dimanche 30 mars 2008

L'absurdité de la démocratie fait son charme

Un des célèbres mannequins turcs, Aysun Kayaci, a pondu une réflexion qui fait grand bruit.
Après avoir insulté les électeurs de l'AKP de "piétaille", elle a décrété que sa voix ne devrait pas être identique à celle d'un "berger de montagne". Elle est plus pensante qu'un zèbre de cet acabit. Pauvre bête ! Je m'inscris en faux, les bergers sont les hommes les plus romantiques, les plus poétiques que je connaisse. Une simplicité. Une solitude. Une profonde réflexion. Dans le monde occidental, les mannequins n'arrivent même pas à formuler cette idée; en Turquie, ça crée la polémique. Dans le royaume des aveugles, les borgnes sont les rois...
Il fut un temps, en Turquie, où les universitaires votaient deux fois. Intelligence oblige. Depuis, les universités turques font figure de lanterne rouge dans les listes des meilleures universités au monde; je blague, elles n'en font même pas parties...
C'est ça la démocratie, le pouvoir du démos. Et le démos, c'est moi et les autres. Et les autres, c'est le plouc du coin, le prof d'en face et le type d'en haut. L'idée, c'est de dire à cette multitude, déterminez votre destin. Tourner les pages du grand livre. La "vile multitude" aux commandes. Scrutin universel oblige. On peut critiquer le scrutin universel. C'est permis mais c'est "rétro".
Si on décide de confier les rênes au peuple, il faut s'attendre au pire. C'est la rengaine célèbre: voter le texte non le contexte. Lorsqu'il y a un référendum sur le traité européen, ce sont à ces ignares qu'il est demandé d'apposer leur saint consentement. C'est vrai que personne n'en comprend une miette mais c'est comme ça.
La solution, c'est la technocratie, la monarchie, le roi-philosophe si possible, la théocratie. Mais personne n'en veut. Et comment ! Ce n'est pas pour rien que le mal embouché avait pondu jadis: "la démocratie est le pire des régimes à l'exception de tous les autres". Mais sans doute, Aysun Kayaci, n'étire pas sa réflexion jusqu'à cette sphère. Euh, ma voix ne peut être identique à la sienne...
Emettre un pet plus haut que son derche, ça doit être ça...

vendredi 28 mars 2008

They are not Muslim !

J'avoue que le film de Geert Wilders (http://www.liveleak.com/view?i=7d9_1206624103) m'a terriblement dérangé. Non parce-que j'ai découvert la "réalité" de la religion à laquelle j'appartiens mais parce-que j'ai peur que ceux qui se contentent de juger l'islam à partir de ce film soient légion.
Je condamne toutes les atrocités perpétrées au nom de l'islam; c'est un non-sens. Les scènes diffusées sont effrayantes, épouvantables, monstrueuses. Je condamne leurs auteurs; je ne les ai jamais considérés comme des coreligionnaires. Ils me font honte, ils me lassent, ils me dérangent. Ce ne sont pas des Musulmans. Je vais jusqu'à là; j'affirme qu'ils ne peuvent pas être des Musulmans. S'ils le sont, je ne le suis pas.
En outre, le lien rapide fait entre le Coran et le terrorisme m'a également dérangé. J'ai toujours eu une approche critique, une lecture renouvelée des passages du Coran; mais j'ai toujours essayé de contextualiser. C'est l'essence de l'exégèse coranique. Prendre les données brutes sans le cadre dans lequel elles s'inscrivent et les exposer sans préciser leur genèse sont constitutifs d'une mauvaise foi établie.
Un musulman qui a vu ce film ne peut que combattre les extrémistes et non son auteur. Mais un non-musulman qui a vu ce film ne doit pas tomber dans l'erreur de combattre l'islam. Ils ne sont pas de nous, nous ne sommes pas avec eux.

