dimanche 27 décembre 2015

Top 40 des Turques les plus belles...

Saperlipopette, alors ! Ma pauvre abeille, Shaïma Qassem ! A peine a-t-elle été élue reine de beauté que le calife de Rakka lui a envoyé un télégramme. "Félicitations ma sœur, maintenant, tu baises ma main et tu nous rejoins !". Rien que d'y penser, on a envie de dégorger, n'est-ce pas. On imagine cette chair soyeuse, cette nature chétive enfiévrer des brutes en rut, prêts à l'assaisonner à coups de fouets. Nausée. Ah oui alors, des hordes de violeurs, ces barbus. De "reine" à "concubine", il n'y a qu'un pas : l'enlèvement...



La première Miss, 43 ans après. Elle compte presque pour du beurre, la beauté kurde. Tant de concurrentes n'ont pu concourir. Après tout, il y a, dans chaque chaumière, un daron qui mugit à la moindre coquetterie et une daronne qui enrobe la moindre folâtrerie. Bah oui, c'est comme ça, coco. Tant mieux ou tant pis, je n'en sais fichtre rien. Et des c... au c..., elle a : "Je suis très heureuse de voir que l'Irak va de l'avant, grâce à Dieu. Cette cérémonie a redonné le sourire aux Irakiens". Grâce à Dieu ! Doucement, petite...

Et la dernière Miss, celle de 1972, elle est où celle-là ? Qui sait... Mais dernière reine, la vraie, nous la connaissons, nous autres Turcs. Enfin, disons fiancée du dernier roi d'Irak. Eh ben si, elle est princesse ottomane et, "subsidiairement", égyptienne. "Bouhhh, l'ottomaniste !". Non, vraiment. Un jour que je papotais avec un prince ottoman, n'est-ce pas, il m'avait confié le plus sérieusement du monde, je jure, "c'est quoi la dynastie égyptienne ? 2 siècles ! La nôtre a 700 ans !". Et vlan ! Ca balance dru chez les seigneurs...

Fazile Ibrahim Hanimsultan, donc. Ottomane par la mère, égyptienne par le père. Fille de la princesse impériale Hanzade (elle-même fille du Sehzade Ömer Faruk Efendi et de la princesse impériale Sabiha). La pauvre, aussi. Son fiancé a été assassiné après le coup d'Etat et l'ex-future Majesté ne s'en est jamais remise. Enfin presque. Remariée deux fois, elle est la mère de l'historien Ali Suat Ürgüplü (oui oui, un aristo de première qui a pondu ce gros bouquin) et l'épouse d'un certain Jean Alphonse Bernard...

Et puis quand on dit "reine de beauté", on pense évidemment à... Hülya Avsar. La Miss mille neuf cent je ne sais plus combien. Kurde, aussi. Belle, évidemment. "La fille", comme on l'appelle toujours en Turquie pour narguer ses censeurs qui lui avaient arraché sa couronne un jour après. Motif : elle avait caché au jury qu'elle s'était mariée. C'était l'époque où on consacrait des "niaises", si tu vois ce que je veux dire... Et elle ameute toujours les millions avec une autre vénus, Beren Saat. Safiye sultan et Kösem sultan, dans la suite de la série Muhtesem Yüzyil...

Mais bon, dans un pays où les prêtresses mamelues et lippues d'Adnan Hoca crèvent l'écran, la grâce, l'éclat et l'élégance sont, elhamdülillah, bien diffus. Après les 40 mâles, voyons donc les déesses de la République turque...

