mardi 8 février 2011

Vive le Roi !

Une nouvelle révolution, nous dit-on. L'Egypte s'agite, Moubarak semble vaciller, les Frères musulmans semblent percer. Un "étranger" qui se nomme El Baradei apprend à sortir dans les rues égyptiennes et à se faire bousculer dans la bonne humeur tandis qu'un oligarque, Amr Moussa, se la joue démocrate et se fait déjà porter sur les épaules. Celui-là même qui avait dû se rasseoir rapidement sur les instances de Ban Ki-Moon alors que le Turc Erdogan claquait la porte. A Davos. Il faisait "pitié" à l'époque, passez l'expression. Aujourd'hui, comme les dés sont jetés, il gagne en confiance. Les serviteurs de Moubarak rectifient leur titulature, c'est la mode. "Ah non alors ! J'étais ministre de la République égyptienne, pas de Moubarak ! Allez, allez, dans les révolutions, il ne faut pas se poser trop de questions !"...


Tout le monde a les yeux rivés sur la "rue arabe". Et sur le "modèle turc". Car il faut démontrer aux gens affolés que l'islam et la démocratie sont compatibles. Israël pique une rage, par exemple. Il préfère les dictatures; apologie de la laisse. Car il pense d'abord à son peuple, il faut le comprendre. C'est que la démocratie, dans un pays arabe, serait contre-productif : elle laisse le gouvernail aux anti-démocrates, comprenez les islamistes. Et les islamistes veulent assidûment la destruction d'Israël. Les Palestiniens, par exemple. On leur avait dit de voter. Ils l'ont fait, d'ailleurs. Mais mal. Malheur au technocrate qui, un beau jour qu'il s'ennuyait dans son bureau du 15è étage, avait décidé d'exporter la démocratie ! Depuis, la sentence s'est imposée : les Arabes sont immatures...


A Istanbul, l'éternelle capitale de l'Empire, une vieille dame suit, sans doute de très près, la déflagration. La dernière "Première Dame" de la monarchie égyptienne, la princesse Fatma Neslişah. Elle vient d'avoir 90 ans. Épouse du Régent égyptien Muhammed Abdulmümin (1952-1953). Mais surtout, petite-fille du dernier sultan ottoman Vahidettin Mehmet VI, par sa mère (Sabiha Sultan, la femme dont Mustafa Kemal avait demandé la main mais qui avait refusé) et petite-fille du dernier calife Abdülmecid Efendi, par son père. La dernière sultane ottomane à être née sous l'empire et donc mentionnée dans le registre impérial des naissances.


L'Egypte, comme on le sait, a été dirigée par des familles étrangères. Des xénocraties, sans interruption depuis les Pharaons. Ce n'est qu'à partir de Naguib et surtout de Nasser que les Égyptiens ont repris leur destinée. C'est que la dynastie Mehmet Ali était une famille ottomane. On parlait le turc dans la cour du Khédive, devenu un temps Sultan et à partir de 1922, Roi d'Egypte. C'est un peu comme les Bernadotte en Suède. Une famille française. J'ignore si ces derniers parlent toujours le français, la langue de leur ancêtre qui, faut-il le rappeler, a toujours eu du mal à parler le suédois...


Le roi Fârûq (1936-1952) avait fini par abdiquer en faveur de son fils, un bébé de 6 mois, Fouâd II. La Régence fut assurée par le prince Abdulmunim, le mari de la princesse Fatma Neslişah. Elle ne durera qu'un an. Le roi Fouad II vit actuellement en France. Sa tante, Fawzia Shirin, une des plus belles femmes au monde, était la première épouse de Reza Pahlavi. Elle aussi, a 90 ans. Et vit en Egypte.


Neslişah Sultan est la "grand-mère" des Ottomans. Celle qui, après le décès d'Osman Ertuğrul Efendi, le chef de la maison impériale décédé en 2009, avait conseillé de ne plus parler de "dynastie" mais de "famille" ottomane. En effet, tous les princes actuels sont nés après la République et ne peuvent donc témoigner d'une quelconque connaissance des habitudes impériales. Cette proposition avait provoqué quelque remous au sein de la "dynastie".


Le Roi Fouâd II aurait envoyé un message de soutien au processus de démocratisation en cours. Car, au fond, qui d'autre qu'un monarque peut avoir une franche passion pour le pays. Son pays. A-t-on déjà entendu un dictateur qui attendrit ? Ils sont tous voués au diable. Les dictateurs se suivent. Les princes et princesses demeurent. Tiens; eh si on rétablissait la monarchie en Egypte ? Fouâd II est là. Prêt, sans doute. Il ne va tout de même pas refuser la Restauration. Et il parle arabe, lui. C'est qu'il s'y est mis. Un bel exemple pour les membres de la famille ottomane qui justifient leur méconnaissance du turc par l'exil. Kenizé Mourad disait encore, samedi dernier, qu'elle n'avait pas le temps ! Bouououh... Allez les Ottomans ! Un peu de courage ! C'est que les réunions de famille ont l'air un peu cacophonique...