lundi 26 décembre 2011

"En attendant Godot"...

Non non, je ne voudrais sûrement pas donné un avis. Je n'en ai pas les capacités intellectuelles, je suis simple, moi. Et maintenant qu'il va être interdit de dire le "contraire de la Vérité", ça ne servira à rien. Quoique. Un an de prison, encore ça passe. Je profiterai de l'occasion pour commencer ma thèse mais payer une amende de 45 000 euros, c'est trop. Je demanderai à l'ambassade tiens, elle qui épaule toujours ses concitoyens dans la panade. N'est-ce pas...

Après je m'emballe. En attendant que la Vérité descende du ciel, on pourrait, les 450 000 Turcs et Franco-Turcs, tous sauter au même moment. Ca provoquera un tremblement de terre, peut-être. Et nous serons tous, devant un juge, dans le palais de justice. 450 000 procès ! Tous contre la liberté d'expression ! Chez Voltaire, en personne ! Ca aura de la gueule à la Cour européenne de Trucmuche. Robert Badinter sera notre avocat. Et moi, je serai le premier sur la liste des requérants, l'affaire s'appellera Sami Kiliç et autres contre France, contre Turquie j'allais écrire, que veux-tu l'habitude... Je le note, je ferai convoquer Gilles Veinstein. Lui-même aura besoin du prétoire de la Cour pour "reparler" sur la question...

"-Allons-nous-en.
-On ne peut pas.
-Pourquoi ?
-On attend Godot.
-C'est vrai"
.

Il y a comme quelque chose qui cloche, pardonnez-moi, je vais quand même formuler un p'tit raisonnement entre-temps. En 1912, le gouvernement ottoman qui a donc commis ce fameux génocide que la future loi nous impose de reconnaître, comportait un Arménien. Le ministre des affaires étrangères, Gabriel Noradunkyan. Certes, les Jeunes-Turcs n'étaient pas au pouvoir mais ils étaient majoritaires au Parlement. Et n'ont pipé mot. Mieux, ils se sont alliés à la Fédération révolutionnaire arménienne ! Et que veux-dire Ittihad d'ailleurs, le nom de leur parti ? "Union". Aaahhh, Union ? Union des Turcs entre eux ?

Ouf, j'ai une migraine. Je me dis, toujours entre-temps, que le plan d'extermination venait de loin, dis donc ! Imagine Hitler faire semblant de ne pas s'opposer à la nomination d'un ministre juif, qui plus est des affaires étrangères, pour mieux... mieux quoi d'ailleurs ? je perds le fil de mon illustre raisonnement... Moi, je ne sais pas. Rien de rien. 45 000 euros, c'est trop. Vaut mieux pas savoir. "Allons-nous-en. On ne peut pas. Pourquoi ? On attend Godot. C'est vrai."

Une fois n'est pas coutume, j'ai décidé de faire le faux cultivé. Personne n'a jamais lu jusqu'au bout l'histoire de l'année 1915, alors pourquoi moi ? Je me suis donc adossé sur Wikipédia, hihi. Un bon résumé. Objectif, on dirait. Que de l'histoire. Avec des dates, en plus. Alors qu'on s'en fichait bien jusqu'à maintenant. Il fallait voir, nous dit-on. Les contingents. En chiens de faïence. Les Turcs hâbleurs, les Arméniens nargueurs. Des pancartes, des cris, ici ou là. Une Turquie et une Arménie, nations soeurs, en haleine devant un poste de télévision pour suivre les débats de quarante personnes dans la chambre basse d'un pays tiers. Je trouvais cela absurde, moi. Se déplacer pour criailler devant le Parlement français ? Quel rapport ? Et moi, franchement, qui déteste les protestations, manifestations et tout autre défilé bruyant ! Je suis peut-être agoraphobe quand j'y pense, il va falloir consulter...

"-On attend.
-Oui, mais en attendant ?
-Si on se pendait ?
-Ce serait un moyen de bander"
.

Et puis, y en a marre à la fin. On inonde nos boites de courriels. Les officiels envoient tout ce qui leur passe sous la main. Tout sauf les informations sur 1915. Du coup, on crie. Avec des pancartes. On les a rafistolées. Le barbu et le kémaliste étaient côte à côte, parait-il. Je regardai avec des jumelles. J'en ai vu des imbéciles, i-ni-ma-gi-na-ble. Enfin, j'insulte personne, je parle de ceux que je connais, des écervelés. Ah il sait comprendre, lui ? On s'en fout, il faut crier...

Quand j'y pense, avant d'oublier, j'ai trouvé un autre négationniste, moi. Dans la revue Histoire (avril 2009, n° 341), l'historien Fuat Dündar faisait le distinguo : "la question n'est donc pas celle de l'intentionnalité, mais celle de la conscience qu'avait Talat pacha du caractère meurtrier de la déportation" (p.16). Ca tombe bien, le droit demande l'intention et non la connaissance. J'ai l'air malin, je sais. Keh keh keh... En tout cas, on en reçoit des cartons, dis donc. Tous les Arméniens ont des greniers. On n'a plus de place dans nos caves, quand j'y repense...

"Mon grand-père a été assassiné par les Turcs !", "oust ! C'est le mien qui a été égorgé par les Arméniens !". Des centaines de milliers de victimes musulmanes et arméniennes ont été accablées pour les uns et vengées pour les autres par une quarantaine de députés français, c'est logique... Et le premier d'entre eux aussi est un négationniste. Je l'ai lu, quand même, j'hallucine pas. Le journaliste, un autre vendu, demande : "vous reconnaissez que c'est un génocide ?". Face à l'évidence, le président des députés nie : "il y a eu des exactions massives à caractère ethnique. Maintenant, il faut laisser faire les historiens. A partir du moment où vous instaurez un contrôle pénal des mots, cela pose problème. Les grandes démocraties n'ont pas à définir l'Histoire par la loi".

"-Alors, on y va ?
-Allons-y.

(Ils ne bougent pas).