mercredi 4 janvier 2012

Feu !

Et après on nous demande pourquoi le nationalisme serait nocif ? "Bah parce-que", a-t-on envie de commencer. Et on s'arrête net; on le sait, à laver la tête d'un âne, on perd sa lessive. Les nationalistes n'ont aucune habitude réflexive. Malheureusement. Du coup, ils aiment des abstractions. L'Etat par-dessus tout, des bouts de carte, une géographie, une histoire. L'individu ne sert pas spécialement à quelque chose, il doit être en extase et c'est tout. La primauté revient aux idéologies, aux illusions. Les batteurs de pavé sont friands de telles aventures psychotiques, ça donne de la consistance à des existences caves, à l'existence des caves...

On se rappelle encore, du moins je l'espère, que l'Etat a tué 35 civils dans le Kurdistan turc, la semaine dernière. Bavure, bévue, erreur, tout ce qu'on veut. Il n'en reste pas moins que sur un plan objectif, l'Etat a bel et bien "bombardé son propre peuple". Une expression empruntée à la manchette du journal libéral Taraf, la bête noire des cachottiers de toute espèce.


Une de journal certes mais surtout "slogan" du Premier ministre Erdogan en direction de Bachar al-Asad. "L'Etat ne saurait bombarder ses propres citoyens !", avait-il rugi. Véridique. L'Etat ne saurait pilonner "ses" citoyens et dynamiter ainsi le fondement de son existence. Mais théorie que tout cela, en l'espèce, il l'a fait. Sciemment ou non, personne ne le sait. Il n'en demeure pas moins que 35 citoyens, personnes, êtres humains ont perdu la vie. Des contrebandiers. Des gueux. Des jeunes. Et des Kurdes. Le sort s'acharne. Heureusement, les responsables ont pris acte, promis des sanctions et décidé une réparation. Même l'état-major a publié un communiqué de condoléances. Mais. Ce fichu mais...

Tout le monde le sait, tout le monde le pense : les Kurdes sont des citoyens de seconde zone. Il suffit de tendre l'oreille quand une famille kurde emménage dans un immeuble à Istanbul. "Les bruits, les odeurs"... C'est flagrant : 35 citoyens meurent et il n'y a aucune marque de respect à leur mémoire, les réjouissances du nouvel an vont bon train; leurs funérailles sont bouclées en moins de deux, personne ne s'apitoie des jours durant sur leur vie, leurs amours, leurs espérances comme on le ferait pour les militaires turcs tombés au "front". Le nationaliste en chef du pays, Devlet Bahçeli (qui porte bien son prénom, "devlet" signifiant "Etat") va jusqu'à même assassiner la conscience, affirmant que la probabilité même infime (1 %) que ces gens appartinssent au PKK justifiait qu'ils fussent assaillis ! A feu et à sang, une "vérité turque éternelle" ?

Le Kurdistan; une réalité que les Turcs contribuent à bâtir. Par leur indifférence, par leur morgue. N'avait-il pas raison, le président du BDP, quand il releva que cette "discrimination" dans l'amertume avait consacré ipso facto, la création du Kurdistan. Istanbul en fête, Sirnak en larmes. Izmir dans l'ivresse, Diyarbakir en rage. Elle est où cette Nation turque ? Ce désir de vivre ensemble ? Les choses sont claires, en réalité : les Turcs se considèrent toujours comme les seigneurs et ne daignent partager les émotions des "croquants". Comment alors disqualifier rationnellement la proposition de Leyla Zana sur un référendum d'autodétermination des Kurdes quand les Turcs n'ont d'autre argument que celui, technique, froid, de "préservation de l'intégrité territoriale" ? A quoi bon taxer de "séparatiste" celui qu'on s'obstine justement à ne pas considérer comme son égal ? Où est la logique ?

Même Erdogan, pourtant si adroit quand il n'est pas conseillé, en vient à défendre l'Etat, l'Etat parallèle à son gouvernement, les forces obscures qui aiment à défaire ce qu'il a peloté. Lui-même jette un voile sur les défaillances de ses services de renseignement. Un conservateur islamiste qui prône l'injustice au nom des "intérêts supérieurs de l'Etat". Alors que son modèle, le Calife Omar s'effrayait à l'idée de rendre des comptes à Dieu si un loup dévorait un mouton au bord du Tigre : "Kenar-ı Dicle’de bir kurt aşırsa bir koyunu/Gelir de adl-i ilahi sorar Ömer’den onu". Le Tigre, comme par hasard, quel visionnaire...

