S'il ne fallait retenir qu'une seule chose de notre passage sur Terre, ce serait que le démon a détruit des milliards d'existences factices pour en provoquer quelques unes de plus fermes. De vraies vies. De celles que les âmes déchues béeront sur les rives du Styx. Comme cet ange qu'était la mademoiselle Baptistine Myriel de Victor Hugo : "toute sa vie, qui n’avait été qu’une suite de saintes œuvres, avait fini par mettre sur elle une sorte de blancheur et de clarté, et, en vieillissant, elle avait gagné ce qu’on pourrait appeler la beauté de la bonté".
Pouvait-on dire qu'elle avait vraiment vécu ? Que nenni ! Sans folâtrerie, sans incartade, sans péché, on n'a pas vécu. Les oukases divins ont cela de particulier qu'ils existent précisément pour susciter des névroses. À peine le corps s'anime-t-il à la vue d'un vice que l'âme se voit chuchoter des leçons de vertu. La conscience, cette branche divine ancrée en chacune de ses créatures, se plaît à faire la morale. Toujours par effraction. Toujours de manière indue. Toujours sans crier gare. Un censeur qui puise sa légitimité dans la création même.
Car la création est un immense jeu d'échecs entre Dieu et Satan. "Je les guetterai sur Ton droit chemin, puis je les assaillerai de devant, de derrière, sur leur droite et sur leur gauche de sorte que Tu en trouveras bien peu qui Te soient reconnaissants" (7 : 16-17), promettait l'ennemi du genre humain. Genre humain qui, ultime paradoxe, lui a offert un arc de triomphe. Même ceux qui, pendant le pèlerinage à La Mecque, lui balancent pierres, cailloux et babouches... Quand la majorité est dans l'erreur, il y a sans doute quelque mérite à rester loyal.
Mais une bonne âme est précisément bonne parce qu'elle a frayé avec les âmes damnées. Sans ces milliards d'existences factices, sacrifiées pour les besoins de la cause, les existences fermes n'auraient pas émergé. Les démons colonisent les esprits et les cœurs. Le drame, c'est de réveiller une idée et d'attiser une passion. Une idée ne s'oublie plus, elle se fait traiter. Une passion ne s'éteint plus, elle se fait étouffer. Autant dire une endurance à couper le souffle. La vie, voyez-vous, a été créée pour des marathoniens qui rêvent d'être des glandeurs. Un écartèlement.
Et qui est là pour épauler ? Personne. Ni les âmes sœurs ni les géniteurs. Nous sommes arnaqués dès la naissance. Que nous laissent nos parents, au fond ? Un nom et la couleur des yeux; le reste est l'oeuvre du Temps. Ce Temps qu'on apprend à meubler. Ce Temps qu'on apprend à respecter. Ce Temps qui nous apprend à discerner. Ce Temps qui nous apprend à patienter. Et lorsqu'on ira ad patres, on sera confronté à la même question que nos devanciers : étiez-vous de ceux pour qui le Temps s'est écoulé ou s'est écroulé ? Autrement dit, avez-vous vécu ou avez-vous survécu ? Les larmes auront leur mot à dire...
Pouvait-on dire qu'elle avait vraiment vécu ? Que nenni ! Sans folâtrerie, sans incartade, sans péché, on n'a pas vécu. Les oukases divins ont cela de particulier qu'ils existent précisément pour susciter des névroses. À peine le corps s'anime-t-il à la vue d'un vice que l'âme se voit chuchoter des leçons de vertu. La conscience, cette branche divine ancrée en chacune de ses créatures, se plaît à faire la morale. Toujours par effraction. Toujours de manière indue. Toujours sans crier gare. Un censeur qui puise sa légitimité dans la création même.
Car la création est un immense jeu d'échecs entre Dieu et Satan. "Je les guetterai sur Ton droit chemin, puis je les assaillerai de devant, de derrière, sur leur droite et sur leur gauche de sorte que Tu en trouveras bien peu qui Te soient reconnaissants" (7 : 16-17), promettait l'ennemi du genre humain. Genre humain qui, ultime paradoxe, lui a offert un arc de triomphe. Même ceux qui, pendant le pèlerinage à La Mecque, lui balancent pierres, cailloux et babouches... Quand la majorité est dans l'erreur, il y a sans doute quelque mérite à rester loyal.
Mais une bonne âme est précisément bonne parce qu'elle a frayé avec les âmes damnées. Sans ces milliards d'existences factices, sacrifiées pour les besoins de la cause, les existences fermes n'auraient pas émergé. Les démons colonisent les esprits et les cœurs. Le drame, c'est de réveiller une idée et d'attiser une passion. Une idée ne s'oublie plus, elle se fait traiter. Une passion ne s'éteint plus, elle se fait étouffer. Autant dire une endurance à couper le souffle. La vie, voyez-vous, a été créée pour des marathoniens qui rêvent d'être des glandeurs. Un écartèlement.
Et qui est là pour épauler ? Personne. Ni les âmes sœurs ni les géniteurs. Nous sommes arnaqués dès la naissance. Que nous laissent nos parents, au fond ? Un nom et la couleur des yeux; le reste est l'oeuvre du Temps. Ce Temps qu'on apprend à meubler. Ce Temps qu'on apprend à respecter. Ce Temps qui nous apprend à discerner. Ce Temps qui nous apprend à patienter. Et lorsqu'on ira ad patres, on sera confronté à la même question que nos devanciers : étiez-vous de ceux pour qui le Temps s'est écoulé ou s'est écroulé ? Autrement dit, avez-vous vécu ou avez-vous survécu ? Les larmes auront leur mot à dire...