samedi 29 mai 2010

Blasphème

C'est vraiment étrange. On s'en souvient, le président de la République décrétait que le voile intégral n'était pas le bienvenu en France, le ministre de l'intérieur créait le concept de "prototype arabe", la secrétaire d'Etat chargée, dit-on, des banlieues crachait ses sentences contre toute forme de voile. Tous, des membres de l'exécutif français. Et voilà que Rama Yade a également ouvert la bouche. On lit : "Si le projet de loi du gouvernement pose des problèmes juridiques, je préconise qu'on en passe par un référendum. (...). La question de l'égalité homme-femme, la préservation du principe de laïcité qui fondent notre vivre-ensemble et qui font que la France est la France doivent prévaloir sur tout le reste" (La Croix, 28 mai 2010, p. 9). Un joli commentaire de texte à soumettre aux étudiants en droit...


Diplômée de Sciences-Po, Madame. Ancienne secrétaire d'Etat aux droits de l'Homme, aussi. Et au final, deux billevesées qui prouvent qu'elle a encore beaucoup à apprendre. Même si le Conseil d'Etat avait estimé que les étudiants de sciences-po étaient bien équipés pour passer les examens du centre régional de formation professionnelle d'avocats. Le CRFPA pour les intimes. Il y eut une fronde des professeurs de droit, pourtant; selon eux, les étudiants de sciences-po ne connaissaient pas assez le droit. "Mais non, mais non" avait dit le Conseil d'Etat. Cela dit en passant, les professeurs se sont fait rabrouer par le Conseil d'Etat dans une autre affaire d'importance, celle de la suspension de l'état d'urgence décrété en 2005. La crème de la crème, pourtant, avait saisi la haute juridiction : la civiliste Soraya Amrani-Mekki (l'idole des "gens" de la banlieue), l'internationaliste Hervé Ascensio, les théoriciens du droit Pierre Brunet et son maître Michel Troper, les publicistes Gwenaële Calvès, Véronique Champeil-Desplats, Frédérique Coulée (ma prof de droit international à Orléans), Jean-Pierre Dubois (président de la ligue des droits de l'Homme), Olivier de Frouville, Gilles Guglielmi, Geneviève Koubi (deux références en droit du service public), la légendaire Danièle Lochak (la "mère" des arrêts Gisti au Conseil d'Etat), l'activiste Sylvia Preuss-Laussinotte (ma prof de libertés fondamentales à Nanterre), le bouillant Frédéric Rolin (mon prof de droit parlementaire à Nanterre, l'un des plus passionnants professeurs de droit (avec Jean-Marie Denquin) que j'ai croisés; dans la vidéo, à partir de 9:30 minutes, il débat avec la présidente de NPNS), le militant Serge Slama, etc. Tous, des professeurs de droit. "Allez allez" leur avait, derechef, dit le Conseil d'Etat...


Je m'égare. Rama Yade, donc. Un référendum sur une liberté fondamentale et le refrain sur la laïcité. Bien sûr, dans une démocratie, se référer au peuple n'a rien de révulsant. Mais il est pour le moins répugnant de sombrer dans le populisme le plus total sur une question de ce type. Comment le dire, on ne sait plus ! Ce n'est pas difficile, pourtant : on ne peut pas soumettre à référendum un sujet touchant aux libertés fondamentales ! C'est la raison pour laquelle un référendum sur les minarets, un référendum sur les vêtements des uns, un référendum sur les boissons alcoolisées des autres, est normalement i-nen-vi-sa-geable ! La démocratie, ce n'est pas l'imposition de la conception majoritaire, c'est avant tout le respect des droits de la minorité ! Car oui, le port de la burqa est l'exercice d'une liberté fondamentale, a réitéré Thomas Hammarberg, le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe : "l'interdiction pourrait aller à l'encontre des normes établies en matière de droits de l'homme, en particulier le droit au respect de la vie privée et à l'identité personnelle, et la liberté de manifester sa religion ou sa conviction".


Il est dangereux de penser ainsi; dans une enquête réalisée en Turquie, on apprend que les Turcs sont favorables, entre autres, à la restriction des droits des homosexuels et des droits des athées à hauteur de 53 % et 37 % respectivement. Et si le parti gouvernemental argüait justement de ce soutien pour, par exemple, interdire les relations homosexuelles ? On avait eu cette configuration en Californie où le peuple avait interdit le mariage homosexuel par référendum alors que la Cour suprême de l'Etat venait tout juste de reconnaître ce droit. "Je respecte le choix du peuple" aurait sans doute dit Mme Yade...


