dimanche 28 décembre 2014

Précieuses pierres...

Après tout, sans le latin, les petits Européens se démiellent bien, n'est-ce pas. C'est quoi le latin, d'abord ! L'option que les familles rusées s'arrachent au collège. Histoire de faire partie de la "Cour des grands", de la classe chic, celle des damoiseaux. Rosa, rosa, rosam, rosae, rosae, rosa. Rosae, rosae, rosas, rosarum, rosis, rosis. Que c'est beau et propret ! Et, franchement, qui désire, désormais, lire et comprendre les "trucs" écrits sur les frontons. Du genre, "D.O.M SVB. INVOCAT S. MAR. MAGDALENAE"... Un "gaspillage ostentatoire", comme dirait Bourdieu...

"Oui mais coco, si tu veux devenir historien, il faut maîtriser le latin !", m'avait soufflé M. Hugon, mon prof d'histoire, en 6è. Je l'aimais tellement que j'obtempérai. "Si tu veux devenir intellectuel, aussi", m'avait averti Mme Lamare, ma prof de latin, en 5è. Je l'appréciais tellement que je continuai. "Idem pour être linguiste", en 4è. Rebelote. "Et même juriste", m'avait-elle éperonné, en 3è. Résultat :  18 de moyenne. Et je décidai tranquillement d'arrêter au lycée... La grande erreur de ma vie. Ah oui alors, je fis des études de droit et d'histoire...

Oui mais alors le blédard de base, il n'a pas besoin de connaître cette langue ? Bien sûr que non, a toujours tenté de répondre le ministère. Si bien qu'il fut une époque où on se demandait sérieusement s'il ne fallait pas supprimer cette option. Les savants dégainèrent leurs plumes pour contrer l'attaque et pondirent un livre : Sans le latin... : "ne pas apprendre le latin, c'est tout bonnement désapprendre le français", "langue morte, mais restant éternellement vivant d'avoir été", "la connaissance du latin permet de mieux savoir le français, dont le vocabulaire en est issu dans son écrasante majorité", etc.

Heureusement, on n'a pas besoin de latin quand on veut lire Molière. Un recul de 4 siècles, s'il vous plaît. Paraît-il que l'Anglais lit Shakespeare aussi aisément que l'Allemand lit Goethe. L'Iranien, lui, se pâme encore d'admiration devant Ferdowsî. 10 siècles après ! Et le pauvre Turc, qui n'aime déjà pas bouquiner, n'est pas "foutu" de lire les pierres tombales datant du début du 20è ! C'est ce qui a fait bondir le président Erdogan, un savant. Le décret est tombé : dorénavant, on apprendra l'osmanlica, cette langue écrite en arabo-persan et mâtinée de vocabulaire turco-arabo-persan...

Le "grand Atatürk", dans sa manie de tout dévaster pour reconstruire, se réveilla un beau matin et décida de changer l'alphabet. Ça passe encore. Mais il profita de l'apathie de ses courtisans pour changer aussi le vocabulaire. A tel point que son discours prononcé devant le roi de Suède n'avait été compris par personne, à commencer par son "complice" Ismet Inönü. J'ai beau lire et relire le texte, ça me flanque à chaque fois des migraines... L'Académie de la langue turque (Türk Dil Kurumu) essaie tant bien que mal de la bousiller encore plus pour en faire du "n'importe quoi"... 

Bien sûr que l'osmanlica doit être obligatoire. Il a raison, le raïs. Certes, il croit que tout un chacun serait capable de déchiffrer les monuments funéraires mais passons. "Ah bah, ça'z voit qu'il méconnaît lui-même c'qu'il impose d'apprendre !". Chut malin ! Il ne faut pas le braquer. C'est un omniscient. Regarde, il vient de faire une "thèse honoris causa" et se faire acclamer par les pontes du fameux TÜBITAK (le CNRS turc) en disposant : "on ne saurait faire de la philosophie avec le turc moderne !". Et vlan dans les dents ! "On ne cherche pas un traducteur à la tête de l'Etat !", avait tonné Erdogan contre son adversaire polyglotte Ekmeleddin Ihsanoglu. On a eu un linguiste...

Et voilà qu'on apprend que les os du prince Mehmet Orhan Efendi, mort et enterré à Nice, ont été "jetés" dans une "fosse commune". "Déposés" dans un "ossuaire", quand on veut rester poli. L'ex-futur Sa Majesté Impériale le sultan-calife Mehmed VII repose désormais tel un gueux. La stèle funéraire en bois, qui indiquait au moins S.A.I (Son Altesse Impériale) Prince Mehmed Orhan, n'est plus. La famille ne s'en est pas occupée, la Consule turque non plus. Et la "Nouvelle Turquie" impose de lire les pierres tombales... Tu es une pierre et sur cette pierre, nous bâtirons une nouvelle civilisation ! Inchallah...

 

Ottoman-Turkish Music, Callisto Guatelli Paşa - Osmanlı Sergi Marşı

dimanche 7 décembre 2014

La Restauration...

En gros, ils cherchaient un "sénateur" à la tête de la République. Un pondérateur. Un homme ectoplasme. Classique, cultivé, calé. Ah oui alors, quand il pondait une analyse géopolitique sur le Moyen-Orient, on ne pouvait que se taire et écouter. C'est qu'il connaissait la zone mieux que sa poche. Il parlait anglais, arabe, allemand et se débrouillait en français et persan. Et entendre les mots anciens du genre "azîzim" (mon cher), "anayasanın tadilatı" (la révision de la Constitution), "tezyif" (raillerie), quelle succulence, ce fut...

Ekmeleddin Ihsanoglu. Le meilleur président potiche que les Turcs pouvaient dénicher hic et nunc. A un malin, à un écervelé qui lui demandait si les écoles coraniques allaient fermer s'il triomphait (puisque candidat du CHP), il glissa du tac au tac : "si je suis élu, je vais te faire réciter le kıraat-ı aşere" ! Ma parole, le nunuche n'avait pas dû comprendre la réponse... Mais "l'aristo" avait perdu. Il se retira on ne sait trop où, la bouclant à demeure. Et "l'homme du peuple", le candidat de la foule, s'installa dans le fauteuil présidentiel.

Erdogan, d'extraction plébéienne et faubourienne, se fit construire un palais. Les observateurs prétendaient qu'il était le fruit d'un goût raffiné qui combinait touche ottomane et structure seldjoukide. Nous autres béotiens, nous préférâmes croire et admirer. Après tout, la concierge qui avait envoyé le roturier au Palais blanc n'avait jamais eu le temps de se pencher sur la question. Et comme d'autres, moins béotiens, se pâmaient d'admiration devant ce mastodonte, elle se rallia à l'avis des "sachants". Erdo méritait bien cela.



C'eût été bien qu'un journaliste prît la peine d'aller interroger les altesses ottomanes. Celles qui, bien que désormais modestes, n'en avaient pas moins une certaine idée de la munificence. Après tout, le président de la République ne disait pas autre chose : la "nouvelle Turquie" voyait les choses en grand. Il rabroua les misérabilistes qui fustigeaient dépenses pharaoniques et magnificence mal placée. "Espèce de cornichon, le palais ne compte pas 1000 chambres mais plus de 1150, ouah ah  ! ah ! ah !", avait-il lancé au chef de l'opposition...

Jadis, quand il se présenta à je ne sais plus quelle élection législative, il vint à une émission de télévision pour répondre aux questions des citoyens. Une fille "moderne" lui demanda, en anglais s'il vous plaît, la langue qu'il allait utiliser pour papoter avec ses homologues. Et le diablotin Erdogan de lâcher : "je vais communiquer en turc !". Tonnerre d'applaudissements. C'est qu'il ne parlait ni anglais ni français ni même arabe, il maîtrisait la "langue du peuple". Tellement qu'il avait réussi à faire défendre un palais par une concierge...

Oh, ce n'était pas moi qui allais rouspéter. Au contraire, un palais à Ankara, c'était bien. L'héritier des sultans devait éblouir. On n'était ni au Zimbabwe ni en Islande. Mais voilà quoi. Il y avait quelque chose qui clochait. Un palais et une fortune respectable pour celui qui affirma naguère : "si vous entendez qu'un jour Erdogan est devenu riche, c'est qu'il a péché !". Et toute une kyrielle de mesures conservatrices plaquées sur la société. Le père de la Nation appliquait ses recettes pour le bien de tous. Mais ce qui était encore plus affolant, c'est que, contrairement à Atatürk, Erdogan avait le soutien du peuple. Oligarchie kémaliste vs ochlocratie erdoganiste. Voilà où nous aboutîmes...

samedi 22 novembre 2014

Les poils drus de l'islam...

On se dédouane et tout le monde fait semblant de nous croire. Le fidèle lambda n'a aucun scrupule à cracher le morceau : "Wallahi, je n'approuve pas ce que font les terroristes au nom de ma religion !". MA religion, l'islam. Qui se trouve être SA religion, aussi. Du moins, le barbu l'affirme. Bah oui, c'est comme un hall de gare, passez l'expression, la "dernière religion révélée" ne filtre pas à l'entrée. Une formule vite "balancée" sur l'unicité de Dieu et la prophétie de Mouhammad suffit à y adhérer. Je ne sais pas moi, un parcours du combattant à la juive ou un rite de passage à la chrétienne devant un ponte aurait pu être envisagé mais non, on peut y entrer à la Gérard Depardieu, sur un coup de tête...

