mardi 23 juin 2009

Vive la France ! Vive la République !

Voilà donc la logique poussée jusqu'au bout. La République française avait décrété, jadis, qu'il fallait soustraire les jeunes filles voilées à l'influence néfaste de leurs parents et frères; solution : les obliger à se dévoiler dans les écoles, collèges et lycées publics, histoire de les faire respirer un peu. Et après le lycée, le daron encore plus constipé que d'habitude, reposait gaiement le voile sur la belle tête de sa fille. Et tout le monde était content; on avait libéré les femmes au moins pour quelques heures...


Quelques parlementaires ont décidé d'aller un peu plus loin; ils vont créer une commission pour analyser la burqa, le voile intégral; la cage; le "sarcophage". Evidemment, ils ont immédiatement ajouté, afin d'éviter toute éventuelle bronca, qu'il ne s'agissait pas de discuter du voile classique. Il faut donc à nouveau sauver des personnes. En effet, les spécialistes nous disent que la majorité des femmes qui portent la burqa en sont contraintes et seules quelques unes la portent volontairement pour des raisons de "pratique radicale de la religion" comme dirait le Conseil d'Etat. Et le Président Sarkozy, le boute-feu de 2003, est également partant; "on pense aux musulmans et je voudrais dire qu'ils ont toute leur place dans la République; MAIS la burqa, c'est inacceptable; j'ai compulsé encyclopédies, Coran, recueils d'hadiths, dictionnaires arabes, dictionnaires d'étymologie, livres spécialisés, articles scientifiques, fait les prières nécessaires pour convoquer Mahomet dans mes rêves, rencontré les grands savants notamment mon pote Tantawi et j'en ai conclu qu'elle ne relevait pas d'une prescription religieuse; donc il faut l'interdire, cela va de soi". D'accord. Notre grand Mufti.


Cela dit, l'argument est mal choisi : a contrario, comme dirait un juriste, il ressort de ses propos que si la burqa était un signe religieux, il aurait pu être opposé à son interdiction. Le Président d'une République laïque a pu donc donner une fatwa : la burqa ne relève pas de l'islam. Avec quelle légitimité, personne ne le sait. La Cour européenne qui, comme on le sait, dit parfois des choses intéressantes sans forcément se sentir obligée de les suivre elle-même, estime que "le droit à la liberté de religion (...) exclut toute appréciation de la part de l'Etat sur la légitimité des croyances religieuses ou sur les modalités d'expression de celles-ci" (Manoussakis c. Grèce, 26/09/1996, § 47). Et je rappellerai, ayant consacré un mémoire sur le sujet, que les dissidents au sein d'une religion ont toujours le droit d'avoir une lecture différente des pratiques; cela s'appelle le pluralisme intra-religieux. Voilà pour la théorie.


Le postulat est simple dans l'islam, nous disent les savants : la femme est belle; très belle. Elle a été créée ainsi, elle attire. Les hommes aussi, évidemment. Mais la différence est que les femmes sont moins enclines à enquiquiner les hommes; on n'a jamais croisé un homme qui s'est fait violé par une femme. Quoique; l'on vient d'apprendre qu'une femme russe a "violé" dix hommes avec une méthode simple mais efficace : le somnifère. Mais ces braves n'ont pas porté plainte, évidemment. Quel homme en serait capable... Bref, la solution proposée serait donc la suivante : la femme doit mettre en avant non pas sa féminité mais son humanité. "Pfff, débilité tout ça, ça fait quoi si la femme met en avant sa féminité, tu vis où !" Rien, à proprement parler. Chacun son caractère. La religion n'est que conseil et comme Dieu connait sans doute mieux que quiconque ses créatures, Il ne fait que conseiller : ne vous faîtes pas "exploiter" par l'homme qui veut vous voir comme il le souhaite. Et cette conception n'a rien à voir avec une quelconque idée d'infériorité de la femme, au contraire c'est pour la préserver du regard concupiscent disqualifiant sa personnalité au profit de son "image". "Attends un peu mon cochon, on est pas des objets, nous !", "bah, aux yeux de l'homme, vous demeurez avant tout un corps. On est d'abord frappé par le corps, non ?" Freud l'avait dit, aussi : une loi de la nature... "Vous venez de quelle planète ?", "j'ai toujours était nullle en philo", "Et l'amour courtois, cela ne vous dit rien ?"


En réalité, la femme vit pour plaire; il suffit de jeter un coup d'oeil rapide, évidemment, sur sa vêture, tout est court et on n'a jamais croisé un homme sérieux porter un pantalon qui s'arrête au niveau de ses genoux ni une chemise dont le haut suit le contour de ses pectoraux. On n'en est pas encore là, en tout cas. Ce n'est pas qu'il n'a rien à montrer, voyons; ce n'est pas la "tradition", c'est tout. Alors que pour une femme, c'est normal; il faut voir un bout de sa chair; tout le monde ne s'habille pas comme Elisabeth Badinter, une vraie féministe pour le coup. Et comme par hasard, ce sont les femmes qui se maquillent; l'industrie du cosmétique ne s'en plaint pas. Et les pauvres hommes sont toujours "costard-cravate"; même en été. Le désir se mêle à l'imagination. Dans son élan, un imam assez réputé en Turquie, Mustafa Islamoğlu, disait : "le voile, c'est la première maison de la femme; et sa maison, c'est son deuxième voile" ou encore "en Occident, le vêtement, c'est la seconde peau de la femme, elle s'habille pour attirer, pour exciter"; il faisait naturellement un lien entre lascivité et viol. C'est son avis. La Suède vient de le confirmer. Une femme se croit moderne en s'habillant conformément au souhait de l'homme. Et l'homme n'aime pas tout ce qui n'en finit pas de se déployer, c'est connu. "Oh vraiment, t'en as fait des obsédés !"


