Alors que les dirigeants du monde entier se tâtent les poches pour sortir les quelques centimes qui leur restent et les filer aux banques paralysées par la gabegie de leurs patrons, certains, narquois, nous livrent du Karl Marx. "Il avait raison l' Vieux, le capitalisme creuse sa tombe, préparez-vous".
Moi, qui suis ignorantissime dans le domaine économique et financier, je n'arrive pas à me forger un avis clair. Les termes sont arides, les figures pâles, les regards mornes. Ca n'attire pas. Mais il faut bien se composer un avis, les milliards tintent, on dresse l'oreille.
Il faut aider les banques, nous dit-on, sinon c'est la pagaille universelle. Bien sûr, les économistes nous parlent de leurs théories, de leurs recettes, on ressort Keynes. Paul Krugman, le nouveau Nobel, ne sait plus à quel micro donner sa voix, Jacques Attali dit des choses avec un joli col Mao, on s'interroge, Joseph Stiglitz s'en prend à Paulson, l'Europe relit le pacte de stabilité pour y trouver les exceptions, et "sous le Pont Mirabeau, coule la Seine"...
En Angleterre, Thatcher se désole, en Chine, le secteur immobilier est touché, le FMI et la Banque mondiale, main dans la main, font des pronostics; la France concocte une nouvelle loi de finances, comme d'habitude, nos dirigeants sont toujours optimistes pour le taux de croissance. D'ailleurs, notre Président l'a décrété : "ne vous inquiétez pas, on ne va pas utiliser ces fonds, c'est juste une mesure de confiance, c'est un appât pour dire urbi et orbi que l'on se porte bien". Il faut sans doute le croire. Le PS aussi bouillonne : alors par compassion nationale, on veut reporter le Congrès de Reims, on s'abstient sur le plan proposé par le gouvernement et Manuel Valls nous apprend, à l'occasion, que le Parti manque d'hommes d'Etat. Il ne faut surtout pas avoir l'air de soutenir le Gouvernement. Même au nom de l'intérêt national... Ca s'appelle un parti d'opposition.
Même les religieux apportent leur grain de sel. Le pape parle d'un signe divin, une sorte de "main réellement invisible" pour le coup : "le genre humain est en déliquescence, il récolte ce qu'il a semé; pauvres hérétiques, arrêtez de forniquer, arrêtez de construire des temples en l'honneur de l'argent, abattez l'usure ou ça va chauffer...", "encore la faute à Dieu, tu vois".
Les Russes, toujours fiers, nous assurent que cette "infection américaine" ne les touchera pas. Entre-temps, elle touche John Mc Cain; Obama s'envole, on a trouvé un domaine de connaissance à l'Incompétent. L'argument du "Commander in Chief" avait déjà pris de l'eau, Bush en personne ayant commencé à mettre en oeuvre les propositions du candidat... Obama. Le Balafré, c'est cuit. "Regarde, il n'arrive même pas à lire un prompter, c'est comme Chirac, ça fait guindé". Le talent ne s'invente pas. Tiens, voilà au moins une conséquence "heureuse" : Gordon Brown, essoufflé, jette l'éponge pour son projet consistant à passer de 28 à 42 jours "la durée maximale de garde à vue pour les personnes soupçonnées de terrorisme".
Voilà donc. On aura vu une belle crise économique et financière à raconter dans nos jours les plus avancés. Les uns renient leurs dogmes, d'autres revigorent les leurs. Il est bon d'avoir des jordonnes dans ces moments de crise. Célérité aussi. On pourrait faire du "populisme" : "et les gens qui meurent de faim, regarde il y a un milliard de gueux dans la planète, et pour eux, pourquoi cette lenteur, bande de lâches !". Question de priorité. "Mais non, c'est pour un p'tit moment, après on revient vers vous, hein, promis, patientez s'il vous plaît".
Le proverbe a encore une fois raison : il n'y a que le provisoire qui dure. Et la prose aussi. Et le calvaire. Des sous, il n'y en aura plus, c'est sûr. Mais nous ne voudrions pas montrer à notre père comment faire des enfants; nos dirigeants savent mieux que nous; "allez, hein, arrête tes conneries en branche, on arrive, j'te dis, il faut laisser les morts ensevelir les morts". Heureusement, les ONG sont là; pour un moine, l'abbaye ne chôme pas.