Et c'est vrai qu'un converti fait toujours plaisir. "Soubhanallah. Machallah", entend-on rapidement fuser. Quand on met sa tête entre ses mains, on devient soit philosophe soit croyant. Comme dirait Voltaire, "l'univers m'embarrasse, et je ne puis songer/Que cette horloge existe et n'ait pas d'horloger". Déiste, on est. Un pas de plus nous fait théiste, il faut alors chercher un code où trouver des pratiques, histoire de se dire qu'on a des devoirs à faire. Après tout, le Créateur doit bien réclamer des prières, des sacrifices, des rites. Sinon, c'est du n'importe quoi, n'est-ce pas. Un architecte construit un monde et se retire sur son trône ! Pfff, galéjade...

Alors donc, si la raison nous pousse à croire en Dieu, la logique nous pousse à embrasser l'islam. "Prosélytisme !". Calme, calme. Simple déduction. Puisque le coran reprend l'histoire du début, pourquoi, diable, perdre du temps dans le judaïsme et le christianisme ? Et les savants sont formels : pour accéder au paradis et aux filles "aux grands yeux" (44, 54) et "aux seins arrondis" (78, 33), il ne suffit pas d'itérer seul dans son coin : "il y a forcément un Dieu !". Il faut encore reconnaître que Mouhammad est le dernier, le "sceau" des prophètes. Ce n'est qu'après qu'on a le "droit d'espérer" la béatitude éternelle. Athée, sceptique, agnostique, déiste, théiste, musulman, voilà le rinforzando...

Ils sont bien beaux les convertis mais nous autres, "anciens" musulmans, nous sommes arrivés à un point où nous nous demandons à quoi ils se convertissent exactement. A l'islam modéré, à l'islam des Lumières, à l'islam rigoriste, à l'islam quiétiste, à l'islam salafiste, à l'islam djihadiste ? Ah oui alors, à chaque fois que j'apprends la "bonne nouvelle" à un vieil ami de mon père, il commence par sursauter avant de me demander le qualificatif choisi et l'éventuelle transmutation. Du genre, barbe fournie, djellaba, calotte, chaussette sur le survêt, etc. "Un de plus dans l'erreur !", lâche-t-il souvent...

"On est exténués de ces "cas soc" qui se bousculent aux portes de la "religion de la paix" et l'éclaboussent", avait éructé l'ami Muhayyel. Etrange, effectivement. Les convertis, des miséreux, des rescapés de l'anomie, des désœuvrés, des tarés. Un contingent non négligeable. Des Français, de souche, de l'histoire longue et des sépultures, s'ennuient dans leur patelin, ils adoptent l'islam pour se dérider et courent décapiter, violer, estropier ! Ils se morfondent ici, ils se bourrent de plaisir là-bas; le sang abondant dans les mains, la bave immonde dans la bouche, le regard crapuleux dans les yeux. L'islam, une religion qui gâte jusqu'à la nature humaine, la représentation qui en ressort...  

L'islam fait peur, l'islam fait pleurer. Voilà le constat auquel on a abouti 15 siècles après Mouhammad. La faute aux musulmans, sans doute. Tellement d'interprétations, tellement de courants, tellement de branches, tellement de déchirement qu'ils ne sont même pas foutus, révérence parler, de devenir des "frères". Quoique pour une religion qui a vu l'assassinat de trois califes "bien guidés" et du petit-fils même du Prophète, il y a un forcément un vice rédhibitoire. Acharisme, mutazilisme, Coran créé, incréé, tous ces "trucs" sont à revoir non pas entre les savants qui se sont déjà écharpés là-dessus mais entre les musulmans de base. Un rêve, évidemment. Oh, je n'ai aucune autre solution. Mais j'ai une prière. Que ceux qui ont le cafard deviennent bouddhistes, la prochaine fois...

Derya Türkan - Hüzzam Taksim

dimanche 28 septembre 2014

Soliloque...

"La fragrance de Satan", avait pondu l'ami Behlül. Épaté, je fus, évidemment. Comme dirait Victor Hugo, je lui donnais "tort tout haut et raison tout bas". Suivre les pas et tomber dans un roncier. Le déchirement, la déchirure. Pourquoi vouloir devenir aveugle quand on a la chance de pouvoir se rincer l’œil ? Parce qu'on est sur une braise. Le Malin devient conseiller, pote, marlou. Et c'est tellement bon. Et c'est tellement laid...
"Endurez et vous prospérerez !". Certes. Mais le païen en nous gigote. A quoi bon vivre dévasté ? A espérer un au-delà meilleur. En tout cas, c'est le "deal". Pas un "pari" à la Pascal non, un "contrat". La terre endosse tout ce qui est interdit, le Ciel est terriblement muet. On a beau s'embosser, on se consume. Mais tel est le conseil : "patiente ! Tu verras ! La béatitude est au coin de la rue !". Le coin de la rue, le fameux "qarîb" coranique (قريب) , "proche". 1400 ans... 
La nature humaine et l'exigence divine. Un grand écart. Une énorme distorsion. Une drôle d'épreuve. Le corps est rempli, gros de plusieurs "je". On se tortille en vrille, le "surmoi" promet, le "ça" séduit, le moi "résiste" et tout cela fait une personne. Dieu, Satan, l'humain. C'est étrange, tant le deuxième fait tout pour charmer, exciter, "recruter", tant le Premier jette ses oukases, définit des peines et attise le feu de la géhenne. Le diable est visible, perceptible et accessible. Dieu, inintelligible.
"Et si on goûtait ?", avait osé Behlül. Une peccadille. Un petit péché, vite fait, vite effacé. Une réplique satanique, évidemment. L'autre, le dévot, avait hurlé "et le canon !". Et le canon, voilà bien le drame d'une vie. L'insouciance est un formidable bordel. Behlül, pieux, avait réussi un tour de force : prier, s'agenouiller cinq fois par jour et forniquer deux fois par semaine. L'un épongeait l'autre, dans sa tête. Le dévot devint furieux, dépité et sincèrement jaloux...
Car sincèrement frustré. Le contingent des insatisfaits sera comblé là-haut. La tapée des satisfaits y sera ignorée. "Quand tu auras abreuvé la terre de tes larmes, jusqu'à une profondeur d'un pied, alors tu te réjouiras de tout" (Albert Camus). Comme qui dirait, à quelque chose malheur est bon. A quelque chose malheur doit être bon. Sinon, c'est une arnaque; c'est une injustice, c'est un délire. Une conviction demande des reins solides et c'est bien là le "truc" : il y a "rein " et "rein", l'un fait hurler de tourment, l'autre fait ronronner de volupté... Heureusement qu'on ne fait que dormir...


Sezen Aksu - Adı Bende Saklı

samedi 9 août 2014

"Ôte-toi de mon soleil"...

Eh ben avec ça,



On se croirait en Suède. Un candidat en train de faire campagne et les sympathisants en train de se pâmer d'admiration. Rien d'anormal. Sauf que quand c'est le "conservateur" Erdogan qui est confronté au drapeau des lesbiennes, gays, bisexuels et trans, on écrase une larme... Non non, ni montage, ni doublage. Un malin gay s'est frayé un passage au milieu de ses "frères" et "sœurs" et a rejoint le devant de la plateforme. Et hop, il a dressé son étendard. Le "gourou" a sans doute jeté un regard de biais qui a dû électriser le jeunot débordant de sève...

C'est qu'en réalité, les militants en question étaient des AKPistes mais les autres AKPistes, barbus, voilées et toute la lyre, ne connaissent heureusement pas le symbole d'une communauté qu'ils abhorrent. Aucun procès d'intention. Mais une forte probabilité : les petits mignons, "démasqués", auraient eu maille à partir. C'est donc avec un énorme emballement qu'on salue, n'est-ce pas, l'audace de ces pionniers. Non franchement, il fallait le faire : donner de l'arc-en-ciel à un leader "ex-islamiste" devant des millions de participants et de téléspectateurs non moins "ex-islamistes". Chapeau... 

Soyons juste envers Erdogan. Il a insulté tout le monde dans ce pays sauf les gays. Jadis, sa ministre des affaires familiales, Selma Aliye Kavaf, avait dit des choses nauséabondes mais elle avait été vite remerciée. Et lorsque des coquins avaient peint les trottoirs du quartier de Cihangir à Istanbul, ni le Premier ni l'édile AKPiste n'avaient insisté : l'arc-en-ciel en avait fait sursauter plus d'un mais quand les citoyens ont mené la fronde, on a laissé faire. Désormais, ça donne cela : 


Et dernièrement, ce sont les uranistes de Dersim qui ont défilé dans une "journée de la fierté". Dersim, chers cocos, ça ne rigole pas, c'est le coin kurde et alévi de la Turquie. Bien à l'Est. Dans ce pays qui rime, allez savoir pourquoi, avec âge brumeux. Et chez les Kurdes et les alévis, les questions d'honneur sont autrement plus "sacrées". Eh bien, aucun incident. Des fois, j'm'demande pourquoi tant de haine dans le monde, peace and love... mais rebelote.  

Oui, rebelote. Parce que la "tolérance", c'est bien beau mais c'est toujours un pipeau. En 2009, une enquête avait révélé que la catégorie de voisins que les Turcs redoutait le plus était les gays, loin devant les alcooliques et les athées... Un jour, le Leader national s'en prend aux tatouages d'un footballeur comme il fustigeait jadis les césariennes, la mixité dans les dortoirs, les programmations des théâtres publics; un autre jour, son adjoint s'en prend aux meufs qui rient à gorge déployée à droite à gauche, un énième jour, ce même adjoint se justifie en déplorant l'existence de femmes qui veulent "grimper sur un poteau" ! Et quand une musulmane born again, ex-chrétienne, apporte son soutien, les bras nous en tombent...

