samedi 27 mars 2010

Des oiseaux sur la branche

On savait que rien, au fond, ne serait réglé. C'est qu'il y a une sorte de gêne à admonester Israël. Le retour de Bibi a été triomphal; "t'as bien fait, tu n' t'es pas abaissé, c'est bien mon frère!" lui ont soufflé ses camarades du gouvernement. Les nationalistes et les religieux. Les "fondamentalistes" juifs. Ils veulent Jérusalem-Est aussi. Ca serait un haut lieu de leur histoire. Comme si cela suffisait à réclamer des terres. C'est qu'on serait un peu "mal barré" si tous les peuples du monde entier demandaient des rétrocessions au nom de leur mémoire. Droit international contre Bible. Un "titre de propriété" comme le disait Ben Gourion. C'est comme ça.


Il était aux Etats-Unis, le Premier ministre israélien. La construction de nouveaux logements a été annoncée. Evidemment. Et lorsque Biden était en Israël, c'était l'édification d'un village qui avait été annoncée. Tout cela sur les terres des autres. Certains ont râloté, histoire de passer convenablement à la postérité. La Dame Clinton avait papoté 45 minutes avec Bibi, "oh tu nous emmerdes avec tes logements, arrête nom de Yahvé !", "d'accord, promis, juré". Quelques jours plus tard, Bibi s'était retrouvé devant ses féaux et amés cousins de l'AIPAC; il était viril, comme à son habitude : "Jérusalem n'est pas une colonie, c'est notre capitale !". Ben voyons...


Il est normal que les Grands de ce monde veulent voir le bout du tunnel; pas pour les beaux yeux des Palestiniens ni des Arabes ni des musulmans, non. C'est qu'ils pensent avant tout à leur propre sécurité. Car, comme on le devine, ce conflit nourrit les crispations. Les musulmans soutiennent les Palestiniens pour des raisons religieuses (et pas forcément humanistes) et haïssent au passage les dirigeants israéliens. Du coup, sans le vouloir, sans le ressentir, sans le penser, ils n'apprécient pas trop les Israéliens en général ou pour être plus précis, les juifs.


L'antisémitisme n'existe pas dans la mentalité musulmane, en réalité. L'antisémitisme vient de l'Europe. Il a accéléré la création de l'Etat d'Israël. Les antisémites européens se sont retrouvés sionistes. Dans le monde musulman, c'est l'antisionisme qui a engendré l'antisémitisme si tant est que l'on puisse parler d'antisémitisme. Car au fond, le musulman est réservé sur le juif, pas parce-qu'il est juif (ça c'est la pathologie chrétienne, l'antipathie), mais parce-qu'il soutient une injustice faite à des musulmans. Ce n'est pas le juif que sa rancoeur enveloppe, c'est l'Israélien. Et comme ce dernier se définit avant tout comme juif... Car juifs et musulmans ont vécu ensemble pendant des siècles. Certes sans forcément se mêler mais leur coexistence est un fait. Ils ont partagé le droit le plus fondamental, le droit à la vie.


Bibi ne veut pas la paix, comme on le sait. Il a surtout besoin d'ennemis. Les Etats-Unis d'un côté, le Quartette de l'autre, supplient Israël, l'Etat le plus chouchouté du monde, de rentrer dans le rang. Respecter "la légalité internationale" lui demande-t-on; en clair, les résolutions du Conseil de sécurité. "C'est ça ouais !" vient de leur lancer Bibi; la construction à Jérusalem-Est va continuer. La "capitale" d'un Etat étranger. Bibi l'a annoncé : "mes chers amis, mes très chers ennemis, construire à Jérusalem est la même chose que construire à Tel Aviv et toc !".


Un Etat arrogant. Tellement arrogant qu'il n'avait pas hésité à faire des choses sur le dos de ses alliés; l'histoire des faux passeports pour aller assassiner un responsable du Hamas à Dubai. Le Royaume-Uni vient de s'en offusquer, enfin. Un diplomate israélien a été expulsé. Et l'accueil réservé aux Etats-Unis n'était pas non plus des plus cordiaux. Presque "entre deux portes", ni média ni communiqué ni égard. Mais rien n'y fait. Tous les présidents américains ont été impuissants.


