samedi 24 octobre 2009

Je t'aime, moi non plus...

Les Azéris font la moue. Ils sont mécontents. Fielleux. Ils en veulent aux Turcs, les soi-disant frères. "Allez, déchirez les protocoles, ne rigolez pas, revenez pleurer avec nous, on est seuls, vous êtes nos frères !". Les Turcs de leur côté en étaient déjà à la danse du ventre, "oh oh yandan, çalkala ayol"...


Les Azéris ont donc mûrement réfléchi pour les mesures de rétorsion; alors, des drapeaux ont été baissés ici ou là, le Bien-Aimé Aliev s'est rappelé brusquement qu'il accordait du gaz à ses frères turcs à prix cassé et qu'il fallait, évidemment, y mettre fin...


La Turquie, héritière de l'Empire ottoman, aime à être magnanime de temps en temps. Alors, lorsque l'Arménie gesticula trop en 1993, la Turquie soutint moralement l'Azarbaïdjan en fermant sa frontière et en rompant ses relations diplomatiques avec l'Arménie. Les Azéris, des "oghouzes"; rien à voir avec les Kazakhs. Bref, de la solidarité, cela s'appelait. Une faveur. "Fermez les frontières, on va étouffer les Arméniens, haha"... Le très génial Demirel avait pris cette décision; celui qui, aujourd'hui, n'arrive toujours pas à prendre sa retraite. "Allez pose-moi des questions, j'ai envie de parler !"," mais Monsieur le Président, vous commencez franchement à dire n'importe quoi, vous vous êtes éloigné de la ligne Menderes, on n'arrive plus à vous prendre au sérieux", "hier c'était hier, aujourd'hui, c'est aujourd'hui"...


En réalité, il ne faut jamais accorder de faveur. On se rappelle les sultans ottomans et les capitulations. Le Grand Ottoman, le Seigneur de l'époque, jetait à la figure de ses voisins européens des "capitulations". "Pleure pas, tiens, je t'aime bien". Et après, l'empire vieillissant, ces privilèges firent office de baïonnettes dans la main de ces ingrats. La nature humaine.


D'ailleurs, les Azéris ne bronchent que contre les Turcs; car, faut-il le rappeler, Russie et Iran qui sont comme culs et chemises avec l'Arménie, n'attirent aucunement les foudres du régime azéri. "Eux, c'est pas pareille, vous, vous êtes de la famille". Bon. Il faut les comprendre, cela dit. L'obstination des Turcs permettait aux Azéris d'avoir des arguments. Un aveu, en réalité. L'on aura compris que les autocrates père et fils sont incompétents pour régler leur problème. Ils comptent sur la Turquie. Qui, elle, n'est pas l'ONU et qui a également des intérêts nationaux à privilégier; Davutoğlu ahane, Monsieur n'est pas content. D'ailleurs, les Turcs ont eux-mêmes demandé à leur cousin Kazakh, "mais comment oses-tu devenir un partenaire stratégique de la France, t'as pas honte de nous narguer ?,", "euh... bah... c'est que... c'est pour votre bien frérot, je t'expliquerai, hadi canım"...


"Que l'on peut s'en battre", aurait dit un homme forcément mal éduqué. Les diplomates sont polis, eux. Ils essaient donc de chercher des mots moins brutaux. Ils veulent la réconciliation. Ils ont raison, faut-il se détacher d'un frère si important, si fidèle, si cohérent; un frangin qui, faut-il le rappeler, n'a toujours pas reconnu Chypre... La Turquie continue à être magnanime, en dépit des lâchetés. Tout à son honneur.