La bienséance. L'ordre moral. La structure familiale turque. Les valeurs traditionnelles. Les nouveaux mottos. Donner des leçons de moralité pour un gouvernement accusé de corruption, ça la fout évidemment mal mais disons qu'il a ce droit. Après tout, une stigmatisation vaut mieux qu'une législation. Et on est habitués, nous autres Turcs. Le "vieux" marmonne sur nos ongles, notre coupe de cheveux, notre collier de barbe, etc. C'est la tête du paterfamilias : vivre par rapport à l'Autre. Un ennemi, un pervers, un traître. Ce n'est pas pour rien que Viktor Orban, Celui de Hongrie, cite la Turquie et la Russie parmi ses modèles. "Démocratie illibérale". La Turquie dans un G3, s'il vous plaît...

dimanche 27 juillet 2014

Va, pensiero, sull'ali dorate...

On sait à peu près tous ce qui trotte dans la tête du pro-palestinien : "les Européens ont exterminé les juifs et pour s'en excuser, ils ont offert à leurs descendants la terre des Palestiniens. Oui, 'terre promise' pour les concernés mais 'propriété des autres', dans la pratique. Et l'Ancien Testament n'est pas en soi un chapitre pertinent du droit international; la promesse de leur Dieu ne concerne que ceux qui veulent y croire, pas la Terre entière. Par ce fait, les Européens ont semé l'antisionisme dans le cœur des musulmans; et certains, qu'on le veuille ou non, ont glissé dans l'antisémitisme. Un énième pied de nez du malin Européen"...

Disons qu'il manque Herzl, 1917 et 1937 pour expliquer la genèse mais la trame est plutôt celle-ci. Israël est en soi une injustice. C'est du vol, de l'expansionnisme, de la colonisation. Les Européens ont fauté, les Palestiniens ont trinqué. Ouh là là, ce n'est pas moi qui le dis, attention alors, c'est Ben Gourion en personne : "Pourquoi les Arabes feraient-ils la paix ? Si j'étais, moi, un leader arabe, jamais je ne signerais avec Israël. C'est normal : nous avons pris leur pays. Certes, Dieu nous l'a promis, mais en quoi cela peut-il les intéresser ? Notre Dieu n'est pas le leur. Nous sommes originaires d'Israël, c'est vrai, mais il y a de cela deux mille ans : en quoi cela les concerne-t-il ? Il y a eu l'antisémitisme, les nazis, Hitler, Auschwitz, mais était-ce leur faute ? Ils ne voient qu'une chose : nous sommes venus et nous avons volé leur pays. Pourquoi l'accepteraient-ils ? Ils oublieront peut-être dans une ou deux générations, mais, pour l'instant, il n'y a aucune chance. Alors, c'est simple : nous devons rester forts, avoir une armée puissante. toute la politique est là. Autrement, les Arabes nous détruiront" (cité par Nahum Goldman, Le Paradoxe juif).

Bah, le problème est qu'ils n'ont pas oublié, les suivants. Des diplomates et des militaires ont tout fait pourtant mais ça n'a pas marché. Le Hamas continue de rêver. Le Fatah a tout compris, lui, et il a bien raison : Israël est un Etat qui a désormais toute sa légitimité dans cette région. Son droit à l'existence est plein et entier. Il ne saurait être accompagné de "mais", de "sauf que", de "pourtant". Et sans visser cette réalité dans les petites têtes, on déplorera encore longtemps les morts et les blessés. Car qui dit Etat souverain, dit droit de se défendre...

Serais-je un vendu ? Non, je suis un "embarrassé". Car Gaza est encore à feu et à sang. L'un a lancé des roquettes, l'autre des bombes. L'un a commencé, l'autre rétorqué. Et nous autres, tiers au conflit, sommes embarrassés. Ce qui semble ignoble à la majorité n'apparaît nullement repoussant pour une minorité. On a peur de soutenir l'un pour ne pas passer bourreau de l'autre; on a peur de maudire l'un pour ne pas passer complice de l'autre.

Israël engloutit miette par miette toute la "Palestine", toutes les guerres lui ont permis d'étendre son territoire. Et ceux d'en face en sont encore à revendiquer leur ancienne terre. C'est fini coco, fini. C'est un fait accompli. Il faut passer à autre chose. A accepter l'autre et à négocier avec lui. La "résistance", c'est terminé. Nos idéalistes en sont encore à saisir le col du voisin et à lui faire cracher une haine contre Israël. Nous sommes en Orient; avec des Orientaux qui préfèrent plus gigoter que réfléchir...

La question palestinienne n'est pas une question confessionnelle. Ce n'est parce qu'on est musulman qu'on pleure pour les innocents qui ont péri sous les bombes israéliennes. Et ce n'est pas parce que c'est Israël et donc "des" juifs qui en sont responsables qu'on geint et qu'on se déchaîne. Ce n'est pas une affaire religieuse, c'est une affaire de droit, de liberté. Normalement. Les torts et les louvoiements de l'Etat hébreu n'expliquent en rien la confusion et le manque d'acuité des Palestiniens. Car si la disproportion est un crime, la riposte est un droit...

La diplomatie n'a qu'un but : obtenir un résultat. Le ministère de la parole ne sert à rien. C'est bien beau de foncer sur des "moulins à vent" et d'aligner les mercuriales mais ça n'apaise rien à Gaza. Le citoyen peut crier; le gouvernant doit agir. Erdogan et son ministre des Affaires étrangères, qui adore écrire des théories et les appliquer ensuite coûte que coûte, hurlent et fouettent l'ardeur des islamistes et plouf...

Et quand les batteurs de pavé prennent la relève, ça devient carrément contre-productif. Les "théories du complot", les "rapports de force", les appels à Hitler, les slogans du type "il arrivera un temps où on m'insultera pour ne pas avoir tué plus de juifs" ! Défendre une cause avec ça ! Avez-vous déjà vu un "brailleur" s'engager dans une association humanitaire et aller à Gaza ? Êtes-vous déjà tombé sur une famille qui décide d'adopter ou d'héberger des orphelins ? Pourquoi boycotter seulement les produits israéliens et se taire contre leurs "frères" et satrapes arabes dont la fortune dépasse de loin celle des hommes d'affaires israéliens ? 

Un être humain normalement constitué pleure pour Gaza. Un musulman normalement constitué peut ressentir un plus, c'est dans la nature des choses, il gémit pour Gaza. Fustiger le comportement criminel de l'Etat ne doit pas se transformer en haine du juif. Ce n'est pas une "occasion" de vomir une aversion. Or, c'est le "n'importe quoi" qui règne dans les cœurs et dans les cervelles. C'est cela le drame des Gazaouis, beaucoup de leurs défenseurs sont tout bonnement insensés. Et le temps que ces derniers masturbent leurs pauvres esprits et comblent leur ennui en exprimant des revendications d'un autre âge, eux, qui y vivent et qui n'ont pas le temps d'être des idéalistes bien calés au chaud dans leur fauteuil, agonisent et rendent l'âme. Les corps n'ayant même pas droit à leurs quatre planches...

Choeur de Radio France - Pater de l'Espérance

mardi 8 juillet 2014

A la va comme je te pousse...

Conseil d'Etat (27/07/2001). Une bonne sœur surveillant en prison peut porter sa cornette et recevoir une prime de sujétion spéciale. Laïcité ? Circulez, rien à voir : "Considérant que la convention conclue le 6 décembre 1995 entre l'Etat, représenté par le garde des sceaux, ministre de la justice et la congrégation des sœurs de Marie-Joseph et de la Miséricorde a pour objet de permettre aux membres de cette congrégation d'apporter leur concours au fonctionnement de trois établissements pénitentiaires sous la forme soit de "prestations spécifiques non assurées par les fonctionnaires de l'établissement ou des partenaires extérieurs", soit de "fonctions complémentaires de soutien à la prise en charge des détenues" ; qu'il est spécifié que bien que les sœurs soient dans l'exécution des tâches qui leur sont confiées placées sous le contrôle de l'administration pénitentiaire "il n'existe aucun lien contractuel entre chacune d'elles et l'administration" ; qu'il est prévu que les sœurs "assurent par elles-mêmes leur couverture sociale" ; que cependant, l'administration prend à sa charge "le logement des sœurs, les charges d'eau, d'électricité et de chauffage" et que la rémunération des tâches qui leur sont confiées est assurée par le versement à la Supérieure de la congrégation, "d'une indemnité globale équivalente, pour chaque sœur, à un traitement correspondant à l'indice brut, 226, augmenté des indemnités de résidence, de sujétion et de chaussures" ; Considérant, en premier lieu, qu'en décidant de conclure cette convention, le ministre s'est borné à prévoir les conditions de rémunération du concours apporté au fonctionnement du service public pénitentiaire par les membres d'une congrégation, dont il n'est pas contesté qu'elle a une existence légale ; qu'eu égard à l'objet de cette rémunération, il ne saurait valablement être soutenu qu'il y aurait méconnaissance des dispositions de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 en vertu desquelles "la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte".  

Arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme Lautsi contre Italie (18/03/2011). La présence de crucifix dans les classes ne pose pas de problème. Ne saurait poser de problème, n'est-ce pas : "Il n'y a pas devant la Cour d'éléments attestant l'éventuelle influence que l'exposition sur des murs de salles de classe d'un symbole religieux pourrait avoir sur les élèves ; on ne saurait donc raisonnablement affirmer qu'elle a ou non un effet sur de jeunes personnes, dont les convictions ne sont pas encore fixées". (§66); "De plus, le crucifix apposé sur un mur est un symbole essentiellement passif, et cet aspect a de l'importance aux yeux de la Cour, eu égard en particulier au principe de neutralité. On ne saurait notamment lui attribuer une influence sur les élèves comparable à celle que peut avoir un discours didactique ou la participation à des activités religieuses" (§72).

Arrêt CEDH Eweida contre Royaume-Uni (15/01/2013). British Airways interdit à une salariée de porter une croix discrète, la Cour européenne s'en attendrit, évidemment : "On one side of the scales was Ms Eweida’s desire to manifest her religious belief. As previously noted, this is a fundamental right: because a healthy democratic society needs to tolerate and sustain pluralism and diversity; but also because of the value to an individual who has made religion a central tenet of his or her life to be able to communicate that belief to others. On the other side of the scales was the employer’s wish to project a certain corporate image. The Court considers that, while this aim was undoubtedly legitimate, the domestic courts accorded it too much weight. Ms Eweida’s cross was discreet and cannot have detracted from her professional appearance. There was no evidence that the wearing of other, previously authorised, items of religious clothing, such as turbans and hijabs, by other employees, had any negative impact on British Airways’ brand or image". (§94).  

MAIS 

Arrêt CEDH Dahlab contre Suisse (15/02/2001). Une institutrice qui porte un voile peut heurter le cerveau des petites têtes blondes : "La Cour admet qu’il est bien difficile d’apprécier l’impact qu’un signe extérieur fort tel que le port du foulard peut avoir sur la liberté de conscience et de religion d’enfants en bas âge. En effet, la requérante a enseigné dans une classe d’enfants entre quatre et huit ans et donc d’élèves se trouvant dans un âge où ils se posent beaucoup de questions tout en étant plus facilement influençables que d’autres élèves se trouvant dans un âge plus avancé. Comment dès lors pourrait-on dans ces circonstances dénier de prime abord tout effet prosélytique que peut avoir le port du foulard dès lors qu’il semble être imposé aux femmes par une prescription coranique qui, comme le constate le Tribunal fédéral, est difficilement conciliable avec le principe d’égalité des sexes. Aussi, semble-t-il difficile de concilier le port du foulard islamique avec le message de tolérance, de respect d’autrui et surtout d’égalité et de non-discrimination que dans une démocratie tout enseignant doit transmettre à ses élèves. Partant, en mettant en balance le droit de l’instituteur de manifester sa religion et la protection de l’élève à travers la sauvegarde de la paix religieuse, la Cour estime que dans les circonstances données et vu surtout le bas âge des enfants dont la requérante avait la charge en tant que représentante de l’Etat, les autorités genevoises n’ont pas outrepassé leur marge d’appréciation et que donc la mesure qu’elles ont prise n’était pas déraisonnable".

Arrêt CEDH Leyla Sahin contre Turquie (10/11/2005). Une étudiante ne peut pas porter de voile à l'université. C'est comme ça : "La Cour note que le système constitutionnel turc met l’accent sur la protection des droits des femmes. L’égalité entre les sexes, reconnue par la Cour européenne comme l’un des principes essentiels sous-jacents à la Convention et un objectif des Etats membres du Conseil de l’Europe, a également été considérée par la Cour constitutionnelle turque comme un principe implicitement contenu dans les valeurs inspirant la Constitution (...) (...) En outre, à l’instar des juges constitutionnels (...), la Cour estime que, lorsque l’on aborde la question du foulard islamique dans le contexte turc, on ne saurait faire abstraction de l’impact que peut avoir le port de ce symbole, présenté ou perçu comme une obligation religieuse contraignante, sur ceux qui ne l’arborent pas. Entrent en jeu notamment, comme elle l’a déjà soulignéla protection des « droits et libertés d’autrui » et le « maintien de l’ordre public » dans un pays où la majorité de la population, manifestant un attachement profond aux droits des femmes et à un mode de vie laïque, adhère à la religion musulmane. Une limitation en la matière peut donc passer pour répondre à un « besoin social impérieux » tendant à atteindre ces deux buts légitimes, d’autant plus que, comme l’indiquent les juridictions turques (...), ce symbole religieux avait acquis au cours des dernières années en Turquie une portée politique. (...) La Cour ne perd pas de vue qu’il existe en Turquie des mouvements politiques extrémistes qui s’efforcent d’imposer à la société tout entière leurs symboles religieux et leur conception de la société, fondée sur des règles religieuses (...) Elle rappelle avoir déjà dit que chaque Etat contractant peut, en conformité avec les dispositions de la Convention, prendre position contre de tels mouvements politiques en fonction de son expérience historique. La réglementation litigieuse se situe donc dans un tel contexte et elle constitue une mesure destinée à atteindre les buts légitimes énoncés ci-dessus et à protéger ainsi le pluralisme dans un établissement universitaire " (§115).

Arrêt CEDH Kervanci contre France (04/12/2008). Une lycéenne ne peut pas non plus porter de voile, la laïcité, que veux-tu  : "la Cour estime que la conclusion des autorités nationales selon laquelle le port d’un voile, tel le foulard islamique, n’est pas compatible avec la pratique du sport pour des raisons de sécurité ou d’hygiène, n’est pas déraisonnable" (§73).

Arrêt CEDH S.A.S contre France (01/07/2014). Le voile intégral, a fortiori, bouhhh : "La Cour prend en compte le fait que l’État défendeur considère que le visage joue un rôle important dans l’interaction sociale. Elle peut comprendre le point de vue selon lequel les personnes qui se trouvent dans les lieux ouverts à tous souhaitent que ne s’y développent pas des pratiques ou des attitudes mettant fondamentalement en cause la possibilité de relations interpersonnelles ouvertes qui, en vertu d’un consensus établi, est un élément indispensable à la vie collective au sein de la société considérée. La Cour peut donc admettre que la clôture qu’oppose aux autres le voile cachant le visage soit perçue par l’État défendeur comme portant atteinte au droit d’autrui d’évoluer dans un espace de sociabilité facilitant la vie ensemble" (§122).

Cour de cassation (25/06/2014). La cerise sur le gâteau : "Attendu qu’ayant relevé que le règlement intérieur de l’association Baby Loup, tel qu’amendé en 2003, disposait que « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche », la cour d’appel a pu en déduire, appréciant de manière concrète les conditions de fonctionnement d’une association de dimension réduite, employant seulement dix huit salariés, qui étaient ou pouvaient être en relation directe avec les enfants et leurs parents, que la restriction à la liberté de manifester sa religion édictée par le règlement intérieur ne présentait pas un caractère général, mais était suffisamment précise, justifiée par la nature des tâches accomplies par les salariés de l’association et proportionnée au but recherché". 

Résultat : les femmes voilées privées de plage à Wissous. France, patrie des droits de l'Homme...

dimanche 15 juin 2014

Mort dans l'âme

Fallait voir le maelström à l'époque. Tayyip Erdogan était sur ses grands chevaux : "c'est une falsification de l'Histoire ! Nos ancêtres ne se sont pas enfermés dans le harem, Süleyman a guerroyé pendant des décennies !". Ouais ouais, avait répondu la scénariste Meral Okay. C'est que la série Muhtesem Yüzyil avait enragé les consciences conservatrices; faussement conservatrices. Comme si la marmaille qui gigotait au palais avait été pondue dans les tentes des champs de bataille. Et cette manie des conservateurs de sauver l'âme de leurs "héros" avait exaspéré d'autres. Comme cet amour pour la personne d'Adnan Menderes, premier ministre pendu en 1960, un homme qui avait fait tant de bien pour les dévots, à l'époque. Certes, mais de là à faire d'un fornicateur un saint...

Et voilà, la série que les Turcs adoraient détester est terminée. Trois ans à suivre la vie de Soliman le Magnifique, ses amours, ses guerres, ses funestes décisions. Cruel ? Point du tout; chef d'Etat. Qui condamne à mort deux de ses fils trublions. Un de ceux qui ont fait leur purgatoire en ce monde. Imaginez, un être humain qui règne pendant 46 ans; qui assure "l'ordre du monde" (nizam-i alem) comme le pensaient jadis les Ottomans; qui ordonne à tout va; qui se fait obéir en moins de deux; qui décide de la vie et de la mort; qui n'a aucune limite autre que celle que lui impose sa conscience. Bref, "l'ombre de Dieu" sur terre. Et cette "vile créature" s'en va rejoindre humblement son Créateur. Celui qui l'a choisi d'entre les hommes pour le "noyer" dans la munificence illimitée. Quelle responsabilité ! Quelle charge !













Les scènes de mort. Ces regards qui se perdent dans un vide qu'on devine pas très heureux. Après tout, tout le monde savonnait la planche à tout le monde. Un panier à crabes. Une obligation puisqu'on avait une peau et surtout une lignée à sauver. La Reine-Mère, sa servante Daye Hatun, le grand vizir Ibrahim, le prince Mehmed, le prince Mustafa, le prince Bayezid, le prince Cihangir, Hürrem et finalement le sultan Soliman. Et des morts, des vrais. A commencer par Meral Okay. Et le grandiose Tuncel Kurtiz qui campait le rôle d'Ebussuud Efendi, le cheikh ul islâm. Si bien qu'on s'était demandé si une malédiction était tombée d'en haut...