1) Beren Saat

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2) Damla Sönmez

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3) Tuba Büyüküstün

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4) Meryem Uzerli

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5) Fahriye Evcen

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6) Bergüzar Korel

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7) Pelin Karahan

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8) Özlem Yilmaz

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9) Sera Tokdemir

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10) Merve Bolugur

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11) Canan Ergüder

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12) Özgü Namal

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13) Ceyda Ates 

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14) Sinem Kobal

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15) Burcu Esmersoy 

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16) Sevtap Özaltun

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17) Amine Gülse

TÜRKİYE GÜZELİ AMİNE GÜLŞE

18) Yasemin Allen

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19) Basak Dasman

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20) Begüm Kütük

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21) Cansu Dere

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22) Hatice Sendil 

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23) Elifcan Ongurlar

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24) Hülya Avsar

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25) Songül Öden

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26) Hazal Kaya

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27) Serenay Sarikaya 

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28) Birce Akalay

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29) Öykü Celik

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30) Özge Özpirinçci

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31) Elçin Sangu

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32) Neslihan Atagül 

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33) Hazar Ergüçlü 

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34) Azra Akin 

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35) Tuba Ünsal

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36) Leyla Lydia Tugutlu 

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37) Candan Erçetin

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38) Nurgül Yesilçay

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39) Vahide Gördüm

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40) Ebru Cündübeyoglu

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mardi 3 novembre 2015

Er-do-gan, Er-do-gan, Er-do-gan...

Ah ouais alors, il a maravé les gülenistes sionistico-américano-arméniens, ces fils de Soros. Le raïs leur a flanqué une de ces taloches qu'on qualifie, et ça tombe évidemment bien, d'ottomanes. On respire tellement mieux. Car, je voudrais le dire, nous, la nation souveraine, étions malades à l'idée de le voir déchu voire décapité. On a prié comme des fous ma parole, la Palestine, la Bosnie, l'Egypte, la Syrie, il y avait aussi le Soudan, j'crois. Dieu est grand, Allahu ekber...

Calife, mon frère, calife, il doit être. J'sais pas moi du genre... pas calife ottoman. Le dernier, c'était presque un impie. Il jouait du piano, il composait, pis, il brossait des tableaux. Comme les païens de la Renaissance, s'taghfiroullah. Le nôtre est allé à la squémo Eyüp Sultan pour remercier Dieu. Les vendus laïco-kémalistes ont pété un câble. Fallait voir. On les a enterrés, alhamdulillah...



Et un autre zigoto nous annonce le chaos. On serait le premier pays au monde à voter pour le parti au pouvoir quand tout va mal, wesh. Quoi alors ! On aurait dû voter pour les terroristes du HDP ? Ils veulent quoi ces crypto-Arméniens ? Une égale dignité, qu'ils disent. Pfff. Vas-y, et ta grand-mère, elle fait de la planche à voile ?  

Les traîtres gülenistes aussi, ils pleurent. Ils ont la rage, ma daronne ! Style, "on veut justice !" et gnangnan. On est assiégé par les sionistes, leurs suppôts américains et le New York Times et compagnie. Comme ils l'ont fait au sultan Abdülhamid Han. On mène une lutte d'indépendance et l'autre dit "droits de l'homme". Droits des pédés pendant qu't'y es. Un autre bouffon pond, "les préoccupations du citoyen lambda l'ont emporté sur les considérations abstraites de libertés". Wesh. Qu'est-ce j'en ai à secouer de ses libertés ! Il a pas qu'à dire du mal de la Turquie...

Non wallah, il condense les attributs de Dieu, le raïs. La galiba illallah, c'est le Coran qui le dit. Regarde comment il a psalmodié. Et j'aime bien sa démarche. C'est pas comme la tapette Kemal. C'est un frère qui m'l'a dit, le 2 novembre 1922, les mécréants, ils ont renversé le sultan. Au 1er novembre 2015, on l'a rétabli. Machallah...

Il a fait des chaussés pour nos carrosses.  Il a dit à Peres que c'était un assassin. Il a payé notre dette au FMI. Il a ouvert les portes des cliniques aux pauvres. C'est bon, laissez-le travailler, lâchez nos basquettes. On va le faire président et sultan, vous allez voir. Recep Tayyip Erdoğan, salli ala Muhammed. Megri megri...

dimanche 25 octobre 2015

Sarmal

"Bu çığlık, bir gün başımı yakacak", dediğinde Muhayyel, etraftaki kalabalık sinirli sinirli çay yudumluyordu. O alımlı bardağın, yontulmamış bir beyne takviye yollaması da garabetin zirvesiydi. "Bunlara dert anlatılmaz yahu", diye içinden geçirirken, üzerine üzerine gelen perîde çekirdek kabukları, sarmalamıştı cüretini. Bacak arası kokunun, duman ve tere karıştığı ortamdan ne hayır gelmişti ki bugüne kadar...

