jeudi 27 octobre 2011

Quand une "charia" chasse l'autre...

Les musulmans ont la ferme habitude de prier pour l'âme des morts les septième, quarantième et cinquante-deuxième jours de leur trépas. Une coutume; disons qu'ils s'appliquent spécifiquement ces jours-là. Cet "office" où on lit le Coran et on offre des chatteries et des galettes, servirait à enguirlander une tombe par trop brumeuse; car il est établi, hein, que le repos des uns est plus mouvementé que celui d'autres. Et comme le livre des points positifs et des points négatifs est désormais clos, c'est l'entourage qui se mobilise pour assurer un certain rehaussement. Par des prières abondantes. C'est comme ça, que veux-tu. Tous les théologiens ont beau affirmer qu'il s'agit d'une hérésie, ils ne convainquent et ne convaincront personne; sûrement pas le croyant lambda qui ne fait que passer par là et qui méprise tous ceux qui lui montrent le droit chemin. Pourquoi se dispenser d'une illusion qui apaise...

Oyez donc musulmans ! Restons traditionnels si cela peut servir à narguer certains fous furieux. Aujourd'hui même, nous célébrons le septième jour du décès de Sa Majesté Mouammar Khadafi, "Roi des rois, des sultans, des princes, des cheikhs et des maires d’Afrique", Son Excellence le dictateur émérite de Libye et Son Éminence l'insane accompli devant l'Eternel. Attrapé, culbuté, rudoyé, brimé, rossé et finalement assassiné par les heureux maîtres de la Libye nouvelle. Dommage collatéral d'une confusion bénigne évidemment, puisque "dans toutes les révolutions, il y a des moments de ce genre où le groupe en fusion devient beaucoup moins sympathique" (BHL). Que Dieu ait pitié de lui, que Dieu l'absolve, qu'Il pardonne ses fautes, qu'Il élargisse sa tombe et qu'Il l'illumine. Amen !

Ah bah oui coco, tu l'as voulu, tu l'as eu. Les simples d'esprit comme moi ont le tendre réflexe de se ranger immédiatement, instinctivement, mécaniquement, du parti des "martyrisés". Et les circonstances tragiques, le conduit d'égout, le haillon, l'égarement, le crêpage, ne font que fouetter l'ardeur hétérodoxe, celle qui impose de s'attrister pour un dictateur. Car tuer quelqu'un aux cris de "Allahu akbar" (Dieu est grand), moi personnellement, comprends pas. Serait-ce la réaction du Prophète de l'islam, celui qui fustigeait déjà le tortureur d'un animal ? Quel musulman peut-il se représenter Mouhammad parmi ces fous furieux qui bavaient d'envie de cogner sur un autre être humain ? Quel "mahométan" peut-il songer une seconde que l'Envoyé de Dieu serait l'instigateur d'une telle curée ? Quel "soumis à Dieu" peut-il sincèrement se satisfaire d'une telle purge ? Oh oh ! allô ! ça existe ? Où est la rectitude d'Ali qui refusa, en pleine guerre, d'achever un ennemi dès lors que celui-ci lui cracha sur la figure, de peur de passer pour un vulgaire vengeur auprès de Dieu ?

Pourquoi faut-il qu'on finisse toujours par avoir pitié des dictateurs les plus sanguinaires ? Pourquoi le monde musulman, bien qu'hostile à Saddam Hussein, avait fini par s'attendrir de sa pendaison, le jour de la fête du Sacrifice ? Un cruel à qui on avait refusé l'achèvement de sa profession de foi "Il n'y a de dieu qu'Allah et ...", pourtant essentiel avant d'atterrir là-haut. N'était-ce pas ce monde musulman qui stigmatisa les Etats-Unis pour le sort réservé au cadavre de Ben Laden ? "Chansons que tout cela, bébé ! Les Arabes sont génétiquement barbares ! Ils ne seront jamais civilisés !"... Mais qui sont ces barbares ? Ces hommes qui, d'ordinaire, ne valent pas un pet de lapin, oui, eux ?



C'est étrange mais plus les révolutions arabes dérapent, plus on a peur pour les dictateurs en poste. On est presque de leur côté, "j'espère qu'ils ne vont pas le choper, le malheureux !". Quand on sait que les ancêtres de ces sauvages avaient, jadis, décapité Hussein, le petit-fils même du Prophète à Karbala, on se méfie de la "rue arabe". Les révolutions sanguinolent souvent certes, mais lorsque les victimes d'hier passent à la casserole leurs bourreaux chopés sur le tas avec un entrain semblable au leur, l'effet cliquet s'applique à l'envers. Un amas d'assassins ne forme pas une nation... La Révolution libyenne a versé son sang. La vendetta débute; les ex-malfaiteurs sont au pourchas des néo-scélérats. Le fils Saïf ul-islâm ne vient-il pas de crier vengeance à son tour !

"Et qu'est-ce que l'enfer... si ce n'est qu'une vengeance éternelle pour quelques fautes d'un jour !" disait Balzac. Règlements de compte en perspective ici-bas et dans l'au-delà; maudites engeance et vengeance, ce n'est pas une figure de style non, c'est Allah même, Celui qui était "le plus grand" quand Khadafi souffrait le martyr, qui le dit : "Si vous vous vengez, que la vengeance ne dépasse pas l'offense". Malheur à ceux qui ont ravi l'honneur à un cadavre. Erinyes, c'est à vous !