samedi 28 novembre 2009

Subreptice accoutumance

Faut-il commencer à s'inquiéter, c'est la question que je me pose. Quoique l'article 10 de la Déclaration des droits de l'Homme est là, bien ancré, droit dans ses bottes : "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi". Mais l'on a bien compris que l'on ne se situe plus dans la sphère purement normative. La stigmatisation a commencé; tranquillement, sans indignation, en douce, petit à petit. Une indolore mise en mouvement.

L'on a le droit d'être contre le voile; de "rétrograder" sa valeur religieuse, de repenser sa légitimité à notre époque, de pleurer sur le sort des "folles" qui le portent, de fustiger les phallocrates qui l'adorent, etc etc. Mais l'on n'a pas le loisir de porter atteinte au droit de celles qui ont décidé de le porter par conviction religieuse. C'est que la liberté religieuse est une des plus sacrées, c'est comme cela. Le fait est que le monde compte plus de théistes que d'athées. Et les premiers n'ont pas encore atteint l'état d'éveil des seconds; ils comptent donc sur des fables, des principes, des règles transcendantales pour mener leur barque. Et il s'avère que leur Créateur leur a imposé quelques devoirs; ce n'est pas qu'ils ne savent pas vivre et qu'ils n'ont pas envie de faire la fête sans arrêt, de forniquer à tout bout de champ, de balancer par-dessus bord toute rigidité, bref de s'installer dans ce monde; c'est que l'au-delà, l'hypothétique les préoccupe plus; d'autres se contentent d'être pascaliens et de réprimer leur naturelle insoumission "au cas où". Résultat : certains vivent "soumis" à Dieu et se concentrent sur leurs obligations vis-à-vis de Lui.

Il est vrai qu'en France, il est de tradition de pyrrhoniser; et les racines du concept de tolérance ne se perdent pas dans les tréfonds. Une histoire de greffe, parfois ça ne tient pas. L'Histoire de France n'a jamais été irisée. La mentalité n'est donc pas instinctivement portée vers la tolérance de l'Autre. Martine a beau jurer; dorénavant le Parti socialiste va reprendre du poil de la bête, nous dit-elle, il va se reconcentrer sur les valeurs de gauche dont le projet d'intégration est un des chapitres. Bien.

Mais comment changer ce qu'il y a dans la tête des gens. Les esprits guinguets existent aussi, il faut faire avec. Lorsque l'on disait burqa (ou niqab plutôt), il fallait en réalité comprendre, voile. Ce fichu qui symbolise la soumission de la femme. Et comme l'hypocrisie n'a jamais ruiné personne, l'on se complaisait à commencer chaque phrase par le distinguo classique entre le voile, nécessairement respecté, et le voile intégral, évidemment honni. Les hommes sensés ne sont pas en voie de disparition certes, mais l'on sent bien que quelque chose bascule. Renaud Denoix de Saint-Marc, vice-président du Conseil d’Etat de 1995 à 2007, pouvait déclarer tout naïvement : « le milieu de l’enseignement public est très anti-religieux, très intolérant sur le plan religieux, alors qu’il est laxiste sur ce qui touche à la tenue vestimentaire des élèves. Je n’ai jamais compris, pour ma part, comment on laisse entrer des gamins avec des casquettes vissées de travers sur la tête ou des gamines avec des mini-jupes et le nombril à l’air, et qu’on se pâme de fureur à la simple vue d’un mouchoir sur la tête d’une jeune fille qui ne se livre à aucune provocation ni à aucun prosélytisme » (Droit et société 68/2008, p. 209). Dorénavant, l'on commence à préparer les esprits à une grande offensive; l'on essaie de légitimer les discussions les plus illégitimes, les plus dangereuses.

L'on rêve, en réalité; ça doit être ça. Des référendums sur des minarets par-ci ! Des députés qui crient haro sur le voile en plein hémicycle par-là ! Alors que Lubna al Hussein ne cache pas son désir de voir un jour une Mecque où les femmes ne seront plus voilées, l'on apprend qu'une Canan Aritman version française, commence à émerger. Madame la députée Françoise Hostalier. Furieuse. Enragée que l'on puisse venir aux portes du temple pour braver spécialement la République. Fanatisme. L'on se souvient encore du respect que les députés de la République avaient manifesté à l'égard d'un de leurs anciens collègues, un abbé.