Elle est là la clé : l'affaire palestinienne. Le monde a besoin du règlement de ce conflit pour s'apaiser. On n'arrive même plus à espérer. Il y a une croyance chez les musulmans; on dit que c'est un hadith du Prophète : «L'Heure suprême n'arrivera que lorsque les musulmans combattront les juifs et les tueront. Lorsque le juif se cachera derrière un rocher ou un arbre, celui-ci dira : Ô musulman, un juif se cache derrière moi, viens le tuer. Seul «Al Gharqad» gardera le silence car il fait partie des arbres des Juifs» (Muslim). Le CRIF, l'an dernier, s'était offusqué. A raison. Un professeur turc, quant à lui, essayait de nous convaincre l'an dernier que les Israéliens plantaient à tour de bras cet arbre "au cas où"... "P'tain tout le monde prend au sérieux ce hadith, on est dans un délire !", "t'as vu, les musulmans aussi sont antisémites, c'est votre prophète qui le dit, alors, où elle est cette tolérance proverbiale ?", "euh..."


C'est donc un conflit religieux. Ca ne finira jamais. Comme le disait Rabin, "il n'existe pas de solution à un conflit théologique". C'est la raison pour laquelle le Guide Khamenei et autres nervis ne se lassent pas d'annoncer la destruction d'Israël. Ils brandissent ce hadith. Pourquoi négocier et trouver une solution alors, puisque, in fine, une déflagration va nécessairement se produire dans ce coin de la planète ? On dit même que Shimon Peres, interrogé sur ce hadith en 1986 alors qu'il était Premier ministre, aurait répondu : "lorsque les musulmans dont parle ce texte seront là, on avisera".


La brume est épaisse. On s'interroge; funestés que nous sommes.
"Vous qui veillez ! N'êtes-vous pas fatigués
De surveiller la lumière dans notre sel ?
Et du feu des roses dans notre plaie,
N'êtes-vous pas fatigués, vous qui veillez ?" (Mahmoud Darwich)

samedi 20 mars 2010

Des regrets au moins !

Il faut savoir s'exprimer, assurément. Le bon diplomate est celui qui dit une chose grosse de plusieurs choses; l'un doit comprendre oui, l'autre non et le tiers, peut-être. Et c'est ainsi que les affaires de ce monde avancent; grâce à des subtilités. Une hypocrisie organisée. Mais tout le monde est content car la vérité passe mieux lorsqu'elle n'est pas enfermée dans une phrase classique sujet+verbe+complément. En politique, c'est autre chose; il faut être clair quitte à ne pas répondre principalement à la question posée : c'est ce que l'on appelle la "langue de bois". Mais il faut bien se faire comprendre; on ne parle pas à son peuple dont on considère que l'intelligence est moyenne comme on parlerait à la tribune de l'assemblée générale des Nations-Unies.


C'est que le Premier ministre turc a voulu dire des choses; sensées selon lui mais abjectes selon tout le monde. A un journaliste de la BBC qui l'invitait à déclamer la colère classique des Turcs en pleine saison des reconnaissances du "génocide arménien", il a lâché en plus : "bon, ça commence à bien faire maintenant, nous avons 100 000 Arméniens d'Arménie qui vivent sans papiers et qui travaillent au noir en Turquie, si ça continue, ce sont eux qui vont en pâtir, on pourrait les renvoyer chez eux" !


Tayyip Erdogan semble être une chance pour la Turquie. Il essaie de démocratiser. Mais il divague aussi; c'est que lorsqu'il n'a pas ses notes devant lui, il est rien. Il a la malchance de penser par lui-même et de débiter des bêtises en branche. "Si tu n'aimes pas ta patrie tu dégages" pour les Kurdes (alors qu'il venait tout juste de reconnaître que, dans le passé, la Turquie avait eu une politique fascisante à leur égard), "les musulmans ne sauraient faire de génocide" pour soutenir Omar (alors qu'il venait de lancer son fameux "one minute" à la face du président d'un Etat dont il avait dénoncé le "terrorisme d'Etat" et même le "génocide" contre les Palestiniens), "il faut se débarrasser de l'idéologie unioniste" ("ittihatçı zihniyet") en référence aux partisans du Comité Union et Progrès assimilé à un mouvement autoritaire alors qu'il soutient directement leur politique en refusant d'exprimer au nom de l'Etat turc des regrets non pas pour ce qu'aurait fait l'empire ottoman (comme le dit la référence dans ce domaine, Nicolas Sarkozy, "on ne peut pas demander aux fils de s'excuser des fautes de leurs pères") mais pour avoir refusé si vivement de reconnaître la faute des Unionistes. Et voilà donc cette nouvelle perle qui prend sa place dans le chapelet.