Behlül'ü çok sevmişti. Şapşallığını, vurdum duymazlığını, saç-sakalını. Bir beyin hiç mi yorulmazdı ayol ! Herkesin selam verip geçtiği o eller ve o gözler için, ne kadar dua etmişti. Secdede bütün cesaretini toplayıp, "sübhane rabbiyel âlâ" nın ardından hemencecik onun ismini zikretmişti. Utana, sıkıla. Bir iki göz damlası da serpiştirmişti halıya. Fıkıh ne der, ona neydi ki. Allah'a hamd olsun, umurunda değildi... 



Aşıkların her daim tek derdi olmuştur, mâşuğun yakınlarda bir yerlerde kırıştırması. O cenâbet don bile bakiyye derecesine yükselir. Behlül, Ayşeler'in zebûnuydu. Ama birgün, Fıtnat çıkıvermişti karşısına. Günde beş kez namaz kılıp, haftada iki kere zenpârelik yapan o cakalı adam, Muhayyel'i çıldırtacak şekilde, set çekmişti hovardalığa. Merd-i cemîlin usanması başka bir dertti. Teri, çarşaflarda olmalıydı. Hiç doymamalıydı O...  

Hani derler ya, dal rüzgarı affetse bile, dal kırılmış bir kere. Öyleydi işte artık. Değildi de, öyleymiş gibi yapıyordu. Secdeden rükuya geçmişti ismi. Tekbire ulaşması yakındı. Ne ev, ne kira, ne mezar. "Ah Ökkeş, saniyelerin beynimde yarattığı o yumağı bir görsen, saatlerine lânet edersin" demişti dostuna. Behlül'ün koltuğu olmuştu bir mâbed. Kendi de, bir "hacerül-müzehhep". Makedonya'lı üstâdın dediği gibi, "o ihtisâs ile bir inbisât olur peyda"...

"Valla hiç birşey anlamadım", deyiverdi Ökkeş. "Zaten anlasaydın, ölüm fermânımı imzalamış olurdun" dedi Muhayyel. Sigarasına yapıştı hemen. Iki parmağı arasında alevlenen o meret, dudağına öyle sarılmıştı ki, duman, edebinden, soluk almaktan vazgeçmişti. O anda, zıpır geçivermişti. Sevmesi zaten mümkün değildi. Bari nazar eyleseydi, yeter de artardı bile. Olmamıştı. Küller, boyunları bükük, okşadılar elini. O kör, bu kor. "Ben sensiz bin gece kan ağladım, sen bir gece bile sensiz kalmadın, mâzursun" çığlığı işitilmişti semâda...

mercredi 14 octobre 2015

Ode au démon...

Le souffle coupé. Encore une fois. La mèche qui embrase le coeur. Une chevelure dorée qui passe par là et un corps qui s'écroule. Un oeil vert, le drame d'une vie. Et cette frivolité, cette allure, cette senteur, pourquoi diable faut-il que tu sois l'être le plus beau...
C'est d'une odeur qu'on devient fou. L'un traîne la beauté de son espèce, l'autre renifle les pissotières. Même la goutte la plus vile devient une histoire. Un conte. Une grosse bulle au-dessus de la tête. On y range l'arôme du corps et certaines des cochoncetés...
La respiration et le souffle nous offrent un avant-goût de l'Eden. "Le dedans des statues sent déjà le paradis". Le menton dressé, on croit narguer. Alors qu'on est en pleine extase et c'est tellement lâche. Pourquoi faut-il toujours qu'on souffre de la vénusté de cette race...
Et le "bonsoir" tombe. Qu'on s'en fout alors des obligations et des convenances. Bien pâle est la personnalité de celui qui n'envisage pas de démissionner pour suivre une fragrance, n'est-ce pas. La chaise et la paillasse deviennent reliques; le vide laissé, un temple...
Le démon s'en va et on va pleurer dans le giron de son adversaire, Dieu. Toujours aussi bavard. Païen j'eûs été, j'aurais dévidé mon chapelet et arraché la calotte du mollah. Et quand on pense que la sueur sera saveur pour X, Y ou Z, on dérobe un dernier regard. Histoire de résister...

lundi 7 septembre 2015

Au nom du père...