Il fut un temps en Turquie où le Premier ministre social-démocrate Bülent Ecevit avait littéralement foutu dehors une députée qui avait eu le tort de porter un voile; voilée non pas du jour au lendemain mais depuis les origines. Elle avait été élue par le peuple dans cet état. Une impolitesse qui ne seyait pas à Ecevit, un Monsieur pourtant. Fanatisme.

Dernièrement, c'était en Belgique que l'on essayait d'enquiquiner une députée voilée. Echec. Elle triompha.

Madame la députée Hostalier, nous dit-on, avait rédigé une proposition de loi en vertu de laquelle le voile serait interdit "dans tous les établissements où est exercée une activité de service public"; comprenez l'espace public. L'on y arrive petit à petit. Et elle serait inconsolable sur la loi de 2004, elle aurait préféré que les universités aussi entrent dans son champ d'application... Le mérite des musulmans dans ce pays, c'est qu'ils contribuent à la définition de l'identité nationale; une contribution en creux, c'est déjà ça. "Cétait bien le temps où ils étaient dans leurs caves hein ?", "ouais franchement, plus ils sont visibles, plus ils nous narguent j'ai l'impression !","on les aura un jour ou l'autre tu verras, ils s'excuseront eux-mêmes d'être musulmans, les valeurs de la République, c'est ça mon ami, du vent, ça débarrasse...", "et d'ailleurs, s'ils ne sont pas contents, ils n'ont qu'à activer la hijra, hein, qu'est-ce t'en penses ?", "bah oui tiens, qui a dit que l'on ne pouvait pas fuir la patrie des droits de l'Homme ?"...

dimanche 22 novembre 2009

Des valeurs européennes

L'on ne pouvait pas faire mieux. La recherche de l'identité nationale. La France et la Turquie se ressemblent tellement. N'en déplaise à M. Sarkozy. Celui qui a du dédain pour les Turcs; l'Empire ottoman, la terre de ses ancêtres martyrisés, au temps jadis, par les "Très Catholiques". Il faut avoir un talent pour être ingrat, c'est sûr, ça ne s'invente pas. D'ailleurs, les Turcs n'arrivent toujours pas à oublier ce fameux chewing-gum qui encombrait sa bouche alors qu'il accueillait le Président Gül. Les valeurs européennes sans doute, être "cool" sans arrêt. L'on s'attendait presque qu'il se mît à gonfler sa gomme; avec des grosses bulles. Les "chiclettes", très connues en Turquie; les femmes désoeuvrées en raffolent. C'est un art que de mâcher une gomme.


Evidemment, la question des civilisations a refait surface depuis que l'Union européenne a trouvé son "Président". Une potiche. Un numéro de téléphone au moins, c'est déjà ça. Jadis, Kissinger avait beau éplucher le répertoire, il n'arrivait pas à trouver un interlocuteur. Désormais, en voici un. Un Belge, par-dessus le marché. Un très beau symbole. Le Premier ministre d'un pays au bord de l'éclatement... "Arrête de dire ça, on l'a trouvé durement déjà !", "franchement, c'est quoi qui vous a poussé à le sortir de son patelin", "dis pas ça, il déteste les Turcs et les musulmans en général, c'est un bon critère !". Bon. Sarkozy et Merkel ricanent.


Un Président. A la première question qui lui a été posée, il a trébuché : "alors très cher, la Turquie dans l'Union ?", "bah j'en sais rien moi, c'est les 27 qui vont décider !"... Heureusement que les journalistes savent fouiller dans les archives; on apprend du coup que Monsieur le Président avait affirmé en 2004 : « Un élargissement à la Turquie ne peut d'aucune manière être comparé aux vagues d'élargissement précédentes. La Turquie n'est pas l'Europe, et cela ne sera jamais. Les valeurs universelles qui ont cours en Europe, et qui sont aussi fondamentales dans la doctrine chrétienne, seront diluées par l'entrée d'un grand pays musulman tel que la Turquie ». Ben voyons. Heureusement que je suis opposé à l'entrée de la Turquie dans l'UE, je ne m'essuie pas les yeux... Mais évidemment, lorsque l'on occupe un poste d'importance et qu'il faut se couler dans le moule, on se doit de balayer tous nos anciens propos; "ce fut une maladresse de langage". Kouchner et Lellouche en sont les exemples typiques.


