lundi 29 novembre 2010

"Un tiercé de généraux en retraite..."

Les étudiants en droit le savent; un des cours de droit civil les plus barbants porte sur le "majeur protégé". Trop abstrus pour l'étudiant qui apprend, bien au chaud, la misère du monde le fessier posé sur un banc d'amphi et trop abstrait pour un prof de droit qui n'a jamais mis les pieds dans un palais de justice. Personnellement, je n'avais retenu que cet énoncé : tutelle = assistance et représentation; curatelle = assistance. Non, il y avait également sauvegarde de justice, mesure d'accompagnement et mesure d'accompagnement social personnalisé. Mais on s'en battait; c'est que ces mesures étaient définies dans le code de l'action sociale et des familles. Autant dire un code qu'aucun étudiant sérieux ne feuillette. Ni un professeur de droit civil, d'ailleurs. Ça ne tombera donc pas à l'examen...


Toute cette nostalgie pour commencer ma dissertation. L'accroche, j'y tiens. C'était la partie la plus réussie dans mes compositions. Eh bien voilà donc. Les généraux, encore une fois. La Turquie s'était libérée de la tutelle militaire en 1982, comme on le sait; et de la curatelle en 2007, lorsque le gouvernement avait envoyé un "c'est ça ouais !" à la face du chef d'état-major, occupé à décréter les critères que devait remplir le nouveau Président. Tutelle, curatelle. Et voilà qu'un dernier chapitre vient de clore, espérons une fois pour toute, le cours soporifique des "majeurs protégés"... "Capillotracté !", "ça va, ça va"...


Un journaliste qui avait eu la prétention de bien lire la Constitution avait écrit cette chose bizarre et scandaleuse : "le chef d'état-major est un fonctionnaire soumis au Premier ministre". Non non, attendez, ce n'était pas le morceau "soumis au Premier ministre" qui avait fait endêver le général en chef de l'époque, c'était la première partie : "le chef d'état-major est un fonctionnaire". Il avait immédiatement intenté une action en justice contre ce journaliste. Raison : outrage à agent public. Tiens tiens ! "T'es fonctionnaire !" serait devenu un outrage ? Oui en Turquie; car, il faut toujours l'avoir en tête, la Turquie est un pays "comique". Les Turcs le savent; c'est une expression, "ancak Türkiye'de olur", "on ne voit cela qu'en Turquie".


C'est que le chef d'état-major se considérait comme un "homme d'Etat", pas un "fonctionnaire". Il avouait en creux que l'armée s'intéressait de près au gouvernement de l'Etat. Un "homme d'Etat". C'est comique, ici; en France, l'amiral Edouard Guillaud aurait dit cela, on se serait frotté successivement la tête, le nez et le menton. "Qu'est-ce qu'i bave ?". C'est dire avec quel cerveau on est obligé de lutter pour installer la démocratie dans le pays... Ce n'est pas fini; le général-homme d'Etat avait également bataillé longtemps pour attaquer ce journaliste sous l'angle du fameux article 301 du code pénal; celui qui punit l'insulte à la turcité. "Outrage" et "insulte à la turcité". Fonctionnaire ! L'activation de cet article est heureusement liée à une autorisation du ministre de la justice. Car personne ne fait confiance aux procureurs; un cerveau brûlé nationaliste aurait pu faire de la Turquie la risée du monde entier... Le ministre AKPiste-fasciste-terroriste donc, avait évidemment refusé de donner suite. On avait soufflé...


Continuons à rire; deux généraux et un amiral viennent d'être relevés de leur fonction par le gouvernement. Ces trois mousquetaires ont illico saisi leurs juges administratifs. Ceux de la justice militaire. C'est leur droit. Là n'est pas le souci. C'est qu'on a scrupule à parler d'une cour de justice. On a affaire à une "juridiction administrative militaire", c'est-à-dire un "Conseil d'Etat militaire" en bonne et due forme. La Turquie, un État de droit exemplaire.