233 000 plaintes déposées au CSA turc ! Et voilà qu'une autre aventure commence, celle de Kösem Sultan. La mère terrible qui fait déposer son fou de fils pour le remplacer par son petit-fils. Kösem, la concubine d'Ahmed Ier, l'arrière-arrière-petit-fils de Hürrem. La production envisage de diffuser la série l'an prochain. Quoi qu'il en soit, le casting de Muhtesem Yüzyil était époustouflant, tous les grands noms de la télévision turque y ont fait un saut. Il ne manquait plus que Kivanç Tatlitug, pressenti un temps pour devenir Selim II dit le Blond. Tant pis, ça sera un 19/20...

C'était une fiction. Et la fin de chaque fiction ouvre au spectateur le droit de poursuivre l'histoire à sa guise. J'ai jeté mon dévolu sur Mahidevran, cette princesse qui a été la favorite du grand Soliman, la mère meurtrie de Mustafa, celle qui a été témoin de la mort de tout le monde. Elle a survécu à Hürrem, à Soliman, à Selim II pour mourir sous Murad III. Pauvre et quasi folle. Pourquoi on aime l'histoire, nous autres qui avons fait des études dans ce domaine. Pourquoi un adolescent s'entiche des figures et des récits du passé alors que ses camarades se la jouent "branchés" ? C'est simple, en réalité : on aime broder le vide et on aime prendre de l'élan. L'Histoire n'est rien d'autre en réalité que l'école de l'émerveillement face à la pourriture humaine. Une passion qui relève du divin, on se jette dans l'infini pour assister au cri et à la mort. Quoi de mieux pour bien finir son bout d'existence...

Muhteşem Yüzyıl Orijinal Dizi Müzikleri

samedi 31 mai 2014

Déconstruction

Un des pipeaux les plus tenaces voudrait que les alévis soient des "musulmans libéraux" et les sunnites des barbus qui affolent la planète entière. Un slogan vite construit, vite répandu. L'air du temps, on se spécialise dans ce que l'on connaît le moins bien. Alors vas-y pour des "experts" qui nous sortent cette ânerie à longueur d'articles. Ceux qui manifestent à droite à gauche, à Gezi, en Allemagne contre Erdogan, le feraient par sensibilité pour la défense des droits de l'Homme et des "Lumières". Liberté d'expression, liberté de culte, liberté individuelle. En contrepoint, les sunnites, les "musulmans rétrogrades", seraient les suppôts du démon, des orthodoxes au sens politique du terme. Du blabla, évidemment...

Lorsque le premier ministre turc, Tayyip Erdogan, a évoqué un courant "alévi sans Ali" en Allemagne, il a été rapidement vilipendé. Incitation à la haine religieuse, ont braillé des nunuches. Comme si l'alévisme n'était pas une nébuleuse, une croyance singulière où se croisent des musulmans, des agnostiques voire des athées. Il ne s'agit pas seulement, comme le pensent béatement certains, de glorifier "l'amour d'Ali", le gendre et le cousin du Prophète qui aurait dû, selon les alévis, devenir calife. Dit en passant, comment les partisans d'une succession héréditaire peuvent devenir les chantres de la démocratie, comprends pas. Celui qui se donne la peine de naître dans la famille de Mouhammad doit lui succéder. "Libéraux", m'ouais...

L'islam ne rejette pas le soufisme, Dieu merci. Cette "école de la sagesse" qui va au-delà du formalisme imposé par le dogme. Par exemple, les mevlévis sont des musulmans, ils prient, ils vont à La Mecque, ils jeûnent ET ils s'adonnent à des pratiques spirituelles avec ney et danse giratoire, entre autres. Idem pour les naqshis, ils font tout ce que leur demande le Coran ET rajoutent le zikr, la récitation des attributs de Dieu. Or, un certain alévisme n'ajoute pas à l'islam, il retranche. Tellement qu'on se demande s'il fait toujours partie de la sphère islamique. A force de rejeter les cinq prières quotidiennes, le pèlerinage, le jeûne du mois de Ramadan, on ne se demande pas s'ils sont libéraux ou non, mais s'ils sont musulmans ou non... 

Et ce n'est pas faire offense aux suiveurs de cette spiritualité que de souligner cela. Chacun fait ce qu'il veut avec les moyens qu'il veut. Il s'agit seulement de mettre les points sur les "i". Pourquoi les forcer à se définir par rapport à l'islam ? Tiens, le vice-premier ministre, Emrullah Isler, n'a-t-il pas argué de cette "prémisse" pour déclarer le plus sérieusement du monde, "les 'cemevi' (lieux de rassemblement des alévis) ne sont pas des lieux de culte puisque les alévis sont musulmans et les musulmans n'ont qu'un lieu de prière, c'est la mosquée" ! Un ministre d'une République qui se prétend laïque fait une leçon de théologie pour rejeter un droit ! Dans sa tête de musulman, il a ses raisons mais en tant que responsable politique, il a tort. 

Il a tort mais c'est parce-que les musulmans ont tort. Ils essaient, coûte que coûte, d'intégrer l'alévisme dans l'islam. Rien ne les unit, même pas leur "Livre sacré", tant pis, on fait comme si. Et quand on fait comme si, tout le monde en pâtit. Certes, le gouvernement prépare pour la vingtième fois un "paquet" de réformes en direction des alévis et leur promet formation des "dede" et financement de leurs édifices. C'est très bien mais cela ne règle pas le fond du problème. La perception d'une "arrogance" sunnite et d'une victimisation alévie. Et quand vous êtes victimes, on ne vous accable pas, on vous plaint. Tout comme les bouddhistes. Qui connaît la position du bouddhisme sur les femmes ? Personne. Pour l'heure, on le défend contre l'arrogance chinoise...

"Alors, faisons un pas de plus", m'a soufflé l'ami Muhayyel. "Plus on considère les alévis comme des musulmans, plus on considère les sunnites comme des parias. Car, les alévis sont taxés de "libéraux" par rapport à la pratique assidue des sunnites et plus ils s'éloignent des canons religieux, plus ils se voient tresser des couronnes. Si l'alévisme quitte l'islam, on essaiera de l'analyser comme une religion à part entière. Et on se rendra compte que, loin d'être une voie séraphique, il peut avoir aussi, comme le sunnisme, des incohérences. C'est un peu vache mais c'est comme ça : d'une pierre, deux coups : rétablir les droits des alévis et restaurer l'image des sunnites". Ouah, le diable y perdrait son latin...

Pirlere Niyâz Ederiz (Deyiş) - Kalender Şâh

lundi 12 mai 2014

Zutisme par-ci, zutisme par-là...

Nan, franchement, le pauvre. Tout le monde est contre lui, tout le monde balance son index, tout le monde le tance. Alors qu'il construit des ponts, des autoroutes, des logements, j'chai pas moi, des centres commerciaux. Et voilà que les ingrats pullulent à chaque coin de rue. Ça doit énerver, il a raison. Nous autres, gus ordinaires, nous ne faisons que nous tourner les pouces, lui doit dormir 6 heures par jour, travailler 18 heures, s'exploser les méninges pour trouver solution à tout; il donnerait un doigt de sa main pour recevoir un "merci". Que nenni ! D'autres rouscaillent liberté d'expression, Twitter, Zwitter, YouTube, des trucs trop abstraits, n'est-ce pas. Lui offre du pain, du travail, de l'espoir. Comme dirait Chirac, "le premier droit de l'homme, c'est de manger, d'être soigné, de recevoir une éducation, d'avoir un habitat"...

Et c'est quoi d'abord, cette pratique ? Le président de l'Allemagne arrive, parle de libertés devant les micros ! Un homme grossier, assurément. A-t-on vu un hôte dire en public ce qu'il est convenu de dire en privé ? A quoi ça sert les coulisses ? "Oui mais c'est un ancien pasteur, un droit-de-l'hommiste, il est comme ça !". Rien à foutre, pardon. Erdogan, droit dans ses bottes, ne peut qu'avoir raison : "toi le cornichon ! Arrête d'abord tes nazis qui tuent mes Turcs. Garde ta raison pour toi, allez oust !". Reductio ad Hitlerum, crient les vendus...  Et dernièrement, le président de la Cour constitutionnelle qui lui délivre une leçon de droit devant tout le monde ! Nan mais franchement ! C'est quoi ce délire ! Le grand Erdogan devenir une tête à claques !

Et rebelote, hier, c'est au tour du bâtonnier du Conseil national des barreaux, un certain Metin Feyzioglu, de débiner. A l'occasion du 146è anniversaire de la création du Conseil d'Etat. Madame le président du Conseil d'Etat a blablaté pendant une demi-heure comme l'impose la coutume et Monsieur s'est donné une heure pour faire un "discours sur l'état de l'Union". Franchement, le bâtonnier parler du séisme de Van, de la politique extérieure, des droits des handicapés, de la mort d'ingénieurs de l'aéronautique ou de la fête du travail, quel rapport avec la juridiction administrative ? C'est un ex-futur juge administratif qui le dit, s'il vous plaît. Hein ? Notre Erdogan national a d'abord commencé à remuer, ensuite il a marmonné, enfin il a tonné. "Menteur, grossier !", lui a-t-il lancé. Et la nation avec lui...