On croit dire des choses sérieuses lorsqu'on pointe le fossé entre les valeurs européennes, nécessairement chrétiennes, et les valeurs turques, évidemment arabo-musulmanes. C'est que l'on n'a pas pu trouver pour l'instant, un autre argument plus sérieux. D'ailleurs, personne n'a pu encore réciter le chapelet. Une Irlande qui refuse bravement l'avortement, une Grèce officiellement orthodoxe avec un mont Athos dont l'existence aurait fait scandale s'il existait en Turquie (aucune créature femelle n'y serait admise !), une Suède qui ouvre désormais les portes de ses églises aux couples gays, une Italie qui n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi la Cour européenne se mêle de ses crucifix gentiment exhibés dans les écoles, une France qui multipliait les crises de syncope lorsque tous les autres voulaient inscrire les racines chrétiennes de l'Europe dans sa Constitution, un Royaume-Uni où le chef de l'Etat dirige, excusez du peu, une Eglise, etc. L'Europe brille effectivement par sa cohérence.


C'est qu'il est difficile d'avouer, comme on le sait. L'islâm. Les Européens n'aiment pas les musulmans parce-qu'ils sont polygames, qu'ils voilent leurs femmes, qu'ils rougissent devant une scène olé olé, qu'ils font trop de bruit dans l'immeuble, qu'ils profitent de toutes les aides sociales, qu'ils ne savent pas s'excuser quand ils bousculent, qu'ils puent, etc. Une représentation; et c'est tout à fait normal, on extrapole toujours. Mais ce n'est jamais le Marocain, le Malien, le Turc, l'Algérien, c'est le musulman. Comme on a l'habitude de le faire pour le juif. C'est l'Europe qui a créé les plus dangereuses idéologies, faut-il le rappeler... La réflexion demande de larges tranches de temps, évidemment. Or il faut coller les étiquettes le plus rapidement possible. Un Turc bouscule une mémé, c'est un musulman, évidemment; une voilée se dépêche pour chiper une place dans le métro, c'est une musulmane mal élevée, évidemment. Un pléonasme, d'ailleurs.


Il faut briser sa coque, nous dit-on, "allez, tiens ce verre, tchin tchin şekerim", "merci canım". Il faut donc pour devenir chrétien c'est-à-dire européen que les Turcs, paradoxalement, se sécularisent plus. "T'imagines des femmes voilées s'amasser aux champs-élysées !", "bouh !". On l'oublie souvent mais le droit turc est laïque; aucune trace de droit musulman. Si la différence ne se situe pas au niveau normatif, c'est qu'elle se retrouve au niveau sociologique; et c'est là que jaillit l'incohérence : pourquoi réclame-t-on alors l'intégration des immigrés (essentiellement musulmans) si d'emblée, on a décrété qu'il n'y avait aucune possibilité de cousinage ? Un slogan. Soit dit en passant, le droit musulman n'est-il pas plus "soft" que le droit hébraïque ? Il suffit d'étudier la situation de la femme dans ce dernier système, on en sort effaré... Mais valeurs judéo-chrétiennes, nous dit-on, n'est-ce pas ?


Bon allez on peut le dire maintenant; les valeurs cardinales européennes : la morgue, l'intolérance, l'hypocrisie. Les "ismes" les plus psychopathes sortent de là, désolé de le rappeler. Alors que l'Orient envoie sans arrêt des Prophètes... Si Mehmed II s'était converti sur les instances de Pie II, l'axe Paris-Berlin-Constantinople dirigeait l'Europe d'aujourd'hui. Et personne n'aurait pris une équerre, un compas, une règle pour délimiter des géographies ni ouvert des livres pour souligner le fossé civilisationnel; le christianisme nous aurait soudés. Comme au bon vieux temps. Sans partager aucune valeur chrétienne, d'ailleurs... Des couples gays dans les églises suédoises, une femme à la tête des Anglicans, un barbu chez les orthodoxes... Même les Européens n'ont toujours pas compris que ce qui les unit, ce n'est pas les valeurs chrétiennes, c'est la simple croyance que les valeurs chrétiennes les unit. Un mirage. Chut ! ne les réveillons pas, je ne veux pas d'une Turquie dans l'Union européenne... Elle doit continuer à se croire d'essence chrétienne.

