vendredi 29 février 2008

Brèves religieuses

Alors que le bras de fer traditionnel entre les démocrates libéraux (auxquels se sont joints pour la circonstance les conservateurs et nationalistes) et les laïcistes et républicains sincères semble se durcir en Turquie, on condamnait à un an de prison un juge italien qui avait refusé de rendre la justice sous les auspices du Christ (un joli crucifix orne les murs des tribunaux italiens depuis 1926).
Alors que les Italiens s'interrogeaient ainsi sur le sens du terme "laïcité", les Danois s'interrogeaient sur la susceptibilité des musulmans à l'encontre des caricatures du Prophète. La Biélorussie répondit par des actes; elle libéra le journaliste qui avait "osé" publier les caricatures et ainsi inciter à la haine raciale ou religieuse. Un député d'extrême-droite s'apprêterait aux Pays-Bas à tourner un film sur le "livre affreux et fasciste" qu'est le Coran. Intéressant.
Alors que ces grands pays dissertaient sur la justice, d'autres réprimaient. Ainsi, l'Arabie Saoudite dut arrêter 57 "dragueurs". L'Egypte interdit à ses infirmières de porter des voiles intégraux pour raison de sécurité. Les Frères Musulmans invoquèrent une violation de la liberté religieuse. Les Algériens sont plus radicaux: ils expulsent l'ancien président de l'Eglise protestante; son tort: il a fait trop de zèle et a donc porté atteinte à la liberté de religion des musulmans. Liberté de religion chérie.
Des bonnes nouvelles: la Russie vit son président bénit par Alexis II. Le Rabbin Sitruk se déclara favorable à un marché commun pour les Juifs et Musulmans concernant la viande "casher"; les règles imposées aux Juifs conviennent aux Musulmans. Belle avancée.
On apprenait aussi que 25 % des Etats-Uniens avaient changé leur religion "d'origine". La plus grande perdante, bien évidemment, l'Eglise catholique. Désormais, 16 % des Américains se déclarent non affiliés à aucune structure religieuse. Mini scandale là-bas.
Toutes ces saintes bouches citent Dieu. Encore et toujours. A dieu vat !

mardi 26 février 2008

Un athéisme qui mène au déisme: critique d'une pseudo-réflexion

Une fois n'est pas coutume: j'ai tenté d'ébranler ma foi. Résultat: le sort s'acharne.
J'ai lu avec intérêt et sans parti pris le "traité d'athéologie" que nous a composé le philosophe Michel Onfray, "pape" si l' on peut dire de l'athéisme intégral (eh oui, encore une fois influence de l'épistémè judéo-chrétienne).
Michel Onfray veut secouer le joug des "fictions apaisantes" pour nous traîner à la suite d'une "raison qui soucie". Un réveil. "Une santé mentale recouvrée".
La mort de Dieu ? "Une fiction ne meurt pas " lâche-t-il en bon logicien. Après avoir reconnu que l'athéisme est condamné à se définir par rapport à Dieu c'est-à-dire à l'objet qu'il combat ("une construction linguistique exacerbant l'amputation"), il opte pour l'athéisme de Nietzsche, celui qui s'est amusé à révéler la "transvaluation" c'est-à-dire, pour aller vite, un athéisme de gouvernement et pas seulement de combat. Comme Deleuze; celui-là parle d' "athéisme tranquille". Joli. Bref, un athéisme qui sort de la chapelle ardente.
Après avoir dévidé son chapelet (origine des religions avec la "pulsion de la mort", maux des religions, résistance du formatage judéo-chrétien dans les mentalités, les gestes, les mots, le droit, etc), il dénonce le tort principal des religions: l'invite à la soumission; une attitude qui entraverait l'activité intellectuelle. La Genèse récuse "le goût de la science" (Notons-le: la Genèse). Fort possible. Or, je n'ai toujours pas compris en quoi la soumission entraverait l' activité intellectuelle. Deux activités qui relèvent de deux niveaux différents. Que la soumission entrave le raisonnement objectif de certains, oui; mais on peut être convaincu d'une chose irrationnelle et continuer à chauffer son cerveau. Construire un raisonnement iconoclaste, oui mais l'important est de renoncer à l'honorer; le pouvoir de renier sa propre construction intellectuelle, c'est tout simplement la "foi". C'est faire un choix. La plus grande liberté.
Onfray fustige également "l'athéisme chrétien" (cher à Comte-Sponville qui parle, lui, d' "athéisme fidèle") et réclame un "athéisme post-moderne", à savoir "une véritable morale post-chrétienne où le corps cesse d'être une punition, la terre une vallée de larmes, la vie une catastrophe, le plaisir un péché, les femmes une malédiction, l'intelligence une présomption, la volonté une damnation".
Dévisser l'épistémè judéo-chrétienne. Voilà, le bonheur auquel on doit s'attacher. Soit. Il s'empresse d'ajouter qu'il ne promet rien, le Paradis n'est pas dans l'autre monde mais il n'est pas de ce monde non plus, ce n'est qu'un "idéal de la raison ici-bas". Donc, déchanter pour le plaisir de raisonner. Une conception...
Ce qui est frappant dans ce traité d' "athéologie", c'est qu' à aucun moment de cet ouvrage qui prétend promouvoir l'athéisme, le concept de Dieu n'est discuté. Il s'en prend aux religions et surtout au christianisme pour déduire l'inexistence de Dieu. Un peu rapide à mon goût. Ce n'est pas de ma faute si le christianisme mène à l'athéisme; en tout cas, ce dernier ne peut pas être la conséquence logique des incartades des religions. Il le reconnaît lui-même: "Dieu ne parle pas". Il s'en prend à son clergé mais c'est l'idée de Dieu qui trinque. Il faudra m'expliquer.
Bref, je reste déiste voire théiste jusqu'à "preuve" plus solide du contraire.
Rien de comestible dans ce qu'il dit ? Si. La critique du christianisme ou plutôt du "paulinisme" mais c'est là une autre histoire. Je laisse découvrir l'apologie de la "boucherie" dans le judaïsme, le penchant du christianisme pour les "exterminations de masse" et les "thématiques fascistes" de l'islam.
Que dire ? Eh bien bon vent... Gazan mubarek olsun comme le disent les Turcs, en bons adeptes de l'épistémè musulmane qu'ils sont.