Quelques mois auparavant, le gouvernement avait refusé de signer les décrets de promotion de ces trois officiers; c'est qu'il ne voyait aucune raison de les "hisser". Et c'était le pouvoir civil, il faisait ce qu'il voulait. Il voulut même les expédier en retraite mais l'état-major fit de la résistance. Ces trois braves obtinrent néanmoins la promotion grâce au Conseil d'Etat militaire. On les appelle "les galonnés du Conseil d'Etat" depuis. Évidemment, à notre époque, obtenir des promotions n'est plus lié aux prouesses sur le terrain; c'est qu'il n'y a plus de "grande" guerre. Ça se fait donc par l'ancienneté. Réglé comme du papier à musique. En France, aussi. Qui avait déjà aperçu le général Georgelin sur un champ de bataille...


Et l'armée turque est comme "une armée mexicaine", beaucoup d'officiers et surtout trop de généraux qu'il faut évidemment caser. Plus de 300 généraux et amiraux pour une armée de 730 000 soldats. Ça s'appelle la deuxième plus grande armée de l'OTAN... Et si la justice se met à "créer" des généraux, on ne s'en sort plus. Ordre et discipline, mâchâllâh...


Qui sont donc ces ronchonneurs ? Des militaires exceptionnels ? Par ici, s'il vous plaît. Le général de division Halil Helvacioglu, le général de division Gürbüz Kaya et le contre-amiral Abdullah Gavremoglu. Ils sont soupçonnés de tentative de coup d'Etat. Le fameux "Balyoz". En réalité 22 officiers sont en cause mais seuls ces trois-là ont été relevés de leur fonction parce-que l'état-major a spécialement voulu les promouvoir. Non avait dit Erdogan, retraite plutôt. "Va te faire voir" avait répondu le Conseil d'Etat militaire. Eh bien si c'est comme ça, suspendu.

Le général Kaya est la "star" : non seulement accusé de tentative de putsch mais un incapable notoire par-dessus le marché. Dans un raid du PKK qui avait causé la mort de 11 soldats, le général avait avoué avoir pris les guérilleros pour des pâtres ! Il s'en était excusé auprès de ses supérieurs. Le raid d'Aktütün où 18 soldats sont tombés, encore lui. Raid de Hantepe et 7 morts, toujours lui. On se rappelle enfin l'explosion d'une mine à Cukurca (Hakkari) et 6 nouvelles âmes expédiées au paradis : les soldats avaient tout bonnement marché sur une mine qu'ils avaient eux-mêmes posée; l'état-major avait mécaniquement fustigé le PKK. Le général de la brigade de Hakkari, Zeki Es, avait alors appelé notre Gürbüz Kaya pour lui avouer que ce n'était pas le PKK qui avait posé cette mine mais sa propre brigade. Un cas de conscience, cela s'appelait. Mais notre Kaya avait été imperturbable, la conversation téléphonique diffusée sur internet avait glacé toute la Turquie : "ce n'est rien, il n'y a pas à se torturer. Nous faisons ce que nous pouvons. Il est probable qu'il y ait des erreurs mineures de commises". Et quand on pense que l'état-major a ferraillé dur pour le promouvoir... Dit en passant : le général Es a été arrêté trois semaines auparavant...

L'opposition politique était sur le mode du déjà-vu. Le CHP fut classique. Et c'est le plus postillonnant qui monta au créneau, Kemal Anadol : "un coup d'Etat civil", a-t-il fièrement lâché. On l'avait déjà croisé, ce déséquilibré. Dommage que Kemal Kiliçdaroglu qui a dépoussiéré le parti, ait oublié de liquider un des plus grands fascistes de Turquie... Au MHP, parti nationaliste, même timbre. Le gourou en personne, Devlet Bahçeli, a chipé le micro : "c'est une mesure qui vise à casser le moral de l'armée et sa discipline de travail ! Oyez oyez, l'unité nationale est en danger !". C'est bien. Le Sieur Bahçeli, connu pour sa courtoisie dans la vie privée et sa goujaterie dans la vie publique, n'a pas démérité : "à ceux qui enquiquinent l'armée, on va administrer une taloche". Très bien. Le feu président Özal avait eu la témérité de virer le chef d'état-major de l'armée de terre qui s'apprêtait à devenir chef d'état-major en l'annonçant directement dans une conférence de presse. Et malheureusement, sa témérité est restée en suspens jusqu'à aujourd'hui...

