vendredi 21 août 2009

Remue-ménage

Le mois de Ramadan commence. Et le jeûne, avec. Les masses sont donc joyeuses. C'est la coutume, en tout cas. C'est "le sultan des onze mois" disent les Turcs. L'ambiance va s'en trouver changée. Rabougris la journée, pimpants le soir. Les "jeûneurs" vont, littéralement, en baver. Près de 15 heures sans une goutte d'eau; le plus difficile.


Les règles sont précises : pas de nourriture, ni d'eau ni de sexe du "matin" (environ 2h avant le lever du soleil) jusqu'au coucher du soleil; le fameux "iftar". L'instant où une fois éprouvé la souffrance du pauvre, l'on rompt cet état en remerciant Dieu de ses bienfaits. En mangeant. "Doucement, pas comme un bouffon !"...


Bien sûr, tout le monde n'est pas en extase. L'on jeûne par devoir ou par tradition. Certains arrivent à ressentir le souffle divin. Il est difficile de jeûner "pour de bon". Certains y arrivent; jeûner en comprenant son esprit : s'installer sur un nuage, ne serait-ce qu'un bref instant. S'enfermer dans son for intérieur. Se purifier.


Les émissions vont également commencer : "je me suis lavé les mains, suis-je toujours en jeûne ?", "mais oui voyons !", "j'ai bu de l'alcool sans faire exprès, quid ?", "oust !"... Et il faut manger cela, boire ceci, etc. Théologiens et médecins accaparent les écrans pendant un mois. Et l'on prend les imams pour des docteurs, à l'occasion : "j'ai de la tension, vais-je mourir ?"... C'est vrai que les théologiens aiment parfois consulter, aussi : "ne pissez pas debout, vous aurez des problèmes de prostate", "jeûnez et votre santé se porterait mieux", etc. Bon.

Ce sont les questions que les gens vont adresser aux professeurs de droit islamique, que j'attends. Tous les ans, l'on a droit à des perles : du genre "vous pouvez macher du chewing-gum", "attention à ne pas utiliser de dentifrice en vous brossant les dents la journée !", etc. Et certains de demander : "je peux m'installer à côté de mon pote qui fume et profiter de la fumée, hein ?", "on n'arnaque pas Dieu, dégage !". Un branle-bas de combat. Et les femmes posent invariablement la même question : "je peux jeûner quand j'ai mes règles, hocam ?" Il est vrai que les théologiens ne sont pas d'accord entre eux, on ignore donc, pour l'instant, ce que Dieu veut. Il faut une harmonisation des fatwas, à coup sûr.


C'est le côté formel, tout cela. Il faut surtout lire le Coran et les hadiths, nous avertissent certains hommes de religion éclairés. Avec des migraines, en plus. Quand on a faim, on a mal. Même ceux qui aiment lire sont à moitié assommés. Alors, on s'en remet au sommeil. Il fait chaud, on a faim, soif, on est exténué, rachitique. Il avait donc raison Bourguiba; il invitait les Tunisiens à ne pas jeûner afin de ne pas entraver le développement économique du pays... "Bon ça va, t'en a fait un camp !". L'on comprend du coup les indigents. Et l'on plonge notre tête dans nos mains liées. L'on saisit des choses. L'on vient d'atteindre la grâce, sans s'en rendre compte...