mercredi 26 mars 2008

Tours d'ivoire ou apologie de la versatilité

Loin de moi l'idée de disserter sur un sujet qui m'avait, jadis en terminale, assez troublé. Mais la réflexion imposée me paraît en réalité au fondement de l'existence intellectuelle, politique et juridique.
"Les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereuses que les mensonges.". Voici cette fameuse phrase qui représente sans doute une de mes rares convictions. Par principe, je ne m'interdis jamais de réfléchir sur n'importe quel sujet. Lorsque j'en ai les moyens. Donc modérément.
Je déteste ceux qui, par intérêt, idolâtrie, inconscience, faiblesse, etc, se gargarisent de défendre une idée, une idéologie, une théorie ou un dogme sans changer un iota dans leurs convictions. Se mettre au service d'un autre pour le plaisir de courber l'échine. Jamais mon cas. C'est de nature.
Les convictions sont tolérables lorsqu'elles sont temporaires; jusqu'à ce qu'elles trouvent un miroir. On les appelle alors "opinions". Toujours dociles. Une personne se doit d'être une cire molle, mais pas seulement, elle doit également être pensante. J'ai un mépris pour les "par-coeuristes", dans tous les domaines, politique, théologie, droit, etc. La réflexion est un don pour nous; la laisser en veille est une abjuration. Les théologiens sont souvent gênés lorsque leurs ouailles se mettent à réfléchir. Non qu'ils n'aient pas la réponse mais parce-qu'ils n'ont jamais réfléchi à la réponse, aseptisée, qu'ils fournissent toujours dans ce cas de figure.
Je m'intéresse à la politique car j'ai des intérêts en jeu. Mais je n'ai jamais eu l'idée de me lancer dans l'arène; je l'ai dit, je déteste les convaincus. Je ne sais plus qui disait: "je n'ai pas fait de la politique parce-que je n'ai jamais cru que mon adversaire avait toujours tort". Tout est dit. Je me lasse vite de la pseudo-réflexion. Ecoutez toutes les émissions politiques, chacun lance ses théories, on discute, on s'insulte, on fait comme si et au final, chacun rejoint le bercail intellectuel. Tracasseries, pertes de temps, gâchis.
Je ne crois plus aux dialogues; pourtant j'ai tenté: Dieu dit dans le Coran, à longueur de temps "Ne réflechissez-vous jamais ?"; Dieu nous pousse à penser, les théologiens nous convainquent du contraire. En politique, c'est connu. En droit, on ne sait plus tenir un raisonnement purement juridique, il faut toujours un coup de canif, etc.
Woody Allen le dit si bien: "j'ai des questions à toutes vos réponses". Encore faut-il savoir les formuler...

dimanche 23 mars 2008

L'impartialité et l'indépendance de la justice

J'avoue qu'une justice qui n'est pas organiquement indépendante ne me gêne pas; pour la bonne raison que l'on ne connaît pas un système contraire dans un seul pays au monde. Le pouvoir politique aime nommer les juges. De la démocratie dans la justice disent certains; je n'arrive toujours pas à comprendre ce que vient faire la démocratie dans le droit (comme je n'arrive pas à comprendre ce que vient faire un jury dans un procès pénal). Mais passons, ce n'est pas si grave puisque tout le monde s'en gausse.
Ce qui m'importe surtout, c'est l'impartialité de la justice. On peut penser que l'un ne va pas sans l'autre; dans ce cas là, il faudrait convenir qu'aucune justice au monde n'est impartiale, ce qui est fort gênant et sans doute faux. En Turquie, on n'arrive toujours pas à comprendre ce que peut bien être une justice impartiale ("tarafsiz yargi"). C'est presque une insulte; une justice qui ne serait pas porteuse de l'idéal kémaliste, lèse-laïcité ! Lorsque le "proc" Yalçinkaya, celui qui a offert sa collection d'articles de presse à la Cour constitutionnelle afin qu'elle délibère sur une bonne base, s'en est pris à l'AKP (parti au pouvoir, voyons !), l'opposition laïcarde n'a ni dénoncé ni applaudi; on entendait la phrase du Professeur Baykal clinquer : "Il nous incombe de nous taire, l'affaire est désormais dans les mains de la justice turque impartiale". Un "coeur qui bat dans la bouche" aurait dit Henri Troyat.
Lorsque, quelques heures plus tard, un autre juge, le Juge d'instruction Öz, a décidé de placer en garde à vue le soi-disant très respecté journaliste Ilhan Selçuk du chef d'accusation d'avoir frayé avec une engeance putschiste, les mêmes s'en sont pris à "l'Etat profond" censé avoir investi les postes importants de la justice. Encore une fois, rire ou pleurer ?
Il ya quelques mois de cela, un juge d'instruction (Ferhat Sarikaya, un vrai martyr de l'Etat profond) avait été chassé de son métier pour avoir cité, dans une ordonnance de renvoi, le nom du Chef d'Etat-major de l'armée de terre (aujourd'hui chef des armées, belle promotion) susceptible de pouvoir éclairer la justice dans une affaire d'explosion d'une bombe dans une librairie; bombe posée par... les forces de sécurité turques. Pas très grave, on sacrifie un juge. Lorsque le juge Chaudhry avait été évincé au Pakistan de son prestigieux fauteuil, les avocats, les intellectuels et la communauté internationale s'en étaient émus et avaient énergiquement protesté. Rien de tel dans le cas Sarikaya.
Aujourd'hui, les laïcistes qui n'arrivent pas à comprendre ce que l'on pourrait reprocher au saint Ilhan Selçuk (pour lequel je n'ai, personnellement, aucune estime) ont donc le réflexe de demander une enquête sur l'enquêteur Öz; il a dû fauter puisque Selçuk est vieux donc innocent (ceux qui le défendent mettent plus en avant son âge, 83 ans, que les griefs qui lui sont repochés, ce n'est pas à cet âge qu'il va entamer une carrière de fasciste n'est-ce pas ?).
Il va falloir jongler dans les raisonnements; si Selçuk est lavé de tout soupçon, la justice aurait prouvé qu'elle résiste aux pressions gouvernemtales, si la Cour constitutionnelle lave de tout soupçon l'AKP, elle aurait prouvé qu'elle n'arrive pas à être impartiale, si les deux affaires se terminent mal, on ne saurait plus qui doit penser quoi, etc. Un dédale. Alors que tout est si simple: la justice turque est partiale (les juges le disent eux-mêmes), gerisi teferruat...