On apprend à l'occasion que le ministère de la défense dont personne n'a encore compris le motif d'existence sert à quelque chose. Pas le ministre non, le ministère. Le ministre est, lui, trop "influencé" par l'état-major. Trop timide. D'ailleurs, le gouvernement s'apprêterait à révolutionner l'organisation de la défense nationale; l'état-major qui a son propre bâtiment serait transporté au ministère de la défense. A la manière du Pentagon. Ou plus exactement à la Louis XIV, pour mieux surveiller les putschistes. Adieu au "genelkurmay başkanlığı", "présidence de l'état-major". Atatürk doit se retourner...


Le trio va semble-t-il être disqualifié. Erdogan est têtu, comme on le sait. A mon goût, il faut également mettre à la porte le ministre de la défense. Un véritable soliveau. Le ministre de l'intérieur qui a suspendu le général de gendarmerie l'a résumé on ne peut mieux : "quand je relève de leur fonction des policiers, la Sûreté nationale ne publie pas en catastrophe une déclaration" ! C'est que l'état-major a immédiatement pondu une déclaration donnant sa version sur ses trois "pachas"; et sait-on ce qu'en pense notre ministre de la défense, "la déclaration de l'état-major était excellente"... Une tête de plus, Monsieur le Premier ministre !

lundi 22 novembre 2010

"La chair plaidant son ordure"...

Ils sont tous pareils, en réalité, les hommes. Les "seigneurs" n'échappent en rien à la typologie. Qui dit aristocrate dit, pourtant, bienséant. Mais c'est un homme, au fond. Et personne ne peut me convaincre qu'un sieur puisse être autre chose qu'un prédateur. Car le mot siffle, sent, fouette, dévêt : mâle. Prononcez-le, il croque. "Ça va ?", "une amie un peu olé olé m'avait soufflé ces mots, je les ressors !"...

La science nous l'a démontré : un homme est un étalon. Même le Monsieur du coin, qui semble si raffiné, si loin de cette allure bestiale, est un coureur. Le désir sexuel, comme on le sait, perturbe le cerveau d'un homme. L'excitation le transforme; même le plus "anémique" ou le plus "bon chic bon genre" devient pour quelques secondes, un mâle. On se rappelle le prince Charles et ses "sérénades" à sa Camilla si fraîche et si affriolante : il voulait "live inside your trousers ... as a tampon". Si si. Il s'était excusé, d'ailleurs; il s'était égaré... Une âme bien née, ça s'appelle.

Et un mâle trompe à qui mieux mieux. Dans sa tête, souvent. Car l'imagination est ce divin bordel qui permet de s'en tirer sans répondre de ses incartades. D'autres passent à l'acte. Une seule, toute une vie ? "Ça serait faire injustice à Gonade !" m'avait dit un ami. Je rougissais, moi. "Bah j'sais pas moi, on dit que c'est odieux de tromper sa moitié, non ?", "pipeau ! Une femme se conjugue toujours au pluriel !". Ouah ! Quelle intelligence ! Quel aphorisme ! Amin Maalouf l'écrivait un peu mieux, lui : "une épouse sage cherche à être la première des femmes de son mari, car il est illusoire de vouloir être la seule" (Léon l'Africain).

Et quand je pense qu'on fantasme encore aujourd'hui sur le harem des sultans arabo-musulmans. Brunes, blondes, rousses. A volonté. Cocagne ! Et même des hommes; on s'en souvient, un prince saoudien avait tué son "esclave sexuel-petit ami" en plein Londres. Prince, arabe, homosexualité, odalisques.

En Occident, je l'ai toujours dit, on retrouve les mêmes pathologies universelles mais ça pue moins. Les cours regorgent de reines cocues. Le roi Charles XVI Gustave est le dernier à être pris la main dans le tamp... euh sac. Avec la tête figée qu'il a, on aurait dit un "bon père de famille" sans histoire, sans désir extraordinaire.



