mardi 9 juillet 2013

Allez, bismillah...

En ce début de Ramadan, il eût été inélégant de ne pas saluer le pontife d'Al Azhar, "la plus grande autorité sunnite au monde" et le président du CFCM, "l'instance représentative des musulmans de France". Un peu notre "mufti" national. Pour être poli, ajoutons le Guide de la Révolution iranienne, la plus haute autorité chiite... en Iran. Le premier est un putschiste, le second un médecin et le troisième un despote mais ça ne fait rien. Ils sont bourrés de diplômes et de sagesse. "Donc" de sagesse, ai-je voulu écrire tant la religiosité moderne est fonction d'un bout de papier ou d'une nomination mais j'ai changé d'avis...

Dieu est, sans conteste, charmé, que dis-je, ébloui. Son Prophète doit d'autant plus être épaté que deux d'entre eux sont "officiellement" des chérifs, autrement dit, des nobles issus de sa semence. Tout cela est fort sympathique. Assurément. Avec ces figures tutélaires, on se sent une sérénité intérieure, une quiétude. D'autant plus que le jeûne a débuté. Ou presque. Le Ramadan a commencé un mardi pour des millions, un mercredi pour d'autres millions; les seconds pèchent tandis que les premiers jeûnent. Ou les premiers pèchent alors que les seconds mangent. C'est selon. Selon quoi ? Bah, selon les interprétations. Selon les "méthodes". Une histoire de nouvelle lune, déterminée par télescope pour les uns, constatée visuellement pour les autres. Trop compliqué...

Un "islamiste" se serait épanché sur la fin du Califat. Un "pape" musulman aurait eu de la gueule, quoi ! Il aurait tranché, lui. Il existe certes une Organisation de la coopération islamique, avec un Turc à sa tête, s'il-vous-plaît. Un Turc oui, comme au bon vieux temps... Mais cette organisation intergouvernementale n'est qu'au stade d'un "bidule". Le vieux qui sirote son thé à la menthe au coude d'une ruelle n'en a jamais entendu parler. Oui, Al-Jazeera en dit des choses parfois mais il ne comprend pas la langue de cette chaîne; c'est trop littéraire. Or il fut une époque où des centenaires arabes pouvaient encore apostropher un Turc passant par là, "oui oui ça va, elhamdulillah, laisse béton tout ça, dis-moi, il va bien le Calife ?"...

Et si un "musulman non islamiste" ou un "musulman modéré" pour faire plaisir à mon prochain faisait le même rêve ? Le Calife, je veux dire. Celui dont Mustafa Kemal, un visionnaire pourtant, avait aboli la charge en 1924. Depuis, qui dit quoi, on ne sait plus. Les Turcs avaient réussi à convaincre leurs coreligionnaires pour passer au télescope, par exemple. Ça faisait scientifique donc moderne. Tout le monde était tombé d'accord mais bon voilà quoi, il était absent, lui, l'Ombre de Dieu. Et quand le chat n'est pas là,... Dit en passant, il ne vient à l'idée de personne de suivre le cours du Soleil pour déterminer les cinq prières quotidiennes; ils consultent tous une fiche des horaires, établis conformément au calcul astronomique. Ça ne froisse aucune conscience...

L'islam est, sauf votre respect, une religion "unique". En ce sens que son Prophète mourant n'a jamais désigné un successeur ni jamais institué un clergé. Mais ses ouailles ont crânement fait l'inverse. Résultat : un groupe de dignitaires qu'on appelle "ceux qui lient et délient" et un abadis de crédules qu'on appelle "les gens du peuple". Évidemment, le Coran (la "dictée surnaturelle" selon l'expression de Massignon) et la Sounna du Prophète (ses discours et ses gestes) avaient besoin d'interprètes; et le Diable est attiré par le vide. Il a donc fallu inventer des autorités et une théorie : le commun des mortels doit se fier aux savants. C'était admissible jusqu'au jour où il apparut que les "jurisconsultes" aimaient réfléchir ad hoc et ad hac. Un illuminé de chaque génération se mettait à reprendre tout le corpus ab ovo. Un seul livre avait pondu des encyclopédies...

Et ça fait, sans rire, 1400 ans d'âge. Et un constat : une religion brouillonne. Incapable de déterminer le jour de commencement (et à coup sûr, le jour de clôture) du mois le plus sacré. C'est que le Coran dit clairement que ce mois renferme un jour des plus sacro-saints, un jour qui équivaut à 1000 mois soit 83 ans. Les savants, encore eux, l'ont fixé au 27è jour du Ramadan. Le hic, c'est que 27 pour le mardiste est 26 pour le mercrediste... Malheureusement, l'apriorité de la mort nous empêche de savoir ce qui se passe là-haut. Je l'ai dit, le commun des mortels n'a pas un grand souci à se faire. Et il sera aux premières loges le jour J pour participer aux "grands procès". Sur les os de mes ancêtres, il faut être particulièrement fat pour passer comme un chat sur la braise...