jeudi 31 janvier 2008

L'Homme est orphelin

Human Rights Watch a publié son rapport annuel; j'ai lu celui de 2007; le résultat n'a pas vraiment changé: personne n'est plus crédible: il n' y a plus de "leadership": les Etats-Uniens s'entêtent à catapulter la démocratie (comme le disait Mitterrand pour un autre dessein, la méthode est secondaire), les Chinois restent fidèles à leur splendide isolement dans ce domaine, les Russes sont traditionnellement étrangers à ces questions (des "normes artificielles", Raspoutnyi préférant trinquer avec ses amis Karimov, Loukachenko, Niyazov; raspoutie des criminels VIP), les Européens ne veulent pas faire figure de stakhanovistes (ils sont toujours mal vus les premiers de la classe, les Turcs les appellent gentiment des "vaches"; les galapiats sont eux-mêmes taxés de "boeufs", on hésite alors à choisir un camp), les démocrates Latinos, africains et asiatiques font comme si; le système onusien n'a jamais fait des merveilles.
La Chine et la Russie sont devenues des guichets: on se presse, on s'écrase, on s'insulte pour recevoir un peu d'argent (le nouvel abreuvoir des dictateurs africains), un peu de gaz et ce faisant, on vient conscience en berne, on évite prêchi-prêcha, on rigole, on tapote et on encaisse. Très schématique, je sais mais point.
L'Homme souffre, certaines régions saignent, certains peuples sanglotent: Darfour, Iraq, Birmanie, Turkménistan, Ouzbékistan, etc. La planète a mal un peu partout. C'est une réalité. Le rapport est édifiant.
Les Etats-Unis interdisent la torture mais le texte n'est pas envoyé aux forces sur le terrain, les combattants ennemis sont détenus à volonté, certains sont malencontreusement perdus, d'autres rendent l'âme sans s'excuser (du type Stavisky, il " se suicide d'un coup de revolver qui lui a été tiré à bout portant "), les pays de l'Afrique commencent timidement (mais quel commencement n'est pas timide ?) à exhumer les dossiers et à livrer à la justice internationale certains de leurs plus illustres sanguinaires (qui s'amusaient à péter dans la soie à qui mieux mieux); enfin, l'Europe déçoit, se morcelle, se fourvoie et démissionne lorsque ses larmes se transforment en sueur; sauver des contrats, des positions, des privilèges. 27 sensibilités obligent, l'approche globale glisse au minimalisme ("victoire du collectif sur l'effectif").
Bref, dans un monde, pour reprendre le mot insignifiant mais tout de même percutant d'une grande amie, de "beuh", défendre l'Homme demande quelque peu de sincérité et donc d'audace. Espérons que nos Etats sauront porter cet idéal sans nous bercer ni nous berner.

vendredi 25 janvier 2008

Asi - Jenerik/Dizi Müzigi...

Détresse et palabre des droits de l'Homme

Les Gazaouis dînaient par coeur jusqu'à hier. Les portes s'ouvrirent (ou furent plutôt défoncées); ils affluèrent mains dessus mains dessous vers le voisin de cocagne. D'ailleurs celui-ci en a profité; il voulait les bouter hors de sa terre mais les charognards ont supplié. On a donc décidé de qualifier une opération indélicate en opération humanitaire. Officiellement, les Portes restent ouvertes pour leur survie. Mais c'est un vol directement indirect. Les maquignons jubilent. Moubarak reçoit, torse bombé comme à son habitude, les chaleureuses félicitations; il a daigné se préoccuper de leur sort; on le remercie. Il est content. Il a fait oeuvre pie.
Les Israéliens, à raison, persistent; ils en ont marre de recevoir des bombes. Ils veulent punir dirigeants, responsables terroristes et population. Ca leur est égal. Le vase est plein. Naturellement, ça éclabousse un peu partout. La "Haut Commissaire aux droits de l'Homme", la vénérable Louise Arbour dénonce, quant à elle, à raison aussi, une "punition collective". Tout le monde a raison, ça commence à affoler.
Le Conseil des droits de l'Homme, réunis d'urgence sur les instances des pays arabes, va tellement vite qu'il ne dénonce que l'impair d'Israël. Rien n'est dit de ces fameuses bombes (qui, sans doute détail occulté par une approche idéologique, méritaient une condamnation identiquement ferme). C'est la diplomatie des droits de l'Homme, l'art de perdre du temps pour en perdre réellement. Tout le monde se fout complètement de sa résolution !
Bref, les mêmes trinquent, les mêmes sont mis au pilori, les mêmes se réunissent, palabrent, rédigent, publient. Résultat: pas un iota.