Et c'est un Suédois; les Suédois étant toujours parfaits, on est bien choqués. On a presque pitié pour lui. Car ses frasques à la Berlusconi doivent, évidemment, gêner sa femme et ses enfants. Sa fille vient de se marier, par-dessus le marché. Et Sa Majesté la Reine Silvia ferait la gueule, à ce qu'il paraît. "Moi franchement, je me suicide si j'entends que le prince Felipe a trompé Letizia !", "le couple le plus assorti, c'est vrai, ça serait dommage !".



On avait déjà croisé le roi des Belges en pleine tourmente. Un autre Albert, celui de Monaco, avait également eu un fils avec une Togolaise. Les rois français n'en parlons pas; ils avaient tout bonnement un harem rempli de maîtresses officielles. Comme le sultan ottoman. La protection juridique en moins.... Le despote de l'Est était donc un brin plus civilisé...

Ah ça jase chez les aristo. Les fiançailles du prince William, maintenant. Et on s'est demandé si la future reine était bien vierge. On se croirait en Arabie. Évidemment, concernant une jeune femme de 28 ans, c'est absurde d'attendre une réponse positive à cette question. Rupert Finch l'aurait déjà déniaisée. Ah l'hymen des femmes !, une préoccupation en Occident et en Orient...
Après tout, on parle du futur Roi du Royaume-Uni, du Canada et de l'Australie, entre autres. Et c'est William. On sait que son frère est plus terre-à-terre; il est connu pour sa tranquillité et son "naturalisme". William est beaucoup plus somptueux. C'est l'image qu'on avait de lui, en tout cas. Jusqu'à ce que les paparazzi immortalisassent une des scènes les plus intimes du prince; il lansquinait. Ca n'enlevait rien à son prestige, évidemment. "Au contraire" m'avait soufflé un ami gay... "ay sus ayol !"

C'est ainsi; l'amour, c'est un frétillement de quelques semaines. Ensuite, vitesse de croisière. Même lit, même tronche, même odeur. Burak Hakki, le "Kenan" de Dudaktan kalbe, vient de le dire : "l'amour est une maladie passagère; le couple ne survit qu'avec l'estime et l'habitude; l'amour, ça s'éteint toujours". Ouah le philosophe ! Dit en passant, on apprend que Kivanç Tatlitug et Kenan Imirzalioglu sont ses amis. "Arrête je suis en transe !", "nan j'arrête pas, d'ailleurs, on aurait croisé un de ces jours Kivanç dans un bar homosexuel...". Effondrement. "Oh oh !"... Nan, allez, il rejette ces insinuations. Qui d'ailleurs, l'accepte ?

En tout cas, les Turcs préfèrent le ténébreux Kenan. C'est ici. C'est que les Blonds n'ont pas la cote en Turquie. On les raille, presque. "Sarı". Le brun est un mâle, un homme, un Turc. Quoique Kivanç a su montrer dans son dernier rôle qu'il pouvait tenir une arme et jouer le mâle méchant. Mais il avait les cheveux ras, histoire de le brunir. Car un blond qui fronce les sourcils, c'est toujours risible. Ca ne colle pas.

Mais on a un nouveau Kivanç, chères amies ! Blondinet. Il joue avec Beren Saat. Engin Öztürk, un des violeurs de Fatmagül, précisément.


Un jour, une fille le lui a gentiment quémandé : "viole-moi !"; schocking, évidemment. Un traumatisme pour le gars. Même Beren Saat en est déprimée. Tout le monde veut la violer maintenant. Éreintée, elle est. Les obscénités fusent à chaque fois qu'elle passe à côté d'un groupe de mâles : "et nous alors ?", "tu peux nous dépanner ?", "fallait pas remuer ta queue !", etc. La pauvre. Mais elle doit continuer; c'est qu'elle empoche 20 000 euros pour chaque épisode...