vendredi 21 mars 2008

Une Chine olympique

Alors que la Chine "bousculait" les quelques affidés du Dalaï-Lama, accusés de soulèvement factieux (donc par destination répréhensibles dans toute démocratie "normalement constituée"), les gouvernants du monde fermèrent les yeux et la bouche. Même si il faut reconnaître le courage de certains: Nancy Pelosi s'est jetée dans les mains collées du Tibétain le plus illustre; Gordon Brown a rappelé qu'il était disposé à papoter avec lui et la Merkel des lupanars de la Coupe du Monde de 2006 promet de suspendre les relations bilatérales dans un domaine obscur. La France ignore, sans doute, ce qui s'y passe; on entendait un responsable défendre la levée de l'embargo sur la vente d'armes... Il faut dire que la France, ces temps-ci, ne supporte plus ceux qui disent vrai; Bockel a été renvoyé à sa passion...les Anciens Combattants.
Comme tout hôte qui se respecte, la Chine veut nettoyer avant d'accueillir; l'occasion se présente bien, on en profite donc pour noyer la dissidence dans l'océan d'indifférence. On va donc faire comme si rien ne s'était passé; on va lancer les javelots, courir, fêter, jouer, etc. sans cas de conscience. Le boycottage est un mot strictement banni, bien sûr; il ne faut pas frustrer les sportifs. L'indignation s'arrête aux portes de Pékin, il ne faut pas charrier.
Le discours officiel est pathétique: on a mis tant de temps à les apprivoiser, à les intégrer dans un système, impossible de rompre l'équilibre pour les beaux yeux de Sa Sainteté. Profil bas s'impose.
Pour avoir saisi quelque peu le sens de la "diplomatie des droits de l'Homme", je ne m'attendais pas à des protestations bruyantes, mais faut-il vraiment participer à des Jeux dont la philosophie originelle consistait aussi à respecter une trêve des luttes. C'est vrai qu'on recommencait ensuite mais c'était une normalité. Aujourd'hui, c'est l'ère des crocodiles et des mouches dans le coche. Realpolitik, d'accord; mais ce dont on parle a tout de même une importance: la vie. Un don, un vol. Une corrélation qui ne devrait plus passer...

dimanche 16 mars 2008

Les perles du réquisitoire: Etat de droit, Droit de l'Etat

Ca discutaille partout; certains lancent des formules: "l'Etat contre le gouvernement", "interdire le peuple", "suspendre la démocratie", "importer un nouveau peuple", etc. ; à qui mieux mieux.

