vendredi 25 septembre 2009

Nécrologie

Le prétendant au trône impérial ottoman est décédé. Son Altesse impériale le prince Osman Ertugrul. Il avait 97 ans. Celui-là même qui avait accepté la nationalité turque seulement en 2004. Le "dernier ottoman", avait-on coutume de dire car le dernier membre masculin de la famille impériale toujours vivant à avoir vu le jour dans l'Empire ottoman. Constantinople, à l'époque. L'an dernier, c'était son cousin le prince Burhanettin Cem qui rendait l'âme, deuxième dans l'ordre de succession. Celui qui avait fait carrière dans l'armée américaine...

Il vivait aux Etats-Unis. Il a bien vécu, contrairement à d'autres cousins qui patouillaient dans la misère. L'ancien chef de la maison, le prince Mehmet Orhan vivait en France, à Nice; un marchand ambulant, un chauffeur de taxi, un ouvrier, il fut. Et il parlait huit langues. Mort en 1994, il fut enterré à Nice. Quatre Tunisiens trouvés à droite à gauche ont bien voulu aider à l'inhumer et faire la prière mortuaire. D'anciens "sujets" avaient répondu à l'appel...


Une famille éparpillée, en réalité. Mustafa Kemal n'a pas été tendre. L'on n'arrête toujours pas de s'émouvoir sur le sort du dernier sultan Vahidettin, mort dans la misère à San Remo. Pis que la misère puisque son cercueil même avait fait l'objet dune saisie pour défaut de paiement... Mustafa Kemal n'avait pas bougé le petit doigt. Il l'avait juste remercié de ne pas avoir pris à ses côtés, lors de l'exil, ses effets personnels ni la caisse de l'Etat... Le dernier calife, Abdulmecid Efendi est mort, quant à lui, à Paris. Il fut inhumé, après des péripéties, à Médine (son cercueil est resté pendant dix ans à la mosquée de Paris).


Certains membres de la famille ne parlent même plus le turc; les Turcs avaient été stupéfaits de voir la princesse Nilüfer (fille du prince Burhanettin Cem) ne pas pouvoir aligner trois mots dans la langue de ses ancêtres. Les jeunes princes, n'en parlons pas. Il faut dire que la famille est très hétérogène; les membres ont des origines diverses et variées : byzantine depuis Murat Ier (fils d'une princesse byzantine devenue Nilüfer Hatun), grecque depuis Bayezid Ier (fils de la grecque Gülçiçek Hatun), ukrainienne depuis Selim II (fils de la célèbre Hürrem Sultan), vénitienne depuis Murat III (fils de Nurbanu Sultan), française depuis Abdulhamid Ier (fils de Rabia sultan), russe depuis Abdülmecid Ier (fils de Bezmialem Sultan). Du sang mêlé. Ca s'appelle une famille impériale.


Osman Ertugrul était un petit-fils du sultan controversé Abdulhamid II; un cousin de la délicieuse Neslisah Sultan (des cousins issus de germains : Osman Ertugrul, petit-fils d'Abdulhamid II et Neslisah Sultan, petite-fille et du dernier sultan Vahidettin Mehmet VI et du dernier calife Abdulmecid II). Une princesse égyptienne.



Dans l'Empire ottoman, la règle de la primogéniture ne régissait plus la succession depuis le 17è siècle. C'est le plus vieux des mâles (principe de l'ekberiyet : le droit d'aînesse) qui devient chef de la famille. Si bien que la liste des héritiers (Sehzade) est remplie de "vieillards". Les dix premiers ont plus de 60 ans. Un peu comme en Arabie Saoudite. Le Roi et le prince héritier sont décrépits. Contrairement au Maroc où l'héritier est le fils de Mouhammed VI (Moulay Hicham étant un partisan, on le comprend, de la version ottomane...). En Jordanie, on se rappelle encore comment le feu Roi Hassan avait débarqué son frère pour désigner l'actuel roi Abdallah, son fils. Et celui-ci avait écarté son frère Hamza. Depuis, la mère de ce dernier, la Reine Noor, fait du lobbying pour lui, ah ces mères !