Ça serait ainsi. L'homme aurait une nature polygynique. "Et ça épice la vie d'un couple, hein ?", "astagfiroullah !"... L'infidélité d'une femme semble toujours plus anormale, d'ailleurs. Il suffit de mettre les pieds au fin fond de l'anatolie, par exemple : l'homme peut manger à tous les râteliers; c'est le mâle. Il en a besoin. Le simple enlacement de la fille appelle, quant à lui, les résolutions les plus lugubres. Quelle mère n'a-t-elle pas absous les "prouesses" de son fils et fustigé les "saloperies" de sa fille ? Quelle épouse n'a-t-elle pas lutté pour arracher son mari aux chants de sirène d'une catin ? L'homme court, les femmes devant, sa femme derrière. "La mâlitude, mon cochon, la mâlitude !". Les Turcs le disent : "erkeğin elinin kiri"; "l'infidélité de l'homme, c'est comme la saleté de la main", sous-entendu, ça se nettoie... Les mères sont les plus ardentes défenseuses de cette expression, allez comprendre...

lundi 15 novembre 2010

Tourbillon chinois

On s'en souvient; Liu Xiaobo avait reçu le prix Nobel de la paix. Motif : il osait parler. Il affrontait la peur. Il défiait la "Chine légale". C'était un des rares types à pouvoir dire ses quatre vérités à un dirigeant chinois; d'autres, de grands hommes aussi, évidemment, préfèrent lécher la carpette. Car ils craignent que la "méga-puissance qui feint de s'ignorer" fronce les sourcils; des contrats en souffrance, des ronchonnements ici ou là, des entraves dans les enceintes internationales, quel pays sérieux pourrait s'aventurer ? C'est que la Chine est une bonne tapeuse...


On l'avait vu en France, le vénérable Hu Jintao. Avec le président Sarkozy. Ils exposèrent généreusement leurs râteliers. Nicolas Sarkozy n'avait pas caché son bonheur : "nous avons parlé de tout même des droits de l'Homme; j'te jure, wallâh !". La vice-ministre chinoise des affaires étrangères racla sa gorge, sur le coup : "Liu est un citoyen chinois condamné dans son pays, on ne voit pas en quoi cela concerne les relations franco-chinoises"...


On avait vu le ministre turc des affaires étrangères en Chine, aussi. Comme on le sait, les Turcs se désolidarisent des Ouïgours, contrat oblige. "Faux" avait éructé Davutoğlu. "J'en parle tout le temps, matin, midi, soir, nanik !". Et le ministère chinois des affaires étrangères avait confirmé Davutoğlu; un communiqué nous l'apprit : "nous remercions la Turquie pour son soutien permanent apporté contre les terroristes du Xinjiang"... Ah ouais ? Tiens donc, Rabia Kadir, une terroriste ! "Contrats, coco, contrats"...


Même l'empereur Obama doit faire les yeux doux à son créancier. C'est qu'ils ont de l'oseille, les Chinois. Et ils aiment prodiguer. On les avait croisés en Grèce, la dernière fois; quelques sous contre je ne sais quel produit financier du Trésor. Argent de poche à quelques potentats africains, aussi . "Ah ils sont malins !". Un sol de sympathie par-ci, un sol de gratitude par-là, qu'ils récoltent. Et ils sont toujours "pays émergent" soi-disant... Cerise sur le gâteau : Hu Jintao a été sacré "homme le plus influent du monde".


Il y a un véritable "foutage de gueule", en réalité. Une arrogance. Car quand on apprend que la Chine a critiqué les Etats-Unis au Conseil des droits de l'Homme, sur la liberté d'expression et l'accès à internet, on ne sait plus où mettre nos mains. Vraiment. Raclée au Japon, aussi. Comme on le sait, les deux pays se chamaillent sur la souveraineté de quelques îles. Mais c'est le Japon qui s'excuse en premier. Et le porte-parole du ministère des affaires étrangères arrive à déclarer le plus sérieusement du monde : "vous devez faire des efforts concrets pour créer une atmosphère favorable". "Vous devez faire"... Ou l'Inde, encore. Nos amis indiens voulaient absolument décrocher le rang de "partenaire stratégique" à Obama; "ok" dit ce dernier. Ils se serrèrent donc la main mais en regardant le Chinois qui les toisait du haut de son balcon; on l'entendait tousser...