Puisqu'il faut toujours s'abstenir de ramper dans les phrases pour dire en moins bien ce que les autres ont dit en orfèvre, laissons la parole à Ahmet Altan, rédacteur en chef du journal Taraf, un des rares journalistes turcs à pouvoir rester objectif ET partial, qui critique un Premier ministre larbin, flagorneur, suppôt de l'Etat : "Si tu te mets à diriger pendant dix ans un Etat sans l'avoir au préalable nettoyer de son poison, si tu tournes le dos à ton peuple pour accéder aux plus hautes fonctions, si tu deviens un complice de cet Etat, ce poison finira par couler dans tes veines. Tu seras empoisonné. Tu deviendras un élément corrompu d'un Etat infecté. Et tu commenceras à menacer, à mentir, à éluder, à calomnier. Et quand cet Etat que tu crois diriger bombardera sous tes ordres le peuple, tu défendras l'Etat. Tu ne formuleras même pas d'excuses. Sous ton gouvernement, cet Etat a déchiqueté 35 enfants de ce pays. Soit c'est l'Etat que tu diriges qui t'a tendu un piège soit c'est toi qui les as fait sciemment tuer. C'est lequel ? On a cru que tu avais été piégé mais en préférant défendre ceux qui ont bombardé, cacher la vérité à ton peuple, dénaturer les faits, tu nous as expliqués que tu n'avais pas été trompé. Alors rends-compte des enfants tués. Au lieu de t'agiter pour dire que l'Etat n'a pas bombardé son peuple, dis-nous comment l'Etat a bombardé le peuple. Qui a donné l'ordre de tuer ? Pourquoi ? Tu dis avoir été briefé par ton général de brigade, est-ce qu'il est venu à l'esprit de ton général de brigade de demander à la caserne qui se trouve là-bas s'il y a des contrebandiers dans les parages ? S'il ne l'a pas fait, pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? Pourquoi n'a-t-il pas pris ses dispositions avant le commencement des bombardements ? Tu lui as demandé à ton général de brigade ? Tu étais un homme du peuple quand tu as pris le pouvoir, tu te dressais contre les agissements de l'Etat, tu parlais avec ton peuple, tu lui demandais conseil, tu faisais la lumière sur les crimes de l'Etat, maintenant que tu es devenu un flagorneur de cet Etat, tu ne parles qu'avec tes agents, tes généraux, ton brigadier. (...) Explique-nous pourquoi vous avez tué ces enfants. Pourquoi ne vous êtes vous même pas excusés ? (...) Si ces morts étaient des Turcs, aurais-tu parlé de la sorte ? Tu as parlé comme cela car tu considères le militaire supérieur au civil, le Turc supérieur au Kurde. Honte sur toi, regarde-toi, tu étais le héros du peuple, tu es devenu le jouet de l'Etat. (...) Valait-il la peine de s'humilier ainsi pour accéder au palais présidentiel ? D'absorber le poison de l'Etat ? Tu as vu, toi aussi tu as fini par être empoisonné".