Bon et mauvais, il est. Aucune constance. Deniz Baykal, lui, on sait : il est mauvais. Un doyen de la politique, aime-t-on le qualifier. Mais il n'a rien apporté à son pays sinon la désolation et les crises permanentes qu'il suscite. Erdogan apparait souvent comme plus volontariste. Il semble faire de la politique pas pour faire carrière mais pour apporter quelque chose à son pays. Jadis Turgut Özal, le premier ministre et président de la République libéral, respectivement de 1983 à 1989 et de 1989 à 1993, l'avait dit clairement : "si je perds les élections, j'arrête la politique, je n'ai pas de temps à perdre dans l'opposition". Erdogan avait affirmé la même chose il y a quelques semaines; il envisageait plutôt de diriger une fondation que de ne rien faire dans l'opposition.


Heureusement Deniz Baykal n'a goûté que quelques mois du pouvoir. Il a fait carrière dans l'opposition. C'est déjà un exploit : dans les pays démocratiquement matures, quand on perd des élections tout le temps, on quitte la présidence du parti sinon la vie politique. Le Sieur Baykal perd tout le temps mais ne s'en va jamais. Il a reculé une seule fois; mais on a compris par la suite qu'il ne faisait que prendre de l'élan...


Une perspective d'expulsion, donc. Une bourde, cela s'appelle. Une bêtise. Une inhumanité. Une ignominie même. Exploiter la misère des citoyens d'Arménie sur le sol turc pour "troquer". Réfléchir à une nouvelle "déportation", en somme. Un joli message pour le centenaire. Le détestable Onur Öymen proposait également de donner une raclée à l'Arménie et la non moins sinistre Canan Arıtman revendique la "maternité" de ce projet d'expulsion; Öymen et Aritman sont de gauche, juste pour rappel...


Le célèbre journaliste Cengiz Çandar (il appartient à une des plus vieilles familles de l'empire ottoman, les Çandarlılar qui étaient déjà là à sa fondation au 14è siècle), qui en bon libéral soutient fréquemment le gouvernement, a demandé au Premier ministre de formuler des excuses pour ces derniers propos. Celui-ci vient de lui répondre : "vendu ! T'es l'avocat de quelle partie hein, dis-le !"... "La ferme !" vient de lancer au Premier ministre l'autre grand journaliste libéral Ahmet Altan : "t'es qui toi, Tayyip Erdoğan !"... Bonne question. On attend la réponse-injure du Premier ministre.


Quand on dirige un Etat, on a le droit d'être lunatique; on dort mal, le bureau est rempli de dossiers, il faut satisfaire l'épouse qui demande des câlins de temps en temps, etc. Mais on n'a pas le droit d'être versatile; le pays n'ayant pas besoin d'un Premier ministre AKP qui s'aligne sur les positions du CHP (un parti de gauche mais à la Öymen et Arıtman) et MHP (parti de droite nationaliste). Il y a l'original pour cela, point besoin de la copie. Il a prouvé qu'il avait au moins une conscience. C'est déjà ça. Il ne reste plus qu'à nous prouver qu'il a une vision. Et on sera content de se souvenir de lui comme d'un "homme d'Etat".

dimanche 14 mars 2010

Charlatanesque

Il ne manquait plus que les Blonds. Les Suédois. Les types les plus beaux, les plus veloutés, les plus droits de la planète. BCBG. Eux aussi viennent de légiférer. La loi n°... du... portant reconnaissance du génocide des Arméniens, Assyriens, Chaldéens, Syriaques et des Grecs pontiques. Tout ça par les Ottomans, évidemment. Oui oui l'empire ottoman; celui qui se targuait d'être arc-en-ciel. Un beau matin, il avait décidé de décimer toutes ces (et ses) populations sans raison. C'est comme ça. "Ah bah, c'est des gens sérieux qui disent ça hein, c'est pas des charlots", "ouais". En tout cas, une vingtaine de pays a demandé pardon au nom des Ottomans qui n'existent plus. Et comme les Turcs sont négationnistes, il fallait bien que d'autres émissent un son, n'est-ce pas.