dimanche 24 février 2008

La voie est ouverte: le voile peut se rabattre

Le Président Gül a, enfin, validé la loi constitutionnelle qui renforce l'égalité des citoyens devant les services publics et qui consacre un droit à poursuivre tranquillement ses études dans l'enseignement supérieur (seule une loi pouvant fixer des limites). Le mot "voile" n'apparaît donc pas. Juridiquement, le voile à la fac serait désormais libre.
En elle-même, la modification de la Constitution n'a rien de répréhensible. L'égalté, la tranquilité, l'enseignement supérieur. Que des concepts sympas. Le CHP, parti d'Atatürk, de centre-gauche (tout ça dans la théorie), a mobilisé toutes ses forces pour rédiger un joli réquisitoire contre cette loi à destination des juges constitutionnels. Evidemment, il a saisi la Cour constitutionnelle. Motif: la modification constitutionnelle ne doit pas être lue naïvement. Elle recèle une autre lecture; une lecture lèse-laïcité. Fidèle à son fonds de commerce, soucieux de garder la palme, le CHP estime que l'égalité et le droit de faire des études supérieures voilent un projet d'envergure, capable de saper les fondements sacrés de la République. Une sorte de voile vocabularique.
Un étudiant de première année de droit sait, bien évidemment, que le juge constitutionnel analyse la conformité d'une loi au texte de la Constitution. Basique. Mais , ce qu'il sait également, c'est que c'est le libellé de la loi qui est confronté à la Constitution. Pas la cervelle de ses rédacteurs. En bon positiviste. Le "pourquoi" de la loi n'entre pas dans les considérations de la Cour. Vous avez proclamé l'égalité, c'est bien mais je sens que c'est une parade et je connais votre dessein: la liberté du voile dans les facs donc la fin de la République (pour ceux qui chercheraient un rapport entre le premier membre de la phrase et le second, ne vous en faîtes pas, personne n'ose une démonstration). Donc, j'annule.
Je connaîs un peu le droit constitutionnel, je connaîs grosso modo le fonctionnement de la Cour constitutionnelle et je sais très bien qu'en Turquie, selon la formule consacrée, rien n'est impossible; si la Cour se permet de "juger" (parfois, elle donne des leçons de sociologie, de morale, de philosophie, ça lui prend de temps à autre), je l'applaudirais; si elle persiste dans un raisonnement pseudo-juridique (affaire du "367"), je l'accepterais; continuant de croire: dura jurisprudentia sed jurisprudentia.

