C'est vraiment étrange. Le peuple égyptien fait une révolution mais personne n'est content. Personne, les dirigeants étrangers, je veux dire. On les voit défiler, pourtant. Les risettes sont bien là, les félicitations fusent, quelques hourras s'entendent. Mais il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Non, ils ne pleurent pas le départ de Moubarak. Ça au moins, on le sait. Ils ont besoin de son ombre, pas de lui physiquement. Ils n'ont pas tous mal dormi non plus au même moment, ça ne colle pas. Hmm. Elles restent crispées, pourtant, les bouilles.
La patience, mes petits. Il suffit juste d'attendre la fin des discours pour tout comprendre. "C'est bien, bande de bouseux, vous avez bien fait, vous allez apprendre à jouer à la démocratie, vous le méritez, évidemment, sans doute, c'est dans l'ordre naturel des choses, c'est bien, on est contents pour vous hein, mais... euh... c'est qu'il faut nous le jurer maintenant, d'accord, ah qu'ils sont mignons !, hahaha, allez dites-le, vous n'allez pas envahir Israël hein ?"...
Ahhh ok ! Israël. La passion occidentale. J'avoue qu'on avait le droit de ne pas penser spécialement à la sécurité d'Israël dans ce moment de liesse. Ça me rappelle l'ancien premier ministre turc, Necmettin Erbakan, et sa fameuse réplique quand la classe politique traditionnelle lui disait qu'on ne pouvait rien faire à Chypre sans l'onction des Américains : "Bana ne Amerika'dan !". "Je m'en fous de l'Amérique". C'est étrange, on a envie de dire "on s'en fout d'Israël" mais on ne le dit pas évidemment; on est bien élevés. Et on ne veut surtout pas passer pour un "renieur" de l'Etat d'Israël et corrélativement pour un antisémite...
Mais on vit dans des pays qui ont malheureusement décimé des millions de juifs et qui font tout, aujourd'hui, pour se faire pardonner. Fallait y penser. La dame Merkel, par exemple, elle se devait d'être ferme. Son pays a commis un crime qu'un cerveau humain n'arrive toujours pas à concevoir : brûler des êtres humains d'une manière mécanique...
La souffrance du peuple égyptien sous la dictature, peu importait. L'essentiel, c'était la stabilité donc la sécurité d'Israël; comme si une Egypte islamiste allait forcément embraser la région. On a déjà eu des talibans en Afghanistan, on a toujours les mollahs en Iran et les wahhabites en Arabie Saoudite. Israël est toujours là. Elhamdulillah cela dit. Mais c'est le basculement égyptien qui fait le plus sursauter. C'est comme ça. Ça plombe l'ambiance, évidemment. Car du coup, on se rend compte que la soi-disant seule démocratie de la région fait sa lippe. Une sorte de discourtoisie.
C'est connu : lorsqu'on confie la bride à un peuple musulman, il la refile aux extrémistes. L'Iran en 1979. La Palestine en 2007. Et en forçant les traits, et pour faire jouir les laïcistes turcs, la Turquie en 1950. Car le dogme musulman ne saurait prévoir la démocratie. Des élections libres, non mais ! Des lois faites par les hommes ! Astaghfiroullah... Il faut les "dresser", les musulmans. C'est que leur Livre, qu'ils disent sacré, est systématiquement brandi comme la meilleure Constitution possible. Tu veux du droit pénal ? Tout y est. Tu veux du droit commercial ? Des détails à foison. Du droit civil ? Plus épais que le code civil français. De la science politique ? Allahu ekber...
Voilà donc ce qu'on pourrait voir si les islamistes arrivent au pouvoir en Egypte :
- La tyrannie de la majorité musulmane.
- Un système multijuridique en fonction de la confession des citoyens.
- Des tribunaux propres pour les religieux, disons les oulémas.
- Une discrimination officielle et officieuse contre les minorités ethniques et religieuses.
- Des discours de haine et des appels à la discrimination notamment s'agissant de la location de logements aux juifs.
- Une délégitimisation assurée de l'Etat d'Israël.
- Des racistes décomplexés, membres de la coalition gouvernementale.
- Des obstructions aux activités des organisations de défense des droits de l'Homme.
- Impossibilité de contracter un mariage civil donc mixte.
- Une liberté de ton illimitée pour les oulémas.
- Occupation de territoires voisins.
- Autorisation donnée aux religieux de faire circuler des bus où les femmes sont soigneusement logées à l'arrière.
- Un serment de fidélité à un État islamique.
- Les critères de nationalité définis en fonction de la religion donc par les oulémas.
- Une pression sociale pour le respect des règles religieuses en public.
- Une pression politique sur les journalistes.
Il suffit juste de remplacer "oulémas" par "rabbis", "musulman" et "islamique" par "juif", "Israël" par "Palestine" et "juif" par "arabe". Vous avez bien compris : on parle bien de la situation actuelle de l'Etat d'Israël, "la seule démocratie dans la région". Cette fameuse "villa dans la jungle", chère à Ehoud Barak. Les "Frères" sont déjà au pouvoir, en réalité. Là-bas, oui; et ils ont peur de voir leurs affidés percer en Egypte. On en rit ou en pleure, au fait ?