vendredi 13 novembre 2009

Précis sur les dirigeants du CHP

Je l'avais déjà dit, je n'apprécie pas les gens du CHP. "Parti républicain du peuple", le repaire des gens qui ne savent pas parler sans crier, sans insulter et qui croient oeuvrer pour le bien du pays en s'indignant pour des insignifiances. Quand quelqu'un parle "le coeur dans la bouche", il est soit timide soit dogmatique. Il faut dire que certains arrivent à conjuguer calme et dogmatisme. Un talent, assurément. Le CHP est une clique de malfaisants, de provocateurs, de pathologiques. Le cadre dirigeant, évidemment. Les partisans ou les membres soutiennent le CHP en général par tradition familiale. Même les universitaires ne sont pas capables de penser par eux-mêmes, c'est dire.


Le type le plus malin, c'est le Chef, Deniz Baykal. Sisyphe. Un homme qui n'a jamais été corrompu, c'est au moins son mérite. Qui dit prévarication, dit fonction. Il faut dire qu'il n'a presque jamais exercé de grandes responsabilités où l'on peut se permettre de confondre ses poches, cela aide... Mais c'est un lion de la politique. Il parle bien, aussi. Il est grand rhéteur. Mais s'il pouvait mettre ses talents au service des intérêts de son pays, il aurait été un homme d'Etat. Ce n'est donc pas une aspiration. Celui-là qui demandait une amnistie pour les terroristes kurdes et qui se rétracte aujourd'hui, celui-là qui demandait que des têtes militaires tombent après les révélations sur les différents plans de coups d'Etat mais qui a ensuite avalé son chapeau, celui-là qui demandait une refonte de la Constitution mais qui a changé d'avis lorsque l'AKP est arrivé au pouvoir (neme lâzım), etc. Dernièrement, il demandait que l'on revînt sur la réforme constitutionnelle qui prévoit l'élection du Président de la République par la populace, euh pardon, par le peuple. Or, c'est lui même qui avait bloqué tout le processus en 2007 estimant que le Parlement n'avait plus de fraîche légitimité pour élire le Président; maintenant, il veut revenir à l'ancien système. C'est que le peuple est dangereux; une imprudence que de lui confier son destin, évidemment. Il fut un temps où le nationaliste Bahçeli avait dit des choses semblables : "le peuple peut s'égarer en votant pour un réactionnaire !" Eh ben voyons. Quand on pense que ceux qui débitent ce genre d'idées sont des députés élus par ce peuple...


Kemal Anadol, un balourd chevronné du CHP, est un type qui figure dans la première catégorie; il parle bien, les mots sont bien employés, mais la pensée est fascisante et soutenue par une salve de postillons à faire pâlir Finkielkraut. Le 10 novembre, comme on le sait, est certes la date de décès de Rimbaud mais c'est surtout celle de Mustafa Kemal Atatürk. Le "Chef éternel". Que Dieu l'absolve ! Mais comme en Turquie, le peuple l'adore dans tous les sens de ce terme, l'anniversaire de sa mort est presque un jour férié. A 9h05 pétantes, tout le monde s'arrête pour une minute de silence : les voitures, les vendeurs à la criée, les parlementaires, etc. On arrête de marcher, aussi. La scène est absolument à voir; les rues sont remplies d'hommes et de femmes qui s'immobilisent mécaniquement. L'intérieur des maisons n'est pas encore surveillée par les services de renseignement. Kemal Anadol donc, cet homme de gauche qui adore écouter de la musique classique le matin en se rasant, n'a pas failli à la coutume; il a allumé la chaîne publique TRT 3 et s'est mis à barbouiller de mousse ses grosses joues et sa grasse gorge. Tout morne qu'il était, ce 10 novembre, il écoutait de la musique classique; ça tombe bien, la musique classique, c'est fait pour amplifier la tristesse. La population en général n'écoute pas de la musique classique pour le souvenir de ses morts; elle récite plutôt le Coran. Mais bon, pinaillage que tout cela. Et d'un coup, coup de tonnerre; le présentateur lâcha ce mot si horrible, si indigne, si ignoble : "Je vous souhaite une bonne journée, chers téléspectateurs". Monsieur s'est sans doute tailladé mais a filé immédiatement à l'Assemblée nationale où le gouvernement avait décidé d'inscrire à l'ordre du jour les discussions sur l'ouverture démocratique. Celui-ci chipa immédiatement le micro, l'assistance retint son haleine, les joues rouges comme d'habitude, il se lança : "Vous avez entendu ! Scandale ! La chaîne publique nous souhaite une bonne journée ! Qu'est-ce que cela veut dire ! Je le demande au gouvernement, répondez, comment se fait-il que l'on puisse avoir une bonne journée un 10 novembre ! Parle !", "mais c'est la phrase classique, il n'y a rien à chercher là-dessous","menteur, mes chers amis, nous nous dirigeons vers un régime sharaïque, Atatürk n'est plus pleuré dans les chaumières !"...



