samedi 27 mars 2010

Des oiseaux sur la branche

On savait que rien, au fond, ne serait réglé. C'est qu'il y a une sorte de gêne à admonester Israël. Le retour de Bibi a été triomphal; "t'as bien fait, tu n' t'es pas abaissé, c'est bien mon frère!" lui ont soufflé ses camarades du gouvernement. Les nationalistes et les religieux. Les "fondamentalistes" juifs. Ils veulent Jérusalem-Est aussi. Ca serait un haut lieu de leur histoire. Comme si cela suffisait à réclamer des terres. C'est qu'on serait un peu "mal barré" si tous les peuples du monde entier demandaient des rétrocessions au nom de leur mémoire. Droit international contre Bible. Un "titre de propriété" comme le disait Ben Gourion. C'est comme ça.


Il était aux Etats-Unis, le Premier ministre israélien. La construction de nouveaux logements a été annoncée. Evidemment. Et lorsque Biden était en Israël, c'était l'édification d'un village qui avait été annoncée. Tout cela sur les terres des autres. Certains ont râloté, histoire de passer convenablement à la postérité. La Dame Clinton avait papoté 45 minutes avec Bibi, "oh tu nous emmerdes avec tes logements, arrête nom de Yahvé !", "d'accord, promis, juré". Quelques jours plus tard, Bibi s'était retrouvé devant ses féaux et amés cousins de l'AIPAC; il était viril, comme à son habitude : "Jérusalem n'est pas une colonie, c'est notre capitale !". Ben voyons...


Il est normal que les Grands de ce monde veulent voir le bout du tunnel; pas pour les beaux yeux des Palestiniens ni des Arabes ni des musulmans, non. C'est qu'ils pensent avant tout à leur propre sécurité. Car, comme on le devine, ce conflit nourrit les crispations. Les musulmans soutiennent les Palestiniens pour des raisons religieuses (et pas forcément humanistes) et haïssent au passage les dirigeants israéliens. Du coup, sans le vouloir, sans le ressentir, sans le penser, ils n'apprécient pas trop les Israéliens en général ou pour être plus précis, les juifs.


L'antisémitisme n'existe pas dans la mentalité musulmane, en réalité. L'antisémitisme vient de l'Europe. Il a accéléré la création de l'Etat d'Israël. Les antisémites européens se sont retrouvés sionistes. Dans le monde musulman, c'est l'antisionisme qui a engendré l'antisémitisme si tant est que l'on puisse parler d'antisémitisme. Car au fond, le musulman est réservé sur le juif, pas parce-qu'il est juif (ça c'est la pathologie chrétienne, l'antipathie), mais parce-qu'il soutient une injustice faite à des musulmans. Ce n'est pas le juif que sa rancoeur enveloppe, c'est l'Israélien. Et comme ce dernier se définit avant tout comme juif... Car juifs et musulmans ont vécu ensemble pendant des siècles. Certes sans forcément se mêler mais leur coexistence est un fait. Ils ont partagé le droit le plus fondamental, le droit à la vie.


Bibi ne veut pas la paix, comme on le sait. Il a surtout besoin d'ennemis. Les Etats-Unis d'un côté, le Quartette de l'autre, supplient Israël, l'Etat le plus chouchouté du monde, de rentrer dans le rang. Respecter "la légalité internationale" lui demande-t-on; en clair, les résolutions du Conseil de sécurité. "C'est ça ouais !" vient de leur lancer Bibi; la construction à Jérusalem-Est va continuer. La "capitale" d'un Etat étranger. Bibi l'a annoncé : "mes chers amis, mes très chers ennemis, construire à Jérusalem est la même chose que construire à Tel Aviv et toc !".


Un Etat arrogant. Tellement arrogant qu'il n'avait pas hésité à faire des choses sur le dos de ses alliés; l'histoire des faux passeports pour aller assassiner un responsable du Hamas à Dubai. Le Royaume-Uni vient de s'en offusquer, enfin. Un diplomate israélien a été expulsé. Et l'accueil réservé aux Etats-Unis n'était pas non plus des plus cordiaux. Presque "entre deux portes", ni média ni communiqué ni égard. Mais rien n'y fait. Tous les présidents américains ont été impuissants.


Elle est là la clé : l'affaire palestinienne. Le monde a besoin du règlement de ce conflit pour s'apaiser. On n'arrive même plus à espérer. Il y a une croyance chez les musulmans; on dit que c'est un hadith du Prophète : «L'Heure suprême n'arrivera que lorsque les musulmans combattront les juifs et les tueront. Lorsque le juif se cachera derrière un rocher ou un arbre, celui-ci dira : Ô musulman, un juif se cache derrière moi, viens le tuer. Seul «Al Gharqad» gardera le silence car il fait partie des arbres des Juifs» (Muslim). Le CRIF, l'an dernier, s'était offusqué. A raison. Un professeur turc, quant à lui, essayait de nous convaincre l'an dernier que les Israéliens plantaient à tour de bras cet arbre "au cas où"... "P'tain tout le monde prend au sérieux ce hadith, on est dans un délire !", "t'as vu, les musulmans aussi sont antisémites, c'est votre prophète qui le dit, alors, où elle est cette tolérance proverbiale ?", "euh..."


C'est donc un conflit religieux. Ca ne finira jamais. Comme le disait Rabin, "il n'existe pas de solution à un conflit théologique". C'est la raison pour laquelle le Guide Khamenei et autres nervis ne se lassent pas d'annoncer la destruction d'Israël. Ils brandissent ce hadith. Pourquoi négocier et trouver une solution alors, puisque, in fine, une déflagration va nécessairement se produire dans ce coin de la planète ? On dit même que Shimon Peres, interrogé sur ce hadith en 1986 alors qu'il était Premier ministre, aurait répondu : "lorsque les musulmans dont parle ce texte seront là, on avisera".


La brume est épaisse. On s'interroge; funestés que nous sommes.
"Vous qui veillez ! N'êtes-vous pas fatigués
De surveiller la lumière dans notre sel ?
Et du feu des roses dans notre plaie,
N'êtes-vous pas fatigués, vous qui veillez ?" (Mahmoud Darwich)