Le nouveau prince héritier serait Osman Bayezid Efendi. 85 ans. Et le dauphin a 79 ans... De la préhistoire tout cela évidemment dans une République. D'ailleurs, chose étrange, les médias ne font pas grand cas de cet événement. Le Turc de base a généralement une passion pour Osman, le fondateur; Fatih Sultan Mehmet, le tombeur de Constantin XI; Yavuz Sultan Selim, le calife; Kanuni Sultan Süleyman, le plus puissant et Abdulhamid II, le dévotieux. Le reste, presque oublié : des alcooliques, des fous, des faibles entre autres. L'on ne va sûrement pas verser des larmes mais Osman Ertugrul était un homme admirable, plus vieux que la République, un ultime témoin. Qu'il repose en paix, le presque calife.

mercredi 23 septembre 2009

République des ergastules

Une "humiliation pour la République" disaient les sénateurs. "Une honte, plutôt !" avait lâché le Président de la République. "Des lieux de violence et de crainte" selon le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Les prisons. Les "établissements pénitentiaires" pour les initiés. En théorie, le condamné y paie sa dette à la société; depuis l'abolition de la justice privée, c'est la société qui est créancière, pas la victime. La société happe le délinquant pour le confronter à ses mauvaises conduites par rapport à elle seule. C'est comme ça. On a ainsi jeté dans les pénitenciers près de 63 000 personnes. Sans compter. D'ailleurs, Dominique Perben aimait à dire que les magistrats ne devaient pas se soucier des capacités d'accueil lorsqu'ils condamnaient. Heureusement d'ailleurs, sinon, ils se seraient rendus compte que des mains, des pieds, des têtes dépassaient des barreaux; il n'y a que 53 000 places... Et ajoutons à cela qu'un tiers de ces braves repentants relève de la psychiatrie.


S'il y a bien un lieu qui m'horripile, ce serait la prison. La solitude, pense-t-on, régénère. Le coupable réfléchit. Pleure. S'amende. Se ressaisit. Et devient un homme nouveau, du moins un homme qui a reconnu l'erreur du passé. Tout cela dans la théorie, évidemment. L'on a bien compris que la prison est avant tout la cage que l'on a inventée pour soustraire le délinquant à la meute criant vengeance. Je me souviens de la hargne de la magistrate qui assurait le cours de contentieux européen; elle représentait le gouvernement français devant la Cour européenne. Dans l'affaire Léger c. France, Lucien Léger avait été condamné à perpétuité pour le meurtre d'un enfant. Toutes ses demandes de remise en liberté conditionnelle avaient été refusées jusqu'en 2005, c'est-à-dire pendant 41 ans. Il avait croupi en prison pendant 41 ans ! Finalement, la Cour européenne avait rejeté sa requête, le refus de libération ne contrevenant ni au droit à la sûreté ni au droit de ne pas être soumis à un traitement inhumain et dégradant (notons que, chose rare, le juge français avait émis une opinion partiellement dissidente en s'interrogeant à voix haute : "transformer des détenus soit en fauves soit en déchets humains, ne serait-ce pas créer d’autres victimes, et substituer à la justice la vengeance ?"). Il avait fait appel, mais il est mort avant que la Grande chambre se prononce. Et son avocat aussi, quelques jours plus tard. Notre enseignante défendait mordicus l'acharnement dont avait fait preuve la justice française...

J'ai toujours pensé que l'enfermement était absurde; ma claustrophobie y est sans doute pour quelque chose. Mais par principe aussi : nécessaire sans doute mais inopérant. Une oeuvre de destruction. L'abolition de tous les repères. Quoi qu'un homme ait pu faire, il mérite mieux. Punition oui, en prison non. Cours de droit pénal classique : la peine sert à punir et à réinsérer (tout cela sur fond de disputes théoriques). Cette formule se vérifie rarement, malheureusement. Et les abolitionnistes sont de plus en plus nombreux; ils triompheront un jour. Alors, il faudra approfondir les peines alternatives à la privation de liberté; comme la médiation et la méditation (n'est-ce pas le rôle des nombreuses commissions Vérité et réconciliation ? cf. Catherine BAKER, Pourquoi faudrait-il punir ? Sur l’abolition du système pénal, pp. 151-173). Le paradigme de l'écoute : juste s'arrêter un instant pour tendre l'oreille : "allez raconte-nous pourquoi tu as fait cela ?".