PS : "Devletin içindeki zehri temizlemeden o devleti on yıl boyunca yönetmeye kalkarsan, o devletin en tepesine tırmanabilmek için kendi halkına arkanı döner, devletin yardakçılığına soyunursan, o zehir kaçınılmaz olarak senin damarlarına da akar.
Sen de zehirlenirsin.
Zehirlenmiş bir devletin zehirlenmiş bir parçası haline gelirsin.
O zaman başlarsın tehditlere, yalanlara, saptırmalara, iftiralara.
O yönettiğini sandığın devlet senin emrinde halkını bombalar, sen devlete sahip çıkarsın.
Bir özür bile dilemezsin.
Senin başbakanlığını yaptığın devlet bu ülkenin 35 çocuğunu bombalarla parçaladı.
Ya seni kendi yönetimindeki devlet tuzağa düşürdü...
Ya sen bile bile öldürttün.
Hangisi?
Biz senin “tuzağa düşürüldüğünü” düşünüyorduk ama sen bombacılara sahip çıkarak, gerçekleri halkından saklayarak, olayları saptırarak, “tuzağa düşmediğini” anlattın bize.
O zaman öldürülen çocukların hesabını ver.
“Devlet halkını bombalamadı” diye tepineceğine, devlet halkı nasıl bombaladı onu anlat.
O insanların ölüm emrini kim verdi?
Niye verdi?
“Tugay komutanımla konuştum” diyorsun, tugay komutanın sana “bir dakika başbakanım, sınır karakoluna bir sorayım, orada gerçek kaçakçılar var mı” demedi mi?
Demediyse niye demedi?
Niye bombardıman başlamadan önce durumu kontrol etmedi?
Sordun mu bunu o senin “tugay komutanına”?
Sen milletin bir parçasıydın işbaşına geldiğinde, devletin bu millete yaptıklarına karşı çıkıyordun, gidip milletinle konuşuyor, milletine danışıyordun, devletin suçunu saklamaya çalışmıyor, devletin suçlarını aydınlatmaya, engellemeye uğraşıyordun, şimdi devlet yardakçılığına soyununca sadece istihbaratçınla, generalinle, “komutanınla” konuşuyorsun.
Sorsana o köydeki insanlara o gece neler olduğunu.
Bak BDP Eşbaşkanı Demirtaş sormuş: “Son bir aydır her gün gidiyorlar. Son bir aydır karakol izin vermiş durumda. 50 ve 100’er kişilik gruplar her gün katırlarla gidiyorlar. 28 aralıkta öğlen saatinde devletin karakolunun önünden gidiyorlar. Kaç kişinin gittiğini karakol biliyor. İki yol var, ikisi de karakolun önünden geçiyor. Bunların hepsi tanık anlatımıdır. Alışverişini yapıyorlar, geri geliyorlar. Öğlen geçtikleri iki yol da akşam saatlerine doğru köyün girişinde askerler tarafından kapatılıyor. İlk köylü grubu köye girmek üzereyken onlara kılavuzluk yapan bir kişi ‘Askerler köyü kapatmışlar, bekleyin’ diyor. Askerler mallarına el koyarlar diye bekliyorlar.”
Sana “komutanların” bunları anlatmıyor, değil mi?
Anlatıyorlarsa da sen bize anlatmıyorsun.
Biz senin dün yaptığın konuşmadan Uludere ile ilgili ne öğrendik?
Hiçbir şey.
Bir sürü boş laf.
Manasız bir bağırış çağırış.
Bu devletin zehrini yutan, milletiyle böyle konuşur zaten, korkutmaya çalışır, tehditler yağdırır, iftiralar atar.
Senin “komutanların” bunları daha önce çok yaptı, şimdi onların yerine sen yapıyorsun, yaşadığımız “büyük değişim” bu oldu, gerçek generaller yerine “sivil postuna bürünmüş generaller” çıkıyor artık karşımıza.
Bize, o sınır karakolunun varlığından haberdar olduğu 35 çocuğu nasıl, neden, kimin emriyle öldürttüğünüzü anlatmıyorsun, o akşam sınır karakoluna neden danışmadığınızı anlatmıyorsun, danıştıysanız karakolun size gerçeği niye söylemediğini anlatmıyorsun, yanlış istihbaratın nereden geldiğini anlatmıyorsun, o istihbaratı neden “çek edemediğinizi” anlatmıyorsun, sen bize hiçbir şey anlatmıyorsun bu katliamla ilgili.
Bu çocukları niye öldürdünüz, bize bunu söyle.
Niye bir özür bile dilemediniz?
Bu umursamaz, aldırmaz, devlet yardakçısı hallerinizle bütün bir Kürt halkını da kurban haline getirdiniz, sadece o çocukları bombalayarak değil, o bombardımandan sonraki o korkunç umursamazlığınızla bu ülkeyi hiç kimsenin beceremeyeceği biçimde böldünüz.
Ölenler Türk askeri olsa o kürsüde öyle mi konuşacaktın?
Askeri sivilden, Türk’ü Kürt’ten üstün gördüğün için öyle konuştun, senin gibiler yıllardır öyle gördüğü için zaten bu ülkenin acıları hiç dinmiyor.
Yazık sana, şu düştüğün hale bak, milletin yiğidiydin, devletin oyuncağı oldun.
Bir de kalkmış hiç yüzün kızarmadan bizim gazeteye laf ediyorsun, “bizim gazetenin arkasındakileri, emelleri, amelleri biliyormuşsun”.
Bu gazetenin “arkasındakilerle”, gizli emelleriyle, amelleriyle ilgili ne biliyorsan dürüst bir adam gibi lafı dolaştırmadan açıkla.
Açıklayamazsın çünkü yalan söylüyorsun.
28 Şubat’ın andıççı generalleri gibi iftira atıyor, kendi ahlakından da hepimizi kuşkuya düşürüyorsun.
Değer miydi bir Köşk için bu zillete?
Değer miydi gidip devletin zehrini içmeye?
Bak sen de zehirlendin sonunda".