Si cela peut lui faire du bien, rappelons tout de même que la très grande majorité des Turcs n'écoute pas la musique classique de TRT 3; ils ont d'autres choses à faire. Ils lisent le Coran peut-être, allez savoir... Et les grands prêtres du temple ne finissent pas de nous conter la ferveur des fidèles amassés aux portes du Tombeau; les questions de ferveur sont toujours épineuses; s'il y a un accord complet entre les théologiens de l'islam et ceux du kémalisme, c'est que la forme est plus importante que tout. Il faut faire la prière, jeûner, faire son pèlerinage même si l'on est quasi mécréant, il faut pleurer sur la tombe de Mustafa Kemal, balancer les drapeaux même si on n'a jamais rien compris à la pensée de Mustafa Kemal. Le vernis avant tout.

Onur Öymen, l'ambassadeur en retraite, est le type même de la seconde catégorie; celui qui parle doucement, d'une manière apaisée et qui attire donc instinctivement les oreilles. Mais une fois qu'il a la maladresse de partager ses pensées, on est dégoûté; de sa personnalité même. Celui-là même qui vient de déclarer à propos de "l'ouverture démocratique" en direction des Kurdes initiée par l'AKP : "les mères pleurent tout le temps; va-t-on arrêter une guerre parce-que des mères pleurent ? L'on aurait donc dû arrêter la guerre de Canakkale ou celle de Dersim". Le mot est tombé, Dersim. Une ville kurde alévite martyrisée en 1937 pour cause de soulèvement : bombardements (la "fille" d'Atatürk faisait office de pilote), pendaisons, déportation. Une riposte disproportionnée.



Selon Son Excellence, il faudrait donc revenir aux bonnes vieilles méthodes. C'est un diplomate, le Sieur. Un homme bien élevé, en théorie. Il parle bien le français, raffiné, il devrait donc être. Mais, non, c'est celui-là même qui avait poussé jadis la Turquie aux préparatifs de guerre contre la Grèce pour une question de propriété d'une île inhabitée, Kardak. Un diplomate va-t-en guerre. Bill Clinton se marre toujours lorsqu'il se rappelle cet épisode...

Canan Arıtman est la plus dangereuse car paranoïaque. La "chienne de garde" de la République turque, comme on le sait. Celle qui insultait le Président de la République pour ses origines supposées arméniennes. Evidemment, l'on avait compris à cette occasion qu'il lui manquait quelques cases mais le Chef Baykal n'ayant jamais voulu lui montrer la porte, elle continue sereinement son mandat. Voilà donc sa nouvelle lubie : intenter une action en justice contre la femme du Président de la République et celle du Premier ministre. Motif : elles sont voilées et ternissent donc l'image de la femme turque. Une dame qui a la haine du voile; le voile, la soumission de la femme. Une meurtrissure. Une femme de combat. Les gestes de ce type me paraissent anormaux et je suis toujours étonné que cela ne soulève pas des tempêtes d'indignation dans la presse turque; le peuple, on a compris, n'est pas très à l'aise avec les manifestations, il a peur des représailles, mais les intellectuels, les penseurs devraient être unanimes pour condamner cette dame. Car c'est une pensée maladive, pathologique. Mais au contraire, la contamination se poursuit : l'on apprend ainsi qu'une association de femmes d'affaires turques en visite à Strasbourg s'est pliée à un drôle d'exercice; elles auraient littéralement harcelé leurs hôtes français pour qu'ils les croient : "on vous jure, chez nous, les femmes ne portent pas de niqab, nous sommes modernes, croyez-nous, s'te plaît !"... Le complexe. Toute cette psychologie découle du complexe. L'élite turc est profondément bling-bling, "sonradan görme" dirait le Turc; aucune noblesse.


