samedi 9 août 2014

"Ôte-toi de mon soleil"...

Eh ben avec ça,



On se croirait en Suède. Un candidat en train de faire campagne et les sympathisants en train de se pâmer d'admiration. Rien d'anormal. Sauf que quand c'est le "conservateur" Erdogan qui est confronté au drapeau des lesbiennes, gays, bisexuels et trans, on écrase une larme... Non non, ni montage, ni doublage. Un malin gay s'est frayé un passage au milieu de ses "frères" et "sœurs" et a rejoint le devant de la plateforme. Et hop, il a dressé son étendard. Le "gourou" a sans doute jeté un regard de biais qui a dû électriser le jeunot débordant de sève...

C'est qu'en réalité, les militants en question étaient des AKPistes mais les autres AKPistes, barbus, voilées et toute la lyre, ne connaissent heureusement pas le symbole d'une communauté qu'ils abhorrent. Aucun procès d'intention. Mais une forte probabilité : les petits mignons, "démasqués", auraient eu maille à partir. C'est donc avec un énorme emballement qu'on salue, n'est-ce pas, l'audace de ces pionniers. Non franchement, il fallait le faire : donner de l'arc-en-ciel à un leader "ex-islamiste" devant des millions de participants et de téléspectateurs non moins "ex-islamistes". Chapeau... 

Soyons juste envers Erdogan. Il a insulté tout le monde dans ce pays sauf les gays. Jadis, sa ministre des affaires familiales, Selma Aliye Kavaf, avait dit des choses nauséabondes mais elle avait été vite remerciée. Et lorsque des coquins avaient peint les trottoirs du quartier de Cihangir à Istanbul, ni le Premier ni l'édile AKPiste n'avaient insisté : l'arc-en-ciel en avait fait sursauter plus d'un mais quand les citoyens ont mené la fronde, on a laissé faire. Désormais, ça donne cela : 


Et dernièrement, ce sont les uranistes de Dersim qui ont défilé dans une "journée de la fierté". Dersim, chers cocos, ça ne rigole pas, c'est le coin kurde et alévi de la Turquie. Bien à l'Est. Dans ce pays qui rime, allez savoir pourquoi, avec âge brumeux. Et chez les Kurdes et les alévis, les questions d'honneur sont autrement plus "sacrées". Eh bien, aucun incident. Des fois, j'm'demande pourquoi tant de haine dans le monde, peace and love... mais rebelote.  

Oui, rebelote. Parce que la "tolérance", c'est bien beau mais c'est toujours un pipeau. En 2009, une enquête avait révélé que la catégorie de voisins que les Turcs redoutait le plus était les gays, loin devant les alcooliques et les athées... Un jour, le Leader national s'en prend aux tatouages d'un footballeur comme il fustigeait jadis les césariennes, la mixité dans les dortoirs, les programmations des théâtres publics; un autre jour, son adjoint s'en prend aux meufs qui rient à gorge déployée à droite à gauche, un énième jour, ce même adjoint se justifie en déplorant l'existence de femmes qui veulent "grimper sur un poteau" ! Et quand une musulmane born again, ex-chrétienne, apporte son soutien, les bras nous en tombent...

La bienséance. L'ordre moral. La structure familiale turque. Les valeurs traditionnelles. Les nouveaux mottos. Donner des leçons de moralité pour un gouvernement accusé de corruption, ça la fout évidemment mal mais disons qu'il a ce droit. Après tout, une stigmatisation vaut mieux qu'une législation. Et on est habitués, nous autres Turcs. Le "vieux" marmonne sur nos ongles, notre coupe de cheveux, notre collier de barbe, etc. C'est la tête du paterfamilias : vivre par rapport à l'Autre. Un ennemi, un pervers, un traître. Ce n'est pas pour rien que Viktor Orban, Celui de Hongrie, cite la Turquie et la Russie parmi ses modèles. "Démocratie illibérale". La Turquie dans un G3, s'il vous plaît...