Cette tendance à vouloir s'adosser sur le peuple fait peur, à force. Jadis, le général de Gaulle avait organisé un référendum sur l'élection du président de la République au suffrage universel. Tous les juristes étaient unanimes pour considérer la base juridique de ce référendum comme contraire à la Constitution. Mais le Conseil constitutionnel avait estimé qu'il "résulte de l'esprit de la Constitution (...) que les lois que la Constitution a entendu viser dans son article 61 sont uniquement les lois votées par le Parlement et non point celles qui, adoptées par le Peuple à la suite d'un référendum, constituent l'expression directe de la souveraineté nationale". C'est précisément cette dernière phrase qui cloche. Pourquoi le peuple aurait le droit de violer la Constitution ? Car en matière de droits de l'Homme, on ne doit pas compter sur la "sagesse" su peuple. C'est cette idée qui inspire le refus du "libertarianism".


Verbiager n'est pas forcément un crédit en politique. Les dérapages de nos dirigeants, ça commence à faire beaucoup. Le sarkozysme, disait aussi Madame, c'est ne pas baisser les bras. Impossible n'est pas sarkozyste. Le message est donc clair : "ne vous inquiétez pas, on va tout faire pour violer le droit". On est dans une nouvelle ère, celle où on enlève les suffrages à l'esbroufe. On met de côté les principes fondamentaux pour satisfaire sa base. Une base qui a peur de ce qu'elle ne connaît pas. Personne ne souhaite la réconforter, au contraire, on s'empresse d'attiser ses craintes car on a peur que Le Pen le fasse avant nous et empoche la mise... Et le peuple succombe; 70 % des Français se disent favorables à une telle interdiction.


Lamartine disait avant l'élection du président en 1848 : "Si le peuple se trompe, s’il se retire de sa souveraineté (...), s’il veut abdiquer sa sûreté, sa dignité, sa liberté entre les mains d’une réminiscence d’empire (...), s’il nous désavoue et se désavoue lui-même, eh bien ! tant pis pour le peuple !" On a que ce que l'on mérite, assurément... Il faudra alors s'attendre à un retour de la manivelle; car consentir à la violation d'un droit d'autrui n'est rien d'autre, au fond, que reconnaître que sa propre dignité est toute relative...

samedi 22 mai 2010

Facticité

Et rebelote. Les revoilà ensemble. Behlül et Bihter. Les deux protagonistes de la série la plus "salace" de la télévision turque. Retombés dans les bras l'un de l'autre. Alors que toute la Turquie s'était apaisée et attendait cette fin macabre que le roman prévoit. La série "Ask-i memnu". "L'amour interdit".

Ca confirme qu'un homme reste un homme et qu'une femme reste une diablesse. Madame (Bihter) est la jeune femme de son oncle (Adnan), épousée en secondes noces. Un oncle riche; un décor qui fait rêver : maison spatieuse, domestiques, chauffeurs, gouvernante, belles femmes, belles vêtures, etc. Mais le neveu (Behlül) est trop beau, aussi. Madame en tombe amoureuse. Ils n'hésitent pas, oh que non, ils couchent. Evidemment goûter un homme que tout le monde s'arrache est une réjouissance sans pair. Et comme Behlül est un savoureur... Mais Behlül est loin d'être un bélître, il décide alors de décharger sa conscience en "quittant" sa maîtresse-tante et en se fiançant avec sa cousine, la fille de son oncle. Ironie : behlûl, en ottoman signifie "celui qui rit beaucoup, celui qui est bon"; dans le dictionnaire arabe, je trouve plutôt "buhlûl" : "pître, bouffon". Et dans le dictionnaire arabe-français-anglais, on rajoute "stupide". Bref, l'idiot.

Les Turcs étaient en colère, pourtant. Ils voulaient absolument que cette relation infâme cessât. Un gus avait même intenté une action en justice; c'est que cette série l'énervait. Et comme il ne voulait pas zapper, il fit l'idiot, lui aussi. Il n'y est pas allé de main morte : cette série heurte la conception turque de la famille; elle viole la Constitution qui impose à l'Etat de protéger la famille et elle est contraire à la dignité humaine et aux droits de l'Homme... Le procès est en cours. Entre-temps, il suit la série... Car, avouons-le, c'est une des séries turques les plus réussies. La musique, le casting, les plans, l'histoire.

"Il m'énerve ce type, m'a dit mon amie, il est trop canon; tu sais quoi ? Je l'ai violé ! Avec mes yeux !", "c'est ça, oui, calme calme"... Behlül (Kivanç Tatlitug dans la "vraie vie") fait fantasmer. Même Gülben Ergen, une chanteuse relativement connue, le crie sur tous les toits : "c'est le type le plus beau de la planète". Derek Keeling et Brandi Burkhardt sont sous le charme, aussi. Mais lui, il est timide; lorsque le présentateur lui pose des questions sur sa vie amoureuse, il rougit presque. Des perles de sueur éclosent. "Je suis vraiment gêné de répondre à ces questions, mes parents regardent l'émission, tu sais". Oh qu'il est pudique en plus. "Ay canim yerim seni yerim", "sus kiz, alirim ayagimin altina"...