La paranoïa, comme on le sait, est une maladie. Il faut alors consulter. Le CHP pour sa part, n'en croit pas une miette, il a donc intégré tous les paranoïaques dans ses rangs. Pour ma part, je n'arrive toujours à comprendre comment on peut, dans la Turquie contemporaine, voter pour des fascistes. Le parti d'Atatürk est devenu un parti fasciste. Il suffit de fermer les yeux et d'imaginer ce que serait le pays si cette engeance tient le gouvernail; imaginer dis-je car seule l'imagination nous permet de les voir au pouvoir. Heureusement, cela dit. Hafazanallah. Le parti de Mustafa Kemal me fait peur. Salut ô Géant !

lundi 9 novembre 2009

Sexologique

C'est donc décidé; les potaches anglais vont apprendre les méandres de la vie sexuelle. Ou plutôt les moyens de faire la chose sans engrosser leurs copines. C'est qu'ils ne savent pas comment s'y prendre; résultat : beaucoup d'adolescentes enceintes et donc beaucoup d'avortements. Détresse donc avortement, comme on le sait. Bêtise donc avortement, comme on l'a compris. C'est comme ça. L'irresponsabilité portée aux nues.


L'on apprend à l'occasion que devant le Royaume-Uni en matière de taux de grossesse des adolescentes, se bousculent le Mexique, la Turquie et les Etats-Unis. Et l'adolescente consciente, toujours aussi sérieuse et impeccable, c'est la Néerlandaise. Evidemment. Ils sont comme ça les Néerlandais, Danois, Suédois, Norvégiens et Finlandais; toujours des modèles. Evidemment, ce n'est pas que les éphèbes et minettes néerlandais soient prudes; que nenni ! C'est qu'à l'école, on leur apprend des choses; ils peuvent ensuite se déniaiser en toute sérénité. Pas de grossesse, pas de détresse et naturellement pas d'avortement. La panacée. D'ailleurs, les maîtresses, nous dit-on, n'y vont pas par quatre chemins : "bon, écoutez bande de sauvageons, vos parents vous mentent, ce ne sont pas les cigognes qui vous déposent dans les berceaux; ils font comme ça, ouvrez la page 47 et admirez vos parents !", "j'ai honte Maîtresse", "t'as pas le droit mon cochon ! Le ministère nous l'impose : ouvre bien les yeux, après c'est la sécu qui paie les avortements que tu vas occasionner un jour ou l'autre", "bah nan, moi je veux être prêtre","bah tant mieux, t'en auras autant besoin"...

S'il y a bien une création qui passionne les hommes, c'est la femme. La mère, la soeur, la copine, la femme, la fille, la petite-fille. On les aime, c'est comme ça. Ca tombe bien, elles aussi. D'ailleurs, les hommes préféreraient papoter avec des femmes plutôt que boire des bières avec leurs poteaux; les experts nous l'apprennent. L'homme peut donc être romantique; parler avec une femme. Comme une copine. Sans rien attendre en retour. Ca tombe bien, les femmes adorent raconter leur vie; et celle des autres. Et elles pinaillent toujours, c'est un fait : il faut réciter le chapelet plusieurs fois par jour : "Ouais c'est vrai, haha, bon bah maintenant, on va passer...", "attend, redis-le moi que tu m'aimes","je ne peux pas faire sans toi", "mais encore ?", "tu es la femme de ma vie", "ouais...", "la mère de mes enfants"... Et l'homme n'avouera jamais, évidemment. Quoique. On n'a pas vu plus coulant qu'un homme en rut. C'est l'occasion rêvée pour lui arracher de la bouche, amour, émeraude, et autres objets de valeur.

