jeudi 25 décembre 2008

Joyeux Noël

Le revoilà sur scène : "Cübbeli Ahmet", littéralement "Ahmet le soutanier". Un imam. Le chef de file d'une confrérie notoire installée dans la mosquée Ismailağa à Fatih, quartier d'Istanbul et "bras droit" du très respecté Mahmut Ustaosmanoğlu dit Mahmut Efendi, un de ceux que la grâce divine aurait touchés. Notre "cübbeli", un imam médiatique et assez doué pour le rester. Mais très conservateur. Un peu à l'image du cheikh Astağfirullah, ennemi mugissant du "cerveau embrumé" et de la "langue indomptée". On l'avait aperçu sur un jet ski à Malte, dans un confort fort peu islamique; il avait réussi à se faire pardonner. Même ma mère, traditionaliste, en était confuse. Rougir, assurément, ça ne s'apprend pas.


"Si l'ange Azraël vous surprend en pleine festivité, l'au-delà, c'est foutu". Voilà la "fatwa". La "festivité" en cause consiste à consommer de l'alcool et à imiter les Chrétiens. Imiter, c'est envier. Un péché. En réalité, il y a une confusion totale en Turquie : les "bourgeois" turcs enguirlandent également des sapins, pastichent le Père Noël, offrent des cadeaux, etc. mais le soir du 31 décembre. Toute la panoplie occidentale "noëlienne" au service du nouvel An. Par conséquent, les théologiens s'échinent à fustiger de tels comportements et à rappeler des recettes plus islamiques : "lisez du Coran ! méditez sur votre passé et votre futur ! amendez-vous, bande de cornichons, le Jour approche !"


Il est donc mal vu de célébrer l'anniversaire du Christ puisqu'il renvoie à des images de beuveries, d'excès et quasiment d'impiété. J'ignore pourquoi mais les "conservateurs" musulmans rechignent à réciter quelques prières à l'occasion de la naissance de Jésus. Or, le Coran est clair : sourate 2, verset 285 : "(...) les croyants ont cru en Allah, en Ses anges, à Ses livres et en Ses messagers; (en disant) : 'Nous ne faisons aucune distinction entre Ses messagers'" ou 4 : 152 : "Et ceux qui croient en Allah et en Ses messagers et qui ne font point de différence entre ces derniers..."


Alors que les musulmans ne sont pas, contrairement à ce que l'on croit, des rabat-joie ou des obscurants; l'austérité n'a jamais été une part essentielle de la théologie, du moins pas au niveau de "la religion toute sèche" de Calvin (Louis Maimbourg). La Naissance du Prophète Mouhammed se dit "Mevlid", qui vient de l'arabe "velâdet". La Nativité, en somme. On connaît.


Certes, la vision du Christ diffère radicalement, certes, la date de naissance est probablement fausse, certes la Bible n'est plus "en vigueur" depuis la Révélation islamique mais "Isa", Jésus, reste un très grand Prophète. Même Tony Blair, qui reconnaît volontiers lire le Coran quotidiennement, a eu la sagacité de constater qu'il faisait de nombreuses références à Jésus et ce, toujours dans un sens positif. Il le dit si bien à die Zeit : "Ich lese täglich den Koran (...) Es gibt im Koran keine Verweise auf Jesus, die nicht zutiefst respektvoll wären". Et Pöttering, président du Parlement européen, en profite pour tenter d'amadouer les Saoudiens : "allez, regardez même votre Livre déclare son amitié pour le Christ, laissez donc les églises libres", "d'accord mais à une condition : que le pape reconnaîsse Mouhammed comme Prophète, haha"...

Benoît XVI, évoquant Bethléem, a appelé les chrétiens à prier pour que la paix s'installe " sur la terre où Jésus a vécu." Nous, musulmans, n'hésiterons jamais : Amen. C'est une expression : tant crie-t-on Noël qu'il vient.


Paix sur qui suit la Vraie Voie. Comme une homélie...