Il serait également intéressant de former des commissions sur le voile des bonnes soeurs en leur rappelant que tout ça c'est de la farce, le turban des sikhs pour examiner ses répercussions sur l'hygiène publique (d'ailleurs il faudrait auditionner aussi le Premier ministre indien), le kesa des bouddhistes (le Dalaï lama est souvent en France, ça tombe bien), le kimono des japonaises, histoire de savoir si ce n'est pas difficile à porter et donc constitutif d'une discrimination. Ou encore demander aux Juifs de bien nous expliquer à quoi sert leurs papillotes et pourquoi les femmes portent des perruques. Il faudrait également incriminer le refus de transfusion sanguine, c'est pire que l'asservissement, c'est la mort assurée; atteinte à la dignité humaine. Et il faut s'interroger sur les boubous aussi, on s'y perd. Et former une commission pour discuter des livres religieux, enfin; histoire de les purger, certaines références ne siéent plus à l'air du temps... "N'importe quoi, qu'est-ce que tu racontes ! Tu mélanges tout !".


Et l'on continue de mélanger la laïcité à cette affaire alors qu'elle n'y est pour rien; même Jean Baubérot le dit, un Pape en la matière : "C’est moins un problème de laïcité que de sécularisation". Je continue à le clamer : ceux qui défendent âprement la laïcité ne le font que par couardise; ils détestent les religions, c'est tout. Or, ils peuvent invoquer d'autres notions; comme celle de l'intolérance, par exemple... Si seulement ils étaient un brin instruits... L'on n'arrive toujours pas à comprendre que rien n'interdit de se documenter avant de donner un avis. D'autres sont plus sincères; ils parlent d' "image de l'islam". Un travers de plus; comme si le musulman devait toujours se faire "bien voir" des autres; de nos hôtes, disons le mot. D'autres encore (évidemment s'agissant de l'islam, tout le monde s'empresse de chiper un micro pour s'exprimer) parlent de la pratique de l'excision et rappelle ainsi que la République peut ne pas tout respecter; burqa et excision dans le même sac. Et celui qui défend cet argument croit dire des choses d'importance... Le problème fondamental, c'est que les anti-religieux ont dévoyé le terme de laïcité; et actuellement, ils se disent prêts à défendre une République qu'eux seuls, en réalité, menacent avec leur délire obsidional. Point besoin d'être sociologue : interroger un "laïc" et demander ce qu'il pense des religions. C'est édifiant. Alors que la laïcité devrait être avant tout, la rose des démocrates...


La méthode est nulle; quel pourrait bien être le résultat d'une telle enquête ? "Allez, on interdit les burqas, enlève-moi ça, petite coquine","non, liberté religieuse !", "mince alors, celle-là la porte pour des raisons religieuses, allons demander à l'autre là-bas, elle a l'air d'être par trop soumise, allez viens"... Ca serait drôle, en réalité : "Bonjour Madame, police, nous aimerions savoir si votre mari vous oblige à porter ce voile, auquel cas la République va vous libérer, d'ailleurs, je vais vous étreindre, allez"...


Pour ma part, j'ai toujours pensé que la lutte contre les excès devait se situer au niveau de la jugeote; par le biais des instances religieuses (à elles de persuader) ou par le biais judiciaire, c'est-à-dire au pénal. Par la répression donc et non par la prévention qui, comme on le sait, amalgame et met tout le monde dans le même sac. Un peu de doigté serait le bienvenu, en somme. Et il faut se débarrasser de cette passion française : vouloir diriger les esprits. Notre religion civile. Mon credo : chacun son mode de vie. "Vas-y Obama, répète, for God's sake".

dimanche 21 juin 2009

La quille-2

C'est que l'on se modernise. L'on devient plus libre. C'est bien, parfois. La Turquie, comme on le devine, est un pays conservateur. De nature; rien à voir avec l'AKP. La fameuse anatolie traditionaliste. Et les sociologues qui ont fait leurs études dans les lycées privés francophones ou anglophones ou encore germanophones d'Istanbul croient à chaque fois qu'ils font escale en Anatolie qu'il y a une "pression sociale". Ils n'ont toujours pas compris que c'est un mode de vie fondé sur l'équilibre, la mesure dans les relations sociales et une certaine réserve nécessaire au maintien de l'harmonie du quartier. Mais bon, ils sont sociologues, ils savent sans doute mieux.


Ce conservatisme se ressent surtout à la télévision. Aucune image de sexualité ni de sensualité trop audacieuse. Une culture fondée sur l'inassouvissement. Les types qui s'embrassent furtivement, qui s'enlacent froidement ne choquent plus. D'autres scènes plus anticonformistes sont toujours mal en cour. Et c'est vrai que cela peut gêner; la structure familiale turque est unique au monde, à écouter le CSA turc.


Mais dorénavant, nous voilà dessalés. La série la plus regardée a terminé la saison avec une séquence torride.