samedi 23 février 2008

Une prison en deux étapes

Le Conseil constitutionnel a validé la loi Dati sur la rétention de sûreté; cette mesure permet de "retenir" les condamnés dangereux (à une peine au moins égale à 15 ans pour des faits graves comme pédophilie, meurtres, barbarie, etc) dans un centre médico-judiciaire après la purge de leur peine "principale". Le principe est simple: on enferme pendant 15 ans et on enferme derechef mais cette fois-ci le temps nécessaire pour son traitement.
D'ailleurs, les juges constitutionnels ont bien rappelé que si le condamné avait suivi un traitement pendant ses 15 ans, il ne serait pas possible de le placer dans ce centre. En revanche, si le traitement idoine n'a pu être dispensé (ce qui est surtout le cas en France), le malheureux devrait séjourner dans ce centre. Peut-être à vie. Pour son bien. Et surtout pour celui de la société.
Le risque de récidive appelle enfermement; officiellement, pour le soigner. On se demande alors pourquoi on enferme ces gens pendant 15 ans au lieu de les envoyer directement dans un centre spécialisé. C'est vrai qu'après 15 ans, même le sain d'esprit perd la raison, c'est plus facile. On nous l'a dit, il était mentalement faible, il faut l'interner. Peut-être à vie. Crime virtuel, auteur potentiel, défense de la société à tout prix, etc. des concepts que je n'ai jamais croisés pendant mes années de droit. J'étais sans doute nul en droit pénal. Mais certains rétorquent: ne peut-on créer une nouvelle conception de notre droit ? Pourquoi refuser, catégorique, un nouveau système ? Bon questionnement, j'aime les gens qui s'interrogent mais lorsqu'ils sont sincères. Dati et Sarkozy ne sont-ils pas sincères ? Si si. Ils ont promis de punir les pédophiles et de garantir à tout prix la tranquilité publique, par tous les moyens. Mais quand le Président essuie un échec, il se tourne vers le Premier Président de la Cour de cassation. Tiens, lui dit-il, trouves moi une formule juridique pour appliquer la loi rétroactivement (le Conseil constitutionnel ayant retoqué cette partie du dispositif qui s'appliquait même aux condamnés croupissant déjà en prison, les fameux 15 ans !). Les juristes s'indignent. Badinter rougit. Très probe, lui, c'est normal. On reconnaît les honnêtes gens à leur face empourprée; ils rougissent des imbécilités des autres.
Bref, c'est reparti pour des analyses juridiques sur ce qu'est une peine, une mesure de sûreté qui ne peut plus être rétroactive alors que ce n'est pas une peine, la philosophie générale du droit pénal français, peine/responsabilité et mesure de sûreté/dangerosité, etc. Du blabla juridique en perspective. Toujours provoqué par les mêmes. Bir deli kuyuya tas atmis, 40 akilli çikaramamis...

vendredi 22 février 2008

De l'acmé à l'étiage: trajectoire de l'Amour

Lorsque je me plais à raconter à des connaissances ma faiblesse pour les séries argentines, italiennes ou turques, ces zèbres m'affublent, illico presto, du qualificatif qui ne m'a jamais dérangé, "bizarre". Bizarrerie donc qu'un bonhomme de cet acabit s'intéresse à des frivolités de cette espèce. La réponse aux allégations n'étant pas mon sport favori, je les laisse fantasmer.
Comme si regarder une série, qui a pour toile de fond une histoire d'amour, était autre chose que lire différemment. Je n'ai jamais compris les pseudo-esprits de haute volée qui s'enorgueillissent de mépriser les séries ou les téléfilms. Ces mêmes gens raffolent de littérature classique. Ils veulent se montrer "intellectuels"; nous, nous lisons, la télévision corrompt l'intelligence (ce qui est vrai pour beaucoup d'émissions mais pas pour les séries ni les films). Soit. Mais lorsqu'il m'arrive de leur rappeler que ces deux activités ne sont pas exclusives et que l'objet de la lecture et celui de la série sont fondamentalement la même chose, à savoir une histoire, ils persistent. Lire devient une simple fatigue des yeux. Moi, je ne lis pas pour lire ni pour remplir une quelconque liste qui recense fièrement mes lectures. Pauvres hères ! Leur demande-t-on de conter à grands traits l'histoire, ils balbutient. Ils n'ont retenu que le titre et la fin. Et après, ils se targuent d'être grands lecteurs. Et ils ont raison. Mais ils se sont fatigué quelque temps. La gloriole.
Bref, je m'intéresse donc à tout ça. Ce qui me préoccupe, c'est la définition, les modalités, les ressorts de l'Amour. Et je glane à droite à gauche; j'en viens à observer que l'Amour n'est plus de notre ère. C'est devenu un concept, on y range la somme de nos amourettes. L'Amour pur se vit dans les palais, loin des vilénies matérielles. L'Amour pur se vit dans le dénuement; celui de la technologie et de l'idéologie. L'Amour pur est stable. Bref, l'Amour pur (en occident) se vivait jusqu'au 18è siècle. On continue de s'aimer mais différemment. Pourquoi vivre si on n'aime pas ?
La Révolution française a chaviré l'intellect de l'Homme; le coeur en a pâtit. Il a commencé à battre pour plusieurs choses. Le coeur est devenu lunatique, excusez du peu...A mesure que la cervelle de l'humain s'est éclectisée, sa pureté s'est évanouie. Les idéologies ! L'ennemi de tout !