dimanche 20 janvier 2008

Les promesses, toujours des promesses

Le Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, a finalement promis de tenir sa promesse: il va tout faire pour lever l'interdiction du port du foulard dans les universités. Immédiatement, le président du MHP (Parti du mouvement nationaliste) a promis de l'aider à tenir sa promesse. Ils vont ajouter une seule phrase dans la Constitution et tout va se régler.
Le corps judiciaire promet de son côté de tout faire pour interpréter le texte contre son propre sens. C'est la situation du droit turc. La présidente du Conseil d'Etat, le Procureur général près la Cour de cassation, les partis de gauche (sauf celui de Ufuk Uras) ont lancé des ultimatums. Le procureur a même menacé d'entamer une procédure judiciaire pour interdire l'AKP. Un rêve pour beaucoup. D'autres rêvent l'intervention de l'armée. Bizarre d'ailleurs, le Chef d'état-major qui, d'ordinaire, n'a pas sa langue dans sa poche, ne l'ouvre pas. Il est sans doute occupé à faire son métier: chasser les terroristes kurdes. Les apparatchiks en retraite ne sont pas en reste: l'ancien président du Conseil constitutionnel met en garde, l'ancien procureur général près la Cour de cassation (celui qui est à l'origine de la fermeture du Refah et du Fazilet) se mord les doigts; il aurait bien voulu occuper ce poste pour ficeler un bon dossier judiciaire.
Le monde journalistique est en ébullition, les artistes de même: Cemil Ipek, grand styliste homosexuel, n'y va pas par quatre chemins: si j'avais été une femme, j'aurais porté le voile; Ozdemir Erdogan, chanteur respecté, en perd son latin: être nu n'a rien de répréhensible dans notre pays mais se voiler, c'est une faute.
Kenan Evren, l'ancien putchiste en retraite, en a ouvertement marre: il n'y a pas de presciption religieuse sur le voile, nous dit-il, c'est du blabla, si Dieu ne voulait pas que les hommes s'émerveillassent des cheveux des dames, il les aurait créées chauves ! Il faut rappeler qu'il est nonagénaire.
Le Président des affaires religieuses, tout penaud, rappelle que c'est un devoir religieux qui s'impose à toutes les femmes mais qu'il ne se prononcera pas sur la querelle politique qui a lieu en ce moment.
Bref, encore une fois, la question du voile surgit. D'aucuns estiment que c'est le symbole du fondamentalisme, le signe de l'obscurantisme, d'autres leur rétorquent que si tel était le cas, il faudrait nous expliquer comment tous les partis politiques (même le CHP) comprennent des membres voilés. Ils seraient tous intégristes ! même le parti de Mustafa Kemal ! Absurde donc. D'autres veulent défendre les droits de la minorité; celle qui refuse de porter le foulard. Respectable. Mais écraser le droit de la majorité pour permettre à la minorité de "rester à l'écart du RISQUE d'attitudes malveillantes et prosélytiques des majoritaires", est-ce bien concevable ? Principe de précaution à mauvais escient.
Si la laïcité, c'est bien d'une part la séparation de l'Etat et des religions et d'autre part la liberté de conscience, j'ai un peu de mal à situer l'interdiction du voile dans cette perspective. La laïcité "à la turque" est autre chose: c'est la conceptualisation de la chasse militante du religieux assimilé à l'obscurantisme par une élite déracinée et complexée, désireuse de sauvegarder un mode de vie qu'elle estime menacé par la base arriérée. Turquie d'en haut versus Ploucs d'en bas. La laïcité, c'est devenu la défense du droit de pécher pour la minorité de la majorité. Légitime. Mais seulement lorsqu'il y a atteinte caractérisée à ce droit. Or, ce n'est qu'une élucubration.
On assiste, pour retourner l'expression de Jean Carbonnier, à la secrète délectation des persécuteurs.