"Il a perdu la boule, ma parole !", a tenté de blasphémer l'ami Muhayyel. "Ton Erdoğan a encore commis une bourde", a-t-il ajouté. "Arrête de laïusser, toto", a rétorqué un camarade arabe qui passait par là. "Il a construit des ponts, des chaussées, des autoroutes, des hôpitaux". Et vlan dans les dents ! Ah que c'était vrai, vu de la "rue arabe"... 

C'est le drame des Franco-turcs : dans notre pays de naissance, on est tellement pétri de certitudes démocratiques, n'est-ce pas, que les libertés politiques comme le droit de pouvoir manifester sans se faire tabasser vaut autant que la construction de routes. Ce qui est moins vrai pour le Turc de base qui, ravi de manger à sa faim et de recevoir des soins approppriés, ferme les yeux sur tout le reste. Et c'est précisément pour cela que notre susceptibilité est perçue, dans notre pays d'origine, comme une profonde ingratitude à l'égard du bâtisseur Erdoğan... 

On l'aimait bien, pourtant, quand il avait les yeux gonflés à force de réformer son pays candidat à l'UE. Et, s'il vous plaît, il avait pris à bras-le-corps le "problème kurde". "Megri, megri" résonne encore dans nos oreilles. Et tous les pontes de l'AKP louer la sagacité du "monstre" Abdullah Öcalan, que c'était un acte de bravoure digne de mériter un Nobel !



Le Lider avait décidé de faire la paix "coûte que coûte" dixit. Un Lit de Procuste, pourtant. Une épine que seul lui pouvait enlever. Cela tombait bien puisque l'Etat négociait avec le PKK à Oslo, à İmralı, à Ankara. Personne n'avait rien compris à la déclaration commune faite par le très cul-serré vice-Premier ministre Yalçın Akdoğan et le boute-en-train HDPiste Sırrı Süreyya Önder mais on s'en foutait, mille pardons, la sérénité était au coin de la rue... 

Et patatras ! L'Etat islamique a mis son grain de sel et tout a périclité. Rebelote la poudrière. Plus d'une cinquantaine de morts depuis le mois de juillet. Pardon, morts non, "martyrs" selon le canon officiel. Expédiés au paradis. Et les Turcs y sont habitués : le plus cruchon crie vengeance avant d'aller torturer ses pipasses alors que le plus meurtri s'en remet à Dieu. Entre-temps, les funérailles se transforment en séances de catharsis. Les jeunes vagissent, les moins jeunes maudissent et les officiels pâlissent.

C'est que la peine se décuple et la colère s'exhume. Non non pas contre l'armée, officiellement 2ème puissance de l'OTAN. Ils ont beau s'être plantés sur toute la ligne depuis 30 ans, les "pachas" restent hors d'atteinte. Ils luttent contre une guérilla et trois décennies ne suffisent pas à développer une stratégie. La preuve en est qu'après chaque attaque, le Premier ministre réunit les mêmes personnes qui foulent le même tapis, déroulent la même carte et profèrent les mêmes menaces contre les mêmes terroristes...

Sauf que de plus en plus, des signes de ras-le-bol commencent à inonder les cérémonies officielles. Erdoğan et compagnie, jadis des "faiseurs de paix", en prennent pour leur grade. Si bien que le raïs a dû accorder une interview pour, en théorie, calmer les esprits. Dans sa version improvisée, le président de la République, également chef des armées, n'y est pas allé par quatre chemins. Il a tout bonnement décrété que certains pères qui gémissaient trop fort lors des cérémonies d'enterrement de leurs fils avaient "un caractère corrompu" (bozuk karakter) !

La chair de sa chair embrasse la terre. Et le père accuse les autorités. Un affront, pour Erdoğan. "D'autres m'ont dit qu'ils étaient prêts à sacrifier leurs autres enfants", a-t-il assuré. Tant mieux pour la patrie. De là à invectiver un "daron" dont le monde vient de s'écrouler... Erdoğan a deux fils. L'aîné est un fantôme, il ne figure jamais sur les photos officielles. L'autre passe pour être un brin zozo. Tant pis pour lui. Ah oui, aucun n'a fait le service militaire. L'un a payé, l'autre est le fils à papa. Un bon père de famille qui tient à ses enfants. Comme celui qui vient de baiser la tendre terre qui a enseveli pour l'éternité son bout de chou...

dimanche 21 juin 2015

"Baba" et baba...