mardi 19 février 2008

nihat hatipoğlu fon müziği

Lorsque le "cadet des soucis" devient le "souci des cadets"

A la question de savoir ce qu'était la ligne officielle de la Géorgie sur l'indépendance du Kosovo, le président Saakachvili a lâché: "c'est le cadet de mes soucis". Pure tromperie intellectuelle. Réponse auto-satisfactrice. Tout le monde sait qu'il fait des cauchemars.
Les "petits" sont satisfaits. Alors que les Ossètes du Sud font de l'oeil aux Russes, que les Russes font les gros yeux aux Kosovars et que ces "sécessionnistes" font des pieds de nez dans tous les sens, que Fidel Castro préfère se reposer définitivement, que Poutine commence à découvrir les larges pouvoirs que la Constitution réserve au Premier ministre, les cadets se mettent à rêver. On le sait, les Ossètes du Sud se démènent pour obtenir la "confirmation" de leur indépendance. Fidel ne voulant plus gouverner formellement (d'ailleurs, précise-t-il, un peu en retard, l'important n'est pas d'occuper un poste, "cadet de ses soucis", mais de rester un bon "soldat des idées"), son cadet se frotte les mains en même temps que la communauté internationale se met à chanter l'abnégation du Lider Maximo. Le petit Medvedev, adoubé potiche présidentiel par son chef Poutine pour qui le poste de président était le "cadet de ses soucis" du moment qu'il pouvait continuer à servir son beau pays par d'autres fonctions, vient de lire la Constitution; il est tombé des nues: il allait avoir beaucoup de pouvoirs. Il s'est empressé de déclarer à la presse qu'il avait toujours été un partisan du régime présidentiel fort.
Si ces tartufes avaient pu se soucier davantage de ces "cadets", ils auraient pu éviter les céphalées; je le sais, l'indifférence rend toujours magnanime...mais à quoi bon paraître héroïque quand tout le monde sait que le vice est une composante de votre personnalité. Pathologique, tout ça.

jeudi 14 février 2008

Saint-Valentin et Saint Coran: la guerre des roses

L'Arabie Saoudite a interdit la vente de fleurs. Les gendarmes de la moralité publique s'en prennent aux rosistes. On a peur que les Saoudiens découvrent l'Amour; ou que les "concepts" de "désir" et de "volupté" envahissent l'esprit des dévots. C'est connu, le risque de l'effervescence des sens préoccupe, depuis toujours, les oulémas. Il faut dire que les Saoudiens ne s'apprêtaient pas à se lancer des fleurs en pleine rue. Ils voulaient juste, comme toute personne bien élevée et les Saoudiens n'ont aucune raison pour ne pas être bien élevés, honorer leurs jules, dulcinées, femmes, maris, partenaires (quoique le mot "partenaire" ne sied pas trop à la sociologie et au droit de "là-bas"). Eh bien, c'est interdit. On doit aimer sans sensualité. C'est bizarre, personne n'arrive à apporter le support textuel de cette interdiction. C'est la lubie de certains "docteurs de la foi".
Doit-on rappeler que le Prophète avait une faiblesse pour les roses...et pour les femmes ("Bana, dünyanızdan koku ve kadın sevdirildi. Gözümün nuru ise namazda kılındı." Kaynak: Nesai, İşretu'n-Nisa 1, (7, 61) même si pour rester intègre, précisons que cette phrase n'est pas considérée comme l'aveu d'une concupiscence débordante par les spécialistes des hadiths). Rien dans ses paroles, dans ses gestes et dans son message ne s'opposent, à mon sens, à l'effusion dans ce domaine. Il n'y a qu'à lire le Coran; les jardins, l'amour, les femmes et surtout le désir sont des thèmes récurrents. Les incultes et les oppresseurs m'énervent terriblement; ils ont gâché la Saint Valentin et gauchi le Coran...une énième fois.

