Il est des principes qui sont universellement reconnus et qui apparaissent, instinctivement, frappés au coin du bon sens; par exemple celui qui rejette catégoriquement la discussion avec les terroristes. Un terroriste. Le mot est froid, la prononciation même trahit un effroi. Comme celle de Maurras. On sent qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Il faut savoir humer les mots. Sans remplir, on ne déverse pas.
On apprend que Hamid Karzaï, tout penaud, essaie de prendre langue avec les Talibans. "Calme Hamid, calme" lui disent les Etats-Uniens; peu importe, il veut montrer qui est le Chef. Les élections présidentielles sont d'ailleurs prévues dans quelques mois, ça tombe bien. Il est temps d'entrer en campagne. "Dans un pays comme l'Afghanistan ?", "Mais bien sûr, les Occidentaux ont au moins établi la démocratie, il faut séduire les tribus". Les Afghans, qui sont, bien évidemment, des citoyens comme les autres, veulent un changement; alors on voit Karzaï sermonner les Alliés : "doucement, voyons, ne faites ce que faisaient vos prédécesseurs, n'allez pas bombarder les civils non plus; doucement. On ne sait plus qui est qui". Pour la frime. Il s'est vité calmé. "Tu veux qu'on parte ?", "bah quand j'y pense, il faut redoubler d'efforts, hein, qu'est-ce t'en penses ?"...
Une respectable coutume en train de se briser : "comment ose-tu te fricasser le museau avec cette engeance !", "C'est le seul moyen de ramener le calme", "mais qui te parle de calme, on veut restaurer le chaos". Lapsus nous disent les conseillers. Bush n'a jamais maîtrisé l'anglais se désolent les responsables. Bon, bon. Le tri aurait commencé : "alors, ce barbu, il nous fait la guerre pour quoi ? Par idéologie, pour de l'oseille ou pour le marché de la drogue ?". L'on veut débaucher les plus "modérés", ceux qui ne luttent que pour des raisons matérielles. On leur remplit les poches et ils changent de camp. On recrute les caméléons, en somme. Joli départ, belle stratégie... On va aller loin avec ces fourbes. Les Turcs disent : "Emanet eşşeğe binen, çabuk iner", "celui qui monte un âne prêté, descend vite".
Jadis, Arafat était un terroriste; assumé en plus : "la lutte armée est la seule voie". Après, on l'a vu à l'Assemblée générale de l'Onu; et à Oslo, sa main "pleine de sang" dirigée vers celle de Rabin; on connaît la suite : le Nobel de la paix... Kadhafi s'était également "repenti", quand, comment, personne ne le sait mais c'est comme ça. Alors, une des premières accolades était venue de la France...
En Turquie, le Premier ministre refuse de serrer la main aux députés du DTP, vitrine politique du PKK; celui-là même qui avait accueilli sur le sol turc les "terroristes" du Hamas palestinien en 2006. La lassitude du peuple dans la lutte contre le PKK le pousse à discuter avec Barzani, épouvantail jusqu'alors. Une autre épine est ôtée. Et certains affirment clairement qu'il est impossible d'établir la sérénité sans Abdullah Öcalan, le terroriste en chef qui croupit dans une île-prison.
Certes, on voit mal les Américains s'asseoir autour d'une table avec Ben Laden; d'ailleurs, on ignore sur quoi les négociations porteraient. On ne connaît ni les griefs ni les remèdes. Seule la mort de l'une des parties semble l'issue. La revendication doit être "sensée"; rien de cela dans ce cas de figure. En Colombie, Uribe, dont on n'a jamais rien compris à la stratégie, a repris de la vigueur; le combat à outrance. D'ailleurs, les Révolutionnaires ne savent vraiment plus ce qu'ils veulent. Alors, on évoque la tradition. Beaucoup de pays ont leur boulet; et presque tous resserrent les boulons. "Pas de pitié pour les sanguinaires". C'est vrai. La vengeance, c'est le nom que l'on emploie souvent pour effacer les conséquences de notre propre injustice.
La conscience universelle a connu multitude de guerres au cours de l'histoire et dans différents espaces : on se fâchait, on s'insultait, on combattait, on tuait, on s'horrifiait de ce que l'on était capable de faire alors on réfléchissait et on signait; les ennemis côte-à-côte. Et personne ne pondait des inepties du genre : "comment peut-on discuter avec nos ennemis !". Il le fallait bien, c'est la loi du combat, il faut une fin. "N'importe quoi, c'est un peu tiré par les cheveux !".
Il faut savoir lutter efficacement contre ce fléau qui assèche la richesse et l'énergie d'un pays, par tous les moyens. "On fait de bons terroristes avec les fils des suppliciés" (Malraux). Un cliché certes mais la clé aussi : il faut attaquer les causes autant que les symptômes. "Ah, bah, ça, ne m'en parle pas !"...