Les parlementaires, en France, réclament de temps en temps l'encellulement individuel; tout en votant, immédiatement, un moratoire. L'on connaît les raisons : pas de places. Et le gouvernement s'efforce, de son côté, de gaspiller l'argent en construisant des prisons. Et l'on se rend compte que les nouvelles prisons ne comptent pas trop de cellules individuelles; "mince alors, on s'est gouré, bon allez allez faites un effort, pousse-toi un peu, laisse un peu de place à ton camarade, il va pas de manger hahaha !". C'est un enfer, nous disent tous ceux qui en sortent. Pas d'intimité, pas d'amitié. Les fouilles, une autre dégradation. Des psychologies et des caractères différents entassés dans un 9 m², le plus faible étant celui qui, en règle générale, subit. Les violences, les harcèlements, les viols.

Détruire la vie sexuelle des détenus était une bêtise, on s'en est rendu compte. Le café du pauvre. Dorénavant, les couples peuvent passer du temps ensemble. Les "unités de vie familiale", dit-on, toujours avec cette manie de l'administration française d'inventer des expressions insipides. Sans "surveillance directe ni caméra" précise le Ministère. L'alcôve, enfin. Un homme n'ayant jamais mieux connu l'apaisement du coeur et de l'âme ailleurs que dans les bras d'une femme; jadis, c'était la mère, ores, c'est sa femme. Des séances limitées à une fois par trimestre; une fois tous les trois mois, pour un homme en tout cas, semble être un exploit. Mais les retrouvailles peuvent durer jusqu'à 72 heures...

Résultat : on se spécialise dans une délinquance précise ou on se suicide. Et ceux qui s'en sortent traînent avec eux, une agitation mentale ou une apparente griffe. Le droit à l'oubli existe-t-il vraiment ? Maître Christian Laplanche en sait quelque chose.

Malheureusement, le code pénal gonfle de jour en jour, il est plein à craquer, on invente de nouvelles infractions, même les incivilités appellent des sanctions. On en est arrivé à tenir les individus par la seule peur de recevoir un châtiment. Il aurait peut-être fallu penser aussi à réinjecter un peu de valeurs. Osons, de la morale. La délinquance pointe toujours la faillite du système social, économique, culturel et moral. Jean Carbonnier disait : "la loi est le révélateur du péché, et nul doute que les phénomènes d'inflation législative qui frappent tant les observateurs à notre époque ne signalent un déchaînement des démons". Tout est dit. Et quand les démons se déchaînent, le droit enchaîne leurs suppôts, faute de mieux, la morale étant réduite à la portion congrue dans nos sociétés. "Ah non alors, pas de valeurs chez nous, Kelsen l'a dit, la science juridique n'a que faire de la métaphysique, jamais"...

jeudi 17 septembre 2009

Liberté pour le péché !

Comme on le sait, la démocratie est avant tout, une culture. Une valeur. Tout se passe donc dans la tête des gens. C'est aussi une question de résilience, de sincérité et de constance. On est démocrate ou non; ni peu ni prou, ni à moitié ni passionnément. La démocratie récuse les adjectifs. Il faut donc s'indigner à chaque coup de canif, d'une manière indiscriminée.


Evidemment, la consommation d'alcool déplaît à tout bon conservateur. C'est que Dieu l'a interdite. Les légistes s'opposent sur les boissons défendues à proprement parler mais d'une manière générale, il est admis que l'alcool est un mal; d'ailleurs, aucun théologien n'a encore été surpris en train de sabler le raki. Pourtant, le grand imam Abu Hanifa (699-767), le fondateur de la première école juridique (madhab), pour lequel d'ailleurs, on ne peut qu'avoir une passion, serait plus "soft" s'agissant des boissons prohibées. Jouant sur le mot "hamr" explicitement interdit, il en a conclu que d'autres boissons alcoolisées étaient licites sous réserve de ne pas sombrer dans l'ébriété. Modérément, comme dirait le païen. Une lecture littérale, ça s'appelle. Etonnant d'ailleurs de la part de celui qui passe pour être le chantre du "qiyâs" (raisonnement analogique). "Allez, ouvrez les cannettes ! Je casque", "vas-y, vas-y, pour une fois qu'un péché saute !"...


