dimanche 31 octobre 2010

Sexologique

Je me demande parfois ce que doit bien ressentir Sa Sainteté Benoît XVI lorsque Berlusconi lui baise la main. Deux hommes de droite, pourtant. L'un est conservateur, l'autre est "réactionnaire", fonction oblige. Mais c'est que l'un est un "dépravé" notoire, et l'autre, pardon, le Saint-Père, est à la tête d'une Église qui compte pas mal de types qui, comme le dirait Prosper Mérimée, ne hantent "les églises que pour y chercher des occasions de péché". C'est à pouffer. Il doit être immunisé, l'évêque de Rome, cela dit. Mithridatisé. C'est qu'au fil du temps, il a lui-même compris que ceux qui s'empressent d'emboucher sa main souillent plus qu'ils honorent l'anneau papal...


On s'en souvient. Notre Président avait dû se rendre seul au Vatican. Car le Pape ne voulait pas d'une femme qui passe pour dévergondée. C'était une manière, en réalité, de s'aligner sur ce qu'avait écrit le journal iranien Kayhan. Mais là, ça ne choque pas. Personne n'a pensé à hausser le ton, évidemment. Car c'est le Souverain Pontife qui le dit. En son temps, les officiels saoudiens avaient également opposé un veto à son arrivée au royaume. C'est qu'elle n'était alors que la "maîtresse" du Président. Dommage d'ailleurs, on aurait eu l'occasion de voir la First Lady saoudienne, peut-être...


Berlusconi, donc. On sait que la bouche du sexagénaire sécrète un filet de bave lorsqu'il voit une chèvre coiffée. D'ailleurs, il vient de le reconnaître : "j'aime la vie, j'aime les femmes". C'est un homme, nom de Dieu. Il désire. Même à 74 ans. Faire des galipettes à cet âge-là n'est pas aisé, à coup sûr. Lui, il exulte. Et le leader du parti démocrate, un homme de gauche, demande sa démission alors qu'il devrait l'envier. "Pourquoi ?", "Parce-que ça serait indigne ce qu'il fait", "au XXIè siècle ?"... Je ne sais pourquoi mais lorsque les termes gauche et morale ont l'occasion de se frôler, j'ai envie d'éclater de rire. C'est bête; c'est injuste. Mais c'est comme ça.


Berlusconi, un pédophile de plus. Ou éphébophile pour être précis. Sa minette avait 17 ans, cette fois-ci. Évidemment au XXIè siècle, coucher avec un "mineur-majeur sexuel" consentant n'est pas répréhensible, Dieu merci. Car comme on le sait, nos hauts fonctionnaires ont pris soin, un de ces jours, de distinguer majorité civile et majorité sexuelle. Et comme on s'y attendait, c'est la seconde qui s'atteint le plus vite; en France, pour voir la feuille à l'envers, il faut avoir 15 ans et pour voter 18 ans. Pourquoi ? Personne ne le comprend. Dans les religions, c'est simple : le jour où des cartes de géographie ornent les draps, on est majeur dans tous les sens du terme. Car quand on se confronte à un liquide qui vient de soi à l'impromptu, on grandit. La panique, les cachotteries entraînent attention, délicatesse, vigilance et finalement conscience. La fertilité rend mature. C'est "l'irruption de l'esprit", pour reprendre un concept cioranien.


A 15 ans donc, on peut mettre en pratique ce qu'on apprend dans les cours de biologie. Les films pornographiques restent cependant interdits aux moins de 18 ans et les films érotiques aux moins de 16 ans. Incohérent, non ? Le boutonneux de 15 ans peut avoir goûté à toutes les expériences sexuelles qu'impose l'air du temps, il n'aura pas le droit de regarder un "simple" film érotique. Larry Clark, par exemple, expose ses photographies relatives justement aux "dérives de l'adolescence" mais la ville de Paris interdit l'accès aux mineurs. Car le code pénal veille. Le problème n'est pas l'interdiction; c'est ce dont on doit entendre par la minorité.


A une époque où l'âge de "la première fois" baisse, il faut un changement de paradigme, évidemment. Rien de nouveau. Les pétitions des années 70 sont connues. Un mineur est civilement responsable à 13 ans; une mineure peut obtenir la pilule à 13 ans. Où est la logique ? Pourquoi ne peuvent-ils pas s'enlacer et "plus si affinités" ? Ce n'est pas moi qui le dis, non, c'était Aragon, Barthes, Beauvoir, Deleuze, Glucksmann, Kouchner, Lang, Sartre ou Sollers entre autres...


En réalité, le fond du problème est clair : l'Etat fixe une norme de pudeur. Pas de sexe avant 15 ans. Pourquoi ? Parce-que. Voilà où nous en sommes. Ce qui relève de la morale a un appui législatif. C'est cela qui est illégitime. L'argument qui est souvent invoqué est tout sauf pertinent : le mineur de moins de 15 ans ne saurait discerner ce qui est convenable et ce qui est redoutable pour sa vie. Il faut le protéger des prédateurs; au besoin, malgré lui. Or, personne ne peut me convaincre qu'un pubère à qui on apprend des sujets aussi graves dans les programmes scolaires est intellectuellement immature. On comprend donc qu'il s'agit tout bonnement d'une lubie de l'Etat de définir la moralité. Or, les enfants sont sous la verge de leurs parents, pas de l'Etat. La sexualité des citoyens n'est pas une affaire de l'Etat et la Nature humaine n'a sûrement pas à être rajustée par lui...