mercredi 4 mai 2011

Goutte de sang dans la mer...

Voilà que le "monde entier" cavalait derrière lui dans les montagnes et les grottes; eh bien, on l'a trouvé dans une villa. Saddam Hussein émergea d'un trou, lui; barbe broussailleuse, tignasse ébouriffée et mine déconfite. On s'en souvient, il n'avait même pas eu l'audace de se suicider. Soi-disant, Osama aurait ordonné à ses gardes de le tuer en cas de pépin. Même lui donc, n'avait pas "osé" faire hara-kiri. Et ses gorilles ont, semble-t-il, rendu l'âme avant de le "saborder"... Résultat : il a été liquidé. Oui c'est bien ça; liquidé. Les Américains, dans un étrange moment de vérité, l'ont concédé : il ne portait pas d'arme. Et vas-y pour un instant d'attendrissement...

Le Président Obama a tenu à rappeler (aux musulmans, sans doute) que le "terroriste en chef" n'était pas "un dirigeant musulman". Un dirigeant, c'est sûr. Musulman, seul Dieu le sait. En islam, la règle est simple : il n'y a pas d'excommunication. Et, a-t-il continué, "sa mort devrait être bien accueillie par tous ceux qui croient en la paix et la dignité humaine". Certes. Mais de là à se réjouir de la mort d'un être humain, il y a un fossé. Il s'avère que je suis opposé à la peine de mort et comme l'a dit Jospin, "je ne suis pas dans la logique du Talion".

"Justice est rendue" nous apprennent les Américains. Sans doute. Nous autres Français et hommes civilisés, n'approuvons pas la méthode; nous avons une conception plus procédurale de la justice. "Les droits de la défense" dit-on, par ici. Là-bas, c'est plus simple : on noie des accusés, on extorque des noms (en l'occurrence le nom du coursier de Ben Laden) et on se réjouit de l'efficacité de la torture... Ça reste donc une "exécution extrajudiciaire" pour un juriste...

Des théories ont immédiatement été mises sur la table : il n'aurait jamais existé (!), il n'aurait pas été tué pardon assassiné, les Américains n'auraient jamais envisagé de lui faire un procès, etc. etc. Comme l'a même écrit un malin, "Ben Laden ne pourra plus nier son implication dans le 11-Septembre". Ouaaawww ! Évidemment, un être simple d'esprit comme moi, benêt, quoi ? d'accord idiot si tu veux, ne hume aucune saveur particulière en lisant ce genre d' "analyses". Il note seulement qu'il y a une "ambivalence musulmane".
On se le rappelle; le Premier ministre turc, Erdogan, avait pondu, dans un de ses moments d'égarement, la sentence que voici : "un musulman ne saurait commettre un génocide". Ah ouais ? Il répondait ainsi à ceux qui dénonçaient le voyage de Bachir en Turquie. Chose étrange, c'est ce même Erdogan qui a sermonné le Raïs égyptien en lui rappelant le Jugement dernier; comme quoi les musulmans pouvaient également être cruels... L'amaurose, dit-on. La cécité mentale. Le défilé : "Il l'a pas fait !", "il n'a pas pu le faire !", "c'est pas lui !", "oui mais il a ses raisons !", "c'est un complot sioniste !", etc.

Comme il fallait bien que les musulmans eussent quelque chose à reprocher aux méchants Américains, la Providence a fait trébucher les grands cerveaux de la Maison Blanche sur un point : l' immersion (ou l'"emmerrissement" ?) du corps. Ces malappris ont tout bonnement jeté le cercueil au fin fond de la mer. "Après avoir respecté les exigences du rite musulman", s'il vous plaît. Mais en bravant la première d'entre elles, le droit à une sépulture... On le sait, en Turquie, le cadavre du plus grand théologien du XXè siècle, Said-i Nursî (le leader spirituel de Fethullah Gülen, imam le plus adulé en même temps que le plus craint de Turquie), avait été balancé d'un hélicoptère, de peur qu'une nouvelle "Kaaba" se constitue autour de son tombeau...

L'article 25 de la Déclaration des droits de l'Homme de l'Organisation de la Conférence islamique, qui est en soi un texte très pauvre, apporte ici une touche particulière : "Dans le cas de guerre, il n’est pas permis de tuer les femmes, les enfants et les vieillards parmi ceux qui ne participent pas à la guerre. Il n’est également pas permis de couper les arbres ou de détruire les bâtiments civils de l’ennemi. Le blessé a droit à la nourriture et à l’asile. Le corps du mort doit être sauvegardé". Osama donc, avec son linceul immaculé, gît quelque part en mer d'Oman. Et si la mer rejetait son corps tel celui de Pharaon (Coran 10 : 92) ?

Certains chroniqueurs turcs prient pour son âme, non pas par sympathie mais par réflexe islamique : "Allah Teala ecrini arttırsın ve taksiratını affeylesin"; en clair que Dieu l'absolve. C'est facile à dire, ça prend quelques secondes, ça n'enlève rien au priant. Mais ça écorche certaines bouches sensibles car viennent à l'esprit, des milliers de victimes (dont des musulmans) et un verset : "quiconque tue un innocent est considéré avoir tué l'humanité tout entière" (5 : 32). Un De Profundis ? Je ne crois pas, non...