Voilà un début de réponse à tous ceux qui m'envoient des courriels pour les traductions, potins, confidences et autres jacasseries. Je constate toutes les semaines que les Arabes sont complètement absorbées par les séries turques. Burak Hakki, Murat Yildirim, Kivanç Tatlitug, Kenan Imirzalioglu.

Et vas-y pour faire le psychologue; véridique : "je vais divorcer d'avec mon mari, il m'énerve, il me laisse pas regarder les séries turques", "bah oui ma p'tite dame, il a peut-être raison nan ? euh...", "comment je peux savoir la suite de la série", "bah en regardant toutes les semaines", "ha ha, allez lâche la suite", "c'est ça ouais, je me tape une série de 2 heures avec des pauses publicitaires de 10 minutes toutes les 20 minutes, j'en morfle moi, à votre tour"... J'ai eu même droit à une fille qui me croyait producteur de toutes ces séries qui inondent le monde arabe ! Mais je suis bien obligé de faire la fine bouche : amies arabes, ne rêvez pas trop, la série "Amour interdit" a déjà du mal à passer en Turquie, elle ne sera jamais diffusée dans vos contrées ! Désolé ma belle...

Dans un roman turc, Korkuyu beklerken (un grand merci à celle qui me l'a fait découvrir), l'auteur Oguz Atay disait : "ben bu sarisinlarda çig bir sey, pismemis bir hava sezerim" (p. 106.). Du genre, je trouve chez les blonds un côté "vert", "immature", "inaccompli". Magnifique, quand même ! Les "beurettes" vont protester à ma porte, à coup sûr. Les brunes aiment les blonds, les blonds aiment les brunes (d'ailleurs les filles qui ont eu le privilège de partager l'alcôve de Kivanç sont toutes brunes aux yeux marrons, youppi demi kiz).

Blondeur rime avec yeux en couleur et peau relativement blanche. C'est pour cela que pour Louis-Ferdinand Céline, une personne qui a mal dormi ressemble à un Suédois mort... Mais au-delà de ce physique trop "coloré" qui disqualifie la virilité, les hommes occidentaux ne semblent pas virils non plus car ils sont épanouis, libérés sexuellement, ils n'ont pas à faire des démonstrations de force, ils n'ont pas à afficher une gravité dans la démarche et dans le verbe. En Orient, ils sont complexés, cernés par des interdictions, des pressions sociales et utilisent donc leurs corps et leurs manières pour affirmer leur présence. D'un côté, presque une confusion des genres, de l'autre, une radicalité bien identifiée. L'Occidentale succombe à l'un, l'Orientale s'entiche de l'autre.

Ca fait un peu "parler avec la suffisance d'un adolescent boutonneux après sa première conquête" (Max Gallo, Les Fanatiques) comme le rappelle mon ami Muhayyel; mais non, mon brave. Aha da yaziyorum : "un aveugle, on l'aide à traverser les rues ! Pourquoi n'aidera-t-on pas celui que la passion frappe d'une cécité aussi totale que l'autre ?" (Henri Troyat, L'Araigne). Juste une mise en garde : garde ton mari, ta famille, ta mentalité et ton mode de vie, amie inconnue : c'est juste une fiction. Respire un bon coup; et vira bismillah... Le "soft power" turc fait des dégâts, ils avaient raison ou quoi les cheikhs qui jetaient l'anathème sur celles qui bavaient devant ces séries ? "Contente-toi de ton mari, saloperie...", "pfff"...

jeudi 20 mai 2010

Bay bay...

C'est grandiose, tout de même. Le CHP, parti de "gauche" nationaliste turc, explose en direct. On s'en souvient, son leader, Deniz Baykal, avait quitté la scène politique après qu'une vidéo le montrant en plein adultère, avait été diffusée. Dans la foulée, un député en vue, Kemal Kılıçdaroğlu a annoncé sa candidature à la présidence.


Chose étonnante, le vieillard en titre du parti, l'indéboulonnable secrétaire général, Önder Sav, a lâché Baykal, son ami, son collaborateur, son alter ego, son confident de 40 ans. Le "maire du palais" a décidé de soutenir Kemal Kılıçdaroğlu. Immédiatement le conseil de direction du parti s'est réuni pour lancer un appel solennel à Baykal afin qu'il reprenne les rênes du parti. On apprend que la réunion a été houleuse, Önder Sav ayant été honoré du classique "agent de la CIA" par un cerveau brûlé; celui-ci a immédiatement quitté la salle et s'est présenté devant les caméras de télévision pour railler les dirigeants du conseil de direction ! Un déchirement interne ! Le trésorier du parti, de son côté, a pris la parole pour lire la déclaration du conseil et appeler Önder Sav à la démission; ce dernier l'a invité à aller se faire voir... Et comme l'opportunisme n'a jamais tué personne, les 2/3 des députés et la quasi-unanimité des présidents de fédérations ont fait acte d'allégeance au candidat Kemal Kılıçdaroğlu !