Cela pèse moralement, évidemment. Les Suèdois ont donc lâché. Ils n'en pouvaient plus. En général quand des élections approchent, les parlementaires ont besoin de laver leur conscience à grande eau. C'est que les seaux se bousculent en ce moment. Même la Catalogne a vu là un génocide. D'innombrables autres provinces dans le monde entier ont "succombé". Mais la baffe la plus indue est venue de l'allié stratégique; le comité des affaires extérieures de la Chambre des représentants s'est aussi aventuré. Certes, tous les ans c'est le même scénario mais la Turquie ne se lasse pas de bouder, à chaque fois que l'occasion se présente.


La Turquie se contente dans ces moments-là d'appeler l'ambassadeur pour consultation. "Alors vas-y raconte-nous ça en détail". Si bien que tout le corps diplomatique commence à trembler. Comme on le sait, les centenaires sont l'occasion d'un bouillonnement tout spécial. Et 2015 approche. Alors les Arméniens de la diaspora, qui ont fondé toute leur fortune sur cette cause, travaillent comme des boeufs. On estime donc que la plupart des grands pays vont légiférer à tour de bras dans ces cinq prochaines années, histoire d'atteindre l'apothéose en 2015. Et donc des bisbilles diplomatiques en perspective. Si bien qu'en retirant à chaque fois les ambassadeurs, ces derniers vont finir pas faire carrière en Turquie ! Mais c'est une simple protestation d'usage, heureusement. Ils repartent comme ils viennent. Sans défaire valise. Lorsque la France avait voté en 2001, la Turquie avait rappelé son ambassadeur; mais Madame son épouse, la célèbre artiste Filiz Akın, était restée en France et avait été très critiquée par les nationalistes. Alors qu'elle le savait elle, c'était juste une "formalité"; une comédie...


Une question d'honneur national, nous a-t-on appris à penser. Comment le grand peuple turc aurait pu assassiner ? Bonne question. C'est l'enjeu, cela dit. Il y a en fait, un véritable déshonneur national. Le vote est acquis par une voix de différence aux Etats-Unis et en Suède. Et la Grande Turquie accorde de l'importance à ce "match". Le thé dans la main, les chips dans la bouche, les Turcs se sont plantés devant leur poste de télévision pour suivre le résultat d'un vote d'un comité d'une assemblée d'un pays étranger... C'est cela l'humiliation. Et que dire du ministre des affaires étrangères turc qui appelle le président du CHP, parti de gauche, pour qu'il active ses réseaux au niveau de l'Internationale afin de dissuader deux ou trois socialistes suédois de voter pour la reconnaissance ! C'est cela l'humiliation.


Pour ma part, je n'ai toujours pas compris comment des hommes politiques peuvent être convaincus de la qualification de génocide alors que les historiens eux-mêmes en sont toujours au crêpage. Et quels historiens ! Certains écrivent des articles et même toute une série de livres sur cette question sans maîtriser, excusez du peu, l'osmanli ! Ecrire l'histoire sans analyser les archives, voilà bien une nouvelle méthodologie... "Bah nan hein, moi je fais avec les traductions !","t'as raison mon brave, tu seras un grand historien plus tard"... Heureusement que j'ai une licence d'histoire, ça permet de séparer le bon grain de l'ivraie. Oh oh...


Un travail de sape, en réalité. Il est vrai que les protocoles de normalisation signés par la Turquie et l'Arménie sont déjà tombés à l'eau; c'est que la Cour constitutionnelle arménienne a vidé de son contenu une disposition essentielle, celle de mettre en place une commission d'historiens. La Cour a estimé que cette commission ne saurait en aucun cas remettre en cause la qualification de génocide ! "Bah alors pourquoi on réunit une commission du coup ?", "bah pour parler des réparations, haha...".


Toute cette gesticulation turque ne doit pas cacher une absurdité qu'il ne faut cesser de dénoncer : les parlements n'ont aucun titre de compétence pour écrire l'Histoire. Quel que soit l'événement. Libre à eux de s'excuser pour les faits avérés. Le parlement français peut voter une résolution sur l'Algérie, par exemple. Ou les Etats-Unis sur Hiroshima et Nagasaki. Ces derniers peuvent aussi nous expliquer pourquoi les Indiens ne touchent pas aux billets de 20 dollars. Howard Zinn, mort dernièrement, ne qualifiait-il pas Andrew Jackson d' "exterminateur" ?