Il est certains péchés qui apparaissent comme intrinsèquement extrêmes par rapport à d'autres. Par exemple, la consommation d'alcool, la fornication, l'acte homosexuel, etc. Personne ne s'offusquera de voir à sa droite, front par terre en train de dire à la va-vite trois fois "Gloire à mon Seigneur, le Très-Haut" (Sübhane Rabbiyel Ala), celui qu'il vient de croiser deux minutes auparavant, balancant sur la vie privée de son voisin de palier. Le fameux "dedikodu", le cancanage. Car potiner est un grand péché dans l'islam. Mais tant pis, tout le monde le fait. Que serait une réunion d'amis si l'on ne peut plus jaser sur les absents ? Mais voir un poivrot notoire dans la même posture, attire immédiatement l'attention; "tu crois qu'il a arrêté ?", "j'pense pas, j'l'ai vu biberonner tout à l'heure", "Hmmm", "on lui jette des pierres, hein, c'est ça ?"...


Pécher, d'ailleurs, est un droit dans l'islam. Divinement accordé, par-dessus le marché. Alors, suppôts de Satan, de Bacchus, de Vénus ont droit de cité. Par décision du Créateur en personne, c'est dire. Bien sûr, on comprend les bons sentiments de ceux qui veulent aider leurs prochains en les invitant à ne pas pécher; pour leur bien. Un peu le réflexe de la "non-assistance à personne en danger". Il suffit juste de comprendre que tout le monde n'a pas la même conception du "danger".


Me voici donc à défendre le droit de boire de l'alcool à trois jours de la Fête. C'est que le maire d'Ankara m'a irrité; le Sieur Gökcek a décidé de soumettre à référendum la question de savoir si la mairie doit autoriser la vente d'alcool dans une rue précise de la capitale. Une ineptie; pis, une faute. Soumettre une question relative à la liberté des uns au vote des citoyens ! Evidemment, les laïcistes sont aux premières loges. L'alcool, comme on le sait, est devenu l'étendard de ceux qui continuent à se définir, malgré l'absurdité de la formulation, "laïques". Il est difficile de leur faire comprendre; vaut mieux peigner une girafe. Et nul n'est besoin de mobiliser la laïcité pour combattre ces offensives lèse-libertés; il suffit d'être démocrate. Il faut dire que le premier réflexe des "laïques" n'est pas d'invoquer la démocratie... Irrécupérables.


Le Ramadan permet à tout le monde de se calmer; plutôt à ceux qui ne peuvent plus boire par respect ou par peur. Même Reha Muhtar, le légendaire journaliste bon vivant mais néanmoins fils de théologien, assure qu'il se retient. Chacun est libre de se rincer le gosier. On n'invite personne à s'émécher, évidemment. On prend seulement acte d'une liberté. Pas de contrainte en religion, aime-t-on rappeler. Dieu l'a ainsi décidé; il nous reste plus qu'à nous incliner. Nolens volens.

samedi 12 septembre 2009

"Allez fissa, Brice boutefeu, dégage"

Il y a deux types de scandales : celui qui est brillamment inhibé et qui sera, du coup, ranger dans la catégorie des "blagues de mauvais goût" et celui qui, trop évident pour être couvert, éclate à la figure même de son auteur. Et ce dernier suscite, généralement, une réprobation unanime sinon une proscription : Georges Frêche, Jean-Marie Le Pen, Paul Girot de Langlade, Jacques Chirac en son temps ("le bruit et l'odeur"), etc., en savent quelque chose.

En réalité, tenir sa langue est un art; pour les plus diserts, c'est une industrie. Et l'on sait que l'être humain a tendance à changer de nature en présence des tiers et à dire, à faire des choses qui ne reflètent nullement le fond de sa pensée ni l'essence de sa personnalité. Qui ne fanfaronne pas, qui ne fait pas l'intéressant devant les autres ? J'ai toujours été surpris de voir des connaissances dire des choses sur moi devant tout le monde alors qu'elles n'auraient jamais osé me les dire directement, à huis clos. La présence des étrangers nous remplit d'audace et nous fait changer, passagèrement, de nature. C'est ainsi. C'est difficile d'avoir une attitude identique à toute épreuve. Je ne connais que François Mitterrand qui a réussi ce pari; la personnification de l'équidistance.

