dimanche 8 mars 2015

"Une biographie, ça s'invente !"...

"C'est un ventre que j'épouse", avait dit Napoléon lorsqu'il s'astreignit à convoler en justes noces avec Marie-Louise d'Autriche. Il fallait bien que la terre tournât, que l'empire se raffermît. Après tout, chacun sa croix. Une "bombasse" pourtant elle fut, l'archiduchesse. La preuve en est que l'oeuvre de chair offrit au monde l'Aiglon, un adonis. Mais que veux-tu, la beauté ne fait pas tout, même pour un homme, il faut un plus, histoire de roucouler...

"Et toi alors, c'est quand qu'tu t'maries ?". "J'attends un ventre", avait coutume de dire l'ami Muhayyel, si bien cultivé. Sitôt dit, la matriarche s'était mise à compulser les listes. Celles qui circulent dans les assemblées de daronnes-imprésarios. Ah oui alors, chez nous, on attend patiemment que les "grands" nous susurrent des noms. C'est connu, le bonheur est second, il faut des brus bon chic bon genre, de futurs mères bien "intègres", si tu vois ce que je veux dire...

C'est qu'on lui avait murmuré qu'il pouvait troncher qui il voulait, autant qu'il le voulait, c'était un homme après tout, mais qu'arrivé à un certain âge, il devait s'assagir. Car, il fallait désormais dévirginer. La femme de sa vie restante, la mère de ses enfants, la belle-fille de la maison. Son "honneur" comme qui dirait. Voilà un mâle digne. Le "bon père de famille".

Du coup, il avait beau passé sa jeunesse à séduire, il se maria avec une chair, flairée, soupesée, arrangée par la mère. Celle qui ne vit que "pour le bien de son fils", n'est-ce pas. Et voilà un champ labourable à volonté. Dieu merci, un hadîth de son Prophète, qui est forcément authentique puisqu'il l'arrange, décrète : "lorsque la femme refuse de répondre à l'invitation de son mari, les anges la maudissent jusqu'à l'aube". Même si un plat mijote sur la cuisinière, ont ajouté les oulémas...

L'événement qui chamboule tout, c'est quand le rejeton bronche. Comme dirait Henriette dans Les Femmes savantes, "Cette amoureuse ardeur qui dans les cœurs s'excite,/N'est point, comme l'on sait, un effet du mérite :/Le caprice y prend part, et quand quelqu'un nous plaît,/Souvent nous avons peine à dire pourquoi c'est". Tout bête, l'amour. Cette camisole qui vous enrobe d'une lueur gaie en même temps qu'elle vous éreinte en chuchotements vilains. Bah oui, l'idéal serait d'être casé. Bah oui mais la vie, ce n'est pas que ça. 

Le patriarche Louis-Ferdinand Céline l'avait si bien dit, "il faut choisir, mourir ou mentir". Muhayyel, qui n'éprouvait que de l'incuriosité pour la gent féminine, avait choisi la seconde option. Le mensonge, avait-il lâché, est la forme suprême de politesse. Car il invente, il cèle, il apaise, et, partant, il respecte les valeurs dominantes. Une enfance affligée, une adolescence ruinée, une jeunesse dévastée. Des maux, sans arrêt. Le Ciel a pris soin d'accabler à outrance. Mais une peine bien promenée mène au Paradis...