"Elinde oynatmak" disent les Turcs. Le monde sous les doigts chinois. Nous nous sommes tous aplatis. Après tout, nos dirigeants sont des êtres humains. Et ils oeuvrent pour le bien de leurs peuples. Qui ne s'est-il pas rabiboché avec un type qu'il n'apprécie pas forcément lorsque son intérêt le commandait ? Hein ? Le petit employé avec son chef au bureau, un fils en mal d'argent avec son père, un homme en manque avec sa compagne, etc. etc. Et il s'avère que le monde entier a besoin du milliard chinois, de ses milliards. CQFD.


En réalité, deux Chinois se livrent bataille aujourd'hui. Liu Xiaobo et Hu Jintao. L'un nous a invités à Oslo, l'autre jure de nous "dresser" si on y dépose un doigt de pied. C'est comme ça. Le comité Nobel norvégien avait pu lancer un "oust !" à la Chine en sacrant Monsieur Liu. Et ce fut tout; les dirigeants des grands pays s'étaient presque excusés de devoir féliciter le lauréat... Le dalaï-lama, toujours "à portée de la main" pour faire la grosse voix, a encore rêvé : "les valeurs humaines ne doivent pas être sacrifiées au matérialisme". Trop spirituel, pour le coup. Autant dire une farce pour des communistes; ça ne fait rien, on s'en souviendra : en 2010, alors que tout le monde mettait son drapeau dans sa poche, une poignée d'audacieux ramassèrent le gant. On ne se bousculait pas et les capons se donnèrent tout de même le gant de passer pour vertueux. On rêva, on hallucina, on s'empourpra. Ainsi était le nouveau paradigme : caresser dans le sens du poil. Contrat oblige.

dimanche 7 novembre 2010

Gaguesque

Le pays est en crise, nous dit-on. Économiquement, financièrement, politiquement, socialement. Tout le monde rouspète comme il peut. On faisait grève encore hier. Des menaces terroristes planent sur notre pays. Les ministres ont déjà tout paqueté et attendent la marguerite en main. Bref, du gravissime à chaque coin de rue.

Le Sieur Copé, lui, s'amuse. On fait des blagues, maintenant, à l'assemblée nationale. Comme on le sait, c'est un cumulard. Futur président de la République, aussi. C'est comme ça. Il le veut. Il le sera. Entre-temps, il s'entraîne. Et quand Martin Hirsch a le cran de dénoncer des conflits d'intérêt, on le voit bondir. Député, maire, avocat, le père Copé. J'envie toujours les gens qui arrivent à éventrer le Temps. Et il maîtrise à merveille l'art de se montrer serein et taquin. Et il a des yeux bleus. Si si, je vote toujours pour un physique, je l'avoue. C'est grave, c'est pathologique mais c'est ainsi.


A l'assemblée donc, on s'éclate. Copé et sa troupe se sont amusés à asticoter Martin; le désormais président de l'Agence du service civique. Une coquette somme, ô chômeurs et RSAistes !, près de 9000 euros par mois. En son temps, Christine en avait bavé pour essayer de justifier cette même somme. Elle menait une mission, on s'en souvient. Quelques députés ont introduit un amendement pour diminuer le salaire de Hirsch. Mais ils l'avouent eux-mêmes, c'était juste pour tuer le temps. Même un homme sérieux comme Bernard Debré a disjoncté. Et le fils Giscard d'Estaing aussi s'est prêté à l'exercice, du haut de son château : "ah oui alors, il gagne plus qu'un député ! Scandaleux !"...


Voilà donc ce que nous confit le président Copé : "C'est un amendement d'appel destiné à attirer l'attention du gouvernement". Une nouvelle méthode donc. Non non, c'est bien un député qui dit cela. "Un amendement d'appel". On a envie d'être surréaliste à l'occasion, de chiper une darbouka et de se jeter dans l'hémicycle pour enclencher une danse du ventre et participer à la foire... Je n'ose ouvrir le Dalloz; les professeurs de droit et surtout les thésards en mal de thématiques à traiter (histoire de remplir le CV) palabreront et palabreront. "De la valeur juridique de l'amendement d'appel" ou "de l'influence des amendements d'appel sur l'inflation législative", etc. "Ça ne serait pas pour être voté hein, on joue, d'accord !", "ouais ok, vas-y balance l'amendement !"...