C'est vraiment pathétique. Un sujet sérieux, si difficile, est bassement traité. Les parlements votent mais les gouvernements appellent immédiatement Tayyip Erdoğan pour exprimer leur regret ! Une momerie. La Turquie doit dire des choses, certes; s'excuser, exprimer ses regrets, se désoler ne serait-ce que pour les "crimes de guerre". Mais ce n'est pas avec un poignard sur la gorge que cela se fait. Sinon on aboutit seulement à un forcement, pas à une prise de conscience. Et cela ne fait pas un pas en avant mais seulement un pas latéral... Bref, un trépignement pour tout le monde.

mercredi 10 mars 2010

Pitié...

Le 3 mars 1924, la toute pimpante République turque avait décidé de supprimer le califat et de, passez l'expression, "foutre à la porte" la dynastie ottomane. Mustafa Kemal avait tactiquement gardé cette institution après l'abolition du sultanat en 1922 et surtout après la proclamation de la République en 1923; étrange, on avait un Calife et un Président de la République. Ca n'a pas duré. C'est que le calife Abdülmecid, qui était en même temps le "dauphin", aspirait à la magnificence du temps jadis, voulait un traitement spécial et un peu plus d'argent de poche. Enervant, évidemment. La République avait bien voulu accorder une faveur à l'antique institution mais celle-ci commencait franchement à répandre son ombrage sur le nouveau régime.


La fin du califat signifie, pour certains, renaissance de la nation turque. Elle se serait débarrassée enfin d'un boulet : l'obscurantisme. "Oui mais le Calife était un homme éclairé, il présidait l'association des peintres ottomans, jouait du piano, composait, aimait la littérature française, alors comment tu peux dire que...", "j' m'en fous, il était barbu !"... Bon. Ah oui, c'est vrai, il faut le rappeler; dans ces petites têtes, l'apparence est tout. Il n'est pas rare de lire des témoignages de femmes "laïques" turques qui se désolent de devoir se justifier à l'étranger : "ah mais vous êtes moderne, je croyais que les femmes de votre pays étaient soumises et portaient le tchador !", "ah mon frère, tu mets du sel dans ma plaie, j'ai honte de ces femmes". Avoir honte. Soit dit en passant, le niqab avait été interdit par décision impériale du sultan-calife panislamiste Abdülhamid II en 1892... Abdülhamid, un autre calife féru de littérature et d'opéras...


Evidemment, plus laïque qu'une adhérente du CHP, connais pas. Et comme le niveau d'intelligence des membres de ce parti est malheureusement au ras des pâquerettes, leurs protestations tournent souvent à la comédie. Quelques matrones se sont donc réunies pour commémorer le 3 mars à leur manière; la scène est à faire rougir quiconque possède quelques gouttes de décence.


Elles sont haineuses, saliveuses. La femme moderne, nous admirons-là, soi-disant. Elles déchirent l'obscurantisme. Elles sont "up to date", elles. Admirez l'alacrité, la détermination avec laquelle elles se cramponnent sur le tissu pour le déchiqueter à qui mieux mieux. Admirez le sourire méphistophélique qu'arborent les visages hideux. Admirez la haine extatique. C'est une cérémonie religieuse, presque. Elles sont en transe.


Ces femmes se disent kémalistes. Malheureusement. Comme on le sait, la loi de 1925 a interdit les "tekke" (confréries) et les "türbe" (tombes des saints) dans tout le pays. Il s'avère que le türbe de Mustafa Kemal trône en plein coeur du pays mais c'est une exception. La seule confrérie autorisée étant, comme on le devine, celle du kémalisme. Le mausolée de Mustafa Kemal attire touristes (comme on assiste aux "séances" des derviches tourneurs), pathologiques (comme on accroche un ruban sur la tombe d'un saint pour avoir un bébé) ou fidèles (comme on vient visiter la tombe du saint dans un seul dessein religieux).