Encore le célébrissime Kivanç Tatlitug et la bellissime Beren Saat. Son campagnon vient de la "larguer" d'ailleurs mais les deux jurent que cette séparation n'a rien à voir avec cette scène; "nous sommes modernes voyons, nous n'allons tout de même pas nous séparer pour des trucs comme ça, pfff !" C'est vrai que la jalousie est devenue une anormalité, de nos jours... Has been. Et les critiques n'en finissent plus d'accoler les superlatifs : "très bonne position", "les ongles sur le dos, très très excitant", "de l'art", "harmonieux", etc. Réussi, c'est vrai.

Et un autre Apollon, le comédien Burak Özçivit, a carrément décidé d'arrêter de jouer dans une série parce-que, Mademoiselle sa compagne, fait des crises de jalousie. Vraiment dur d'être beau. En plus rien de grave, quelques bécots standardisés. Mais bon, il est donc amoureux.


Et voilà qu'une autre célébrité pousse des soupirs à fendre la pierre : "tu sais quoi, ma soeur, c'est un conseil que je te donne, laisse ton mari aller voir ailleurs de temps en temps, ton ménage s'en porterait mieux, j'te jure". Il s'agit de la beauté nationale, l'éternelle "fille", toujours aussi sublime à 47 ans, Hülya Avsar. Une kurde, par-dessus le marché; comme quoi ce n'est pas une tare pour faire carrière.


Elle avait accepté les "cornes" un certain temps; mais bon, l'honneur reprend le dessus, elle a dû divorcer par la suite. Comme quoi les déesses ne font l'affaire qu'un temps. Même Angelina Jolie s'est fait cocufier, on ne l'a pas oublié. On n'y arrive pas, d'ailleurs... "Ah vous les hommes, vous ne pensez qu'à ça !"...


Bien sûr, les conservateurs en sont gênés; car le propre d'un conservateur, c'est de croire que le bien de la société est directement lié au maintien de principes que lui seul trouve bons. L'histoire de sauver les gens malgré eux. "Bah ma p'tite, et l'autre monde, tu y penses de temps en temps, c'est pour ton bien que je me démène, pouffiasse!"...


Nous étions en retard dans ce domaine; comme dans tous les autres domaines d'ailleurs. Mais l'on est tout de même loin des critères occidentaux; il y a quelques mois, l'on avait appris qu'une discrimination frappait les "mamelues" en Angleterre. En effet, les masses se sont effondrées en apprenant qu'un magasin vendait les "soutifs" les plus pulpeux à un prix supérieur; "et alors, c'est quoi notre faute !" a grondé la figure de proue de la contestation. C'est vrai que se faire payer le prix supplémentaire que nécessite la "rallonge" est un argument pour les vendeurs. Mais ça'l fait pas. "Vous êtes bien contents quand il s'agit de les admirer, bande de salauds, cornichons, voyous !" Nous avions également soutenu cette malheureuse; je remettai mon cornet à sa place qu'une connaissance me demanda d'admirer une poitrine plantureuse, seyant tout près. "C'est vrai que Dieu est tout puissant" me suis-je dit. "Arrête les prières, vieux, admire !" Le juge qui sera appelé à diriger le procès s'en pourlèche déjà les babines, à coup sûr...


Ca jaillit de tous les sens, l'on se sent aux nues. Une journaliste qui a posé "sexy" fait également jaser. Les grands du métier n'en reviennent pas, "elle était si belle, celle-là ?", "Bah regarde toi-même..."




Il fut un temps où les Turcs suivaient avec crainte les analyses de ces mêmes journalistes qui se demandaient si l'on devenait l'Iran ou la Malaisie; on basculait, c'est connu. Les plus crédules ont sans doute mieux compris maintenant pourquoi d'autres crillaient sur tous les toits que ces vaticinations n'étaient que de la pantalonnade. On se sécularise, tout le contraire. Elhamdulillah, cela dit, si c'est ça, la sécularisation...

Fêtes des géniteurs

Bien sûr, l'on nous impose, chaque année, ce refrain rabat-joie : l'amour des Pères ne peut se résumer à une seule journée; tout comme celui des Mères. Oui nous devons les respecter à chaque instant; les visiter et s'enquérir de leur bien-être. Bon. Promis.
Et un enfant est toujours ingrat; en tout cas il le devient pendant un certain temps. La période de la "dérive", celle qui s'étire de l'adolescence à la maturité pleine et entière. Lorsque le fils devient père, le père devient sage, c'est connu. Autant se gendarmer avec ses parents était une "connerie nécessaire", autant philosopher avec eux, passée la trentaine, serait une passionnante normalité. Un père parle avec un acteur qui, à ses yeux, reste toujours un gamin.
Evidemment, le père n'est pas aussi "sacré" que la mère. Il ne fait qu'assurer la vile "dépense" comme dirait Foucault. Un pur plaisir. D'ailleurs, je me demande si un homme se résoudrait à cet exercice s'il n'en retirait aucune saveur. Deux en un. Accessoire, sans doute. Mais une fois que le processus s'enclenche, primordial. Je ne suis pas père mais le mien était un formidable modèle pour comprendre la psychologie des pères. Je suis donc à mi-chemin entre théorie et pratique.
La mère, dis-je, est sur un piédestal, dans ma conception de la vie. C'est autre chose. La seule fidèle. Toujours subjective mais bon. J'avais lu une histoire : une fille très disgracieuse avait grandi dans la conviction qu'elle était très belle; sa mère lui rappelait à chaque fois qu'elle était la plus belle des filles. Et elle la crut. Mais peu à peu, à l'école, au collège, au lycée, elle se rendit compte qu'elle était loin de remplir les canons les plus élémentaires de la beauté. Elle en fut désespérée. Et très enfiellée à l'encontre de sa mère; la menteuse. Tellement malheureuse qu'elle préféra devenir aveugle pour ne plus se supporter; sa prière fut exaucée. Les premiers jours, elle était heureuse dans le malheur. Elle ne se voyait plus dans la glace. Mais petit à petit, cette infirmité la gêna dans la vie courante, elle n'en pouvait plus; et décida de se faire opérer pour recouvrer la vue, l'élément essentiel de la vie. L'opération se passa à merveille; lorsque le docteur lui tendit la glace et qu'elle se vit, elle tomba des nues. Elle était sublime. Affriolante. Le docteur lui avait donc fait une surprise en profitant de l'occasion pour faire une opération esthétique. Elle le remercia chaleureusement; le docteur ne comprit rien, il ne fit qu'ajouter : "nous avons juste fait une transplantation des yeux, c'est tout. D'ailleurs, c'est votre mère qui en a fait don"... Les yeux de la mère...
En Turquie, les parents sont à la tête de la pyramide; alors ils trônent à la maison. Dans d'autres pays, on préfère les envoyer dans des "maisons spécialisées" ou séparer les appartements. Car on aime la vie, avant tout. Alors s'occuper d'une vieille personne n'est pas un hobby. Alors, ils trouvent refuge auprès de leurs chiens et chats. C'est sans doute pour cette raison que l'on a eu cette formidable idée de leur réserver deux jours dans l'année; et séparés bien sûr, histoire de ne pas "subir" deux jours d'affilée. "Bonjour maman, tiens une rose, ça va ? Ouais ouais, allez, à dans deux semaines, on reviendra saluer papa aussi, là, on doit s'en allez sinon on va rater l'avion, on part en vacances, tu sais. Allez j't'embrasse..." Je suis peut-être trop fleur bleue. Il faut dire que l'on exagère toujours ce qui nous manque...

