"On espère. Mais on déchantera", avait phosphoré l'ami Muhayyel, avant de lancer "et si on grillait une cigarette au cimetière ?". Dans les caves de l'univers, au milieu des carcasses humaines, les "choses" les plus nobles que le Créateur ait conçues, leurs esprits fumaient de projets. Crânement. Le pétuneur et le fumaillon dissertaient sur les mirages et la vérité était là, sous leurs pieds, poussière. Ils y étaient allés comme on va au musée, admirer des vestiges et s'émerveiller de la déchéance. La sentence de la mort au cou...
On a beau jeter le regard vers l'horizon le plus lointain, les nuages, les arbres, le bâti. On a beau penser tout ce qu'on peut. On finira dans un trou. Qu'est-ce qu'un grand homme, après tout ? Le cadavre d'une intelligence. Le support d'un esprit qui braque sur la vie des vues d'outre-tombe. Cette créature qui, comme le décrivait Sartre, "réalise un certain concept qui est dans l'entendement divin". L'existence qui dévoile l'essence à pleine bouche. Une chair en transe, une âme en détresse, une ossature en branle...
Saviez-vous que Cioran et Dostoïevski étaient des soufis ? Tout comme Schopenhauer, Mahler, Dvorak, Satie. "Astaghfiroullah", éructa le mollah. "Païen !". "L'archange Gabriel, au chômage technique depuis 1400 ans, fait désormais la navette entre Dieu et ses favoris", avait poursuivi, sans ciller, Muhayyel. Le cheikh, un homme sage mais un être "normal", s'étrangla devant cette sentence. Il essayait de comprendre là où il fallait saisir. "On comprend ce qu'on peut, de ça non plus on ne peut pas en vouloir à quelqu'un", comme dirait Duras...
On a beau jeter le regard vers l'horizon le plus lointain, les nuages, les arbres, le bâti. On a beau penser tout ce qu'on peut. On finira dans un trou. Qu'est-ce qu'un grand homme, après tout ? Le cadavre d'une intelligence. Le support d'un esprit qui braque sur la vie des vues d'outre-tombe. Cette créature qui, comme le décrivait Sartre, "réalise un certain concept qui est dans l'entendement divin". L'existence qui dévoile l'essence à pleine bouche. Une chair en transe, une âme en détresse, une ossature en branle...
Saviez-vous que Cioran et Dostoïevski étaient des soufis ? Tout comme Schopenhauer, Mahler, Dvorak, Satie. "Astaghfiroullah", éructa le mollah. "Païen !". "L'archange Gabriel, au chômage technique depuis 1400 ans, fait désormais la navette entre Dieu et ses favoris", avait poursuivi, sans ciller, Muhayyel. Le cheikh, un homme sage mais un être "normal", s'étrangla devant cette sentence. Il essayait de comprendre là où il fallait saisir. "On comprend ce qu'on peut, de ça non plus on ne peut pas en vouloir à quelqu'un", comme dirait Duras...
A quoi se résume l'histoire de l'humanité, au fond ? A l'ensemble des péripéties de la lutte acharnée que se mènent "ceux qui aiment la vie" et "ceux qui aiment le sens de la vie". Les premiers forment le contingent le plus dense car l'erreur a toujours tort en grande pompe. Les seconds forment une pauvre communauté, celle des insomniaques. "Quand on n'a dormi que quatre heures, on n'est pas sentimental. On voit les choses comme elles sont, c'est-à-dire qu'on les voit selon la justice, la hideuse et dérisoire justice", comme dirait Camus...
Le maître Cioran le dit mieux. "Ceux qui vivent l'irruption de l'esprit mènent une vie dénuée d'attrait, de naïveté et de spontanéité (...). Tout ce qui part vers l'extérieur, ou qui en vient, reste un murmure monocorde et lointain, incapable d'éveiller l'intérêt ou la curiosité. Il vous semble alors inutile de donner votre avis, de prendre position ou d'impressionner quiconque". En somme, les "ivres d'éternité". Les "suspendus". Les "transfigurés". "Saviez-vous qu'un athée peut être un fidèle calife de Dieu ?", susurra Muhayyel à l'oreille du mollah, qui s'était mis à jurer comme un païen...