On y dépose des gerbes, on écrit des choses dans un livre d'honneur, on vient pleurer, on vient se réconforter, etc. Bref, ce que l'on fait pour un sanctuaire normal... Sauf que le cheikh, ici, c'est Mustafa Kemal en personne; celui qui était contre toute forme d'obscurantisme... Il doit se retourner dans sa tombe, pas de doute. C'est que quelques écervelés en ont fait une idole, un saint, un dieu. D'ailleurs, à l'occasion de la journée internationale des femmes, les épouses des généraux se seraient massées au "monothéon"; histoire de remercier le "Père des Turcs". Lui n'entend rien, évidemment; c'est qu'il est mort. C'est la parodie la plus grotesque : ceux qui taxent d'obscurantistes les dévôts qui fréquentent assidûment les tombeaux des saints se retrouvent dans la même configuration ! Bravo...


Une fois n'est pas coutume, les gazouillards du CHP ont protesté et annoncé des sanctions contre ces furieuses. Si elles avaient pu comprendre Mustafa Kemal au ras de sa pensée, elles ne se seraient pas tant égarées, à coup sûr. C'est que le lémure tutélaire de la Turquie républicaine, s'il a commis pas mal d'impairs, n'a jamais rien décrété sur la vêture des femmes. Il a imposé le chapeau aux hommes, c'est tout. C'est déjà ça.


Evidemment, chacun son délire; tout le monde peut déchirer ce qu'il veut dans la rue tant qu'il n'y a pas violence contre autrui. Mais passer ses heures, ses journées, ses années à tenter de sauver les autres, c'est aussi une maladie. C'est précisément cette obsession que l'on appelle le kémalisme. Où se trouve l'aliénation, franchement ? Du côté de celles qui épuisent dans leur coin leur bout d'existence ou du côté de celles qui, enragées, vivent les yeux chasseurs ? Sauf votre respect Mesdames, vous faites pitié...

samedi 6 mars 2010

"Secret pontifical"

Je ne voudrais surtout pas m'acharner. Mais ça commence à aller dans tous les sens. Ca déflagre. Les affaires de moeurs de l'Eglise catholique, voyons. Maintenant c'est l'épiscopat allemand qui a dû courber l'échine. Un grand pardon pour les crimes odieux; des crimes. Commis par des "pères". Tu sais ceux qui donnent l'impression de ne penser qu'à abuser des âmes et des corps les plus frêles. Si bien qu'on se demande s'il ne faut pas rétablir au sein de l'administration vaticane, une "intendance des menus plaisirs". C'est qu'il faut monnayer les larmes après coup et ça coûte cher; les mauvaises langues disent que l'Eglise américaine est en quasi-faillite à force de casquer des millions de dollars pour chaque larmoiement...


Encore lui, évidemment. Hans Küng. Le célèbre théologien chrétien. Il clarifie les choses, en réalité : les abus sexuels, qui sont devenus un cachet de l'Eglise catholique comme on le sait, seraient directement liés, selon lui, à la règle qui pose le célibat des prêtres; règle qui date, nous l'apprend-il, du 11è siècle. Voilà qui est dit. Evidemment, la simple jugeotte permet de subsumer qu'il pourrait effectivement y avoir une connexion. Cause-effet. L'abstinence est une bonne chose, nous apprennent les théologiens chrétiens. D'accord. Mais seulement quand elle est pratiquée par des hommes sincères; sinon, ça déraille et on en vient à rêver de chèvres coiffées ou à se défouler sur ce qu'on a sous la main, des enfants...



Le professeur Küng est ainsi. Il trucule, s'étouffent ses contempteurs. Il aime taquiner le professeur Ratzinger. Il n'y a que chez les théologiens où les crêpages sont succulents; c'est que Dieu est censé se trouver quelque part par-là. Chacun le prétend. Dans toutes les religions, évidemment, sans exception. Ceux qui ont la foi vacillante sombrent définitivement, ceux qui ont une foi de charbonnier préfèrent s'éloigner de peur d'avoir à réfléchir, ceux qui s'intéressent à ce genre de joutes sont les plus comblés, de nouvelles perspectives s'ouvrent et les athées et compagnies trouvent argument pour dénoncer avec encore plus de véhémence. Une religion trop lisse, trop monocolore ne séduit qu'un temps. Il faut de la dispute interne pour appâter une nouvelle clientèle. Mais de là à dire blanc à ce qu'un autre canoniste dit noir, c'est tout de même bizarre. Deux religions en une.