Pour ceux qui suivent la vie politique turque, c'est tout bonnement révolutionnaire, le vieux lion a été évincé; il est vrai qu'un homme immoral n'aurait plus été crédible; même moi qui suis très très indulgent dans les affaires de moeurs, j'aurais sans doute éclaté de rire si je voyais Deniz Baykal prendre son air sérieux et défendre le droit des femmes, par exemple... Désolé. Ce n'est pas tant le fait qu'il a trompé sa femme qui me trouble, c'est l'état dans lequel on le voit dans la vidéo. Ce sentiment qui, quoi que l'on fasse, ne s'effacera jamais. C'est vraiment dommage. D'ailleurs, le Premier ministre Erdogan a déjà commencé les insinuations : "alors que nous nous démenions au Parlement pour changer la Constitution et améliorer les standards démocratiques de notre pays, Monsieur Baykal était occupé à faire autre chose..."


Baykal qui avait fait semblant de se retirer et qui attendait sagement les supplications des CHPistes pour revenir, a l'air tout chose : les CHPistes se sont illico détournés de lui ! Même Önder Sav, un Tcherkesse par-dessus le marché, l'a poignardé, lui, Baykal, un autre Tcherkesse. Il a soutenu Kemal Kılıçdaroğlu, un alévi ! On rêve. Car c'est une tradition, en Turquie : tout fonctionne par communautarisme ou esprit de clocher : la justice est aux mains des alévis, la diplomatie aux mains des Sabbataïstes, la police et les renseignements aux mains des Tcherkesses. Le CHP était, quant à lui, le parti des alévis mais Baykal avait toujours pris soin de ne pas en faire un parti d'alévis.


Kemal Kılıçdaroğlu que ses partisans appellent Gandhi Kemal est surtout connu pour ses bourdes : lorsque le sinistre Onur Öymen avait dit des choses sur Dersim (massacre des Kurdes alévites), il l'avait appelé à démissionner avant de se raviser le jour d'après; lorsqu'il avait voulu "coincer" le ministre des finances en révélant que sa soeur avait bénéficié d'un passe-droit pour obstenir l'allocation de pauvreté et que le ministre avait tout bonnement saisi l'occasion pour rappeler qu'à l'AKP contrairement au CHP lorsqu'une personne devenait ministre, toute sa famille ne s'enrichissait pas et que, effectivement, sa soeur était dans le besoin, il avait dû platement s'excuser... Il est connu aussi pour dénicher des dossiers de corruption contre les membres de l'AKP sans que personne ne le prenne trop au sérieux. Voilà donc le futur Premier ministre de la Turquie, un amateur.


Tant pis. On l'accepte quand même. Un peu benêt, pas charismatique du tout, malheureux candidat à la mairie d'Istanbul. Ca ne fait rien. Tant qu'il ne ressorte pas les salades du type "la laïcité est en danger", "on bascule", "j'étouffe", etc., il est digne d'être soutenu. Mais lorsque sa première déclaration, c'est de proposer la candidature de Deniz Baykal à la présidence de la République en 2012, on s'évanouit...


Le CHP est officiellement un parti de gauche. Un parti de gauche qui n'a jamais eu une rhétorique de gauche. Un parti de gauche rempli d'ambassadeurs en retraite. Un parti de gauche dont le cheval de bataille est le maintien du statu quo. Un parti de gauche qui reste atone sur l'explosion de la mine de charbon. Un parti de gauche qui freine les tentatives de "réhabilitation" des Kurdes. Un parti de gauche qui ignore le concept de droits de l'Homme. Un parti de gauche qui est sur le point de se faire expulser de l'Internationale. Un parti de gauche qui est soutenu par les grands industriels du pays. Avec Gandhi Kemal, espérons que les anciens schémas seront abolis, que nous ne serons plus "laïcs-obscurantistes" mais "corrompus-intègres", "privilégiés-exploités", "délinquants-victimes". De la sauce gauche, enfin. Bülent Ecevit, le seul vrai social-démocrate d'envergure que la Turquie a connu, peut dormir en paix... Gandhi Kemal arrive... Yes you can !

mercredi 12 mai 2010

Rideau tombé ? Rideau tiré ? Rideau levé ?

Il est parti. Il a jeté l'éponge. Dépité. Deniz Baykal, le président du CHP, parti républicain du peuple. Le parti de Mustafa Kemal. Un parti, aujourd'hui, ancré à gauche; en tout cas, on se leurre ainsi. Même l'Internationale se demande s'il faut toujours héberger une telle formation. Mais bon.