Quel peut être le sens de vouloir interdire un parti qui a obtenu, il y a tout juste sept mois, 47 % des voix ? Une résistance au souverain ? Un défi ? Un affront ? Une obligation ? Tout le monde réfléchit; certains se frottent les mains, d'autres les yeux, d'autres le menton.
Si le réquisitoire du "proc" suscite une indignation politique, une incompréhension sociétale et un respect naturel qui sied à toute action qui vient tout droit d'un organe juridictionnel dans un Etat de droit, sa lecture fait rire tout le monde; certains en pleurent: ne pouvait-il pas ficeler un "truc" plus juridique tant qu'à faire ? Lisons: constituent une menace pour la laïcité, les positions suivantes:
- défendre la levée de l'interdiction du foulard dans les universités et dans les administrations publiques (ce dernier élément enrage les laïcistes),
- défendre la levée du critère de l'âge nécessaire pour étudier le Coran (eh oui, en Turquie, les parents peuvent inscrire leurs enfants dans tous les clubs de toutes sortes dès l'enfance mais il faut attendre l'âge de 12 ans pour l'envoyer dans les écoles coraniques !)
- distribuer des Corans dans les rues,
- citer le Coran dans des discours publics,
- critiquer la décision de la Cour européenne des droits de l'homme confirmant l'interdiction du port du foulard dans les universités turques (vivent les profs de droit, ils passent leur vie à faire ça !)
- croire en Dieu (le Premier ministre déclara un jour: "Pourquoi tant de séparations ? Nous sommes tous des créatures de Dieu"),etc.
Le "proc" ajoute: tout ce que je dis là n'a rien de répréhensible dans notre code pénal mais on s'en fout. Il faut interdire. Nul besoin d'avoir fauté (pénalement) car risque de fauter. Et basta.
Et les preuves lui demande la Cour constitutionnelle ? Le "proc" lui envoie une brouette de journaux: tiens lis-les ! La plupart des articles (c'est-à-dire, ce que l'on appelle, en droit, des "preuves") datent d' il y a cinq voire dix ans; autrement dit, le peuple, en s'exprimant en faveur du gouvernement à hauteur de 47 % en juillet 2007, a confirmé cette voie anti-laïque; là est le problème le plus grave: on avait cru que les électeurs avaient absous ces "islamistes" (histoire de la légitimité fraîche) mais, non, on se rend compte que les 16 millions sont appelés à la barre. Reproche: avoir mal voté.
Dernière note: dans un sondage réalisé auprès des juges turcs, plus de 60 % ont répondu à une question qui leur était posée de cette manière: lorsqu'il s'agit de défendre les droits de l'Etat, le juge peut se passer de la justice; autrement dit, défendre les intérêts de l'Etat prévaut sur le fait de rendre la justice. C'est dans ce contexte que s'ouvre le procès...

