre incartade: les propos du Ministre turc des Affaires étrangères, Ali Babacan; sa faute: avoir dit devant la Commission des affaires étrangères du Parlement européen que les Musulmans avaient également des soucis pour vivre leur foi en Turquie. Les Turcs sont nationalistes; ils détestent déballer leurs linges sales devant les autres. Mais ne renient pas que ces linges sont sales.
La liberté religieuse est en panne pour tout le monde en Turquie. Voilà le résumé de ses propos. Drôle de laïcité. Mais comment ! rugissent certains. Qui empêche un Musulman d'aller à la mosquée ? d'aller à La Mecque ? de lire le Coran ? de jeûner ? etc. C'est vrai. Les Musulmans turcs sont bien lotis. La Turquie aurait donc besogne faite. Pas si vite; Babacan n'a pas totalement tort. D'ailleurs, les Etats-Unis nous le rappellent chaque année dans leur rapport sur la liberté religieuse. Les "indignés" sont libres de les consulter. Approche objective, approche subjective dans le même sens.
Babacan a seulement exposé la situation; d'ailleurs, les ambassadeurs des différents Etats ont dû déjà "briefer" leurs chancelleries. Certains Turcs ignoraient la réalité sans doute; à l'extérieur tout le monde est au courant. L'affaire du foulard, l'interdiction de s'inscrire aux écoles coraniques avant douze ans, la situation des Alévis. Chimère ?
Les mêmes avaient critiqué Mme Gül, la Première Dame turque, d'avoir saisi la Cour européenne d'une requête de violation de sa liberté de religion (encore une fois, histoire du voile à l'université). Comment la femme d'un responsable politique peut-elle se plaindre à des étrangers ? Je suis très fatigué, je renvoie au droit international des droits de l'Homme, cette belle branche qui nous apprend qu'en matière de droits de l'Homme, il n'y a pas de juridiction "étrangère"; on appelle cela la "protection internationale des droits del'Homme". Comme une insulte...
Bref, je voulais, pour être franc, faire plaisir à une connaissance qui me reprochait d'être bienveillant à l'égard du Gouvernement de l'AKP. J'ai au moins tenté. Il faut dire qu'il ne prête pas souvent le flanc. C'est sans doute un fil à la patte. Faire flèche de tout bois n'est pas mon sport favori. J'ai au moins le mérite de l'avouer.