Laïcité, affaire des musulmans "light" ?

Les anti-voilistes continuent de suer. Le foulard entre dans les facs. Il était déjà partout, dans les maisons, les marchés, les bus, les rues, etc. Il a envahi une "institution". D'aucuns, Coran dans la main droite, portrait d'Atatürk dans la main gauche, jurent qu'ils ne sont pas apostats, que leurs grands-pères étaint "hadjs", que leurs grands-tantes portaient le foulard "à l'anatolienne", etc. Comme si on avait dit que leurs aïeux faisaient de la planche à voile.
Je me demande s'il n'y a pas un lien entre le niveau de piété et l'ardeur dans la défense de la laïcité; c'est bizarre, on ne voit jamais des barbus, des voilées (en "turban" bien sûr), des imams défendre la laïcité. C'est qu'il ya problème quelque part. Les laïcistes sont presque tous des musulmans modérés, des agnostiques ou des athées. Ils défendent la survie de leur mode de vie, ce qui, au demeurant, est tout à fait légitime. Mais ce sont les mêmes qui refusent l'ouverture des écoles de formation pour les prêtres orthodoxes. Je ne comprends plus rien à leur défense de la laïcité. On dit souvent que les Turcs ne lisent pas beaucoup. Le Coran avant 12 ans, c'est sûr, c'est interdit. Les écrits d'Atatürk arrosent pourtant tout ce qui est officiel: la Constitution, les lois, les programmes scolaires, les livres d'histoire, de littérature, de dessin, etc. Le hic, c'est que dans le système scolaire turc, on privilégie le par coeur à la réflexion; tout s'explique. Ils citent, récitent et recitent. Comme le dit le slogan, "Atam Atam kalkta ben yatam".

mercredi 13 février 2008

Quand le hasard fait bien les choses...

Badri Patarkatsichvili est mort. Le richissime opposant géorgien s'était présenté à l'élection présidentielle de janvier avant d'être accusé d'un complot contre l'Etat. Quand il y a mort subite, on a toujours des doutes. C'est un réflexe. Surtout quand ça concerne des hommes politiques qui dérangent. C'est même une tradition dans cette contrée. Mais restons droit-de-l'hommistes; présomption d'innocence.
Mevlam görelim neyler, Neylerse güzel eyler...La Grande-Bretagne demeure vivante, comme dirait l'autre, on y meurt souvent.

dimanche 10 février 2008

Entre becs et ailes: la naissance des Etats

Le Kosovo n'en peut plus. Il veut voler de ses propres ailes. Les Russes lui rappellent qu'il n' en a pas. Les Européens les cherchent toujours. Les Kosovars persistent: l'idée même d'indépendance nous donnent des ailes. Les Chypriotes et les Géorgiens sont les plus passionnés par ce sujet. Ils aiguisent leurs becs. Ces deux grandes puissances (!) veulent freiner les ardeurs des indépendantistes. Ils rugissent sur la scène internationale. Pas l'indépendance et pas d'indépendances. Ils hurlent, s'époumonent, supplient. Toute la communauté internationale feint de les écouter, il faut dire que la diplomatie impose de rester galant.
Alors que ces paltoquets crachent dans l'eau, d'autres en mettent un rayon et content fleurette. C'est couru. Les petits peuples ont le droit d'exister. La contagion ne manquera pas de venir: les Palestiniens attendent gentiment, les Chypriotes du Nord sont en passe de déchirer le voile, les Ossètes n'en font qu'à leur tête, les Abkhazes ne connaissent déjà plus leurs hôtes géorgiens, les Transnistriens se gouvernent autant que possible, les Kurdes restent fiers comme un pet...
Ainsi est le sort des petits peuples; ils naissent difficilement. On s'obstine à obtenir l'autorisation de tout le monde alors que de la place dans le globe, il y en a. On ne prend à personne en réalité, on rétrocède. On rend.
Les grands Etats sont des voleurs, les petits des pleurnichards, ceux en passe de le devenir des ingrats. Les sécessionnistes n'ont jamais tort en réalité. C'est même du juridique: le DROIT des peuples à disposer d'eux-mêmes. Un joli "droit" écrit d'une main tremblante. Mais écrit. Personne n'ose le lire correctement. Mais décidément, les Kosovars n'envisagent pas de remettre l'application de ce droit aux calendes chypriotes. On l'a dit c'est couru. On attend le boiteux...

