dimanche 22 novembre 2009

Des valeurs européennes

L'on ne pouvait pas faire mieux. La recherche de l'identité nationale. La France et la Turquie se ressemblent tellement. N'en déplaise à M. Sarkozy. Celui qui a du dédain pour les Turcs; l'Empire ottoman, la terre de ses ancêtres martyrisés, au temps jadis, par les "Très Catholiques". Il faut avoir un talent pour être ingrat, c'est sûr, ça ne s'invente pas. D'ailleurs, les Turcs n'arrivent toujours pas à oublier ce fameux chewing-gum qui encombrait sa bouche alors qu'il accueillait le Président Gül. Les valeurs européennes sans doute, être "cool" sans arrêt. L'on s'attendait presque qu'il se mît à gonfler sa gomme; avec des grosses bulles. Les "chiclettes", très connues en Turquie; les femmes désoeuvrées en raffolent. C'est un art que de mâcher une gomme.


Evidemment, la question des civilisations a refait surface depuis que l'Union européenne a trouvé son "Président". Une potiche. Un numéro de téléphone au moins, c'est déjà ça. Jadis, Kissinger avait beau éplucher le répertoire, il n'arrivait pas à trouver un interlocuteur. Désormais, en voici un. Un Belge, par-dessus le marché. Un très beau symbole. Le Premier ministre d'un pays au bord de l'éclatement... "Arrête de dire ça, on l'a trouvé durement déjà !", "franchement, c'est quoi qui vous a poussé à le sortir de son patelin", "dis pas ça, il déteste les Turcs et les musulmans en général, c'est un bon critère !". Bon. Sarkozy et Merkel ricanent.


Un Président. A la première question qui lui a été posée, il a trébuché : "alors très cher, la Turquie dans l'Union ?", "bah j'en sais rien moi, c'est les 27 qui vont décider !"... Heureusement que les journalistes savent fouiller dans les archives; on apprend du coup que Monsieur le Président avait affirmé en 2004 : « Un élargissement à la Turquie ne peut d'aucune manière être comparé aux vagues d'élargissement précédentes. La Turquie n'est pas l'Europe, et cela ne sera jamais. Les valeurs universelles qui ont cours en Europe, et qui sont aussi fondamentales dans la doctrine chrétienne, seront diluées par l'entrée d'un grand pays musulman tel que la Turquie ». Ben voyons. Heureusement que je suis opposé à l'entrée de la Turquie dans l'UE, je ne m'essuie pas les yeux... Mais évidemment, lorsque l'on occupe un poste d'importance et qu'il faut se couler dans le moule, on se doit de balayer tous nos anciens propos; "ce fut une maladresse de langage". Kouchner et Lellouche en sont les exemples typiques.


On croit dire des choses sérieuses lorsqu'on pointe le fossé entre les valeurs européennes, nécessairement chrétiennes, et les valeurs turques, évidemment arabo-musulmanes. C'est que l'on n'a pas pu trouver pour l'instant, un autre argument plus sérieux. D'ailleurs, personne n'a pu encore réciter le chapelet. Une Irlande qui refuse bravement l'avortement, une Grèce officiellement orthodoxe avec un mont Athos dont l'existence aurait fait scandale s'il existait en Turquie (aucune créature femelle n'y serait admise !), une Suède qui ouvre désormais les portes de ses églises aux couples gays, une Italie qui n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi la Cour européenne se mêle de ses crucifix gentiment exhibés dans les écoles, une France qui multipliait les crises de syncope lorsque tous les autres voulaient inscrire les racines chrétiennes de l'Europe dans sa Constitution, un Royaume-Uni où le chef de l'Etat dirige, excusez du peu, une Eglise, etc. L'Europe brille effectivement par sa cohérence.


C'est qu'il est difficile d'avouer, comme on le sait. L'islâm. Les Européens n'aiment pas les musulmans parce-qu'ils sont polygames, qu'ils voilent leurs femmes, qu'ils rougissent devant une scène olé olé, qu'ils font trop de bruit dans l'immeuble, qu'ils profitent de toutes les aides sociales, qu'ils ne savent pas s'excuser quand ils bousculent, qu'ils puent, etc. Une représentation; et c'est tout à fait normal, on extrapole toujours. Mais ce n'est jamais le Marocain, le Malien, le Turc, l'Algérien, c'est le musulman. Comme on a l'habitude de le faire pour le juif. C'est l'Europe qui a créé les plus dangereuses idéologies, faut-il le rappeler... La réflexion demande de larges tranches de temps, évidemment. Or il faut coller les étiquettes le plus rapidement possible. Un Turc bouscule une mémé, c'est un musulman, évidemment; une voilée se dépêche pour chiper une place dans le métro, c'est une musulmane mal élevée, évidemment. Un pléonasme, d'ailleurs.


Il faut briser sa coque, nous dit-on, "allez, tiens ce verre, tchin tchin şekerim", "merci canım". Il faut donc pour devenir chrétien c'est-à-dire européen que les Turcs, paradoxalement, se sécularisent plus. "T'imagines des femmes voilées s'amasser aux champs-élysées !", "bouh !". On l'oublie souvent mais le droit turc est laïque; aucune trace de droit musulman. Si la différence ne se situe pas au niveau normatif, c'est qu'elle se retrouve au niveau sociologique; et c'est là que jaillit l'incohérence : pourquoi réclame-t-on alors l'intégration des immigrés (essentiellement musulmans) si d'emblée, on a décrété qu'il n'y avait aucune possibilité de cousinage ? Un slogan. Soit dit en passant, le droit musulman n'est-il pas plus "soft" que le droit hébraïque ? Il suffit d'étudier la situation de la femme dans ce dernier système, on en sort effaré... Mais valeurs judéo-chrétiennes, nous dit-on, n'est-ce pas ?


Bon allez on peut le dire maintenant; les valeurs cardinales européennes : la morgue, l'intolérance, l'hypocrisie. Les "ismes" les plus psychopathes sortent de là, désolé de le rappeler. Alors que l'Orient envoie sans arrêt des Prophètes... Si Mehmed II s'était converti sur les instances de Pie II, l'axe Paris-Berlin-Constantinople dirigeait l'Europe d'aujourd'hui. Et personne n'aurait pris une équerre, un compas, une règle pour délimiter des géographies ni ouvert des livres pour souligner le fossé civilisationnel; le christianisme nous aurait soudés. Comme au bon vieux temps. Sans partager aucune valeur chrétienne, d'ailleurs... Des couples gays dans les églises suédoises, une femme à la tête des Anglicans, un barbu chez les orthodoxes... Même les Européens n'ont toujours pas compris que ce qui les unit, ce n'est pas les valeurs chrétiennes, c'est la simple croyance que les valeurs chrétiennes les unit. Un mirage. Chut ! ne les réveillons pas, je ne veux pas d'une Turquie dans l'Union européenne... Elle doit continuer à se croire d'essence chrétienne.