"Baba", aussi, s'est éteint. Süleyman Demirel. Le 9è président turc (1993-2000). 91 balais. Le mômichon que j'étais admirait ce gros Monsieur chauve au feutre vissé sur la tête et au bagou irrésistible. Sa femme, Nazmiye, une paysanne maquillée, était une autre légende. "Baba", c'est-à-dire papa. C'est que le couple n'avait pas d'enfant. Officiellement, en tout cas. Comme Bülent Ecevit. Comme Devlet Bahçeli. Pis (ou mieux), ce dernier n'a même pas une mie, dit en passant... Du coup, la nation turque l'avait honoré en l'appelant père. Il le lui rendit bien : "bon père de famille", il ne pilla pas les caisses de l'Etat...



Un ingénieur d'extraction modeste qui devient chef de l'Etat. La méritocratie républicaine à la turque. Et ça ne rigolait pas hein, imaginez-le gouverner un Etat dont les dirigeants restaient avant tout les descendants des grandes familles ottomanes. Le socialiste Bülent Ecevit (1925-2006) et l'islamiste Necmettin Erbakan (1926-2011), par exemple, deux autres dinosaures, étaient issus de la bourgeoisie. Lui, fils de paysans. Même le légendaire Turgut Özal (1927-1993) appartenait à la classe moyenne supérieure. 


Evidemment, il doit sa longue carrière ("parti 6 fois, revenu 7 fois") à son... "pragmatisme", restons poli. C'est une tradition en Turquie : celui qui vient des marges et se hisse au sommet de l'Etat se métamorphose en gardien sourcilleux de l'ordre établi. Ce que les politologues appellent "ankaralaşma", "ankaraïsation". C'est connu, quand on n'a plus de suffrages à solliciter, on commence à transpirer la sincérité. Alors, le Demirel du centre-droit (il est le premier dirigeant à mettre les pieds dans une mosquée) est devenu, en fin de carrière, celui qui invite les filles voilées, interdites d'université, à étudier en Arabie Saoudite si elles y tiennent beaucoup...



Oh que non, il n'est pas parti en odeur de sainteté, comme un Özal dont le cercueil glissait sur les épaules des citoyens. Mais le mômichon s'en fout, passez l'expression. Le dernier des Mohicans s'en est allé. Une page de l'histoire s'est tournée. N'a-t-on pas le droit de se désoler tout simplement, sans s'interroger sur le sort du défunt dans l'au-delà ? Entre lui et Lui. Que Dieu l'absolve.    


Les Turcs ont enterré deux présidents en moins d'un mois. La momie Kenan Evren, le putschiste de 1980, a été entombé comme un lépreux, en mai dernier. Celui qui avait, précisément, renversé le Premier ministre Demirel. Et "Sülü" a été porté par les militaires, ceux qui l'ont chassé par deux fois du pouvoir. Ironie de l'histoire, son successeur, Ahmet Necdet Sezer, faisait une crise cardiaque au même moment... "N'eût-il pas eu ce malaise, il ne se serait pas déplacé à la cérémonie, j'parie !". Effectivement. Il est bizarre ce Sezer quand j'y pense...



Et Demirel était aussi un grand expert des manœuvres politiques. Il a tout connu, la majorité absolue, les coalitions, le gouvernement minoritaire, l'opposition, la résidence surveillée, l'air libre, l'administration, le parlement et finalement, le palais présidentiel. Encore ironie de l'histoire, la Turquie d'aujourd'hui se cherche un gouvernement et assiste à des pourparlers, comme au bon vieux temps. Sauf que. Le nationaliste Bahçeli, le sans-enfant, n'a pas été tendre. "Tu me donnes ton fils Bilal, je te file le gouvernement !", a-t-il lancé à Erdogan. Bilal, accusé de corruption. Bilal, le fils à papa qui a échappé à la justice. Bilal, monnaie d'échange pour former une alliance. On se croirait dans un film de gangs. Erdogan père, un autre "baba". Ah oui, ce mot signifie aussi "parrain" en turc. Tomber à ce niveau...