Et le président de la République, qui ne sait toujours pas s'il sera reconduit ou non par son mentor, a essayé de faire l'arbitre. "Hep hep ! Calme-toi !". Le premier ministre était rouge de colère, lui, envoyait des sourires présidentiels à droite à gauche. Tellement marrant que Erdogan, qui a reproché à Feyzioglu de ne pas avoir le sens du protocole, a lui-même poussé le président à la sortie, mieux, il l'a devancé. L'autre, pardon le chef de l'Etat, a suivi. La présidente du Conseil d'Etat, toute penaude, aussi. C'est qu'elle a été désignée grâce au "soutien" du premier ministre. Ah oui oui, il avait demandé à son ministre de la justice de tout faire pour assurer sa nomination, euh, son élection. "Une femme, c'est toujours bien pour l'image de notre pays"... Et dans la soirée, la juridiction a pondu un texte où elle dit en gros "ouais d'abord, bouhhh Feyzioglu..."



Les intellos en sont encore à exhumer la jurisprudence européenne, du type, "les limites de la critique admissible sont plus larges à l'égard d'un homme politique, visé en cette qualité, que d'un simple particulier : à la différence du second, le premier s'expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens; il doit, par conséquent, montrer une plus grande tolérance" (Lingens c. Autriche, 8/07/1986, §42). C'est ça, oui. On ne la fait pas à Erdogan ! Il l'a d'ailleurs annoncé. Il ne remettra plus les pieds dans les juridictions pour écouter pendant des heures les laïus des "petits pois". A bas la juristocratie...

Heureusement que l'économie est sur de bons rails. Parce-qu'il fut un temps où les chamailleries au sommet de l'Etat avaient mis à terre le pays tout entier. Ahmet Necdet Sezer, le président de 2000 à 2007, avait balancé à la figure du premier ministre Bülent Ecevit le livret de la Constitution. Celui-ci, personnification même de la courtoisie, en avait été outré; il s'était précipité devant les caméras pour trembler et se plaindre. Résultat : l'économie s'était effondrée dans l'heure qui avait suivi... Elhamdulillah, Erdogan, lui, c'est du tac-au-tac, hier à David Ignatius avec le célèbre "one minute" (et non à Shimon Peres comme on essaie souvent de le faire croire), aujourd'hui à Metin Feyzioglu. T'es beau quand tu t'énerves...

Et les Turcs l'aiment pour ça, précisément. Tous les opprimés ont reconnu en lui le grand "riposteur", celui qui renverse la table, celui qui venge les barbus et voilées proscrits, celui qui remet le "peuple", le vrai, au cœur de l'échiquier. Bon, ses conseillers sont plus du genre à casser son nez à coups d'encensoir qu'à convaincre les réticents de manière rationnelle, mais tant pis. Il fascine. On se rappelle tous l'ancien premier ministre Adnan Menderes, renversé par un coup d'Etat en 1960. Lors de son procès, il multipliait les marques de déférence. Trop courtois, trop respectueux, trop plan-plan. Résultat : pendu... C'est le mot clé : le peuple est "épaté" par Erdogan. Un mâle, un baroudeur. Alors, l'intellectuel qui ignore le b.a.-ba de la sociologie politique turque, a beau s'évanouir, l'électeur n'en a cure. Il l'aime et c'est tout. Autoritaire ? Ben alors ! Dictateur ? Pfff ! Ce n'est pas un parangon de la démocratie, on le sait, il le sait. C'est le porte-voix de la "majorité silencieuse". Et c'est déjà ça. Voix, peu importe qu'elle soit si souvent cinglante...

lundi 21 avril 2014

Sociologie de l'entre-jambe

La scène se passe je ne sais plus quand. Monsieur mon père était encore dans ses airs de comte d'Ossétie. Nous étions chez des "amis"; amis entre guillemets puisque Monsieur avait une cordiale mésestime pour les ploucs. Mais que faire, il tenait à ses obligations, alors, il fallut consentir à les voir pour leur présenter les condoléances. Bah oui mais les hôtes n'étaient pas du genre à se formaliser de la familiarité ambiante. Mon daron, si. L'étiquette, que veux-tu. Un Caucasien. Il faut dire qu'il avait un don particulier pour pourchasser la messéance, qui, comble du hasard, venait toujours le trouver, lui. Alors, des jambes qui s'écartaient à perte de vue ne pouvaient que délier sa langue. "C'est bon, vous pouvez remballer la marchandise !"...

La "nature masculine" fait qu'on a, nous les gonzes, une propension à ouvrir les jambes en compas. Les femmes ou les honnêtes gens préféreront croiser les jambes; c'est plus chic mais encore faut-il savoir le faire. Pas comme Sarkozy, par exemple. La semelle ne doit pas être dirigée vers l'interlocuteur. C'est une insulte; la jambe droite doit être presque parallèle à la jambe gauche et non perpendiculaire. Autrement dit, seuls les sveltes peuvent s'y exercer avec brio. Car qui dit gros, dit ipso facto inconvenant. Avec des bourrelets jusqu'aux dents, on n'est bon qu'à transpirer l'inélégance... Liberté d'expression, coco...



Les jambes en éventail, donc. L'angoisse de castration, aurait sans doute pondu Freud. D'ailleurs, l'expression "avoir des c..." n'est pas anodine. Et je ne voudrais dénigrer personne n'est-ce pas, mais on est bien forcé de le constater : les Orientaux ont beaucoup plus tendance à étaler ainsi leur virilité que les Occidentaux. Calme, calme, je ne fais pas d'essentialisation. Je reprends seulement ma grande "sottise" : là où il y a frustration, il y a nécessairement jeu avec le corps. Un truc, une signature, une démarche qui révèlent un manque. Qui se dandine bizarrement, qui fume dans le train, qui mâche des mots étranges. Tout cela pour marquer un territoire car leur vie est faite d'ennuis, de vacuité, ils ont besoin d'exister dans et par le regard de l'autre...

La chasse aux blédards, voilà à quoi se sont résolues les féministes de Turquie. Fi des hommes qui grappillent la place des demoiselles pour une histoire de fanfaronnade ! Alors elles ont lancé des campagnes sur Twitter pour dénoncer ça :



Source de colère pour les féministes, source de fantasme pour les uranistes. Car je dois dire, et je suis rouge comme une pivoine, que le "bulge" a une cote auprès de ces derniers. Un homme, ça doit être un phallocrate, n'est-ce pas ? Point du tout, nous ont hurlé les féministes. Des nonnes à l'envers; elles veulent effacer leur féminité en l'exhibant librement, ce que ne saisit pas le mâle. Alors il roucoule à sa manière. C'est connu, lorsque la femelle esquisse un sourire, l'homme comprend une invite à..., bref.  Et je parie ma tête que c'est ce type de gus qui fait vibrer Madame, parce-que le bon chic bon genre, l'aristo, ça va un temps, après on s'ennuie...

Les islamistes en ont profité pour soumettre une solution des plus radicales : la séparation des moyens de transport pour les hommes et les femmes... Un "bus rose". Séparés mais égaux, comme dirait la Cour suprême américaine du 19è siècle. Ou comme l'appliquent les ultra-orthodoxes en Israël. Après tout, il y a une plainte. Alors que fait-on en bon malin, on éradique le problème ? Non, on renverse la table ! Comme pour les LGBT; ils sont harcelés dans les prisons ? Bah, on construit des camps, euh pardon, des établissements pénitentiaires spécialement pour eux ! Pour échapper au viol. "Allez allez, arrêtez de broncher, vous en bavez d'envie, hein !"...

Et les mosquées dans tout ça ! Que des hommes, que des ego. "L'impudique aisance". Déjà serrés comme des sardines, ils n'hésitent pas à écarter tout ce qu'ils peuvent écarter. Les malékites, surtout. Le pied doit toucher le pied du voisin. Alors vas-y pour les V à l'envers. Et les épaules aussi doivent se frôler, histoire d'augmenter la ferveur. "Le paradis des mignons, quoi !" a osé l'ami Muhayyel. "Mais non, mais non" ai-je rétorqué. "Et ce n'est pas une posture qui a partie liée avec les besoins de l'entre-cuisses !", ai-je ajouté. "Mais si, mais si" a-t-il pouffé. "L'islam impose la bienséance et la bienséance impose l'art de s'asseoir les jambes serrées. Mais les démons savent parfaitement nous tenir par les...". Oui, oui, c'est ça. Allez, encore Zola : "quand on a été bien élevé, ça se voit toujours"...  

mardi 8 avril 2014

Qu'Allah bénisse la Turquie...

"Bouddha n'était pas bouddhiste, Jésus n'était pas chrétien et Mouhammed n'était pas musulman. Ils professaient tous l'amour. Leur religion était l'amour" a pondu Meryem Uzerli, l'ancienne Roxelane, Hürrem Sultan pour les intimes. La Turco-Allemande qui a déprimé "en direct" et qui s'est réfugiée dans le pays de maman. "Qu'est-ce qu'elle raconte celle-là !", s'est convulsé le commun des Turcs. Non, on l'aime bien cette fille, mais bon, quand on "déconne" à ce point, on est drôlement choqué, nous autres "esprits étriqués". Mouhammed n'est pas musulman ! Un grand "bouhhh !"...

Il faut dire que les Turcs aiment particulièrement l'artiste qui a, disons, quelques notions en matière religieuse. Un peu du genre, il est beau, il est riche, il copine avec des déesses, il "consomme" à gogo, il jette sa gourme mais il est... pratiquant. Un truc bizarre d'ailleurs, la Nation s'enquiert de son au-delà. Comment une plastique pareille peut brûler en enfer ? Un gâchis. On a besoin d'être apaisé. Alors celui qui se lance dans le célèbre "je ne prie pas mais mon cœur est pur" (le classique "kalbim temiz") exaspère plus qu'autre chose. Et ta grand-mère, elle fait de la planche à voile ?

