Le pèlerinage du Pape s'est ainsi terminé. Il est francophone et francophile, nous dit-on. Il est intellectuel, aride, sobre, timide, un bon théologien. Son Prédécesseur était plus "people", plus christique, aimant la foule et ses mouvements. Lui, droit sur ses bottes, prône un christianisme "conservateur". Il reprend volontiers l'antienne de Jean-Paul II, la thématique de la "civilisation de la mort".
Il m'a toujours semblé bizarre d'attendre d'une religion révélée une quelconque modernisation. Les sources de la Vérité sont taries, peu importe : "vas-y, balance, t'as le droit, Toi, T'es le Pape, change le dogme !". "Que désires-tu ?", "Des prêtresses et des prêtres homosexuels et moins de chasteté et moins de latin, on comprend rien...". Ca fait longtemps que l'aspect eschatologique ne séduit plus (ce que Arendt appelle "le seul élément politique de la religion traditionnelle, la peur de l'enfer"); on veut de la thérapie. On rappelle constamment au Souverain Pontife d'actualiser sa "fatwa" sur les moyens de contraception.
On lui demande de créer une nouvelle "lecture"; "allez va, on est habitué, c'est bien les hommes qui ont érigé cette religion, ne fais pas le puceau !". Saint Paul et les conciles, les conciles et toute la paperasse publiée de temps en temps. L'histoire de la Papauté, une véritable aventure. Comme quoi on sait interpréter quand il faut. Du type "clairvoyant pour découvrir et prudent pour couvrir" (Umberto Eco). Régis Debray, naturellement, le dit mieux : "Ce n'est pas le Christ qui a produit le christianisme, c'est le christianisme qui a produit le Christ". Personnellement, j'aurais opté pour l'arianisme si j'étais Chrétien, la Trinité, comprends pas trop : "un Dieu seulement pensé et élaboré par l’esprit humain n’est pas le vrai Dieu. Si Lui ne se montre pas, quoi que nous fassions, nous ne parvenons pas pleinement jusqu’à Lui. La nouveauté de l’annonce chrétienne c’est la possibilité de dire maintenant à tous les peuples : Il s’est montré, Lui personnellement. Et à présent, le chemin qui mène à Lui est ouvert. La nouveauté de l’annonce chrétienne réside en un fait : Dieu s’est révélé" dixit Benoît XVI aux intellectuels.
"Ca remugle tout ça, les fondamentaux sont intangibles d'accord mais ceux créés par l'Homme et vendus comme venant tout droit du Ciel, on peut les modifier nan ?", "Renégat, n'bronche pas ! Rendez Gloire à Dieu en toute circonstance", "allez, allez, il nous donne la leçon, il se déplace, lui, entre-temps, dans des carrosses qui font rougir le Christ", "tais-toi, misérable, tu te crois qui pour nous lancer des invites comme ça ? Son premier moutardier ? T'occupe pas de la calotte du pape". Sa Sainteté, en pantoufles, n'a même pas écho de ces jacasseries. Il prie, lui. Pour nous tous, d'ailleurs. S'il y a bien deux hommes qui sont les plus universels, ce sont le Président des Etats-Unis et le Pape. Des Personae communes. Et d'ailleurs, les deux ont le même destin : ils sont seuls dans leur stratégie. Ils ont une mission.
Allez, sois beau et tais-toi. L'Eglise ne tient personne en laisse, elle donne le la. Une différence qui a du mal à se creuser un sillon dans la cervelle de certains : au lieu de supplier les religieux de renégocier avec Dieu et d'obtenir une suppression de certains péchés, il faut, peut-être, s'interroger : essayons d'être apostolique : "niye bu telaş ?", "pourquoi cette inquiétude ?", "why this worry ?", "warum diese besorgnis ?"