dimanche 26 janvier 2014

Des signes avant-coureurs...

"La dignité humaine, la valeur qui nous rassemble", dixit la Fille aînée à son Saint-Père. J'imagine le président essayant de réprimer un fou rire. Et Sa Sainteté, un rugissement. Regardez-moi ça, "la valeur qui nous rassemble" ! Un type grossier aurait parlé d'un "foutage de gueule". Et venant d'un homme qui vient de tromper sa compagne, ça fait sens, n'est-ce pas. Le pape a dû rougir. Quoique. Le socialiste n'a jamais été une punaise de sacristie et quand on n'est pas une punaise de sacristie, on a souvent la conscience large comme la manche d'un cordelier. Aux yeux du pontife, en tout cas...

Le chanoine d'honneur de la basilique de Saint-Jean de Latran et co-prince d'Andorre, accessoirement président d'une république, a donc discuté des "dossiers internationaux" avec Sa Sainteté. Comme si celui-ci était une "autorité" en la matière ou un acteur important dans la région du Moyen-Orient. "Oui oui mon fils, on pleurera ensemble quand on aura le temps, mais actuellement, il y a quelque chose de pourri dans la République de France", a dû forcer le Saint-Père. C'est qu'il est avant tout guide spirituel et sa fille aînée s'entête à se "dévergonder". 

C'est une comédie et c'est bien que ça l'est. Après tout, le fait d'être d'accord sur la valeur et de s'écharper sur ses déclinaisons, n'a rien de sérieux. La femme qui avorte parle de sa dignité, celle de ne pas mourir dans une "cage d'escalier". Le malade qui se donne la mort parle de sa dignité, celle de ne pas mourir dans la souffrance. L'homosexuel qui convole parle de sa dignité, celle de vivre dans l'égalité de traitement. Le parent homosexuel qui adopte parle de sa dignité, celle de vivre dans la joie familiale. Bah oui mais quatre "dignités" pour les uns devient tout bonnement quatre "horreurs" pour d'autres. La valeur qui nous rassemble, m'ouais...

La dignité humaine vue par l'homme et sa contingence et la dignité humaine vue par Dieu et sa prépotence. Inconciliables. Rien à rassembler. Tout clive. Et ça sonne comme une expression de gamin pris la main dans le sac. Alors qu'on attendait de la robustesse, nous autres Français "laïcs"; du genre, "la République laïque n'a pas à s'excuser d'avoir légiféré pour assurer le droit au bonheur des citoyens; nos impératifs sont différents, monsieur François a des inquiétudes, nous ne les partageons pas !". Et toc ! En tout cas, c'est ce qu'il aurait dit devant un calife grincheux...

Il est vrai que l'avortement devient un "droit de la femme à disposer de son corps" et non plus une "exception au droit à la vie de l'être conçu". Plus de détresse. "Ah mince ! le préservatif s'est déchiré !" suffira à violer le droit à la vie d'un autre être vivant. La "culture du déchet" dit le Vatican. Et comme par hasard, ceux qui s'évanouissent quand on ne leur donne pas ce droit sont les premiers à critiquer la "liberté d'expression" du pape. Bouhhh, il défend la dignité d'un "brouillon" alors que la mère, elle, en chair et en os, a une autre dignité à sauvegarder, n'est-ce pas, le droit de folâtrer et de ne pas en assumer les conséquences...

La responsabilité saute. Et ça passe pour de la dignité humaine. Un embryon est handicapé, on l'étouffe. Le "dépistage prénatal", mille mercis. Un vivant est handicapé, la mère l'étouffe et s'en sort avec les félicitations du jury. Un vieux est incurable, on l'expédie. On écarte la mort, l'infirmité, l'anormalité. On en fait un droit, une expression de la dignité humaine. "La valeur qui nous rassemble". La valeur qui nous "ressemble", plutôt. La créature a chipé le concept à son Créateur et s'en sert contre Lui. C'est une comédie et c'est bien que ça l'est. Forcer Dieu à sonner la fin de la récré, ça s'appelle. La fin des Temps approche, coco...

mardi 7 janvier 2014

La guerre des jésuites et des chrétiens-démocrates pour les Nuls

Il était une fois une République bananière où l'administration était à tour de rôle colonisée par les maîtres successifs du système. L'Etat de droit et l'égalité d'accès aux emplois publics étant ce qu'ils étaient dans un "pays à maturité peu démocratique", chacun usurpa les postes pour les confier à ses proches. Car dans ces pays, le haut fonctionnaire prêtait serment de fidélité au gouvernement et non à l'Etat. L'Etat, c'était quoi d'abord, ça ne voulait rien dire, il devait être clanique; dans une "pagaille" politique où tout le monde crochait tout le monde pour imposer son idéologie et non son programme, le "spoils system" était quasi-unanimement accepté. Ainsi allait cette République, tout heureuse de changer d'adjectif qualificatif à chaque changement de gouvernants...

Les chrétiens-démocrates, interdits, brimés, bousculés jusqu'alors, avaient dû faire une "coalition bureaucratique" avec les jésuites dont l'excellence en matière intellectuelle n'était plus à prouver. Alors, ils avaient entamé une lutte féroce contre l'ancien système, disons, le système laïcard d'Emile Combes. Les combistes tremblaient, les libéraux bénissaient, les conservateurs jubilaient. Le Premier ministre chrétien-démocrate avait besoin de troupes, et les jésuites étaient prêts à remplir le vide. Quoi de mieux ! Après tout, ne partageaient-ils pas la même religion (le christianisme), la même verve (une République forte) et le même dessein (une société conservatrice) ? Bah si, mais justement; selon l'expression du pays, il ne saurait y avoir deux empereurs dans une même contrée...