dimanche 14 juin 2015

Le Siècle de DSK

Jadis, on avait la pétoche. Madame Bovary, par exemple. Elle trompait autant qu'elle pouvait un mari subjugué. Les gens pépères, ça allait un temps. Un époux bien rangé, trop bon, trop convenu, trop popote, ça tuait le désir, n'est-ce pas. La femme a besoin d'un vis-à-vis qui est toujours prêt à la tromper. Elle doit avoir cette impression, sinon, elle lâche l'affaire et largue le type. C'est contraire à sa nature. Eh bien, Emma allait bichonner des Léon et compagnie mais elle avait peur d'être prise la main dans le truc. Et quand elle fut coincée, elle se donna la mort. C'était comme ça, avant, l'indécence avait de l'allure...

Ou je ne sais pas, moi, Oscar Wilde. Condamné pour ce fameux "amour qui n'ose pas dire son nom". Le pauvre. On te traite de "sodomite", tu flanques un procès pour diffamation et au bout du compte, c'est toi qu'on embarque... C'est que le code pénal suivait le code moral, il fallait avoir honte de cet "acte outrageant les mœurs". Aujourd'hui, c'est de la rigolade, on ne comprend même plus. Les "mœurs", c'est quoi d'abord ? A l'ère du "dérèglement", les moraleries ne sont l'affaire que des envieux... 

Ca, c'est le XXIe siècle ! Au Japon, une dame accourt au tribunal parce que son mari l'a trompée avec une serveuse. C'est que l'adultère est, là-bas, une "cause péremptoire de divorce", comme dirait le juriste. Contrairement à la France post-1975. Ici, par exemple, l'adultère ne fait plus partie de la moralité publique, le juge ne prononce pas automatiquement la séparation, il va fouiller dans ta propre conception de la moralité et essayer de se demander si ça te gêne tant que ça ! Et comme..., bref. Ma biche, donc, crie au scandale. Et là, paf. "Allez, arrête tes conneries", lui a rétorqué le juge. "Il ne t'a pas trompée, il est allé voir une prostituée". Ouah ! Sentence : une relation tarifée n'est pas un cas d'adultère. C'est du commerce...

Et chez nous, les députés en sont toujours à essayer de "pénaliser le client". Nos élus veulent nous rendre bien élevés. "A une époque où tout priapise, où tout est lascif, on devrait interdire la conjonction tarifée des voluptés ? Non. Que celui qui souhaite maudire la prostitution et son client, le fasse. Que le législateur qui souhaite bannir la prostitution et blâmer son client, rengaine son sermon. En matière de mœurs, dès lors qu'il n'y a pas de tiers lésé, aucun principe juridique ne doit pouvoir interférer dans l'autonomie personnelle. Que celui qui s'entête à corriger un penchant laisse le droit à sa place", avais-je naguère éructé...

DSK, entre-temps, a été blanchi. On l'accusait de proxénétisme aggravé. Il n'en est rien. On a appris à l'occasion qu'il aimait les p..., les s..., etc. Comme vous et moi, quoi. Le problème, c'est que, quand on le voit dorénavant, on l'imagine dans l'une de ces scènes. Et on n'arrive plus à le prendre au sérieux. Un peu comme le vieux sage du quartier dont on apprend l'orientation sexuelle sur le tard. Le point d'honneur, euh... C'est la chute, même si on a nous-mêmes une conscience large comme la manche d'un cordelier. Wilde, encore. "Tout procès est celui de notre vie entière, de même que toutes les condamnations sont des condamnations à mort". Tout ce qui nous reste du XIXe siècle...

samedi 16 mai 2015

La voiture de Saint-Görmez...

"Que puis-je pour toi?", avait maugréé le gratte-papier, tête baissée, binocle bien disposée, plume pressée. "Tu accélères la procédure !", avait martelé l'autre, la mine renfrognée. Des yeux en boules de loto, un front plissé, un langage orné, un salut obséquieux, je vis. C'était grave comme la fonction de l'un pilonnait la personnalité de l'autre. Le gratte-papier, c'était le fonctionnaire; l'autre, mon oncle maternel directeur régional. C'est que Monsieur mon père avait rejoint ses ancêtres et je me démenais pour m'occuper de la paperasse post-mortem. Et lassé de me faire sans cesse rabrouer, j'avais convoqué, toute honte bue, le piston. En Turquie, il arrive avec fanion...

