"Toute réforme portant atteinte à la foi, aux traditions et aux valeurs est appelée hérésie". Leçon inaugurale du nouveau patriarche de "toutes les Russies", Kirill. Effondrement des masses. Comme si tout le monde attendait un hérésiarque à la tête de l'Eglise orthodoxe. Surtout après Alexis II, celui dont la carrure faisait presque fuir.
Pas de modération donc dans la lutte contre "l'état d'esprit permissif". A bon entendeur, salut ! "Arrêtez de bougonner, bande d'ingrats, vous jouissez des délices de la chair, que voulez-vous encore ?" C'est vrai que les popes orthodoxes ont l'essentiel par rapport aux prêtres catholiques, affamés dans ce domaine. Toujours le même passage qui me revient à l'esprit, la complainte du Padre Amaro (Eça de Queiroz) : "pourquoi l'Eglise interdisait-elle à ses prêtres, à des hommes qui vivent parmi les hommes, les joies les plus naturelles, auxquelles même les animaux ont droit ? Comment concevoir qu'il suffise à un vieil évêque de dire à un homme jeune et fort : "tu seras chaste" pour qu'à l'instant son sang se glace dans ses veines, pour qu'un seul mot latin, accedo, prononcé en tremblant par un séminariste apeuré éteigne à tout jamais la formidable rébellion de sa chair ? Et qui a inventé cela ? Un concile d'évêques décrépits, venus du fond de leurs croîtres, de la paix de leurs écoles, racornis comme du parchemin, impuissants comme des eunuques !" Citation.
Le Pape n'est pas très tendre non plus dans ce domaine. Un dur; mais capable de souplesse quand il le faut. Ainsi, les excommunications contre les dissidents intégristes ont été levées; les suiveurs de Mgr Lefebvre. "Allez revenez mes petits, j'éponge tout, Dieu suivra". Des ultras du catholicisme, nous disent les spécialistes : messe en latin, dos tourné aux fidèles, déni de la liberté religieuse, etc. Les "nouveautés destructrices de l'Eglise". Le Britannique nouvellement absous était tellement content qu'il en perdit son latin : "ouais, et en plus, les chambres à gaz, c'est du pipo, alors qu'est-ce que t'en penses ?". Les journalistes se sont donc tournés vers le Vatican : "bah, il commence déjà à divaguer, qu'est-ce que vous allez faire ?", "C'est contraire à l'enseignement de l'Eglise hein, mais on ne va pas le sanctionner pour cette fois-ci, ça devient du pataugis après". Comme une comédie.
L'Eglise de Suède est dans une autre planète, aussi. Elle se demande s'il ne faudrait pas autoriser les mariages homosexuels à l'Eglise. L'on avait déjà aperçu la cléricaille luthérienne défiler à la Gay Pride en 2007 au nom de "l'amour". Les "bénédictions" des couples homosexuels étaient déjà courantes; maintenant, l'on passe à la vitesse supérieure : "tu jures de lui être fidèle toute ta vie ?", "Mais non, mon Père, la fidélité ne fait pas partie des devoirs du mariage chez les homosexuels, il ne manquait plus que ça !"... Les Anglicans étaient au bord de l'éclatement l'été dernier : les évêques africains avaient même refusé de participer à la conférence de Lambeth; "vous êtes des apostats" avait même lancé Peter Akinola, archevêque du Nigéria, figure de proue du courant conservateur. "Mais c'est rien, même Jésus était homo; sans doute; enfin, peut-être; après tout, il ne s'est jamais marié et il se trimbalait avec une horde d'hommes", dixit Gene Robinson, évêque homosexuel américain. Jadis, Desmond Tutu, celui de l'Afrique du Sud, avait lancé un ultimatum à son Dieu : "oh tu sais, moi de toute façon, je ne peux pas croire à un Dieu homophobe", "tais-toi, hérétique chevronné !" a dû rouspéter Peter Akinola.
Tellement de divergences fondamentales que l'on se demande toujours si c'est bien le seul Christ et le même Saint-Esprit qui ont été à l'oeuvre. Avant, on se contentait de dépiauter les textes; maintenant, on s'efforce de les dénoyauter. Je l'ai toujours pensé : en matière de religion révélée ou inspirée, il n'y a pas de table de négociation sur les fondements; un principe juridique : interpretatio cessat in claris. Mais il y a la liberté de pécher. Et personne n'a à s'en offusquer. Arrête de faire le Zoïle, viens, on va narguer Dieu, tu viens ? Vade Retro !