Tiens notre Kivanç Tatlitug national. Elle l'avait bien aimé ce blondin, la mère turque; il nous avait fait drôlement chialer dans sa série Gümüş. Et sa fille aussi, l'appréciait. Le père et le frère, bien bruns comme il faut, ne le pipaient pas mais se taisaient, histoire de ne pas aggraver leurs cas. Comme disait la sagesse populaire, "Allah, özene bezene yaratmış !", "Dieu a pris son temps pour le créer". Une voisine, présente, avait même osé : "Allah da, bazılarını baştan savma yaratıyor !", "qu'est-ce que tu veux, et pour d'autres, c'est plus du rafistolage que de la création". L'assistance s'était récriée : "astagfiroullah, astagfiroullah, astagfiroullah"...



Mais lorsque l'adonis turc le plus en vue, que dis-je, le Joseph des temps modernes, s'est mis à exposer son corps plus avant, la mère turque a sursauté. Ce gendre idéal s'était dévergondé; dans la série suivante certes (Aşk-ı Memnu) mais également dans sa vie privée. Et surtout Seigneur, un tatouage ornait son bras droit. Un dragon, en plus. C'était moche, alors. "On s'en balance de son bras !" avait réfuté la fille. "Il est beau !". "Hööössst !" avait gémi la mère, babouche à la main. "C'est un mécréant ! il est tatoué, le Saint Prophète l'a expédié en enfer dans son hadith"...

























On n'était pas ultra dans la maison, mais on essayait de respecter les canons. Religieux, je veux dire. La fille, maligne de chez maligne, avait repéré le "truc". A la seconde. Comme le bon Dieu qui envoie au tac-au-tac une inspiration après une profonde prière. "Hé m'man, regarde le bras gauche !". La daronne a mis ses lunettes mais elle n'y a compris que dalle; elle n'a distingué qu'un seul mot et c'était le bon : "only Allah can judge me". Après une exégèse accélérée dispensée par la fille en transe, elle s'est attendrie. Il était bien croyant. Il était bien beau. Il était bien convenable. Et c'était presque une sorte de résipiscence, n'est-ce pas, la ménagère en a été épatée... et s'est directement connectée à sa nouvelle série...


Et il y en a un paquet, des "born again". Necla Nazir, un "cas" spécial. La compagne du chanteur Ferdi Tayfur s'était voilée sans crier gare mettant l'artiste dans un embarras pas possible. C'est qu'il avait une image à sauver, des fans un peu, comment dire, grincheux à satisfaire. Le couple s'était brisé; et sans transition, Monsieur est aujourd'hui paralysé... Burcu Cetinkaya, autre exemple. Fille de bourgeois, fille bien éduquée (meilleur lycée et meilleure université de Turquie), pilote de rallye. Et paf, un beau jour, elle se voile. La Turquie s'en émeut. Les "laïcs" protestent, brûlent l'ambassade de l'Arabie Saoudite, jettent du vitriol aux voilées qui passent dans la rue, mais nan je blague...


Ou je ne sais pas moi, un autre tatoué, Athena Gökhan, avait été photographié en train de faire ses ablutions. Le cousin de la ministre de l’intégration allemande, s’il-vous-plaît. Un ancien de l’Eurovision, rockeur et jury de l’émission The Voice. Un fan l'avait prit en photo. Le "derviche du rock". La conversion s'était faite à Konya, chez Rûmî. Depuis il fait sa prière et son métier... Un théologien reconnu, Nihat Hatipoglu, avait même dû préciser que le tatouage était certes interdit dans l'islam mais qu'il n'empêchait pas les ablutions et donc la prière. Même le très sérieux Necmettin Nursaçan avait donné sa bénédiction. La Nation souffla...




La grande voix de la chanson turque, Bülent Ersoy aussi, avait profité de la Nativité du Prophète pour faire son "show". La femme la plus arrogante de Turquie, le superlatif personnifié, avait secoué le pays plus par la mise en scène que par sa performance. Avec deux zigotos, euh, derviches tourneurs. Les gazouillis se déversèrent tellement sur les réseaux sociaux qu'elle dut "publier" un communiqué pour envoyer des piques à tous ceux qui l'avaient raillée...  


Dernièrement Fatih Ürek, la star des soirées, avouait sa piété. Celui qui a des manières efféminées et porte des vêtements colorés déclare accorder de l'importance à la... virginité. On en passe et des meilleurs. Tugçe Kazaz, celle qui avait embrassé la religion orthodoxe à la suite de son mariage avec Yorgos Seitaridis. Ses parents l'avaient rejetée, les Turcs aussi. Après le divorce, elle s'est reconvertie. Un autre beau gosse, Tolgahan Sayisman, est connu pour ne pas louper ses rendez-vous galants et ses.. prières. 

Le plus "marrant", c'est que ces artistes entrent par la grande porte, le soufisme. Et la confrérie qui leur sert de tremplin, c'est la "cerrahi" : des pointures comme Ahmet Özhan, Mazhar Alanson, Cem Yilmaz ou encore Ali Taran (un petit-fils de cheikh) en sont membres. Leur "cheikh" actuel n'est autre qu'Ömer Tugrul Inançer, celui qui allait se faire lyncher pour avoir conseillé aux femmes enceintes de ne pas sortir de chez elles. Avec sa voix de fumeur. Non non, on s'éclate dans le patelin. Vraiment. On l'avait déjà souligné. Et c'est bien aussi pour le bouseux, l'inaccessible célébrité est un peu comme lui. Elle a un joli corps à exposer mais aussi une âme à sauver. Une "ringarde" comme une autre, quoi. Vu de France, je veux dire, hein Diam's...

samedi 29 mars 2014

Artisanal

On savait déjà que l'Etat turc n'avait aucun "chic". Avec un palais présidentiel rose, perdu dans une forêt, euh... Un baraquement, ma parole. Mustafa Kemal ayant choisi ("chipé" disent les mauvaises langues) le lieu, personne n'ose avancer une proposition de changement. De Gaulle aussi s'ennuyait à l'Elysée, nous avec lui. "On ne fait pas l'Histoire dans le 8è arrondissement de Paris", dixit le grand. Un château de Vincennes ou un Hôtel des Invalides aurait fait l'affaire mais là, un "musée"...



Le siège du premier ministre est, révérence parler, une autre "horreur". Rose pâle. Avec des fenêtres d'établissement scolaire. Heureusement que l'actuel, Tayyip Erdogan, a décidé de bâtir une nouvelle résidence. C'est mieux mais voilà quoi, sans plus. Ce n'est pas un palais de Dolmabahçe bis avec du baroque, du néoclassicisme et du rococo. Et les gens de robe sont toujours là pour l'enquiquiner. Un juge administratif a bloqué le projet; raison : zone de protection ! Erdogan a annoncé la bonne nouvelle : "rien à foutre, on continue la construction" !

Quand j'y pense, la porte de la Cour de cassation (Yargıtay) reste la seule dorure de la capitale. Sur fond rose, encore. Avec les très esthétiques unités extérieures des climatiseurs. Et une belle statue de Mustafa Kemal à côté de celle de la Justice... Une porte. Il faut le faire, n'est-ce pas; le seul truc qui brille dans l'architecture ankarienne est une porte. "Mahkeme duvarı" disent les Turcs pour évoquer l'austérité, "le mur d'un tribunal", un peu notre "porte de prison". Vas-y pour un néologisme : "gai comme la porte de Cassation"...


Yeni Başbakanlık ”Selçuklu Misyonu” ile İnşaa Ediliyor




On apprend aujourd'hui que l'Etat turc est par-dessus le marché une "farce". On était presque habitué à entendre la voix des dirigeants papoter avec des membres de leurs familles sur les montagnes de billets à cacher sous le tapis. Et on se faisait à l'idée. Bon allez, ça peut arriver, les démons virevoltent si souvent dans les hautes sphères. Le Premier avait aussi parlé de probables écoutes des téléphones cryptés. Pour la, euh combien déjà, 17è puissance mondiale, ça la foutait mal, passez l'expression, mais c'était comme ça, des mafiosi avaient planté leurs oreilles quelque part là-haut. On le plaignait d'ailleurs; la masse le soutenait même dans sa croisade contre les forces du mal, il avait quadrillé le pays. Personne ne bougeait...

Et paf. Les espions ont divulgué le "brain storming" qui s'est déroulé dans le bureau même du ministre des affaires étrangères. Celui qui siège dans une autre "mocheté sans masque" comme dirait Jean Dutourd, un "paquebot" du type onusien. Ils sont franchement nuls, quand j'y repense... Bref, on écoute le bureau du ministre avec à sa droite, s'il vous plaît, le directeur du service des renseignements (MIT), et à sa gauche, le major général des armées (c'est-à-dire le numéro 2 de l'armée turque). On déroule des scénarios, on dit des âneries, on se coupe la parole et on se fait choper.



Et le major général, complètement à côté de la plaque. "Il faut adresser une note diplomatique à la Syrie, à mon avis", tente Monsieur le général que Monsieur le ministre rétorque, "on l'a déjà fait et plusieurs fois" ! Eh ben avec ça, on dirige un Etat ! L'armée ne sait pas ce que fait le ministère des affaires étrangères en Syrie ! Le directeur du cabinet du ministre se la joue autorité morale en donnant un cours de droit international et d'éthique politique alors que Monsieur le général, fort en gueule, coupe la parole à tout le monde. Et le ministre de parler théorie comme à son habitude...