J'avais pourtant supplié mon oncle paternel, le directeur régional d'une autre administration, de passer le message, "un simple coup de fil suffit". Et ben non, il fallait que Monsieur le directeur s'engouffrât dans sa berline. Le paternel m'avait averti, "le maternel vient avec sa voiture de fonction, hein !". Venir avec sa voiture de fonction. Le directeur régional de l'une des 81 provinces de Turquie allait faire étalage de son autorité avec sa bagnole maquillée d'un petit drapeau. Et la "populace", étonnée de cette "descente", nous avait maudit in petto, nous, des chanceux, la portée d'on ne sait quelle grande famille, bref des salauds...



"Mon Dieu, pardonne-nous !", avait coutume de prier feu Madame Erbakan. La "Second Lady", morte en 2005. L'épouse du premier ministre islamiste Necmettin Erbakan. A chaque fois qu'elle posait le pied dans la voiture de fonction, elle s'en excusait auprès de son Seigneur. "Sécurité oblige", lui avait-on répondu. Les gardes du corps mobilisés, les sirènes ronflantes, le peuple écarté. C'est le grand dilemme. Etre musulman, suivre l'exemple du Prophète en toute occasion ou être musulman et suivre les exigences protocolaires de l'époque moderne. Un peu comme quand le Sieur Erdogan avait érigé un palais à 1000 chambres. Islamique ou pas ? Autant que l'étaient les palais somptueux des califes...

"Franchement, combien ça coûte ton pousse-pousse !", a éructé le maître du Palais blanc. C'est que Mehmet Görmez, le grand mufti de Turquie, fatigué de son vieux tacot, a demandé une voiture de fonction flambant neuve, histoire de se déplacer comme vous et moi. Et l'Etat lui a filé une Mercedes à quelques centaines de milliers d'euros. Tout de suite, les méchants ont crié au scandale. "Ah bah nan alors, comment se fait-ce ! Le Prophète serait-il monté dans cette automobile ! Parpaillot, vendu, nabab !"... Un peu comme le conventionnel qui disait à Monseigneur Bienvenu, "vous êtes un évêque, c'est-à-dire un prince de l'église, un de ces hommes dorés, armoriés, rentés, qui roulent carrosse au nom de Jésus-Christ qui allait pieds nus !" (Les Misérables)...



Empoté qu'il était, par exemple le raïs Mujica d'Uruguay avait pourtant fait le pauvre lorsqu'il avait été porté à la magistrature suprême. Le nôtre a critiqué le mufti qui s'est aventuré à rendre son joujou. Et il l'a appelé. "A quoi tu joues mon brave ! Pourquoi as-tu rendu ta charrette ! Ta fonction mérite une telle voiture". "Non non, je la restitue pour donner l'exemple", s'est excusé celui-ci. "Ibret-i âlem için", en bon turc. Après tout, ne sommes-nous pas les suiveurs d'un Envoyé de Dieu qui mangeait quelques dattes pour tromper sa faim... Et histoire de faire pleurer les électeurs, le chef de l'Etat n'a pas manqué d'apporter une précision. "Mon pauvre mufti, dès qu'il a entendu ces polémiques, il est descendu de sa brouette et il s'est rendu chez lui à pied !". "Pedibus" comme dirait le lettré. "Avec la voiture de Saint-Crépin" comme disait le vulgum pecus du 19e siècle...

Quand je pense que le pape était porté jusqu'à une date récente sur un trône mobile, la sedia gestatoria, il y a une marge pour un mufti. Alors, une fausse conscience ? Bah non, voyons. C'est un homme de Dieu, le professeur Görmez. Il a commis une erreur, ça peut arriver, n'est-ce pas. Mais quand on a la conscience d'être rien, le luxe nous brûle d'emblée; on n'a pas besoin d'entendre des protestations pour "se rendre compte" de la situation. Et celui-ci n'en démord pas : "je me suis tu pour ménager la majesté de cette fonction et la réputation de l'institution". J'ai fait le modeste parce que je suis éminent... Soit dit en passant, Monseigneur Bienvenu "baissa la tête et répondit : Vermis sum". "Je suis un ver de terre". Ca suffit amplement, parfois...