dimanche 16 août 2009

Sérénité

Tiens, encore lui; Cemil Ipekçi. Le célèbre styliste turc. Et homosexuel revendiqué. Quoique. Je me demande si les stylistes ou les modélistes ont besoin d'avouer leur homosexualité; l'on croirait qu'il y a une corrélation entre les deux états. Barbaros Şansal, Karl Lagerfeld, Yves Saint Laurent, Jean-Paul Gaultier, etc.; les gens de la couture fournissent, sans conteste, un bon contingent.


Ipekçi est connu en Turquie; un neveu de feu Leyla Gencer. Un conservateur, par-dessus le marché; à sa façon. Il est efféminé, tout le monde comprenait. Ou plutôt tout le monde savait puisqu'il le disait lui-même : "je suis un homosexuel conservateur". Et personne ne le bouda. Il y a quelques jours, il avait annoncé qu'il allait se fiancer; et la mère traditionnelle turque s'en était soulagée : "voilà ! comme ça, mon garçon, reviens au droit chemin et arrête de pervertir nos jeunes !". Résultat : il est en vacances avec... son fiancé.



"Tüh, Allah belanı versin" a dû sortir de la bouche de ceux qui ne s'y attendaient pas. Avec un "Sivaslı", en plus; Sivas : un bon coin phallocrate de l'anatolie. Un mâle. Imaginons qu'il tente une action en justice pour pouvoir se marier avec son jules; il serait capable. Les problèmes commenceront, évidemment. Car le "dégénéré" n'est bien que lorsqu'il fait profil bas dans les sociétés conservatrices. De l'exotique.

Il y a une profonde tolérance chez les Turcs; ceux qui ne ferment pas l'oeil de peur de se réveiller un beau matin dans un Iran bis, doivent se rasséréner, en réalité. La société turque est ainsi faite; pleine d'ambiguïtés : des machos qui baissent la tête à la première remontrance de leurs mères, des conservateurs qui savent fermer l'oeil de temps à autre, des kémalistes qui savent s'adoucir même en écoutant Cübbeli Ahmet Hoca. Le "ressort" de la société turque est fondamentalement bon; la Turquie n'a jamais connu un régime extrémiste dans son histoire et sa bénignité est proberbiale. Au 17è siècle, les prostitués homosexuels formaient un ordre professionnel dans l'empire ottoman et participaient aux manifestations impériales officielles...

L'on bascule, nous apprennent certains. L'on se dirige vers l'obscurantisme. Malgré les explications des sociologues, anthropologues et historiens, certains ne bougent pas d'un iota dans leur délire. Avec un Etat qui n'a jamais connu totalement la charia, une société qui n'a jamais sombré dans un intégrisme d'aucune sorte, il devrait être démodé d'avoir peur. Et les fantasmes des Turcs viennent d'être analysés par les chercheurs : sexe dans l'ascenseur, dans la voiture, dans la piscine, dans l'avion, onanisme, viol, sexe avec un Noir pour les femmes et avec une Slave pour les hommes, etc. Pas très canonique tout cela ! Ce n'est pas avec des dispositions telles que l'on risque de basculer... Ca tombe bien, personne n'a ni le souhait ni l'intention de le faire. Et ceux qui y croient toujours sont appelés à changer d'avis; vivre dans l'affolement nuit à la santé. Et au pays, surtout...