samedi 20 juin 2009

Turquie en gésine

L'Armée travaille comme un démon, tout le monde l'avait compris; mais pas à déminer la frontière turco-syrienne, que nenni ! Elle préfère sous-traiter, "ah oui oui, ça serait mieux, on n'a pas le temps, on peaufine d'autres plans"... Elle préfère réfléchir sur l'avenir de la vie politique et globalement sur le gouvernement de la Nation. Les militaires veillent. Et ils ne sont pas en reste par rapport aux mollahs, c'est clair; dans la méthode s'entend, évidemment. Dernièrement, le Général en chef pouvait ainsi déclarer que les militaires s'opposeraient toujours à la reconnaissance constitutionnelle de droits collectifs pour les Kurdes. Evidemment, ce type de déclaration ne jette personne dans les rues, on écoute. Sans broncher, si possible.

Depuis quelques jours, c'est encore le tohu-bohu. "Qu'est-ce qu'ils ont fait encore !" La routine, en réalité. Concocter des plans, des stratégies, des calculs. "Ah enfin, ils vont buter les terroristes ?", "doucement, tosunum !". Les terroristes sont toujours là, il n'y a pas le feu. Mais l'AKP aussi est toujours là; c'est long maintenant, sept ans. Trop. Il fallait intervenir. Voilà l'information : on a retrouvé chez un ancien officier reconverti dans l'avocature, un document qu'il avait préparé au sein de son service à l'état-major; il a planifié des choses.

Bien sûr, moi, je m'entête toujours à ne pas comprendre pourquoi ces esprits si féconds ne creusent jamais leur cervelle pour trouver les moyens d'éradiquer le terorisme du PKK. Leur métier, soit dit en passant. Alors donc, quel est ce nouveau plan ? Du classique : déstabiliser l'AKP de l'intérieur en activant les taupes et surtout s'en prendre au "mouvement Gülen"; mouvement impulsé par cet imam qui vit en exil aux Etats-Unis. L'homme le plus influent de Turquie, pourrait-on dire. Et même l'intellectuel le plus influent dans le monde selon Foreign Policy. Non pas qu'il soit figure de proue d'une quelconque troupe mais il a une bonne image, c'est tout; il est "moderniste" ("le voile, c'est un détail"), cultivé, presque romantique, adepte du dialogue des religions.




Et il accorde beaucoup d'importance à l'éducation d'où les innombrables écoles à travers le monde. Et le Turc moyen est fier de voir que de petits étrangers apprennent le turc et viennent chaque année en Turquie présenter leurs performances. Mais il gêne, aussi; il fait peur; c'est un homme de religion, il doit bien vouloir renverser l'Etat. Il est vrai que ses propos n'arrangent pas les choses; à un journaliste qui lui demandait s'il encourageait ses adeptes à filtrer dans la fonction publique en Turquie, il répondit : "personne ne filtre, ce sont des citoyens qui postulent". Trop subtil pour certains...

"Nan nan j'te dis, ce n'est pas moi qui ai donné un tel ordre !" va presque pleurer le chef d'état-major, de son côté; le général Başbuğ le Démocrate, sec comme un hareng qu'il est. Il fait la grosse voix, il n'en peut plus, "ça me révulse à la fin, arrêtez de dire que je ne pense qu'à faire un coup d'Etat !". Mais on n'arrive pas à le croire entièrement. Qui a bu boira... "Tenez vos langues et vos plumes, espèces de buffles !" a-t-il officieusement lancé à ses subordonnés trop turbulents.

