dimanche 18 septembre 2016

De-ci, de-là...

Lorsqu'il reçut un faire-part de naissance, l'ami Muhayyel voulut répondre, du haut de sa nébuleuse : "Heureux, l'enfant qui a expiré le jour de sa naissance. Plus heureux celui qui n'est pas venu au monde". "Oha ve çüş !", s'était-il entendu dire. "Un nouvel élan, une nouvelle épaule va porter ce monde, va...", allais-je poursuivre qu'il coupa net : "L'amertume gonfle de jour en jour, on n'a pas besoin d'un névrosé de plus". Et il s'en alla compisser d'outrages la race des noceurs...

C'est dingue comme le bel astre Behlül menait une vie dissolue. Il lui suffisait de décocher un sourire pour qu'un essaim de jouvencelles s'évanouissent à ses pieds. Il avait beau trimbaler un drôle de harem, il jurait qu'il en aimait qu'une seule. Comme M. de Coantré, il voulait épouser "une perruche, parce qu'il avait soupé des soupeuses, et ne voulait plus que quelqu'un de très bien" (Henry de Montherlant, Les Célibataires). Et il respirait la plus pure des sincérités. "Le froid est de retour, je vais engrosser chaque coin de la ville"...

"Celui dont chaque partie du corps est un chef-d'oeuvre ne devrait pas se caser", ne cessait de ruminer Muhayyel. Dont le dédain pour les Eves était inné. "Pfff. Le mariage doit tenter le belître, pas le bellâtre. Un trésor doit se vouer au célibat pour calmer les foules. Son souffle et sa transpiration ne doivent souiller que les imaginations. Et là, en train de disséminer ses gènes dans des explosions de jouissance !". Ou quand la consomption volcanise aisément...


"Tu as beau être 'un homme posé à la surface de la vie', tu ne peux pas détourner le regard", avait conclu l'ami. Sybillinement. "'Laisse jouir les sublunaires', voilà ce que blablate le mollah, c'est facile à dire !". C'est que le barbu lui enseignait l'endurance tout en plongeant lui-même tous les soirs dans la mamelle de madame. A quoi peut bien servir un meneur d'âmes s'il n'a jamais tâté de ce qui est répréhensible ? "A rien", aurait dit un païen. Je déteste les païens...

"Au siècle suivant, on aura les mêmes sentiments mais d'autres mots", avait tranché Mumu. Le monde étant ce qu'il est, il avait testé en faveur de l'épitaphe de Scarron. Le patron des écorchés vifs. "Celui qui ci maintenant dort/Fit plus de pitié que d'envie,/Et souffrit mille fois la mort/Avant que de perdre la vie./ Passant, ne fais ici de bruit,/Prends garde qu'aucun ne l'éveille;/Car voici la première nuit/Que le pauvre Scarron sommeille". "Tout savant est un peu cadavre", avait décrété Hugo. Il avait encore eu raison...