Voilà du concret. Le Président Sarkozy recueille le fruit le plus illustre de son impatience, sa volonté, son tempérament "irritant": la libération d'Ingrid Betancourt. Bien sûr, sa libération n'est pas directement liée à l'action de notre cher Président, héros presque international. Sa bougeotte a joué un grand rôle. Un nouveau Saint dans le calendrier.
Bien sûr, "Ségo", toute fielleuse, ne l'entend pas de cette oreille: "n'importe quoi, il n'a joué aucun rôle, il n'y est pour rien, c'est Uribe, la faiblesse des FARC, sans doute les Etats-Unis qui ont permis ce résultat". Certes. Au-delà de cette analyse militaire que le gus ordinaire n'est pas censé s'approprier, il aurait fallu sans doute au moins remercier le Président de la République française pour son opiniâtreté et sa volonté de faire avancer ce dossier.
Pas de "récupération politique" crie-t-elle; personne ne lui demande pourquoi. Ce n'est pas un lapin qui a été libéré, mais une femme d'importance, de caractère, appelée à jouer un rôle sans doute majeur dans la vie politique de son premier pays. Lorsqu'il y a une crise économique mondiale, c'est bien à lui que l'on demande des comptes: "bah alors, la croissance, le chômage, les prix élevés, le prix du pétrole, agis un peu, mon vieux !". Euh, rien à faire, c'est "exogène".
La jalousie, un vrai fléau. Une politicienne qui manque de "dignité" a rétorqué François Fillon; un peu vrai. Le propos a sans doute une part de vérité, mais le cérébral doit savoir s'éclipser momentanément dans les instants de cette nature. Ca sonne rabat-joie. On reprochait à Jospin d'être toujours sérieux; pas trop comme nous, un bosseur acharné qui serait un bon fonctionnaire mais un mauvais dirigeant. Le peuple s'est déjà exprimé, il n'est pas utile de s'acharner. Ségo a "perdu une occasion de se taire" aurait dit le "sympa"; la tendresse n'est que vertu.
Les socialistes sont comme ça; pourtant leur héritage devrait remplir les gens pleins de joie; Mitterrand, face à la photo du visage radieux de Léon Blum sur son lit de mort, aurait déclaré: "la conquête d'un pareil visage est la signification du socialisme". Ses épigones nous agacent.
A l'heure où l'on fait fête à la Miraculée, il eût été plus séant qu'elle se rongeât les poings; s'associer à la "liesse" des gens aurait été sans doute plus appropriée sinon subtile; mais il ne faut pas prononcer ce mot: la "récupération politique" n'est pas sa tasse de thé. Alors que le Premier s'entête à ne pas dormir sur ses lauriers et se met en branle pour libérer le soldat Gilad Shalit, la Madone flétrit ses lauriers. Qu'elle récupère également, ce qu'elle veut, comme elle veut mais qu'elle le fasse pour son avenir politique; elle serait bien obligée de reculer car elle le sait autant que les autres: la politique, c'est l'art de manger à tous les râteliers. Pas besoin de jouer la Vierge effarouchée, la Madone, c'était une image électorale, c'est terminé, il est temps de reprendre les exigences de l'état politique.
Le peuple convient que tous les politiques sont des hypocrites, malheur à celui qui tente de prouver le contraire... Les indignations d'un autre temps ne séduisent plus.