Les offices se partageaient tellement bien que les mauvaises langues dirent que si Montesquieu sortit de sa tombe, il aurait fait la moue; "mais vous, les jésuites, je ne vous avais pas prévus dans mon système !". Tant pis, coco. La séparation des pouvoirs, out. Un système hiérarchique, in. Si bien que, selon une rumeur persistante, les fonctionnaires jésuites allaient directement demander ce qu'il fallait faire au "Supérieur général de la Compagnie de Jésus", installé quelque part en Sibérie. Un ancien ministre de la Justice chrétien-démocrate avait été jusqu'à "balancer" en public : "chers amis, maintenant qu'on n's'entend plus avec ces traîtres de jésuites, il faut qu'je vous dise : j'ai ouï dire qu'un juge de la cour de Cassation a demandé à son gourou de trancher une affaire sensible ! Vous avez vu ! Oyez citoyens !"... Personne, dans l'assistance, n'osa lui demander ce qu'il faisait sur son fauteuil ce jour précis. Car le sens commun imposait de croire que lorsqu'on était au gouvernail, on maîtrisait la situation; dans le cas inverse, on ne pouvait que s'en prendre à soi-même...

Mais bon, les chrétiens-démocrates avaient fini par monter si haut que le Premier ministre se perdit dans une folie des grandeurs : il donnait des leçons aux despotes, il houspillait les opposants coupables de ne pas reconnaître... ses mérites; la masse avait donc saisi la devise de Sa Majesté : "arrêtez de dire le contraire de ce que je pense !". Et il avait une de ces manières de mener la danse diplomatique ! Tel un éléphant dans un magasin de porcelaine. Les jésuites, eux, fidèles à leur ligne de conduite, optèrent pour la modération. Il ne servait à rien de courir, de talocher les grands de ce monde. On ne devait pas forcer le système, venter plus haut que son derche, énerver les Etats-Unis et Israël car eux seuls avaient du "hard power". Il fallait une "conversion des cœurs". Un truc à long terme, quoi. Les chrétiens-démocrates n'y comprirent rien et comme il seyait à un esprit fonceur, ils tirèrent des conclusions hâtives : "ah, on a compris, ces jésuites sont des vendus ! Ils soutiennent tous ceux qu'on déteste !".

Et paf, une guerre civile éclata entre eux. Un crêpage de chignon à faire pâlir nos voisines de palier. Les chrétiens-démocrates décidèrent de fermer les centres de soutien scolaire; c'est que les jésuites étaient passés maîtres en la matière, l'éducation était bonne, moderne, mâtinée de moralité chrétienne. Et le gouvernement avait chipé le balai pour épousseter l'appareil judiciaro-policier, le ban et l'arrière-ban jésuite. "Maiiis euuuh !", avaient répondu les autres. Un déballage s'ensuivit : tel juge ordonnait une mesure, tel policier refusait d'obéir; tel décret fut modifié, telle cour annula la nouvelle mouture. La masse fut épatée de constater que le pays était en réalité un Etat de droit à la Potemkine, de carton-pâte. La farce atteignit son comble lorsque le Premier ministre déclara vouloir libérer les militaires putschistes qu'il avait eu jadis l'honneur de mettre en taule. "Oui, mes frères, j'vous l'dis, nos généraux ont été les victimes des jésuites !"...

Le président de la République, qui comptait pour du beurre depuis son élection, préféra ne pas avoir une parole précise; c'est qu'il était la "clé de voûte des institutions"; il devait être transparent. Alors, les journalistes lui demandèrent quand même s'il était au courant de ce qui se passait dans le pays : "bah en fait, j'chai pas moi, j'ai interrogé mon directeur de cabinet, on m'a dit que c'était comme ça !". D'accord. D'ailleurs, le Premier ministre en aurait pris ombrage. C'est qu'il avoua, lors d'une conférence dans une université, être le chef de l'exécutif ET du législatif; il reçut un doctorat honoris causa en droit, s'il-vous-plaît, pour avoir si bien interprété la séparation des pouvoirs... Et, le doctorat en poche, il bannit tous les journalistes dissidents de ses voyages officiels; si bien que des journalistes chrétiens-démocrates expliquaient aux citoyens chrétiens-démocrates ce que pensait le leader chrétien-démocrate...

Alors, chacun sortit ses calculatrices; histoire de compter les défections et les ralliements. Les jésuites, d'abord, c'était combien de voix ? Car le chef du gouvernement était un peu gaullo-bonapartiste dans les bords; le peuple a toujours raison. Des ministres ont détourné de l'argent ? "Chiche, on demande au peuple ?". Oui, mais à la condition d'abolir l'institution judiciaire... Une autre drôlerie. "Comediante, tragediante !" comme aurait dit Pie VII. Et lorsque la presse lui demanda s'il craignait un reflux lors des élections, il ne répondit même pas. Après tout, les jésuites étaient complotistes, le peuple était intelligent, il saurait faire la part des choses. Le complot ne signifia évidemment que ce qu'on avait voulu qu'il signifiât. Et d'ailleurs, comme dirait l'autre, "le Pape, combien de divisions ?"...