Le fringant, pimpant, "bogosse" et néanmoins septuagénaire Baykal a été pris la main dans le sac. Une vidéo le montrant nu en charmante compagnie a été mise en ligne par on ne sait trop qui. Les masses se sont effondrées, évidemment. Car qu'on l'aime ou non, Baykal a une marque de fabrique : son intégrité. Personne n'a encore entendu parler de népotisme, favoritisme, piston ou autre malhonnêteté.


Baykal a attendu quatre jours avant d'annoncer sa démission, lundi. Il a excipé d'un "complot". Il n'a pas renié le "fond"; il a fustigé la "forme". Il a accepté, en somme. Bien. Evidemment, tout le monde fait semblant de s'indigner tout en se léchant les babines; et mourant d'envie de savoir les détails. On apprend donc que Madame qui figure sur cette vidéo a été "créée" députée alors qu'elle n'était que la conseillère de Baykal.


Les gérontes du CHP lui ont supplié de rester. Sans Baykal, ils ont peur d'avoir l'air encore plus vieux. Baykal faisait jeune, au moins. Mais le sinistre Onur Öymen, le fossile Önder Sav, l'imbuvable Mustafa Özyürek vont désormais "dégager", passez l'expression. La vitrine va donc changer, théoriquement.


Une page de l'histoire se tourne. D'ailleurs, Baykal a terminé sa défense par le classique "hakkinizi helal edin", "pardonnez toutes les fautes que j'ai pu commises"... C'est bizarre mais la réplique tout aussi classique et habituellement automatique qu'est "helal olsun" ("je t'absous") sort difficilement de la bouche. C'est frustrant d'un côté; il ne devait pas quitter la scène politique de cette manière...


On avait presque pitié pour lui tout au long de son discours; mais lorsqu'à la fin, il a accusé le gouvernement d'être derrière cette manoeuvre, la nature a repris le dessus. Il aura réussi à se faire détester jusqu'au bout. Il a même profité de l'occasion pour, chose bizarre, disculper le mouvement Gülen. Mouvement de Fethullah Gülen, l'imam le plus populaire et le plus respecté de Turquie qui vit en exil aux Etats-Unis et qui fait figure de chef spirituel du plus vaste mouvement civil turc. Mais mouvement dont les kémalistes ont horreur car soi-disant subversif et infiltré dans les administrations les plus sensibles du pays. Baykal a donc coupé court à toutes les spéculations qui auraient pu naître sur l'origine de cette diffusion.


En réalité, coucher avec sa secrétaire est plus qu'un cliché. Les grands hommes d'Etat ne sont pas de bois, ils désirent aussi. Mitterrand, Clinton, Berlusconi et même Tiger Woods. Même en Turquie, les politiques les plus conservateurs ont eu des maîtresses. Mustafa Kemal, lui aussi, était un juponnier. Il est mort de l'hépatite B. Le célèbre Premier ministre démocrate, Adnan Menderes, avait deux familles, aussi. Après le coup d'Etat qui l'a renversé en 1960, il avait été traduit devant un tribunal suprême. Le substitut l'avait humilié en balançant une culotte et insinuant que celle-ci appartenait à une jeune fille. Ceux qui savaient encore rougir avaient rougi... En Turquie, les atteintes à la moralité ne rendent pas plus tendres leurs auteurs. Surtout lorsqu'il s'avère que la relation a été une monnaie d'échange...


L'intègre Baykal. Cette image qui restait dans l'esprit de ceux qui l'apprécient peu s'est évaporée. Il n'est plus excusable. Il n'est pas corrompu mais il est indigne. Un bon parleur, il était. Comme Erbakan; comme Demirel. Tout le monde s'accorde sur ce point : autant Erdogan est inculte et "bavard" autant Baykal est distingué et orateur.


Evidemment les théories de complot vont bon train : l' "Etat profond" aurait ainsi évincé son "avocat", Deniz Baykal. Des vidéos plus compromettantes seraient en attente. D'ailleurs, ce sont les journalistes les plus kémalistes qui ont, les premiers, exigé sa démission. Histoire de profiter du scandale pour se débarrasser de lui... Vive le clan !



Mais Baykal n'est pas du genre à se laisser faire. On ne sait donc pas s'il s'agit de la fin ou du début de quelque chose. La comédie a même commencé : on se demande déjà s'il ne va pas se représenter au congrès de son parti dans quelques jours. Les supplications ont déjà commencé, "reviens" crient en choeur les CHPistes, les larmes ont inondé le quartier général, des grèves de la faim ont même été lancées par le mouvement des jeunes CHPistes !


C'est dommage pour lui et pour les valeurs élémentaires qui fondent une société. Il aurait dû rester s'il se sait "innocent" (dans le sens moral). Il sait faire les manoeuvres, c'est un vieux de la vieille, peut-être qu'il reviendra. Espérons seulement qu'il ne se suicide pas, entre-temps; une tradition lorsque l'honneur est en cause. "Aman Allah korusun..."