Ca serait donc plutôt une junte qui ourdirait un tel projet séditieux. Nous en sommes habitués, il fut un temps où le chef d'état-major le plus démocrate de l'histoire institutionnelle militaire, le général Hilmi Özkök, ne mangeait pas à la cantine de l'armée; alors sa femme devait se réveiller tous les matins de bonne heure pour lui préparer ses mets préférés; et on voyait le général venir au camp en se dandinant avec sa gamelle. Comme à l'école. Officiellement, il était malade, il devait donc faire attention à sa nourriture; officieusement, il craignait un empoisonnement. Voilà donc pour une armée.

Bien sûr Baykal n'a pas immédiatement réagi; il ne savait trop que dire. Il faut rappeler que les incartades de l'Armée sont assez nombreuses, on ne sait plus comment réagir; c'est toujours difficile de se forcer à s'indigner, aussi... Mais pour une fois, il a dit des choses : "il faut immédiatement éclaircir cette situation et si besoin est, des têtes doivent tomber"; il n'a rien confirmé mais on a l'impression qu'il serait plutôt favorable à des démissions dans le haut commandement. "Ouha t'as vu !"

Et d'ailleurs, qui en est choqué ? La vieille mère au fin fond de sa campagne devant son rouet s'en fout comme de colin-tampon, le berger ne sait même plus comment s'appelle le chef du village et le petit paysan s'affaire à remplir ses piles de dossiers pour recevoir les aides que le Gouvernement distribue. La politique, c'est une affaire catégorielle. Chansons que tout cela !

Un nouveau gnon à la "démocratie", en tout cas. Les "plumes les plus autorisées" disent que la Turquie se trouve dans un moment des plus critiques pour le processus démocratique; d'autres sont plus réalistes, "allez au suivant !"; d'autres sont toujours sceptiques, "comment ! Et puis quoi encore ! Ces grands hommes ne vont tout de même pas faire un putsch !" Rien ne sera plus comme avant, fredonne-t-on, en général. L'histoire des lendemains qui chantent... Tabii yersen...

mercredi 17 juin 2009

Pataugis

C'était son tour; on l'attendait tellement, "Bibi". Il devait dire des choses, une sorte de réponse au faux grand discours d'Obama. Il devait rassurer, proposer, impulser. Il devait changer, nous disaient les officiels américains. Dire des choses plus sensées. Oublier un instant Lieberman, son ministre des affaires étrangères. Il fait peur Lieberman, il vient d'enterrer sa plus grande promesse de campagne, le mariage civil. Et il n'a pas rougi, évidemment. "Arrête de broncher !"


Un faux grand discours. Mieux, une farce. "Oui, nous vous aimons, chers Palestiniens ! Oui à l'Etat palestinien !", "p'tain, t'as vu comme il parle ! Bravo ! En plus, il ne bégaie pas, c'est donc possible de vouloir la paix !". Eh oui, d'ailleurs il l'a reconnu, aucun Israélien ne pourrait être partisan de la guerre. En avant vers la paix, donc.

Bien sûr, l'administration américaine qui s'est empressée de publier un communiqué, était aux anges, "c'est très bien, bonne nouvelle". Et Livni aussi est contente, "ah ouais alors, quel discours! " Et l'Européen aussi ne fait pas trop de grimaces, "acceptable"; seuls les Palestiniens et les Arabes sont contre; autrement dit, ceux qui sont les plus concernés...

Mais Bibi est intelligent; en réalité, c'est toujours avantageux d'être contestataire : à la première occasion où vous lâchez du lest, vous êtes immédiatement applaudi, personne n'osant rappeler que la promesse que vous venez de faire était une question sur laquelle on était déjà d'accord... Le problème est que dans ce conflit, on parle toujours de nouveaux départs. La vitesse de croisière n'existe pas; la subtilité de Benjamin, c'est d'avoir fait un immense bond en arrière. Et chaque petit saut qu'il effectue est perçu comme un "nouveau pas dans la résolution du problème".

Du pipo, disent certains. En clair : oui à un Etat qui n'a rien de défini; ni sa population (où vont les réfugiés ?), ni ses frontières (celles de 1967 ? et où vont s'arrêter les colonisations ?), ni sa capitale (Jérusalem ?). Et en prime, pas d'armée, "t'inquiètes petit, nous saurons vous défendre contre nous-mêmes !". Pour un Etat incapable de contenir ses colons, c'est une promesse... Un "foutage de gueule" disent les plus grossiers; mais seulement eux. Je déteste les grossiers...

Et les colonisations continuent : à Jérusalem-Est et en Cisjordanie; ça tombe bien, ça permet de raccorder ces deux bouts pour absorber toute la ville de Jérusalem. Et comme les colons sont en général les plus féroces, les plus bornés car les plus nationalistes, personne n'envisage de solution. "Ah non alors ! Comment veux-tu que je les déloge ? J'ai fait tant d'investissements, moi : infrastructures, électricité, eau, téléphone, etc., quid de ces dépenses ! Soyez sensés à la fin !", "bah, excusez-nous, on dérange, c'est vrai..." Un proverbe turc dit : "yavuz hırsız evsahibini bastırır", "un voleur doué est celui qui parvient à faire arrêter le propriétaire". Un art, assurément. "C'est à nous, nanik, c'est écrit dans la Bible, allez, allez..."

Et il veut aussi définir Israël comme Etat juif; quid des 1,5 millions d'Arabes musulmans et chrétiens ? "o bah ça va hein ! j'en ai marre de proposer des solutions, à vous un peu !" Mahmoud Abbas en a trouvé une pour les réfugiés de 1948 : réinjecter ces âmes errantes dans leur terre ancestrale, en Israël donc. Comme ça on n'est pas sorti de l'auberge. Un peu comme les Chypriotes grecs qui affluent vers la Cour européenne; et ils obtiennent gain de cause.