Évidemment, lorsqu'on parle d'argent et d'autorité administrative, mes yeux se tournent vers Mme Bougrab. Elle aurait voulu augmenter l'indemnité de misère qu'elle reçoit en tant que présidente de la Halde. 6000 euros. Elle avait des arguments, aussi : "Moi, parce que je suis une femme, parce que je suis jeune, cela paraît presque indécent que je sois payée". Présidente de la Halde qui dit cela. Oui celle-là même qui avait eu la malchance de vouloir établir une hiérarchie entre la laïcité et la liberté de religion. Tu sais l'affaire de la femme voilée qui travaillait dans une crèche (association type 1901). Son licenciement est une discrimination, avait tranché la Halde au temps de Schweitzer. Eh bien non ! avait crié la nouvelle présidente. Il faut la virer car elle est voilée... euh parce-que la crèche menait une mission de service public; elle devait donc être neutre comme une fonctionnaire. Et elle vient du Conseil d'Etat. Une comédie.


Évidemment quand l'exemple vient d'en-haut, la masse passe à l'acte : une enseignante en retraite avait tout bonnement déchiré le voile d'une touriste émiratie. Elle vient d'être condamnée à un mois de prison avec sursis et 200 euros d'amende. Et c'est tout. Une agression anti-musulmane assumée, résultat : sursis et des centimes. Elle n'avait pas eu honte, cette ex-enseignante : l'agression n'était pour elle qu'un "droit à la dispute". Dans un pays où montrer du doigt un juif est un scandale national (heureusement), infliger des baffes à une musulmane n'émeut personne...

Le président s'amuse, dans son coin. Il pousse Fillon, loue Baroin, caresse Borloo. Et nous, nous sommes là; on regarde, on essaie de suivre. D'ailleurs, on s'en fout, passez l'expression, car c'est son gouvernement. Puisqu'on a élu un Président et un programme, le reste ne devrait pas nous intéresser. C'est une affaire de calculs politiques, de chapelles qui nous dépassent, simples citoyens. Tiens, allez, réponds en cinq secondes, comment s'appelle le secrétaire d'Etat aux anciens combattants ? et le Premier ministre précédent ? et le pénultième ? qui est Benoist Apparu ? Nora Berra ? et Bockel où il était déjà ? et Marleix ? "ça va, ça va".

La vérité est que les noms, peu nous en chaut. Puisque le programme est le même. Le reste n'est que pure politique politicienne. Fillon aurait l'étoffe d'un homme d'Etat. Borloo serait trop décontracté, trop normal, trop ordinaire. A chaque fois que Monsieur le Premier ministre parle, j'ai l'impression d'écouter une machine. Pas d'accent, pas de "euh...", pas de mimiques. Il avait inauguré son mandat par ce retentissant "je suis à la tête d'un État en faillite". Aujourd'hui, c'est toujours le même refrain, "redressement", "politique réformiste". Aux Etats-Unis, c'est devenu une expression : "on fait campagne en poésie mais on gouverne en prose". Fillon et poésie, euh... A-t-il un verbe à transporter les foules ? "Étoffe d'un homme d'Etat", pourtant. Ou alors de Gaulle et Mitterrand n'étaient que des avortons...

Non, on rigole, c'est vrai. Qu'avait-il dit d'ailleurs Hirsch à ses détracteurs : "Ils essaient de frapper à l'argent parce qu'ils sont gouvernés par l'argent". Ah ça plombe, hein ? Tout le monde est gouverné par l'argent, cela dit. On respire, on dépense : la famille, les loisirs, le luxe. Des pépètes. D'ailleurs, nos élus viennent de mettre fin à leur régime de retraite d'exception pour montrer qu'ils ne pensaient pas qu'au blé. On les croit. Mais on les envie toujours, c'est bizarre, non ? Et on n'arrive pas à les croire, j'ai changé d'avis. Évidemment quand le député Copé, président du groupe UMP, avocat, maire, cousu d'or qu'il est, s'en prend à un autre renté qui a osé toucher à sa bourse, il ne faut pas s'étonner que le menu citoyen assume de son côté un certain poujadisme... "Le nerf de la guerre", quelle sublime expression...