dimanche 24 janvier 2010

Re... re... et re...

Il n' y avait pas que Mehmet Ali Ağca qui pût être taxé de "fou" ces derniers jours; on apprit encore une fois que d'autres "dingues" persistaient dans leur désormais délire obsessionnel : les généraux de l'armée turque. Ceux qui sont payés pour défendre les Turcs. Ils élaborent des plans. On compte sur leur sagesse. Des hommes intelligents, donc. Théoriquement. C'est que ceux de la Turquie sont portés vers la chose politique. Ils en viennent donc à méconnaître leur coeur de métier.


Un nouveau plan de coup d'Etat a été révélé. Un bon pavé de 5 000 pages. Bien détaillé. Bien ficelé. Au cordeau. Un livre que la Turquie a l'honneur d'offrir à la littérature militaire mondiale. Evidemment. Les kilos de sang, les futurs ministres, l'endroit des caméras, etc.; un plan orfévré. Le général-concepteur (un pléonasme disent les mauvaises langues) a renié, comme il se doit : "mais nan, ça s'appelle une simulation dans le jargon militaire, c'est un devoir de l'armée que de prévoir, pfff, arrêtez de gémir !". Un devoir donc. Bien. Evidemment militaire et devoir sont deux notions qui s'enlacent légitimement. Harmonieux. "Ce sont des séminaires" nous a appris l'état-major. Des "scénarios". Des "cas d'étude". Rien de grave. Ouf.


Le contenu est donc authentifié. Les rêveries nécessaires que tout bon militaire doit avoir planifiées en cas de guerre. L'on se penche donc sur ce plan; et l'on découvre qu'en cas de guerre donc, nos généraux avaient prévu de faire sauter deux mosquées à Istanbul (un "vendredi" précise bien le document, tant qu'à faire...), de faire tomber un avion turc pour accuser la Grèce et entrer en guerre avec elle, d'arrêter une trentaine de journalistes, de changer le Gouvernement, de changer certains maires, etc. etc. Voilà donc. Evidemment, l'armée dit ne voir là que des plans de défense. Promis, on y croit. De là à bombarder des mosquées quand les forces ennemies débarquent sur le territoire turc, je n'ai toujours pas saisi la connexion. Qui plus est un vendredi alors que les ennemis seraient là à compter d'un lundi, cela dépasse mes capacités. Des généraux, voyons.


Le fait est que cela s'appelle dans la langue verte, un "foutage de gueule". Pour les rustauds, évidemment. Au niveau soutenu, contentons nous d' "impertinence". Un devoir, donc. Faire sauter des mosquées, faire tomber un avion, rafler tout ce qui bouge, etc. sont donc des devoirs. Affaire de conception. Le code pénal est donc une déclinaison de devoirs pour les généraux. Les gens normaux appellent cela, "tentatives d'assassinat".


Il faut réfléchir deux minutes; si tant est que l'on puisse parler de "réflexion" dans cette configuration : ces pachas veulent le pouvoir, on l'a compris. Car ils veulent sauvegarder le principe de laïcité (évidemment la sauvegarde des principes de démocratie ou d'Etat de droit n'est pas suffisante en elle-même pour entraîner coups d'Etat). D'accord. Mais il y a un hic : s'il y avait des raisons objectives, on aurait compris et donc, en bon kémaliste, béni l'intervention militaire, mais il n'y a aucune menace à la laïcité; la preuve : ce sont eux-mêmes qui créent le spectre. Il ne nous reste plus qu'à déverser les qualificatifs : hypocrites, menteurs, rabiques, psychopates. Ils ne sauvent rien, au final. Il n'y a rien à sauver...


Ils ne servent donc qu'à affoler. A tuer. Des militaires. Des généraux. Qu'est-ce qu'un général ? Voilà un bon sujet de thèse en sciences politiques. Celui qui chipe les grades à mesure que la haine contre son propre peuple gonfle. Il faut avoir de la malice pour aller loin. Un bon général, c'est avant tout un homme qui ne rigolle pas. Il le dit si bien Ahmet Altan, le rédacteur en chef de Taraf, journal qui déniche ses plans : "c'est l'institution dans laquelle ces gens-là ont le grade de général que vous appelez armée ?".


Lorsqu'il y a des nouvelles de cet acabit, les médias se tournent automatiquement vers l'ancien chef de l'état-major, le plus "démocrate", Hilmi Özkök. Et comme à son habitude, ce dernier refuse de "balancer" ses anciens potes. Ceux qui voulaient le débarquer pour qu'il ne gêne plus leur dessein. C'est devenu l'oracle de la République. Dès qu'il y a un plan de coup d'Etat qui "gicle", tout le monde est à ses trousses; "c'est vrai ce plan ?", "j'sais pas !", "allez arrête de déconner vieux, dis la vérité !", "mais laissez-moi à la fin, j'envie de vivre le restant de ma vie en grand-père, pas en chef d'état-major en retraite !"... Est-ce si difficile de confirmer ou d'infirmer ?


Tiens, la France a décidé de supprimer le tribunal aux armées de Paris. Justice ordinaire pour tout le monde; et en Turquie, la Cour constitutionnelle vient de déclarer inconstitutionnelle une loi qui élargissait pour certains cas la compétence de la justice "civile" (c'est-à-dire ordinaire) aux militaires. La normalité est donc contraire à la Constitution; ce qu'exige l'Etat de droit est contraire à la Constitution turque. C'est ainsi. C'est un parti de gauche qui avait saisi la Cour; Deniz Baykal. Un homme qui devient de plus en plus piteux, à vrai dire. D'ailleurs, personne ne l'a encore entendu sur cette dernière affaire...


Une armée nationale. Tout le monde a envie de dégorger quand son nom est prononcé. Même un militariste chevronné ne comprend pas. C'est dommage. La Turquie n'a même pas d'armée, en vérité. C'est devenu un parti d'opposition. Il faut donc revenir à l'embranchement. Une prophylaxie s'impose. Assurément. Il faut délaisser le tamis; il faut un plumeau. Et continuer à tympaniser jusqu'à la victoire. Celle de la démocratie et de l'Etat de droit.