samedi 12 septembre 2009

"Allez fissa, Brice boutefeu, dégage"

Il y a deux types de scandales : celui qui est brillamment inhibé et qui sera, du coup, ranger dans la catégorie des "blagues de mauvais goût" et celui qui, trop évident pour être couvert, éclate à la figure même de son auteur. Et ce dernier suscite, généralement, une réprobation unanime sinon une proscription : Georges Frêche, Jean-Marie Le Pen, Paul Girot de Langlade, Jacques Chirac en son temps ("le bruit et l'odeur"), etc., en savent quelque chose.

En réalité, tenir sa langue est un art; pour les plus diserts, c'est une industrie. Et l'on sait que l'être humain a tendance à changer de nature en présence des tiers et à dire, à faire des choses qui ne reflètent nullement le fond de sa pensée ni l'essence de sa personnalité. Qui ne fanfaronne pas, qui ne fait pas l'intéressant devant les autres ? J'ai toujours été surpris de voir des connaissances dire des choses sur moi devant tout le monde alors qu'elles n'auraient jamais osé me les dire directement, à huis clos. La présence des étrangers nous remplit d'audace et nous fait changer, passagèrement, de nature. C'est ainsi. C'est difficile d'avoir une attitude identique à toute épreuve. Je ne connais que François Mitterrand qui a réussi ce pari; la personnification de l'équidistance.

Alors Brice, qui vient de l'immigration comme on sait (le ministère s'entend), s'est défoulé à l'occasion d'une rencontre avec les militants; à un jeune militant d'origine arabe qui le harcelait pour prendre une photo ensemble et en réponse à une vieille crétine qui rappelait, émerveillée, que ce brave arabe était "comme nous" puisqu'il mangeait du porc et buvait de la bière, il lâcha : "un ça va mais franchement quand il y en a beaucoup, hein !". Et toute l'assistance de s'esclaffer, à commencer par l'arabe de service qui, à en croire sa passivité, n'a pas les dispositions nécessaires pour comprendre qu'on l'insultait à moitié. En tout cas, ses origines. Mais comme il mangeait du porc et buvait de la bière, sa réaction, de toute façon, n'aurait pas valu. Puisque loin du "prototype".

Et Jean-François Copé se marre également. Lui aussi, un presque-arabe pas comme les autres. Et Xavier Bertrand essaie de dire des choses, le rictus toujours aussi parfait; on se rend compte qu'il est à la limite de la lucidité lorsqu'il défend son compère : "allez avouez-le, socialistes ! Vous voulez escamoter l'annonce historique de la taxe carbonne, hein !"... C'est devenu une tragi-comédie : le Président de la République en tête, tout le gouvernement le soutient. Même Fadela. Même Nora. La solidarité ! "Il n'y a pas de politique sans internat" disait Jean-François Deniau (version plus travaillée de la fameuse maxime chevènementienne, "un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne").

Le même ministre n'a pas hésité à mettre, d'office, le Préfet de Langlade, qui avait mal maugréé, en retraite. Au nom des valeurs qui font la France. L'un se désolait de l'augmentation de la délinquance quand un gitan passait par là, l'autre dit la même chose pour les arabes. Evidemment, il a renié; sans rougir, d'ailleurs. Il n'en a pas besoin puisqu'il a une drôle de tête qui reste assidûment écarlate.


Les socialistes s'en donnent à coeur joie, évidemment. Une belle "gaffe" qui devrait faire tomber la tête normalement, mais bon. Il faut dire que la gauche défend, par philosophie, les droits des immigrés. Et ces derniers votent toujours pour elle. Même s'ils détestent les communistes au bled, en France, ils les soutiennent. Je n'avais jamais voté comme un immigré jusqu'à maintenant, devrais-je ?

L'on est condamné à garder nos bagages sous les bras, sans pouvoir les poser ni dans ce pays ni dans l'autre. L'un nous demande de nous intégrer, l'autre dit, "un par un". Lors des élections européennes, c'était l'extrémiste néerlandais qui dressait des philippiques contre les musulmans. Car trop nombreux. Personne ne s'en offusqua outre-mesure. Et Brice est tout de même veinard puisque même Fadela qui, depuis le départ de Rachida, est la "beurette" en chef, vient l'épauler : "mais c'est de l'humour, pfff !". D'ailleurs, ça commence toujours comme cela; d'abord de l'humour, ensuite, autre chose. La banalisation est toujours un premier pas. Il y a encore des pathologies qui restent à être soignées dans les démocraties. Assurément.