Et il fait appel aux Arabes, aussi Nétanyahou : "aimez-nous ! Reconnaissez-nous ! Je suis prêt à vous rencontrer pour papoter, appelez-moi, je viens !", "c'est ça !"... Ca s'appelle un processus de paix, officiellement. Il faut négocier, se disputer, se bouder pendant quelques jours, reprendre les discussions, etc. L'on discute, en général. L'autre veut simplement visiter les Arabes; pour boire du thé, peut-être. Des sémites, tout ça, des cousins quoi, c'est normal après tout.

Autre mauvaise nouvelle : Ahmadinejad s'accroche; avec des racistes, on entame un processus de paix... Peut-être qu'il ne faut pas régler ce problème; heureusement que Bibi n'est pas un responsable palestinien, cela dit, le boycott serait déjà tombé. C'est un élu israélien; "ils ne savent vraiment pas voter ces types, hein ! Ou ils font exprès ?", "je ne sais pas, je ne suis pas antisémite".

Pourtant, ce n'est pas moi qui l'ai dit : "Vous aimerez l'étranger car vous avez été étrangers dans le pays d'Egypte"... Tiens, comment interprète-t-il ce passage Ovadia Yossef, l'océan de sagesse des Juifs ? D'autant plus que ces étrangers ne le sont pas vraiment; un clou de plus... "Bah attend alors, je recompte ", "vas-y vas-y, on n'est plus pressé"...

mercredi 10 juin 2009

Il était une fois...

On peut donc pleurer; c'est officiel, il est bien mort. Omar Bongo. Ni banalement décédé sur un champ de riz comme Lansana Conté ni vulgairement assassiné comme Joao Bernardo Vieira. Dans un hôpital, à la française. Mais ni en France ni seul. En Espagne et en compagnie de sa fille énarque. Sa femme était déjà partie en mars dernier. Officiellement, il était en deuil. Et son beau-père, le Président congolais, n'a jamais pu le consoler. C'est connu, celui qui souffre d'un cancer doit toujours être choyé; tristesse, stress, mauvaise humeur doivent être bannis. Et la justice française était à ses trousses, peine supplémentaire, évidemment. Il n'a pas résisté...


Un dictateur, nous disaient certains. Musulman, par-dessus le marché. Deux termes qui riment déjà à merveille. La longévité et la richesse sont les deux références pour taxer un dirigeant de dictateur, comme on le sait. Ca tombe bien, Omar aimait l'argent, aussi. Et il avait de quoi, son pays regorgeant de ressources naturelles. Mais ses compatriotes n'ont jamais pu esquisser un sourire. Le Chef empilait immeubles, voitures et autre tralala. Il s'est bien rempli les poches dans ce bas-monde. Mais lui, savait : "abracadabrantesque ! Foutaise ! Mensonge ! Les chiens aboient, la caravane passe"...


La justice française avait pourtant accepté de regarder de plus près ces "biens mal acquis"; il était fâché, évidemment. Il est connu, pourtant, ici; dans les milieux diplomatiques et politiques. L'on se devait de l'aimer. Quarante ans au pouvoir, il avait côtoyé tous nos Présidents et adorait les secrets d'Etat, nous dit-on; il les compilait, au cas où... Heureusement qu'il n'est pas mort en France, cela dit, on aurait pu croire à une liquidation. Elhamdulillah. Le "chauffeur" de l'Afrique, notre Président contempteur de la "Françafrique" comme on le devine, a déclaré sa tristesse, évidemment; "c'était un pote, on le pleure !".


Au bercail, pas le temps de pleurer; les enfants de dictateurs n'ont pas droit à un deuil normal. Il faut se moucher en mouchant les vautours cabochards. Pas le temps d'avoir un colloque avec son traversin, dans ces contrées; c'est comme dans l'empire ottoman, il faut foncer le premier. La difficile transition; la Présidente du Sénat veut croire à son destin, Constitution en main, mais personne ne sait ce que c'est; "de quoi elle parle ?", "bah de la loi fondamentale qui dit que l'intérim est assuré par...", "ça va, ça va ! Enterrez-la avec mon père !" Le fils a déjà fermé les frontières; ça tombe bien, il est ministre de la défense...


Bon bah, il fallait bien mourir; c'est fait. Et ironie du sort, Eva Joly triomphait à l'élection européenne; déçue, évidemment, de ne pas le voir traduit en justice. Elle ne devrait pas trop s'en faire, en vérité; un autre grand procès l'attend, là-bas. "C'est vrai ?", "bah oui, mon ami, la justice transperce toujours les tombes ! A quoi bon vivre heureux dans ce monde si les cris de ceux qui ont subi une injustice ne vont pas au-delà du dôme céleste !", "bah, j'chai pas moi, on m'a toujours dit que l'enfer, c'était les autres"... Un Tribunal sans recours; avec des dossiers plein les charrettes. Mais présomption d'innocence, bien sûr...

dimanche 7 juin 2009

Obtusité

On l'avait oublié celui-là; le Procureur général près la Cour de cassation turque. Celui qui avait intenté une action judiciaire contre l'AKP. Il avait eu gain de cause, la Cour constitutionnelle ayant jugé que le parti gouvernemental formait bien un centre d'activités anti-laïques, mais il avait essuyé à l'occasion une belle "baffe juridique", cette même Cour ayant estimé que la grande majorité de ce qu'il avançait comme preuves n'était en réalité autre chose que de la documentation inopérante...