Et le plus dramatique : le directeur du MIT, le bien dévoué Hakan Fidan, va jusqu'à proposer de faire envoyer des fusées sur le sol turc ou sur le mausolée de Suleyman Shah (enclave turque en Syrie) pour créer un casus belli avec la Syrie ! Un peu comme ces généraux qui avaient été embastillés dans l'affaire Balyoz. Ils avaient prévu de faire sauter deux mosquées. Ma pauvre abeille, le général Cetin Dogan, était devenu la "tête à claques".  Le Sieur Fidan, lui, ne sera pas inquiété. Une loi spéciale le protège. Et il a une "force d'attraction" auprès d'Erdogan qui défie tout entendement.

Et on devine les éclats de risée venant de là-bas, de la Syrie. Du palais de Damas. Des repaires des djihadistes. Mais aussi des capitales du monde entier. YouTube n'est interdit qu'en Turquie, après tout. Ah oui  alors, parce-que le Premier a immédiatement bloqué le site. Question de "sécurité nationale". Tout le monde le sait sauf les Turcs de la profonde Anatolie. Ces braves qui votent pour un charisme et non pour des ragots. Et d'autres nunuches en sont toujours à demander : "qui c'est ? qui c'est le traître ?" Bah, c'est Judas. Le "baiser de Judas", voilà la piste. Toujours dans l'entourage, les félons. Dans l'entourage et dans la garde rapprochée. Suivez le regard...

Mohsen Namjoo ((ey Sareban))

dimanche 9 mars 2014

Catharsis

On leur aurait donné le bon Dieu sans confession. Et c'était là précisément le drame. Car une implosion est toujours plus déroutante qu'une explosion, on n'arrive pas à comprendre. Des dirigeants conservateurs gouvernaient un peuple conservateur avec des cadres conservateurs. Le nec plus ultra, pour les concernés. Les kémalistes, eux, narguaient le peuple, ses valeurs, son orientation. Ilker Basbug, qui venait de se frayer un chemin au milieu de la pétaudière, n'avait pas dit autre chose : l'armée s'était trop préoccupée de la barbe et du voile de ceux et celles dont les fils allaient au feu. Pour la première fois donc que le pays réel et le pays légal concordèrent, ils attendirent autre chose que ce qu'il se passa. Un État au bord du détraquement, une nation coupée en deux, des vies brisées sans merci, une culture religieuse pervertie. Et des kémalistes pliés en quatre...

C'était l'euphorie, pourtant. On se partageait les tâches, on s'offrait des fonctions, des chapelets, des dithyrambes. Le dirigeant conservateur reconnut qu'il avait remis clefs en main la justice du pays à des fonctionnaires non moins conservateurs. L'exécutif donc, avoua se reposer sur le judiciaire pour... pour quoi d'ailleurs ? Faire des injustices ensemble ? Dévaliser coude à coude ? Gouverner de concert ? On distribuait et on acceptait des postes indûment, dans une "démocratie religieuse" ? Surtout dans un domaine régalien et "divin" comme celui de la Justice ? Leur religion leur interdisait les passe-droits, pourtant. Tant pis. En jetant toute vergogne à bas, ils installèrent une organisation. C'est ce que prétendait la rumeur publique. En tout cas, si l'on en croyait la fureur éruptive du "magnanime" et le silence gêné des "bénéficiaires"...

Mais une "main invisible" grippa le système. Ou le "doigt de Dieu". Le "très honorable Révérend" devint un félon, un faux prophète, un parrain et le "très respectable Premier" devint le démon, le corrompu, le dictateur. Conformément à la nouvelle mode, des vidéos accablaient le brailleur. Qui fouettait à son tour le taiseux. Et le plus dramatique fut que les volés s'en donnèrent à cœur joie pour défendre le voleur. La sociologie politique disait sans doute des choses sur le profil de ce citoyen atypique. Mais tout le monde s'en battait. Et la remise en cause, à quoi bon ? Tout était donc bobard. Les "grands procès" devinrent truqués du jour au lendemain, le souci des droits de l'Homme, de la poudre aux yeux. Le climat devint inquiétant : on bâillonnait l'opposition, on faisait pleurer des patrons de presse, on nommait à la tête du Conseil d'Etat, on annula des marchés publics. Heureusement qu'il y eut une déflagration, pensèrent les moins sentimentaux. L'abcès... 

Voilà donc à quoi ressemblait une guéguerre des conservateurs. Le niveau ? L'étiage. Car, comme disait l'autre, "pour penser, il faut être". Être. Savoir réfléchir. Savoir soupeser. Savoir trancher. Tout cela se faisait avec un cerveau, précisément. Leur livre sacré ne disait pas autre chose lorsqu'il en appelait, à maintes reprises, à la raison, "ne réfléchissez-vous donc pas !" Sous forme exclamative, en plus. L'islam s'appuyait sur la volition et le discernement. Il n'y avait pas et il ne saurait y avoir d'instinct grégaire, chacun allait avoir son procès, ses humiliations, ses peines. Pourquoi alors se ranger automatiquement derrière une opinion ? Parce-que le conservateur croyait ce que son gourou lui demandait de croire. C'est en cela que la bataille des dévots affola...  

Le Coran disait : "que l'aversion que vous ressentez pour un peuple ne vous incite pas à commettre des injustices" (5; 8). Que nenni ! avaient répondu en chœur les protagonistes. "Les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que les mensonges", n'est-ce pas... "Qu'ils aillent tous au diable", avaient fini par éructer certains. "Nous avons proclamé la démocratie, il nous reste à trouver des démocrates", pleuraient d'autres. Et puisque c'était la guerre des croyants, d'autres lançaient "tuez-vous, Dieu reconnaîtra les siens". Et les "islamistes" au pouvoir furent ainsi éprouvés. La conclusion coula de source : des gobeurs, on ne saurait faire des démocrates. Pour la simple raison que la Justice, qui tenait pourtant le haut du pavé dans l'échelle des valeurs islamiques, n'était et n'avait été, en réalité, une préoccupation pour personne...

vendredi 7 février 2014

A quelque chose malheur est bon

Le dépit a de beaux yeux, m'a-t-on dit. La vie contrarie, c'est une bonne chose. Les corps nous entourent, les démons nous conseillent, le désir nous consume. Il n'y a qu'un pas à franchir pour "s'extasier" dans le "bourbier". Mais le surmoi sirène. La tête se courbe, le cœur se couvre. De quoi ? De volupté et de chasteté. L'épreuve. Qui demande endurance. Porter un corps n'est pas une mince affaire. Supporter un sentiment est un enfer. L'humain crie désir, le Ciel résonne : interdit. Pourquoi ? Oukase, me dit-on. C'est comme ça. Le Malin inonde ce qu'il est en droit d'inonder. L'humain oppose ce qu'il est en son devoir d'opposer. Abdiquer, c'est revendiquer. Laisser l'ardeur tourner en rond et se jeter dans l'espérance de l'infini...
L'intimité à deux est beaucoup plus intimidante que la promiscuité à plusieurs. Le regard, cet "instant indétectable pour la foule, éternité pour l'amant" (Amin Maalouf). Les yeux chassent. Les lèvres sèchent. Les joues s'empourprent. Et cette impression d'avoir fauté. C'est bête mais c'est ainsi. Vraiment bête : Mme Walter, la très "cul-serré" tomber amoureuse de Bel-Ami : "Depuis un an, elle luttait ainsi tous les jours, tous les soirs, contre cette obsession grandissante, contre cette image, qui hantait ses rêves, qui hantait sa chair et troublait ses nuits. Elle se sentait prise comme une bête dans un filet, liée, jetée entre les bras de ce mâle qui l'avait vaincue, conquise, rien que par le poil de sa lèvre et par la couleur de ses yeux" (Maupassant).
Rebelote. Sous le soleil, sans soleil. La chair étrangle les mots, enchâsse le soupir dans la blessure. Et quand l'être aimé passe, c'est le dépit. "Je l'ai bien fixé; admiré, regardé, désiré. Une dernière fois. J'ai baisé ses larmes et je l'ai quitté. Je suis son haram. Je suis son harem" susurre une voix. On n'y comprend rien, on saisit tout. Christine de Pisan aussi, avait hurlé : "Je ne sais comment je dure/ Car mon cœur dolent fond d'ire/ Et plaindre n'ose, ni dire/ Ma douloureuse aventure./ Ma dolente vie obscure/ Rien, fors la mort ne désire./ Je ne sais comment je dure./ Et me faut, par couverture,/ Chanter, que mon cœur soupire./ Et faire semblant de rire./ Mais Dieu sait ce que j'endure/ Je ne sais comment je dure".
Le jour où tu seras géniteur, tu seras créateur. Une arrogance t'étreindra. Et elle éteindra le "petit gars" qui est en toi, la posture de l'humble créature. Les pensées se dissiperont. Le temps n'existera plus pour la solitude; celle qui a partie liée avec la métaphysique. Qui vit vite, vit mal. C'est dans le silence qu'il y a effusion. Quand Abbado impose le silence après la prestation, il a tout compris. C'est ce "tout" qui m'intrigue. Le mystère absolu. Chef d'orchestre, un oracle... Cioran a raison quand on a envie qu'il ait tort : "on ne saurait ramener, des déserts et des grottes, un message pour la vie". L'au-delà, c'est une autre question; le dépit a de beaux yeux, m'avait-on dit...