mercredi 18 février 2009

Entêtement fieffé

Attaque vaut riposte; dans tous les domaines : militaire bien sûr, politique, intellectuel, sentimental, etc. Et ceux qui ont l'audace de se montrer surpris par la réponse passent pour des culottés. Voilà que la théorie trouve une pertinente application.
Après la féroce remontrance du Premier ministre Erdoğan à Davos contre Shimon Peres, un général israélien, apparemment révulsé par l'affirmation "vous, vous savez bien tuer" a décidé de lancer une pique : "euh, franchement, avant de nous critiquer, balaie devant ta porte !" Référence aux différents "massacres" perpétrés dans l'histoire de l'empire Ottoman et de la Turquie moderne : Arméniens, Kurdes et Chypriotes. Indignation unanime du côté turc : Président, Premier ministre, Armée, intellectuels.
"C'est quoi le rapport, misérable ! Nous avons les mains propres, nous ! Foutaise !" Conscience tellement tranquille qu'ils en tremblent; alors que toute la planète diplomatique n'en finit pas d'analyser en long et en large la politique extérieure de Obama et ses implications pour les différents pays, les diplomates turcs en poste à Washington, mieux tous les agents du ministère turc des affaires étrangères retiennent leur souffle : "il va prononcer le mot 'génocide' à ton avis ?", "bah, il n'a pas l'air mais il faut rester vigilant", "d'accord, allez faire du lobbying, mais merde, on n'a plus le soutien des Juifs". Même anxiété pour le mot "Kurdistan" : un colloque a été organisé à Erbil pour discutailler de l'avenir et de la paix "là-bas"; nos diplomates n'avaient d'yeux que pour le vocabulaire : ni Kurdistan ni Iraq du Nord. Il faut dire "Nord de l'Iraq" et les choses s'arrangeraient... Problème identique avec Chypre; après les révélations d'un acteur turc qui avait fait son service militaire sur l'île, sur les massacres qu'il avait personnellement commis sur ordre de ses supérieurs, la Turquie a tenté de convaincre les Grecs et les Chypriotes : "mais nan, il écrit un scénario sur la période, il a oralisé des bribes du scénario, c'est rien, allez, circulez"...
Erdoğan avait expliqué sa colère par l'ampleur des massacres certes, mais également par "l'incivilité" de Ehoud Olmert qu'il venait tout juste de rencontrer et qui ne lui avait rien dit sur l'imminence d'une telle attaque : "je te jure, mon frère, je ne savais pas que l'on allait faire la guerre, je ne fais qu'expédier les affaires courantes", "menteur !", "et d'abord, suis-je obligé de raconter nos secrets à tous les premiers ministres que je rencontre, hein !". La réaction d'Erdoğan ne s'est pas fait attendre, évidemment : "Comment il ose ce paltoquet ? Nous, nous sommes la Turquie, pas n'importe quel pays, pigé !".
Peres avait appelé Erdogan pour lui dire qu'il était désolé de ce qui venait de se passer et qu'il ne souhaitait pas que leurs relations diplomatiques fussent affectées; et voilà qu'après les propos du Général, l'armée israélienne a dû affirmer qu'ils ne liaient pas l'institution.
Et les Israéliens disent que les Turcs ont tort dans leur colère forcenée. Quelle performance, tout de même, d'avoir tort et de recevoir en plus des excuses !