dimanche 14 décembre 2008

Aigreur

Voilà donc la mission terminée; notre Président qui, il faut le reconnaître, est constitué "différemment", a pris soin de rappeler à ses successeurs : "continuez comme moi, bougez, courez, poussez, c'est comme ça que ça marche". Les Tchèques, déjà peu attentifs, sont déjà fatigués. "Il court tout le temps, celui-là, on a les mains pleines de dossiers". Ca tombe bien, Sarkozy en redemande : "allez, file-moi la gouvernance économique, je sens que ça va être un peu ronron avec vous". Non, évidemment. Vaclav Klaus n'attend que le flambeau; et s'entête à bouder le traité de Lisbonne. "L'Irlande d'abord", "d'accord, mais vas-y toi aussi, t'as des mains", "alors la Pologne avant", "bouge-toi, vieux !", "je suis malade, après..." La Cour constitutionnelle, saisie, avait pourtant donner son feu vert; le Président tchèque s'était même rendu à l'audience pour écouter la décision et prendre quelques notes. Comme un étudiant. L'architecture institutionnelle européenne n'altère en aucune façon la souveraineté tchèque, voilà le verdict. Klaus n'étant pas simplet, il a appelé à multiplier les contentieux contre le Traité. Une tiédeur manifeste après une ferveur presque débridée contrariera, à n'en pas douter, le commun des europhiles.


C'est une nature, on n'y peut rien. Un bouillonnement physique, même. Au Président polonais qui redemande la parole, Sarkozy n'a-t-il pas lancé : "on est 27, coco; si tout le monde racontait sa vie, hein..." L'autre n'a pas bronché. Depuis, on le voit rôder à Bruxelles, en train de suivre son Premier ministre : "allez, emmène-moi aussi en Europe", "ça va aller, merci". Un drôle de pays; un Président auquel le gouvernement refuse d'affréter un avion...


Chacun peut ainsi reprendre son train-train. Jean-Pierre Jouyet rejoint l'Autorité des marchés financiers; quel rapport ? peut-on se demander mais la politique "énarchienne" coupe court aux interrogations de cet acabit. La corvéabilité des énarques est légendaire. Voilà donc arrivé Bruno Le Maire, un pimpant villepiniste reconverti sans trop tarder dans le sarkozysme de raison. Kouchner est ravi : "ah ba voilà une nouvelle pomme de l'ouverturisme; il parle l'allemand, en plus, écoute", "Ya ya, Ich bin der neue Staatssekretär für Europafragen". Et les ministres qui passaient des oraux interminables à Bruxelles reviennent au pays. La pauvre Michèle Alliot-Marie rate le train, comme un citoyen lambda, l'élégante Christine Lagarde se retrouve perdue dans un champ, "Madame il faut mettre vos bottines, on s'est échoué", "qu'est-ce qu'il dit ?", "euh... l'hélicoptère a malencontreusement dévié de sa direction, on se retrouve en pleine brousse"...


On termine en beauté : le paquet climat est passé à coups de bourrades sarkoziennes; la Hongrie a fait la fine bouche : "on veut plus de pognon" mais le Cousin était encore là pour calmer les ardeurs. Le Polisseur émérite rend le tablier et fait escale en France. On le récupère. Espérons que la lame n'a pas trop usé le fourreau, le menu national est plus garni. Et il n'y a rien qui justifie de boire du petit lait, ces temps-ci...