Alors Brice, qui vient de l'immigration comme on sait (le ministère s'entend), s'est défoulé à l'occasion d'une rencontre avec les militants; à un jeune militant d'origine arabe qui le harcelait pour prendre une photo ensemble et en réponse à une vieille crétine qui rappelait, émerveillée, que ce brave arabe était "comme nous" puisqu'il mangeait du porc et buvait de la bière, il lâcha : "un ça va mais franchement quand il y en a beaucoup, hein !". Et toute l'assistance de s'esclaffer, à commencer par l'arabe de service qui, à en croire sa passivité, n'a pas les dispositions nécessaires pour comprendre qu'on l'insultait à moitié. En tout cas, ses origines. Mais comme il mangeait du porc et buvait de la bière, sa réaction, de toute façon, n'aurait pas valu. Puisque loin du "prototype".

Et Jean-François Copé se marre également. Lui aussi, un presque-arabe pas comme les autres. Et Xavier Bertrand essaie de dire des choses, le rictus toujours aussi parfait; on se rend compte qu'il est à la limite de la lucidité lorsqu'il défend son compère : "allez avouez-le, socialistes ! Vous voulez escamoter l'annonce historique de la taxe carbonne, hein !"... C'est devenu une tragi-comédie : le Président de la République en tête, tout le gouvernement le soutient. Même Fadela. Même Nora. La solidarité ! "Il n'y a pas de politique sans internat" disait Jean-François Deniau (version plus travaillée de la fameuse maxime chevènementienne, "un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne").

Le même ministre n'a pas hésité à mettre, d'office, le Préfet de Langlade, qui avait mal maugréé, en retraite. Au nom des valeurs qui font la France. L'un se désolait de l'augmentation de la délinquance quand un gitan passait par là, l'autre dit la même chose pour les arabes. Evidemment, il a renié; sans rougir, d'ailleurs. Il n'en a pas besoin puisqu'il a une drôle de tête qui reste assidûment écarlate.


Les socialistes s'en donnent à coeur joie, évidemment. Une belle "gaffe" qui devrait faire tomber la tête normalement, mais bon. Il faut dire que la gauche défend, par philosophie, les droits des immigrés. Et ces derniers votent toujours pour elle. Même s'ils détestent les communistes au bled, en France, ils les soutiennent. Je n'avais jamais voté comme un immigré jusqu'à maintenant, devrais-je ?

L'on est condamné à garder nos bagages sous les bras, sans pouvoir les poser ni dans ce pays ni dans l'autre. L'un nous demande de nous intégrer, l'autre dit, "un par un". Lors des élections européennes, c'était l'extrémiste néerlandais qui dressait des philippiques contre les musulmans. Car trop nombreux. Personne ne s'en offusqua outre-mesure. Et Brice est tout de même veinard puisque même Fadela qui, depuis le départ de Rachida, est la "beurette" en chef, vient l'épauler : "mais c'est de l'humour, pfff !". D'ailleurs, ça commence toujours comme cela; d'abord de l'humour, ensuite, autre chose. La banalisation est toujours un premier pas. Il y a encore des pathologies qui restent à être soignées dans les démocraties. Assurément.

jeudi 3 septembre 2009

"Cumulardise"

Ca y est. Ali vient d'être élu. Le Bongo. Son père lui a laissé le trône. Après tout, ne peut-on pas avoir de dynasties dans les démocraties. Si le peuple aime une famille et que celle-ci sait se faire aduler et élire à chaque fois, personne n'a rien à dire. Les Bush, les Kennedy, les Bongo, les Hatoyama, les Koizumi, les Papandréou, etc. Le cumul vertical des mandats.


Il y a aussi le cumul horizontal, celui qui consiste pour une même personne à rafler le plus de mandats possibles. Une spécialité française. La France, une démocratie, comme on le sait. Alors, l'Assemblée nationale et le Sénat regorgent de députés-maires-présidents d'agglomération, sénateurs-présidents de conseil régional, etc. Toutes les combinaisons imaginables. "J'ai des problèmes avec le fisc, il faut que j'aille voir mon député, tu sais c'est qui ?","bah c'est ton maire"... Tant de fonctions donc tant de choses à penser et à faire. Surhumain. Heureusement que les adjoints sont là. Quand j'étais en 5è, j'avais été élu délégué. Les honneurs, la considération. Tout naturellement, je voulus donc renouveler mon mandat en 4è. Mais mon adversaire avait plus de mérite. Il fut donc élu. Et moi je devins le "délégué-adjoint". Fonction que je n'ai jamais exercée, évidemment. Personne ne frappait à ma porte. Et quand le délégué était absent, comme par hasard, aucun problème n'émergeait. Etre rétrogradé, un crève-coeur. Mais je récupérai ma titulature en 3è. Honneurs, considération, j'ai connu; à mon humble niveau... Et en terminale, je perdis les élections. Pathétiquement. Alors je décidai "de me retirer de la vie citoyenne scolaire". Plus candidat à l'université. Mais une chose est sûre : même à cet âge-là et avec cette fonction-là, le "titre" enchantait.