Le CHP est complètement déboussolé. Plus de leader. Un drame dans le contexte turc où le président incarne tout le parti. Le porte-parole du parti a immédiatement précisé que le CHP n'allait pas bouger d'un iota de son sillon idéologique. Etrange comme déclaration. Comme si le président avait embarqué avec lui le programme du parti. On ne pouvait trouver mieux pour décrire ce qu'est un président de parti en Turquie : le concepteur, l'instigateur, le leader. Sans lui, le parti n'est rien.


Comme si le parti navigue à vue et que c'est le chef qui jette l'ancre à droite ou à gauche. C'est ahurissant, vraiment; le porte-parole a précisément déclaré : "nous allons rester ferme dans notre positionnement; nous n'allons pas devenir un parti libéral" !!! Mais heureusement Monsieur, fallait-il lui rappeler, puisque vous êtes (théoriquement) de gauche ! Pourquoi cette précision ? C'est grotesque. Une "culture démocratique" avec des "irremplaçables", voilà ce à quoi nous avons droit. Un parti de gauche qui assure ne pas basculer dans l'autre camp parce-que le leader a délaissé le gouvernail. Et quand on pense que Mustafa Kemal nous l'avait juré : "la Turquie ne peut pas être un pays de cheikhs, de derviches, des confréries et des couvents..." Ben voyons, la confrérie CHP vient de lancer "c'est ça ouais !" à son fondateur illustre. Le cheikh Baykal salue Mustafa Kemal...

vendredi 7 mai 2010

Révération

Comme on le sait, la plupart des nations du monde vont faire fête aux mères, ce dimanche 9 mai. Et comme c'est une fête "païenne", l'imam a consciencieusement rappelé dans son sermon du vendredi, de ne pas tomber dans ce genre de commémorations factices, à la limite débiles et nécessairement étrangères à notre "culture". Le refrain habituel : dans l'islam, la mère doit être honorée, exaltée chaque jour. Un argument qui ne fait plus vraiment sens à notre époque, assurément. D'ailleurs, lui-même, après avoir balancé l'index, a consacré son homélie au respect dû aux parents et surtout aux mères... Acculturation, cela s'appelle, sans doute.


Evidemment, les féministes boudent ce jour-là. Une mère, c'est une femme, avant tout. Le fait de mettre en avant sa maternité, conduirait insidieusement à rétrograder sa féminité. Et qui, d'ailleurs, a inventé cet "instinct maternel", hein ! Les hommes, sans doute, pour soumettre les femmes. Pour insinuer qu'une femme est avant tout un océan de sensibilité, de tendresse, de délicatesse, de bonté, de compassion, etc. Un tissu d'âneries, selon elles. Car il faut absolument que les hommes et les femmes soient de même composition. Ils doivent être égaux. "Oui mais biologiquement on est différents, quand même, nan ?", "salaud, arrête de dire la vérité !"...


La pollution a tellement pris de chemin. Je parlais avec une amie "moderne" sur ces choses-là. Et elle insistait. "J'pense que la femme ne doit pas être perçue avant tout comme une mère, elle a une vie aussi, une carrière, des loisirs, des amies, non non, elle doit rester femme même si elle est mère". Ca m'agaçait, moi. Car c'est du verbalisme, rien d'autre. "Mais moi je veux une mère, je veux qu'elle soit ma mère avant d'être une femme, avant d'être la femme de mon père, la soeur de trucmuche, j'ai besoin de son giron, laissez ma mère tranquille nom de Dieu, elle m'a mis au monde, elle n'est plus une, c'est terminé !" Işte o kadar ! Et il fallait bien la placer : "quand je me sens mal, c'est ma mère que je vais étreindre, pas mon père !". L'argument fait toujours mouche, elle me répondit, mon amie : "ouais c'est vrai, ah ma mère !"...


Quand quelqu'un dit : "je suis père, moi !", on a envie de lui rétorquer "et alors ?". Cette invocation n'a pas et ne saurait avoir la puissance d'un "je suis mère, moi !". Là, on s'arrête; c'est terminé, le débat est clos quand une mère s'introduit. C'est instinctif. Personne ne bronche (sauf celles qui s'échinent à démontrer en paroles ce qu'elles s'empressent de renier en actes). C'est sacré. On est bien transpiration et extase du père ("oh l'cochon, comment i parle !") mais on est surtout endurance de la mère. Lorsqu'un enfant parle de l'avenir et qu'il rêve de devenir riche, il achète toujours le premier et le majestueux cadeau à sa mère, c'est comme ça Babeth...