Le Sieur Yalçınkaya a donc fait une réapparition. Depuis "son" procès, il ne circulait plus, de peur de rencontrer le Premier ministre ou le ministre de la Justice. Il avait peur de les saluer; de leur serrer la main ou de les regarder les yeux dans les yeux. Officiellement, il travaille beaucoup; il se prépare à son autre grand combat : faire interdire le DTP, parti pro-kurde affilié au PKK. Il aime les interdictions, il vient de le dire. "Quoi alors, je vais faire quoi moi ! Il faut qu'j'dégomme moi, haspiyallah !"


Et avant-hier, il a participé à une réunion où il devait prononcer un discours; tout le monde attend les discours du corps judiciaire, en Turquie. Chaque année, on voit défiler le Président de la Cour constitutionnelle qui demande toujours plus de libertés individuelles (en tout cas celui qui est en fonction actuellement), celui de la Cour de cassation qui pointe sans arrêt le manque de moyens et d'indépendance de la magistrature et surtout celui du Conseil d'Etat qui s'en prend toujours au Gouvernement qu'il est censé conseiller en pleurant sur le sort de la laïcité, toujours menacée. Eh bien, hier, c'était son tour. Il n'a pas déçu; "alors, mes chères confrères, regardez, voyez, humez le danger actuel ! Les partis conservateurs ne parlent que de développement économique ! C'est un scandale, ils veulent nous faire oublier la question de la laïcité ! On bascule !" Il fut un temps où un universitaire affirmait sérieusement : "donner la priorité à l'économie, c'est partiellement de la contre-révolution" (Prof. Sina Akşin : “ekonomiye öncelik vermek kısmi karşı devrimdir”). "Mince alors, on s'enrichit !", "aman Allah'ım, ne dis pas ça ! Ağızından yel alsın !"...


Evidemment, un bureaucrate bien payé, bien perçu, bien installé n'a pas les yeux rivés sur les données économiques. L'important, c'est de surveiller les grands principes de la République. "Mais, c'est normal, tout va bien dans le pays, pourquoi voulez-vous que l'on parle de laïcité ?", "tais-toi, misérable AKPiste, prend ton chapelet et répète, j'te dis : laïcité, laïcité, laïcité !" Une invite à se battre. Alors qu'il n'y a aucun motif de chamaillerie. Ou plutôt il est impossible de parler de laïcité, puisque le ci-devant Procureur sort immédiatement son gourdin; et les militaires, juges et autres kémalistes ne sont pas du genre à tendre l'oreille pour écouter. L'on préfère donc le boisseau. Chat échaudé craint l'eau froide...


Mais les juges sont ainsi, en Turquie. Des co-gardiens. Lorsque les militaires ne veulent pas bouger, ils comptent sur eux. Ainsi, le Conseil d'Etat s'en prend joyeusement à la politique libérale du Gouvernement en annulant ses décrets de privatisation; motif : contraire à la vision atatürkienne de l'économie. "Ah ouais ? Bah, qu'est-ce que l'on doit faire du coup ?", "prend ton chapelet, vieux et répète : étatisme, étatisme, étatisme".


L'on nous a toujours appris que la laïcité turque visait plus à moderniser la société qu'à établir un régime d'égalité entre les différents cultes. Une sécularisation au forceps. Et on comprend que la modernisation passe, pour certains, par un retour en arrière; un Etat pauvre est l'idéal pour sauvegarder la laïcité, on l'a compris. "Bah oui, ballot, plus t'es gueux, plus t'es sot et plus je suis cultivé et intelligent, haha". Ca pourrait devenir une thèse de sociologie : "l'inculture des hauts fonctionnaires"; ou de psychiatrie : "la subjugation idéologique ou pourquoi aimer vivre avec les morts"... Montesquieu le disait bien : "J'aime les paysans, ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers"... "Aah, tenez-vous éloignés, bande de bouseux !" voudrait bien dire M. le Procureur mais il n'arrive pas à franchir le pas. Heureusement d'ailleurs, la patience a des limites.

vendredi 5 juin 2009

Jacobinerie

La saison des injures s'est ouverte avec la campagne électorale. Au niveau de l'Europe. Et les politiques comblent leur vide programmatique par le seul argument qui fait toujours mouche, non à la Turquie et plus globalement non à l'islam rampant dans nos jolies contrées. Et les électeurs aiment entendre cette rhétorique, il faut dire que personne n'a toujours pas compris ce que fait le Parlement européen, ce qu'est le Conseil européen à ne pas confondre avec le Conseil de l'Europe tout en le distinguant du Conseil des ministres de l'Union européenne. Bref, le dada : "je te promets une Europe sans Turquie, vote pour moi !".


L'islamophobe en chef, le néerlandais Wilders va plus loin dans ses envolées : "assez d'islam en Europe, assez d'islam aux Pays-Bas !" a-t-il pu dire dans un "meeting". Un cheval de bât. Et les musulmans écoutent sans broncher, c'est connu, un musulman est une bonne tête à claques. Il a peur de déranger en protestant; imaginons un instant une autre formulation : "Trop de Juifs en Europe !". Evidemment, levée de boucliers, poursuites judiciaires, protestations, etc. Mais une indignation même atone est rarement à l'ordre du jour lorsqu'il s'agit de frapper sur du musulman...