vendredi 14 mars 2008

Vers la dissolution de l'AKP...une resucée: un plat

On vient d'apprendre que le Procureur général près la Cour de cassation turque a lancé une procédure d'interdiction de l'AKP, parti gouvernemental depuis 2002. Hayirli olsun.
Les griefs sont, bien évidemment, graves: le parti serait devenu "le centre d'activités contraires au principe de laïcité". En réalité, rien, dans une démocratie, n'interdit d'interdire; la démocratie doit se défendre. Mais encore faut-il qu'il y ait démocratie au sens plein du terme. Le tort majeur qui figure à la tête du réquisitoire, c'est peut-être même son titre: la liberté pour le foulard.
Les opposants sont heureux, les juristes respirent, les recteurs gambadent, le CHP fait semblant de s'inquiéter pour la démocratie, le MHP s'en remet à la sagesse de la justice, etc. Le Président de la République, dont le nom figure également dans la liste de ceux pour lesquels le procureur a demandé une interdiction de briguer des mandats pendant cinq ans, tient des propos lénifiants depuis Dakar, le Premier ministre, toujours hors de lui dans ces moments là, demande à la justice de ne pas être trop partiale pendant le déroulement du "procès". Une vraie mascarade.
Seuls les Kurdes se sont dressés énergiquement contre cette procédure; il faut dire que leur parti DTP est également en instance de dissolution devant la Cour constitutionnelle. C'est une simple cohérence, mêlée à leur conception sincère de la démocratie !
Point important: le procureur a fait cette sortie dans la dentelle. Soucieux du bien-être économique de son pays, il a attendu la fermeture de la séance de la bourse d'Istanbul pour ébruiter l'information. D'ailleurs, c'est devenu une coutume: les déclarations gênantes tombent désormais dans la soirée ou en fin de semaine. L'Armée publie la nuit, certains officiels préfèrent l'après-midi après le "mesai" (heures de bureaux des administrations publiques). Rire ou pleurer !
La balle est désormais dans le camp de la Cour constitutionnelle, bourreau particulièrement enthousiaste en la matière; plus de trente partis ont été dissous depuis la République (c'est-à-dire 85 ans) dont quatre de la mouvance conservatrice musulmane: l ' AKP, nous le savons, est un parti de dissidence, une branche du tronc islamiste; ce qui me paraît incompréhensible, c'est que ces juristes de haut rang aiment élaguer de temps en temps; mais ils restent trop "juristes": on interdit le parti et après on avisera. Le hic, c'est que ce "après" est toujours le même: encore plus de voix pour les persécutés. Comme le disait Mitterrand, les juristes ne comprennent jamais rien à la politique; c'est vrai qu'on leur apprend que dissolution équivaut à disparition; or, la politique nous enseigne que dissolution signifie toujours victoire...une victoire sur un plat d'or car le peuple repasse toujours les plats aux victimes.

mardi 11 mars 2008

La nouvelle "fatwa" vaticane sur les péchés capitaux: réflexion sur le renouveau théologique

Alors qu'il ne se presse jamais pour actualiser certaines de ses positions universellement contestées, le Vatican s'apprête à revisiter sa liste des péchés capitaux; voilà une belle modernisation des critères d'accessibilité à la Géhenne. On passe d'une dimension individuelle à une dimension plus sociale, collective; des péchés de "la troisième génération".
Dorénavant, les drogues, la pollution, la manipulation génétique, les injustices économiques et sociales et l'avortement sont passibles de la damnation éternelle. Il faut donc courir se confesser chez le curé le plus proche ou plutôt dormir à ses côtés, les comportements prohibés étant abondamment pratiqués de nos jours. On pèche comme on respire.
Cet effort d'adaptation aux conditions actuelles mérite approbation même s'il vise, avant tout, à élargir le champ de responsabilité de l'homme. Dans les religions, le critère de la "légalité des délits et des peines" n'existe pas. On adapte même sans base textuelle.
L'islam suit le même raisonnement; le "kiyas" (la comparaison) est un principe matriciel du droit islamique; il s'applique également à son volet pénal. Il est donc permis de "créer" de nouveaux délits mais ceux-là doivent s'inscrire dans "l'esprit" d'une réprobation semblable. Exemple: l'alcool est interdit car il affecte l'esprit donc tout ce qui affecte l'esprit est également interdit; ainsi, pour certains théologiens, le tabac et la drogue sont "haram". D'autres partent du principe selon lequel ce qui n'est pas expressément interdit par Dieu ne peut l' être par ses créatures. Le problème de cette conception (qui est implacable sur le plan logique puisqu'elle postule l'omniscience du Créateur, il serait insultant de penser qu'Il n'a pas été visionnaire !), c'est qu'elle est trop théorique car ça fait bien longtemps que Dieu n'intervient plus sur la scène théologale. On est donc poussé à deviner ce qu'Il aurait disposé dans telle ou telle circonstance.
Comme le dit l'adage du droit islamique superbement ignoré: "La fatwa change avec le temps qui change", soyons apostolique:
"zamanin tagayyuru ile ahkam dahi tebeddül eder" (turc),
"taghayyur al-fatwa bi taghayyur al-azman" (arabe),
"the fatwa changes with changing times" (anglais).