L'on a rétabli l'aristocratie, murmurent quelques-uns. Certains voient la politique comme un métier et non un sacerdoce. L'on vient, l'on siège, l'on reste et l'on s'en va quelques temps avant d'être sénile ou de mourir. L'on donne sa place à un poulain, d'ailleurs. Et si un rejeton passe par là, tant mieux. Les "héritiers", les appelle-t-on. Les Kosciusko-Morizet, Poniatowski, Bachelot-Narquin, Alliot-Marie, etc. Et peut-être les Sarkozy, un jour. Tant mieux, il faut laisser la politique à ceux qui y connaissent quelque chose...


Et voilà Martine nous jurer que dorénavant, les socialistes vont mettre fin à cette pratique; Ségolène en pleure de joie, elle fut une pionnière. Désormais, les députés et sénateurs vont donc travailler. A Paris. Et dans l'hémicycle, non plus exclusivement dans les commissions. Car le refrain est bien connu : "ouais bon d'accord, je viens rarement à l'assemblée mais je travaille comme un dingue dans la commission, regarde mes rapports, notes, interventions ! Je mérite mon salaire !".


Effectivement, le salaire. Très important dans la vie d'avoir un traitement régulier et surtout convenable. Il faut vivre. Alors, on s'échine à créer des secrétariats d'Etat pour permettre à ceux qui n'ont plus rien de vivre quand même de la politique. Frédéric Lefèbvre connait la souffrance de ne pas avoir un poste. Il n'est pas au chômage non plus, mais tout comme. Plus de titre, plus de considération, plus d'ambition. "Al gülüm, ver gülüm" disent les Turcs; "aujourd'hui moi, demain, toi"...


Il faut sans doute aller plus loin, en limitant le nombre de mandats. Deux par exemple. Dix ans. Car après tout, l'on vote pour des idées, pour un programme, pour un parti et non pour une personnalité. Tout cela dans la théorie, bien sûr. L'on pourra donc continuer à soutenir le parti X mais avec un nouveau candidat. Mais que faire alors des retraités, nous demande-t-on ? Un député ne peut être un vulgaire chômeur; un sénateur retournant au champ, et quoi donc ! Et l'on veut oublier que les élus sont quasiment toujours "en détachement" d'une administration. Personne ne crèvera de faim, que l'on ne s'inquiète guère. En Turquie, autre exemple, les députés avaient beaucoup réfléchi à leur avenir; en plus de l'avenir du pays, voyons, ne versons pas dans l'antiparlementarisme primaire. Ils avaient alors décidé de mettre en place un système de retraite qui leur permettait d'avoir une pension convenable après avoir exercé leur mandat seulement quelques années. Et la raison était implacable : un ex-député ne retrouve jamais de boulot. Il déplaît à tout le monde, à ceux qu'il a refusé de pistonner et même à ceux qu'il a ardemment aidés; car "les gens se vengent des services qu'on leur rend". Une pathologie universelle.


Etre au pouvoir, avoir du pouvoir, diriger, ordonner, être considéré; c'est le levier essentiel de tous ceux qui sont en politique. Je persiste à le croire. Et cela n'a rien d'insultant; la nature humaine est ainsi faite. Tiens, Benoît Hamon a décidé de ne pas profiter du système; n'étant plus député européen, il a cherché du travail, comme tout le monde, le "poste de porte-parole du parti socialiste n'étant pas rémunéré".


Au moins chez nous, on se contente de cumuler, c'est tout. Dans d'autres coins du monde, on amasse aussi. Et toute honte bue, on expose en plus. Le "roi des rois d'Afrique" vient de donner à son peuple une formidable leçon de droit budgétaire version accélérée. J'oeuvre pour votre bien; et votre bien passe d'abord par le mien, admirez donc...