Quand un Turc est souffrant, il dit automatiquement "vay anam" pour appeler sa mère au secours; "maman !", même s'il est devenu lui-même un vieillard. On appelle la mère, celle qui a autant de vies que d'enfants, celle qui est TOUJOURS disponible, celle qui essuie les larmes en même temps qu'elle en verse. L'éternelle. C'est quand on perd sa mère, que l'on grandit. Même si on a déjà 70 ans; c'est comme ça.


On aime les pères aussi, évidemment. Même si la distance s'impose. La mère est sacrée. On la défend toujours. Mais pour le père, la réaction n'est pas aussi "primitive". Par exemple, chez les Turcs, lancer "fils de pute" à quelqu'un signifie corrélativement "tu peux me tuer"; insulter la mère d'autrui, c'est signer son acte de décès. La colère explose, on ne sait jamais où ça mène. Alors que, en turc, lorsque l'on insulte quelqu'un d'un nom d'oiseau, l'autre répond mécaniquement "o senin babandir !", "c'est plutôt ton père, oui !". Personne ne se "démonte la gueule" pour ce tic verbal.


Lorsque le bédouin venait demander au Prophète qui il devait honorer le plus dans la vie, ce dernier lui dit : "ta mère", ensuite lui demanda le type, il répondit "ta mère", ensuite dit-il, le Prophète dit à nouveau, "ta mère et après ton père". Il est là, le pauvre, on ne l'a pas perdu. Quelque part. La mère est toujours partiale, elle; toujours à la défensive. Toujours les griffes contre les autres. Toujours les lèvres pour son bout de chou. Ca réconforte, n'est-ce pas... L'un des attributs de Dieu n'est-ce pas "Rahim", le Miséricordieux, mot qui vient de la racine RHM : "matrice", "utérus" en arabe...


Ma mère a la prétention de dire que toutes les mères sont naturellement idiotes; salak. Hébétées. Par leurs progénitures. A force de se triturer les méniges : "a-t-il mal ?", "a t-il faim ?", "pourquoi il fait la moue ?", etc. Les mères sont, sans conteste, les plus grandes scénaristes du monde, ça n'arrête pas.


A une cousine qui vient de mettre au monde (quelle expression !), je lui ai demandé presque en direct si ce fameux instinct existait, finalement. "Oh que oui ! Ne m'en parle pas, ma propre mère me fait la leçon maintenant, 'je t'ai comprise maintenant' je lui ai dit"... "C'est indicible", a-t-elle insisté. Indicible. En apparence, le mot qui semble le plus absurde; comment indicible ! Comment ne peut-on pas le dire, décrire, raconter ! J'ai cela en tête et moi, ça me suffit pour me lancer dans les bras de ma mère. Elle est divine donc, puisque ineffable... Salut à celles qui meurent d'envie d'être mères ! Et bouh le Comité national d'éthique, le rabat-joie ! Toujours niet, toujours niet...

dimanche 2 mai 2010

De-ci, de-là...

C'est qu'il est ainsi, mon ami Muhayyel. Il veut tout savoir, tout goûter. "Allez viens, on va voir la cérémonie des moines tibétains du monastère de Nechung", "qu'est-ce ... ?", "oui oui je sais, c'est dangereux, t'as peur de basculer, je sais !", "euh...", "mais t'inquiètes, c'est juste pour respirer un peu", "je suis pauvre moi, tu sais, je préfère garder mon économie pour Joshua Bell", "allez allez"...




Bon bah, allons donc à l'opéra Bastille. C'est plus le mot "respirer" qui m'a attiré, je l'avoue. Une pause, c'est toujours bien. D'autant que, je ne sais pourquoi, j'ai immédiatement fait un lien entre bouddhisme et soufisme; et comme le chant soufi est gracieusement requinquant, j'ai commencé à rêver. Les cérémonies religieuses, ça promet toujours puisque, par définition, l'indicible ravissement est une épiphanie de l'invisible.


Avec tout le respect conventionnel que j'ai pour le bouddhisme, je dois dire que leurs chants m'ont donné des frissons. J'avoue que je me suis pas mal ennuyé. Les moines étaient concentrés, pourtant. J'ai repéré deux-trois jeunes; je les ai bien fixés. Mon côté musulman avait de la peine, évidemment. Voir ces jeunes moines perdre du temps dans ces postures où ils avaient l'air de ressentir des choses spirituelles élevées, un calvaire. "C'est du pipeau !", "chuuuuuut"...


"Ils étaient bons, hein, nos frères bouddhistes ?", "franchement, ça ne m'enchante pas d'être sincère, j'aurais pu répondre par des formules passe-partout mais vraiment leur chant me fait peur", "astagfiroullah !". C'était vrai pourtant : des voix rauques, des objets bizarres balancés à droite à gauche, des acrobaties manuelles sans intérêt apparent, et surtout les horribles "grandes trompes en bronze dung chen" ou les "cloches drilbu"... Akıl fikir ver yâ Rab...