vendredi 7 mars 2008

Une "belle" guerre, une mauvaise polémique

Depuis quelques jours, le monde politico-militaire turc est en ébullition; les faits sont simples: la coïncidence du retrait de l'armée turque du nord de l'Iraq avec les injonctions de Robert Gates allant dans ce sens. L'armée et le gouvernement ont précisé que ce plan de retrait était déjà arrêté et qu'il n'y a eu aucune influence de Gates.
Les nationalistes et les partis d'opposition pensent le contraire. Il faut dire que le contexte prête à discussion: le retrait s'est fait le lendemain de la visite de Gates. Mais le Chef d'état-major supplie de le croire; l'opposition estime qu'il s'agit d'un retrait commandé par les américains.
L'acmé du problème: l'armée, par une déclaration écrite, a estimé que les propos de l'opposition démoralisaient les soldats et nuisaient plus que les "traîtres"; le mot est lâché. Déchaînement: l'opposition, pour la première fois dans l'histoire, a fustigé l'armée et comble de la singularité, celle-ci s'est retrouvée en train de défendre le gouvernement. Deniz Baykal, leader aguerri de l'opposition social-démocrate nationaliste, a lancé au chef d'état-major: vous n'êtes pas notre interlocuteur; le MHP, parti authentiquement nationaliste, boude (c'est vrai que être taxé de traître, pour un parti nationaliste, c'est quelque peu déstabilisant).
Bref, l'armée se désole: personne parle de notre bravoure, on nous mêle dans la polémique politicienne. Tout le monde demande au chef d'état-major de ne pas prendre la défense du gouvernement et de ne pas s'enferrer dans des prises de position politiques: expliquer la stratégie militaire aurait suffi, point n'est besoin d'apporter de l'eau au moulin du gouvernement. L'opposition voulant critiquer le gouvernement sur un bon plan d'attaque s'est retrouvée rabrouer par l'armée.
Ce qui est marrant, c'est que ceux qui applaudissaisent les interventions politiques du chef d'état-major lors des élections présidentielles ou sur le foulard lui demandent maintenant de la boucler...histoire de les laisser tranquilles dans leur jeu politique. Le chef d'état-major n'a voulu que rétablir une vérité (ça touche quand même à l'honneur de l'armée que de dire qu'elle est à la solde des américains) mais visiblement il a dérangé des calculs politiques.
Il fait bon vivre en Turquie: le cordon ombilical entre le CHP et l'armée est coupé; un petit pas pour le CHP mais un grand pas pour la démocratie turque.

jeudi 6 mars 2008

Le Conseil des droits de l'homme et les mots: la comédie humaine

Alors que le Conseil des droits de l'homme entamait une nouvelle session, l'Organisation de la Conférence islamique et la Ligue des Etats arabes eurent l'idée de présenter un projet "original" de résolution condamnant Israël pour son massacre de Gaza. Cédant à la complainte traditionnelle (qui consiste à condamner seulement Israël), le projet appelle également la cessation « des tirs de roquettes par les combattants palestiniens, qui ont entraîné la perte de deux civils et plusieurs blessés en Israël ». Réelle avancée paperassière.
On a trouvé judicieux d'envoyer Monseigneur Desmond Tutu en mission pour essayer de comprendre la situation; un Chrétien respecté dans les bras des Juifs et des Musulmans, on ne pouvait penser mieux. Les Israéliens l'ont invité à transiter par l'Egypte pour se rendre à Beit Hanoun et pas par Israël. Ca commence bien, d'autant plus que ce Tutu n'avait pas pu entamer sa mission en janvier du fait de l'opposition israélienne. Donc, nouvelle avancée.
La France s'est, bien évidemment, abstenue comme ses soeurs européennes (Allemagne, Italie, Pays-Bas, Roumanie, Royaume-Uni, Slovénie): il faut privilégier le dialogue et l'apaisement; le projet de résolution "contient un certain nombre de paragraphes et concepts inacceptables".
On bute encore une fois sur le sens des mots; tout en sachant que ces résolutions ne servent à rien ou presque. Une trace dans l'histoire onusienne mais un vide dans la réalité des faits.