Les sondages, enquêtes, recherches scientifiques nous apprennent à nous connaître davantage. Ainsi, il avait été demandé aux femmes de bien vouloir nous avouer ce qu'elles pensent des hommes qui fréquentent leur plumards. Les Allemands sont les pires des amants; ils puent, nous apprend le sondage. Rien que ça ! Les Anglais, en deuxième position, seraient trop paresseux. Si la paresse, c'est être un des pays où le taux de grossesse des adolescentes est le plus élevé, on ne peut que dire "elhamdulillah". On n'arrive pas à imaginer leur position si les Anglais étaient moins indolents... Les Suédois sont trop rapides, les Hollandais rustres (pas tant que ça, ils sont champions en matière de savoir-faire), les Américains dominateurs, les Grecs trop sentimentaux, les Gallois trop égoïstes, les Ecossais trop gueulards, les Turcs trop suants et les Russes trop poilus. Des Russes poilus ! La meilleure... La palme revient aux Latins : Espagnols, Brésiliens, Italiens, Français suivis par les Irlandais, Sud-Africains, Australiens, Zélandais, Danois et Canadiens. Un Nordique pour mari, un Latin pour amant devrait faire l'affaire. Les canons de la beauté ne peuvent être identiques pour tout le monde. Mais la performance au lit est beaucoup plus objective et c'est toujours les femmes que l'on interroge pour balancer sur leurs amants.

Evidemment, les autorités religieuses se sont immédiatement dressées contre ce projet; elles préfèrent vanter le mariage et l'abstinence pré-nuptiale, deux archaïsmes. Mais la religion n'est-elle pas le pôle par excellence de l'archaïsme dans nos sociétés modernes ? Et les Français adorent montrer à chaque occasion qu'ils se sont sécularisés; les enfants issus de parents non mariés représentent 52 % des naissances. "Mais on s'aime, c'est l'essentiel nan ?". Bien sûr. D'ailleurs, mariage signifie paperasses, délais, procédures, régime matrimonial, éventuellement divorce. Et les curés ne sont pas contents, "ne forniquez pas, venez !", "bah nan, la France est laïque et elle le restera !", "mais c'est quoi le rapport ?", "on s'en fout du rapport, je récite ma leçon"...


Evidemment, l'éducation sexuelle est une nécessité. Comme ma mémoire visuelle est excellente, comme par hasard, je me souviens toujours d'un cours relatif à ce sujet quand j'étais en CM2 ! Une maîtresse en train de nous expliquer l'organe masculin, gênée aux entournures, les garçons regardant ailleurs, les filles les yeux fixés sur nous plus que sur les diapositives. Le sentiment de honte. Il faudra apprendre ce sentiment aussi dans les écoles. Avoir honte, balbutier, être gêné, etc. Ca serait utile. Education sexuelle, c'est bien. Education morale en rab, ça serait mieux. Mais bon, un autre archaïsme. Le fléau des temps modernes, c'est qu'on ne sait plus rougir. "Mais on se libère, arrête de pleurer, regarde ma mère, elle me met des préservatifs dans ma sacoche, c'est moderne non ?", "bah oui, tu as raison, moi je pense même qu'il faut abolir l'interdiction de l'inceste, après tout, c'est qui qui nous l'a imposée, hein ?"


Les temps modernes : un seul démon suffit pour dévisser les plus fermes fondations. L'essentiel, ce n'est pas de réprimer les idées pernicieuses, c'est d'éviter leur éclosion dans l'esprit humain. Une fois que les plus viles pulsions sont titillées, elles finissent par devenir légitimes. Si bien que l'on en vient à tourner des films pornographiques mettant en scène deux frères jumeaux ou encore, préparez les sacs de vomissement, un père et son fils ou une mère et son fils !!! Mais le paradigme ne change pas: il faut comprimer sa légitime indignation de peur de passer pour rétrograde. Il est impérieux d'être rétrograde ! Wallâhi...

vendredi 6 novembre 2009

De l'identité nationale


Nous sommes donc à la recherche des piliers de l'édifice national; c'est que les élections régionales approchent, on a donc un besoin pressant d'étreindre les valeurs qui font la France. C'est connu, notre classe politique ne prend au sérieux les Le Pen qu'à l'approche des élections; ça tombe bien, le contexte est particulièrement morose, il fallait donc faire papoter la masse, histoire de faire un peu de "démocratie participative". Et Marine Le Pen d'aller frapper à la porte de l'Elysée, "ouvrez, c'est moi, la prêtresse des questions d'identité, je viens vous donner les définitions, allez !", "euh, Monsieur le Président ne croyait enclencher que la phase traditionnelle de palabres sur l'identité, une tradition liée à la période électorale", "ah, mince alors, bon bah j'vais crier ailleurs","oui oui, c'est ça...". Ca sent le rance.