C'est qu'il insistait dans son élan oecuménique, Muhayyel. Et quand le Coran devient argument, on ne peut que tendre l'oreille. La sourate 21, verset 85 évoque "Dhû l-Kifl" et la sourate 95, verset 1 parle du "Tîn", le figuier. Beaucoup de théologiens musulmans voient dans ces deux données, une référence à Bouddha. "Bouddha était appelé "celui de Kapil", ce que signifie précisément Dhû l-Kifl : en effet, la lettre p n'existe pas en arabe, et la plus proche en est le f. Kapil serait donc devenu Kifl (...). Le rapprochement entre Dhû l-Kifl et Bouddha est corroboré par le fait que le "figuier" évoqué dans la sourate 95, verset 1, désignerait l'arbre de la Bodhi sous lequel le Bouddha est parvenu à l'illumination" (M. Ali Amir-Moezzi (dir.), Dictionnaire du Coran, Robert Laffont, 2007, p. 218, rubrique Dhû l-Kifl, rédigée par Eric Geoffroy).


Comme on le sait, un musulman n'a pas besoin de se convertir au bouddhisme ni au judaïsme ni au christianisme puisqu'il est tout cela à la fois. Si la raison conduit l'homme à croire à un dieu, la logique pousse à être musulman. Pourquoi s'attarder dans les différentes "étapes" alors que l'islam est le point d'aboutissement ? Quel peut être le sens du "dialogue des religions" dans une configuration où l'islam accepte les autres mais où le judaïsme rejette la Vérité chrétienne et le christianisme nie la Vérité islamique ? Des réunions, des serrements de mains, des étreintes protocolaires, des tapotements guindés, etc.


Dans son livre Principes directeurs du droit international privé et conflit de civilisations. Relations entre systèmes laïques et systèmes religieux (un livre que j'ai lu dans le cadre de mes études, évidemment, ce n'est pas du genre à être lu au coin du feu), Marie-Claude Najm est on ne peut plus percutante : "Envisagé comme un facteur de rapprochement de la substance même des doctrines religieuses, le dialogue entre les religions nous paraît largement illusoire, car les religions ne sont pas théologiquement fongibles" (p. 3).


Et Hans Küng veut absolument une "paix mondiale" qui passe par une "paix religieuse"; il a donc écrit un pavé sur l'islam, publié en allemand en 2004 (Der Islam) et en français en avril 2010 (l'Islam). Il n'appelle pas à "une fusion syncrétiste" nous dit-il mais au "respect mutuel" et à "la reconnaissance objective et honnête de ce qui nous sépare et de ce qui nous lie" (p. 13). Il reconnaît la bizarrerie de son entreprise : "ce travail peut paraître provocant, et tout d'abord pour le lecteur musulman : comment un théologien chrétien peut-il oser se mêler d'affaires et de discussions aussi intimes de l'islam ? Mais aussi pour le lecteur chrétien : comment un théologien chrétien peut-il sur beaucoup de points se rapprocher autant des musulmans ?" (p. 17). Et la bonne nouvelle : "d'un point de vue chrétien, l'islam peut être chemin de salut" (p. 100) depuis Vatican II... Merci.


D'un point de vue laïque, l'islam ne peut, évidemment, être chemin de salut. Puisque cette religion brime ses adeptes, comme on le sait. Heureusement qu'elle a quelques siècles sinon on aurait été capable de la taxer de secte et de l'assiéger en lui décochant des articles des différents codes juridiques qui régissent notre pays, comme on sait si bien le faire en France. Les témoins de Jéhovah et les scientologues en savent quelque chose. Quoique la stigmatisation incessante et les provocations périodiques font autant de mal. Mais dans la loi qui va être votée par le Parlement dans quelques semaines, une période de pédagogie serait envisagée; car la République sait que ce qu'elle fait est mauvais. Sinon pourquoi envisager six mois pour convaincre les véritables destinataires, les femmes niqabées. Une loi sur mesure. Les étudiants en droit savent, dès la première année, que les lois sont générales. "C'est de la théorie ça, mon petit bonhomme"...


La République va dire à ces femmes qu'elles doivent abdiquer leur foi pour leur propre bien. Ou au nom de la conception de l'esthétique en vigueur dans ce pays. Elle va leur demander le plus officiellement du monde de renoncer à leur liberté de religion. Même l'Eglise a changé de paradigme, la République s'entête. République dirigée par des politiciens d'une majorité conservatrice, respectueuse des traditions chrétiennes de la France, soi-disant. Et si Sa Sainteté Benoît XVI envoyait une "lettre aux chrétiens de France", histoire de rappeler à ses ouailles que Vatican II, c'était en... 1965. Dieu n'en veut plus aux musulmans et à leur mode de vie, qu'est-ce qui t'arrive à toi, République ? Sana ne oluyor ?