Il n'y va pas par quatre chemins, Hans Küng : il provoque. L'actuel Pape n'était-il pas à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi pendant deux décennies ? "Et alors ?". C'est que c'est précisément cet organe qui était chargé d'étouffer les affaires. Son Préfet donc; le cardinal Ratzinger. Sa sainteté, aujourd'hui. Le désormais Infaillible. Tant mieux pour Lui. Donc donc : lorsqu'une affaire commencait à se déployer, le fameux "chut !" venait d'ici. Evidemment pour un homme qui se prétend être homme de Dieu ou pour un homme doté simplement de ce que l'on appelle encore une "conscience", c'est gênant. "Ouais mais le Saint-Esprit n'a pas hésité à le désigner Pape quand même, alors arrêtez votre odieuse campagne, Dieu ne peut choisir que les bons", "l'ange Gabriel peut se tromper hein, regarde, dans l'islam certains chiites prétendent que l'archange a confondu Ali et Muhammad et a transmis la révélation à ce dernier alors qu'il devait la confier au premier". Une faute professionnelle, cela s'appelle. Ca pourrait donc arriver.

Le professeur Küng ne propose pas une révolution; l'approche est sensée : retour vers le "catholicisme primitif". A la pureté originelle. Le rêve de toute religion qui a eu le malheur de s'installer dans le monde. Les "salafis" partagent ce même souhait. Le salafisme d'Afghani et d'Abduh bien sûr, pas celui des wahhabites. Bref, la cure est partout la même : un retour. Ce fameux mot qui fait sursauter plus d'un laïcard en Turquie : "irtica".


Moi j'en suis toujours à ma proposition initiale : interdire l'Eglise catholique. Après tout, tout le monde se bousculait pour chiper une pelle à l'enterrement de l'Eglise de scientologie parce-qu'elle avait soi-disant "arnaqué" trois benêts... "Bah alors moi je propose de déchirer le Coran aussi !", "t'as bien raison Jeannot, il faudrait interdire les trois livres, leur contenu peut tomber aujourd'hui sous le coup de l'incitation à la haine religieuse, tout à fait d'accord"... C'est que les choses sont si simples : les grandes ou vieilles religions ont une immunité de fait; dans notre inconscient. Même si ce morceau de loi n'avait pas été abrogé, une procédure d'interdiction d'exercer ses activités ne serait jamais intentée contre l'Eglise, elle est trop vieille pour être dérangée. Les bizarreries des nouvelles religions sont, elles, immédiatement pourchassées. Le droit pénal est à leurs trousses...


La faute à Grégoire VII; c'est lui qui a brisé la nature humaine. Le sexe, comme on le sait ou on doit le savoir, est la plus belle activité au monde. C'est du scientifique. Equilibre, épanouissement, joie, tout vient de là. Minauder, faire des clins d'yeux, recevoir tendresse, un des plus passionnants passe-temps, n'est-ce-pas ? Eh bien, NAN avait dit Grégoire en son temps. Même celui qui passe pour être le plus "coincé", Saint Paul n'avait pas été aussi loin. Les hommes de Dieu devaient donc s'abstenir de toute bestialité. Résultat un millénaire plus tard : ça pue. Et tous les jours, on apprend des choses effarantes : le fondateur de la Légion du Christ aurait été marié, pis pédophile, pis incestueux; excusez du peu ! un protégé du futur saint Jean-Paul II... Cacher, encore une fois. Protéger.


Qu'est-ce qu'il reprochait déjà le Coran aux gens du Livre ? Sourate 2, verset 146 : "Ceux à qui Nous avons donné le Livre, le reconnaissent comme ils reconnaissent leurs enfants. Or une partie d'entre d'eux cache la vérité, alors qu'ils la savent !"; Sourate 3, verset 71 : "pourquoi mêlez-vous le faux au vrai et cachez-vous sciemment la vérité ?"; Sourate 5 verset 66 : "(...) Il y a parmi eux un groupe qui agit avec droiture; mais pour beaucoup d'entre eux, comme est mauvais ce qu'ils font !". La constance, cela s'appelle : cacher. L'égarement continue. Malheureusement. L'islam rime avec terrorisme, le judaïsme avec misogynie, le catholicisme avec cochonceté. Les trois grandes religions. "Eh ben, ils doivent s'éclater, les démons..."