mercredi 5 mars 2008

Trois poids, une mesure: un terrorisme un et indivisible

Lorsque la communauté internationale remue (à raison) ciel et terre pour sauver les otages des FARC cadenassés à une mort à petit feu et lorsque certains milieux extrémistes turcs tirent fierté du nombre de morts du côté des terroristes kurdes, les militaires israéliens ne s'excusent pas. Ayant eu " l'intelligence" de déclarer tout un peuple, terroriste, les autorités d'Israël invoquent, dans une logique macabre implacable, la lutte contre le terrorisme.
Lorsque le controversé Vergès déclara qu' " un poseur de bombes est un poseur de questions", il n'avait sans doute pas tort, non qu'il faille soutenir les moyens employés mais s'interroger sur les causes. L'injustice est un levier puissant. C'est connu.
Mon propos n'est pas de proposer de séparer le bon grain de l'ivraie en matière de terrorisme mais de secouer une idée fixe à laquelle, en réalité, personne ne croit. La cause du terrorisme mérite réflexion et non condamnation automatique. Lorsque le chef d'état-major de l' armée turque avait reconnu qu'ils avaient sciemment "oublié" qu'il y avait un problème kurde en Turquie, il fournissait, de fait, un argument à cette thèse. On ne naît pas terroriste, on le devient. Et on ne le devient pas par sadisme (sauf pathologie avérée); il y a un motif.
Lorsque le peuple turc se rince l'oeil quand il découvre que son armée sait mener une guerre en plein hiver, lorsque le peuple colombien applaudit son président dans sa lutte contre les "séparatistes" et lorsque le peuple israélien soutient, indéfectiblement, son gouvernement dans une lutte justifiée, les causes de leurs malheurs demeurent. Tout le monde sait que l'éradication du terrorisme passe par autre chose que la mort; par une politique; certes une politique qui dérange et qui va remettre en cause pas mal de situations fossilisées, mais une solution d'envergure, réponse complète, utile et nécessaire aux questions qui se posent. Est-il plus sage de se jeter à l'eau pour éviter d'être mouillé ou d' assécher un problème à sa source ?

dimanche 2 mars 2008

La guerre et la liberté d'expression: à chacun sa conception des yeux

La Turquie vient de terminer une guerre-éclair dans le Nord de l'Iraq; cette zone qu'il est officiellement interdit d'appeler le "Kurdistan irakien". Les morts, le sang, les pleurs, les "martyrs", tout ce que l'on connaît depuis quelques lustres.
La guerre neutralise tout en Turquie: la pensée, la joie, l'opposition, etc. On doit changer d'état; pleurer, ne pas remettre en cause, se taire, dire "Vatan sagolsun" lorsqu'il y a des pertes humaines (du genre "Vive la patrie", refrain sacrificiel entonné inconsciemment) et surtout écraser les voix discordantes. Dernièrement, Bülent Ersoy, une des grandes chanteuses du pays (transsexuelle respectée, ce qui relève de l'exploit dans une société où ce "genre de chose" ne déclenche pas un respect naturel) a osé s'interroger sur la pertinence d'un combat mené depuis plusieurs années et qui s'avère, à son humble analyse, pas trop reluisant. Mon Dieu, quelle allure ! Quelle impertinence ! Quelle traîtrise ! Quelle bouche ! Quelle baverie ! On excelle dans la dénonciation, le CSA turc se réunit d'urgence pour envisager son excommunication audiovisuelle, les journalistes pleurent à l'idée de disserter sur cette abominable phrase, le pacte tacite qui interdisait ne serait-ce qu'une miette de critique ou une simple interrogation vole en éclats. Catastrophe: les Kurdes donnent libre cours à leurs revendications politiques: le DTP, parti kurde, "présidé" par Ahmet Türk (un Kurde malgré ce joli nom, bel exemple d'assimilation) propose d'édifier un système fédéral où Turcs et Kurdes vivraient le bonheur absolu, sans heurts, sans guerres, sans larmes. La presse lance: Ahmet Türk propose la "sécession" (le mot "bölünme" signifie division, partage mais surtout, dans la phraséologie officielle de lutte contre le terrorisme, sécession); un jeu de mots: il propose un système fédéral, on comprend sécession. On va voir quel procureur va se dépêcher de lancer des poursuites judiciaires. Ouf, il est député donc intouchable. Mince, son parti est en instance de dissolution devant la Cour constitutionnelle, ça fait un chapitre de plus dans le réquisitoire.
Si on pouvait jeter par-dessus bord tous ces dérangeurs, ça serait drôlement bien...un rêve qui pousse les défenseurs des droits de l'Homme à ne dormir que d'un oeil.