vendredi 18 janvier 2008

censé/sensé: la bravoure de Sarkozy

Même les plus férus en perdent leur arabe: d'un côté, un président français, par destination laïque, qui encense les religions, de l'autre, une politicienne autrichienne qui tire à boulets rouges sur Mouhammed le "pédophile". L'un veut installer les barons spirituels dans le Conseil économique et social, l'autre veut bouter hors de son pays les musulmans (même les plus intègres). L'un fait tout ça par conviction, l'autre s'enquiert des retombées sondagières de ses propos. L'un parle de civilisation, l'autre cite l'épilepsie. Il n'est pas si mal que ça, en fait, notre président. Il est sensé, ça suffit amplement dans un monde de sottise passionnelle.

dimanche 13 janvier 2008

Aimer la France


Les élections municipales arrivent à grands pas. Si le désintérêt des Français d’origine turque à la politique de leur pays est proverbial, leur hésitation à revendiquer l’affiliation à la patrie française continue de m’exaspérer. Rien ne nous interdit d’aimer la France. A l’inverse, le hadith « L’amour de la patrie relève de la foi » fait figure de socle spirituel à notre engagement réel et sincère aux côtés de nos compatriotes. L’islam accorde une importance significative à l’amour de la patrie.

Il m’est arrivé d’entendre des propos primaires et franchement insensés dans la bouche de personnes qui, nées en France, vivant et travaillant ici, restent perplexes sinon rétives à l’idée de parler de la France, comme de notre patrie. Nous sommes Français. Point. Notre avenir est ici. Personne ne doit se leurrer. Aucun de nous retournera en Turquie. Seuls les liens du cœur seront au plus fidèlement préservés.

La conception française de la nation permet à chacun d’entre nous de se sentir chez lui, avec les siens et de s’investir pleinement et loyalement pour l’ensemble de la communauté. Contrairement à la conception allemande de la nation qui privilégie le sang et la langue, l’approche française donne de l’importance au vouloir vivre ensemble, au désir de mener un bout de l’existence ensemble, librement et sincèrement.

Aimer la France pour ce qu’elle est et non pour ce qu’elle a. Voilà un code de conduite qui s’impose à notre conscience. Certes, il est légitime de s’interroger sur sa politique d’intégration, de dénoncer les torts qu’il nous arrive de subir et de se sentir frustrés dans telle ou telle circonstance mais il est absurde de s’enferrer dans une bouderie apostasiante. C’est un non-sens des plus ineptes. Le rejet de certains doit nous conduire à redoubler d’efforts pour imposer notre réalité, notre existence et finalement notre légitimité.

La France est notre patrie. Nous y sommes nés, nous y vivons quotidiennement, elle nous nourrit, nous abrite, nous accorde les conditions matérielles nécessaires à notre subsistance. L’Imam Ali a dit : « Aucun pays n’est pour toi meilleur qu’un autre ; le meilleur pays pour toi est celui qui t’accueille ». Se désintéresser du sort de notre patrie, c’est se renier, c’est démissionner et finalement trahir. A bon entendeur, salut !

lundi 7 janvier 2008

Un président trop normal

Les incartades sentimentales de notre Président font définitivement jaser. Est-il bling-bling pour reprendre l'expression du Monde ? Est-il un frustre ? Un butor ? Un type trop "cool" ?
Il est légitime de s'interroger. Ce n'est pas vraiment le fond de son attitude qui gêne, ça s'est déjà fait (cf. Mitterrand) mais plutôt la manière de le faire. En public. Sans cachotterie. Sans dignité. Au fond, on ne veut pas d'un président "lambdaïsé". Autant l'impassibilité verbale et la guinderie gestuelle du président Chirac m'agaçaient, autant l'aisance provocatrice et l'impertinence revendiquée du président Sarkozy m'ennuient. Je suis conservateur, je l'avais dit.
Il bouleverse le protocole diplomatique. Les chancelleries cherchent des solutions. Il ne faut surtout pas froisser. Comment qualifier officiellement "une petite amie" ? Voilà la question qui donne des sueurs froides aux plus sensibles. Tiens, l'Arabie Saoudite est on ne peut plus claire: pas de Bruni chez nous, disent-ils, c'est interdit. Pourquoi ? Vous n'êtes pas mariés rétorquent-ils. Une relation adultère. Les Saoudiens mettent leur grain de sel théologique. On ne badine pas avec les moeurs et sûrement pas avec la Charia. Bonne question: la Charia s'applique-t-elle aux tiers ?
Sans doute, Benoît XVI ne lui a soufflé mot à ce sujet. A son chanoine. Le pape n'a pas de femme, le roi saoudien en a plusieurs et ils se metteraient à donner des leçons de sagesse familiale à notre Président. Vive les faux-culs !