J'ignore ce qui peut bien pousser des hommes doués de raison à fustiger l'islam sans répit et à vouloir éradiquer sa présence en Europe. L'on s'interroge comme un gamin poussé par ses copains de quartier : pourquoi ils ne m'aiment pas ? Villiers et Le Pen, eux aussi, déclarent à chaque fois qu'on leur donne la parole qu'il y a trop de mosquées en France; tous ceux qui s'investissent dans des associations cultuelles savent que le projet de construire une mosquée est une véritable gageure, un parcours du combattant; on en arrive à négocier la forme, la hauteur, la nécessité d'un minaret. Pour apaiser. Pour éviter de faire peur. Pour donner des gages de bonne volonté. Sur ces questions, j'ai toujours été un dur. Pas de concessions, le délire de l'intolérant n'a pas à dicter mon attitude. "Ouais mais il faut éviter la confrontation, sinon pas de mosquée, haha !" Qu'est-ce qui trotte dans la tête des gens ? Sommes-nous des terroristes en herbe ? des malappris ? d'éternels étrangers ? des trublions ? des félons ? d'incurables phallocrates ?


Il y a quelques semaines, un sondage nous enseignait que 80 % des musulmans vivant en France se considéraient comme loyaux. Et tout le monde était content, évidemment : "t'as vu mes musulmans, ils ont juré fidélité, pas de bombes ni de grandes revendications communautaires, comment ils disent déjà ? Elhamdulillah, je crois...". L'on a compris, l'oumma fait peur. Comme si le musulman du Pakistan empêtré dans une lutte fratricide avec ses Talibans, celui d'Arabie Saoudite qui meurt d'envie de voir une femme de temps en temps pour se rincer l'oeil, celui des Etats-Unis qui commence à prier le Vendredi derrière des "imamesses", celui de la Turquie qui ne demande rien d'autre que de porter son voile sans encombre ou même celui de la France qui vote toujours au CFCM selon son appartenance ethnique partageaient beaucoup de choses en commun. Tous ces types seraient donc prêts à se coaliser contre l'on ne sait trop qui. Nous avons une chose en commun, en vérité : la vexation verbale. L'on se sent obligé d'affirmer platement notre foi ou de rajouter immédiatement des qualificatifs : modéré, non pratiquant, libéral, etc. Quand il accueillera ses fidèles dans l'autre monde, on le dira au Prophète : on avait honte de toi et de tes principes...


Jadis, mon professeur de turc nous apprenait à réciter une formule : "allez répéter, bande de cruches, nous sommes avant tout Turcs et ensuite musulmans ! Allez, j'te dis"; et moi de me dresser contre cette affirmation. Pourquoi l'on me pousse à affirmer une identité ? La question ne s'est jamais posée, pour ma part : l'une renvoie à l'affiliation religieuse et l'autre à l'appartenance citoyenne. Je suis osséto-turco-français musulman. L'islam a opéré une révolution sur ce terrain; le Prophète avait lui-même déclaré que la religion qu'il avait pour mission de prêcher abolissait toute distinction ethnique, égalité des hommes oblige. Seule la piété devait être une référence.


Il ne vient jamais à l'idée de quiconque de s'interroger sur la psychologie des Juifs. Ceux-là même qui s'enorgueillissent d'être fidèles aussi bien à la France qu'à Israël. "Oui mais eux, ils ont été persécutés, c'est normal, ils ont droit d'être communautaristes". D'accord. Il faut donc que l'on attende une persécution pour avoir les mêmes droits...


C'est vrai que le droit musulman n'apaise pas; le fameux concept de "daru-l harb", la terre des infidèles où certaines obligations islamiques s'adoucissent du fait de "l'état de nécessité" (par exemple, l'interdiction des intérêts saute pour les crédits immobiliers car l'accession à la propriété conduit à une islamisation) est toujours utilisé par certains. Et Tariq Ramadan n'aide pas avec ses appels aux musulmans européens à imposer leur éthique dans les pays où ils vivent : dignité, justice, pluralisme, défense des faibles. C'est avec cela que l'on menace l'ordre public national...


Et il ne faut pas comprendre le fait de vivre en musulman, de vivre avec des musulmans, de se marier avec un musulman, de reposer dans un carré musulman comme des pieds de nez à la République. Ce sont de simples déclinaisons de la liberté individuelle, chacun fait ce qu'il veut à partir du moment où il ne menace pas l'ordre public. Seuls ceux qui ont accompli leur "rénovation d'entendement" peuvent comprendre ceux qui ont modelé leur vie en fonction de leurs croyances religieuses. L'ancien grand rabbin Sitruk pouvait ainsi déclarer logiquement que "pour moi, dans la conception de ma foi, ce serait un échec si l'un de mes neufs enfants épousait un (ou une) non-Juif, car le mariage mixte atteste d'une volonté, finalement, même si elle est inconsciente, de quitter cette religion" (Les ambassadeurs de Dieu, C. Pigozzi, p. 97).


Il faut plus que de la tolérance, terme que je récuse. Il faut de la simple logique. Eviter de penser que celui qui vit comme il le veut est une cervelle à sauver au nom de ses propres principes... L'empereur de l'Occident vient de le dire dans son adresse au monde musulman : "it is important for Western countries to avoid impeding Muslim citizens from practicing religion as they see fit – for instance, by dictating what clothes a Muslim woman should wear", "I reject the view of some in the West that a woman who chooses to cover her hair is somehow less equal", "I do not believe that women must make the same choices as men in order to be equal, and I respect those women who choose to live their lives in traditional roles. But it should be their choice." Il a tout compris...