vendredi 8 février 2008

Lorsque le bonheur des peuples fait leur infortune

Je m'interroge souvent sur le peuple russe lorsque la presse (occidentale s'entend) dénonce le sort du duo Khodorkovsky-Alexanian. Je m'arrache les quelques cressons qui me restent lorsqu'un peuple, si grand soit-il, est si neutralisé. Un peuple-marbre.
Nilüfer Göle parle du paradoxe de la démocratie turque; plus la Turquie se démocratise, plus le principe de laïcité retrouve son sens authentique (liberté de conscience) et plus l'Armée se lance dans les manoeuvres pour restaurer "sa" définition. Résultat: un pas en avant, deux pas en arrière. Le paramètre "peuple" est hors réflexion. C'est la même chose pour la Russie: les Russes et les Turcs sont des peuples inhibés (malgré les manifestations monstres des défenseurs de la laïcité en Turquie, le peuple turc est relativement docile; mais pas servile).
On peut lire dans La Chronique d'Amnesty International (février 2008 n°255, p.13) que "la corrélation meilleur niveau de vie-autoritarisme s'impose en Russie". Ils sont comme ça les Russes: bouchées et raclées vont de pair. L'estomac et le porte-feuille garnis, la cervelle s'engourdit. Jadis, Anna Politkovskaïa dénonçait le "mutisme" de ses compatriotes.
Rien n'est stable. On mise donc sur le silence du peuple. Ca marche à merveille chez les Russes. Nous, les esprits occidentalisés, nous ne sommes jamais rassasiés. Plus on est riches, plus on vote ailleurs. Ils ont peut-être raison les Russes; plus ils sont riches, plus ils votent pour l'autoritarisme. Il faut dire qu'ils n'ont pas l'habitude d'être libres, de l'empire à l'autoritarisme en passant par le bolchévisme. Ils préfèrent la stabilité aux rêveries comme il est de coutume dans cette région.
C'est connu, rien n'est plus sûr qu'un régime autoritaire...

lundi 4 février 2008

Déchirer le voile: vers la modernité ou vers le fascisme ?

Le monde universitaire turc est en colère; une partie des profs fronde la tentative de rendre les campus plus libéraux; d'autres universitaires font circuler une pétition demandant la levée de l'interdiction du voile.
La famille Nesin se divise; les rejetons du grand Aziz Nesin s'excommunient mutuellement; l'un défend les mesures anti-voiles, l'autre veut plus de libertés.
Les théologiens se crêpent la calotte; certains redécouvrent le Coran et ses versets sur le voile (ou plutôt sur le non-voile), d'autres invoquent une pratique de 1400 ans.
Les journalistes osent diverger sur la question de la laïcité; Cumhuriyet et compagnie pourfendent, Yeni Safak et autres jubilent.
Les juristes s'excitent; toute cette bagarre va se terminer devant les juges constitutionnels, ceux qui avaient si éhontément mal lu la Constitution, jadis (cf. affaire du "367").
Certains parlent de droit, de liberté, d'ouverture, de pluralisme, d'autres invoquent Atatürk, la modernité, l'idéologie: "Söz konusu vatansa, gerisi teferruattir".
Je le dis toujours, lorsque la démocratie pleure en Turquie, les républicains ricanent. Lorsque la République feint la syncope, on punit la démocratie comme si le malheur du premier était directement lié à l'épanouissement de l'autre.
Ceux qui veulent déchirer le voile sont dans leur grande majorité ceux qui voilent leurs intentions; un combat pour la laïcité devient un combat contre les libertés. Et cela s'appelle presque du fascisme... Les Lumières turques descendent d'où ?