dimanche 14 juin 2015

Le Siècle de DSK

Jadis, on avait la pétoche. Madame Bovary, par exemple. Elle trompait autant qu'elle pouvait un mari subjugué. Les gens pépères, ça allait un temps. Un époux bien rangé, trop bon, trop convenu, trop popote, ça tuait le désir, n'est-ce pas. La femme a besoin d'un vis-à-vis qui est toujours prêt à la tromper. Elle doit avoir cette impression, sinon, elle lâche l'affaire et largue le type. C'est contraire à sa nature. Eh bien, Emma allait bichonner des Léon et compagnie mais elle avait peur d'être prise la main dans le truc. Et quand elle fut coincée, elle se donna la mort. C'était comme ça, avant, l'indécence avait de l'allure...

Ou je ne sais pas, moi, Oscar Wilde. Condamné pour ce fameux "amour qui n'ose pas dire son nom". Le pauvre. On te traite de "sodomite", tu flanques un procès pour diffamation et au bout du compte, c'est toi qu'on embarque... C'est que le code pénal suivait le code moral, il fallait avoir honte de cet "acte outrageant les mœurs". Aujourd'hui, c'est de la rigolade, on ne comprend même plus. Les "mœurs", c'est quoi d'abord ? A l'ère du "dérèglement", les moraleries ne sont l'affaire que des envieux... 

Ca, c'est le XXIe siècle ! Au Japon, une dame accourt au tribunal parce que son mari l'a trompée avec une serveuse. C'est que l'adultère est, là-bas, une "cause péremptoire de divorce", comme dirait le juriste. Contrairement à la France post-1975. Ici, par exemple, l'adultère ne fait plus partie de la moralité publique, le juge ne prononce pas automatiquement la séparation, il va fouiller dans ta propre conception de la moralité et essayer de se demander si ça te gêne tant que ça ! Et comme..., bref. Ma biche, donc, crie au scandale. Et là, paf. "Allez, arrête tes conneries", lui a rétorqué le juge. "Il ne t'a pas trompée, il est allé voir une prostituée". Ouah ! Sentence : une relation tarifée n'est pas un cas d'adultère. C'est du commerce...

Et chez nous, les députés en sont toujours à essayer de "pénaliser le client". Nos élus veulent nous rendre bien élevés. "A une époque où tout priapise, où tout est lascif, on devrait interdire la conjonction tarifée des voluptés ? Non. Que celui qui souhaite maudire la prostitution et son client, le fasse. Que le législateur qui souhaite bannir la prostitution et blâmer son client, rengaine son sermon. En matière de mœurs, dès lors qu'il n'y a pas de tiers lésé, aucun principe juridique ne doit pouvoir interférer dans l'autonomie personnelle. Que celui qui s'entête à corriger un penchant laisse le droit à sa place", avais-je naguère éructé...

DSK, entre-temps, a été blanchi. On l'accusait de proxénétisme aggravé. Il n'en est rien. On a appris à l'occasion qu'il aimait les p..., les s..., etc. Comme vous et moi, quoi. Le problème, c'est que, quand on le voit dorénavant, on l'imagine dans l'une de ces scènes. Et on n'arrive plus à le prendre au sérieux. Un peu comme le vieux sage du quartier dont on apprend l'orientation sexuelle sur le tard. Le point d'honneur, euh... C'est la chute, même si on a nous-mêmes une conscience large comme la manche d'un cordelier. Wilde, encore. "Tout procès est celui de notre vie entière, de même que toutes les condamnations sont des condamnations à mort". Tout ce qui nous reste du XIXe siècle...