Le Ministre de l'identité nationale, celui qui sans doute est un des meilleurs parleurs du Gouvernement, veut que les Français planchent sur la question; "allez, sortez les tablettes et appliquez-vous; premièrement, les définitions, deuxièmement, les exceptions, et bourrez bien la catégorie exceptions, haha". C'est que lui-même s'est lancé : il faut, nous a-t-il enseigné, commencer par avoir "le culte de la République". C'est donc bien parti...



Evidemment, les réponses se bousculent. Tant mieux. D'autres, comme les socialistes (sauf Ségolène Royal), préfèrent bouder; c'est que la Nation est un sujet qui n'enflamme pas les hommes de gauche modernes. Dites "République", ce sont les premiers à compter les cervelles à sauver, mais les discussions sur la Nation, l'Ordre, la Sécurité, etc. ne relèvent plus vraiment de leur intérêt depuis l'affaire Dreyfus. Des thématiques de droite.



En réalité, l'identité de la France est déjà connue; elle est même couchée par écrit; notre Constitution ne cite-t-elle pas des mots ô combien ronflants du type Liberté, Egalité, Fraternité. Pour ma part, je préfère la première phrase du préambule : "Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004".




D'ailleurs, on est en droit de s'interroger : est-il légitime de parler d'une identité "nationale" au sens politique du terme ? Une identité française, une identité turque, une identité américaine, une norvégienne, une afghane. L'Homme n'a-t-il pas une égale dignité partout ? Des valeurs universelles, éternelles, intangibles n'existent-elles pas ? Beaucoup de théorie. Trop d'abstraction. L'identité de la France, son mérite, à mon sens, c'est d'avoir pu universaliser sa préoccupation, les droits de l'Homme. Evidemment, les identités culturelles sont différentes; et tant mieux. Des civilisations existent. Les traditions, la morale, la gastronomie, la bienséance, etc.; mais ce n'est que le volet culturel, le reste ne peut être relatif à la localité; l'on ne devrait pas estimer que dans certains coins de notre planète, les atteintes à la dignité des femmes relèvent d'une conception "nationale" des droits de l'Homme. L'Immortel Claude Lévi-Strauss ne l'avait-il pas dit : différence et universalité ne sont pas, au fond, des antagonismes; le fameux structuralisme.


La France, c'est donc le respect des droits de l'Homme, la culture scientifique, littéraire, artistique, la protection des opprimés et le défenseur de la Dignité. Un phare dans le monde. Ce n'est pas un pays où l'on en vient à renvoyer en correctionnel un ancien Président de la République pour, excusez du peu, détournement de fonds publics, un pays où l'on minimise les propos racistes d'un Ministre de l'Intérieur, un pays où l'on est tenté de légiférer sur les habits des gens, un pays où l'on en vient à renvoyer en Afghanistan des étrangers en situation irrégulière, contrée où règne la terreur (d'ailleurs, le ministère français des affaires étrangères l'a tellement bien compris qu'il déconseille de s'y rendre et l'ONU s'apprête, de son côté, à rapatrier quelques centaines de ses membres), un pays où le nom d'origine étrangère entraîne fichage, discrimination, suspicion, un pays où l'on perd sa dignité à peine posé le pied sur le seuil de la prison, etc.



La France prend les airs d'une princesse descendue de son plein gré au marché du coin mais qui refuse néanmoins de saluer toute la "gueusaille" qui l'entoure; une incapacité structurelle à s'adapter. Un problème congénital avec l'altérité. A-t-elle des outils, une mentalité, une expérience pour changer ? Difficile de répondre par l'affirmative; il lui manque la quintessence : l'expérience de la tolérance. Et la formule "Black-Blanc-Beur" n'est restée qu'un slogan enserré dans le seul domaine sportif.


Il faut donc discuter, nous dit le Gouvernement. Fouiller les cartons. Mais une identité ne se décrète pas, on le sait aussi; celle-ci a besoin d'être partagée par le corps social. Une identité qui ne laisse personne au milieu du gué. Le défi est ailleurs, en réalité; la vérité est que les concepts n'ont jamais réussi à changer le regard des autres. Il ne suffit pas de dire que la France est la patrie des droits de l'Homme pour que ses habitants se transforment illico presto en enfants de choeur. C'est la mentalité des gens qu'il faut changer. La normativité n'est d'aucun secours. On devrait surtout rechercher un nouveau regard; casser des atomes, en somme. Bon courage !