samedi 7 février 2009

Investissement politique

Le concours continue : qui, de Deniz Baykal (CHP, soi-disant parti républicain du peuple) ou de Recep Tayyip Erdoğan (AKP, musulman démocrate), va réussir à rafler les suffrages de la frange conservatrice de l'électorat. Le Premier ministre a une "autorité morale" dans ce domaine mais le "leader" du CHP n'est pas en reste. Certes, c'est un défenseur acharné d'une certaine conception de la laïcité mais il sait cligner de l'oeil, aussi. D'autant plus que les élections locales approchent.

Un des candidats CHPistes a ainsi promis d'inonder la ville de cours coranique afin, dit-il, de mieux éduquer la populace, toujours suspecte, faut-il comprendre, de prêter insolemment l'oreille aux délires islamistes. Du service public des cultes dans un système laïque. En soi, cette initiative est contraire au Principe puisque la Direction des affaires religieuses a précisément la tâche d'offrir ce service.

Deniz Baykal a immédiatement rallié cette promesse : "ouais, il a raison, on va permettre à nos compatriotes d'apprendre le Coran, youppi, t'as bien pensé, mon frère !" Les plus féroces rappellent "l'ouverture" de Deniz Baykal quant aux femmes voilées (http://sami-kilic.blogspot.com/2008/11/misre-que-misre.html). Un baiser envoyé de loin, élection oblige. "Comment oses-tu dépraver à ce point le parti du grand Atatürk ? T'en as fait un nid d'obscurantisme !". Sourde oreille.

Le CHP en a fait une spécialité, en réalité et seules les oies blanches s'en indignent : changer de timbre lors des élections; l'ancien "Chef", Ismet Inönü avait même été approché par les stratégistes du parti pour qu'il prononce, ne serait-ce qu'une fois et même accessoirement, un terme religieux. Il avait essayé à sa manière à la fin d'un "meeting" en lâchant : "Allahaısmarladık" (qu'Allah prend soin de vous)...

Mais la grogne continue au sein du Parti. Toujours ce refrain inavoué : le sentiment religieux nuit au corps social. Lorsque le gouvernement avait envisagé de permettre aux lycéens scolarisés dans les "imam-hatip" (lycées professionnels qui forment, officiellement, à l'imamat mais que les familles choisissent également pour que leurs enfants aient une culture religieuse en rab) d'accéder aux universités à égalité avec les élèves des lycées généraux, les mêmes bouches se révulsèrent : "comment ! Tu veux inonder les facs de droit et de médecine avec ces chariatistes, dis-le ! On bascule !" Comme si être avocat ou médecin tout en ayant des croyances religieuses établies était inconcevable ! Dans leur petite tête, sans doute. L'idéologie transpire.

Le Procureur général avait pourtant critiqué l'activité par trop enthousiaste des maires AKPistes; "doucement, mes petits, ne distribuez pas des p'tits livres religieux aux gosses, ce n'est pas de votre compétence". Le grief d'hier devient une promesse de campagne du parti-gardien du dogme kémaliste... Mais le "Dux Aeternus" a mis les points sur les "i" : "on critique votre démarche, qu'est-ce que vous dites ?", "nous voulons sauver nos enfants; nous savons que les séminaires coraniques sont, pour la plupart, assurés par les confréries qui, par définition, sont anti-kémalistes; notre but est donc de faire apprendre le Coran et la vulgate kémaliste, c'est intelligent, nan ? Qu'est-ce t'en penses ?", "l'AKP se demande si vous allez également contribuer à abroger l'interdiction du voile ?", "que nenni ! La cohérence n'a pas sa place en politique".

L'AKP ne sait plus quoi faire : critiquer un tel projet est impossible, alors on raille : "eh ben, dis, voilà le CHP se frotter au menu peuple, c'est bien". Certains journalistes taquinent : "bravo dis donc, s'il pouvait y avoir des élections tous les ans dans ce pays, ça serait bien pour notre démocratie, le CHP finissant progressivement sa mue !" (A. Turan Alkan : "Her seçim sath-ı mailine girildiçte CHP'nin kimyâsında husûle gelen bu hayırhah değişiklikler, insana "keşke her yıl bir seçim olsa" dedirtecek derecede şaşırtıcı. Seçim yaklaştıkça CHP, milletin kalbine doğru hamle ediyor; bu gibi açılım, daha doğrusu "saçılım"ların samimiyeti hakkında şüphe duymuyorum. Dine, dinî sembollere, kurumlara, ritüellere karşı cepheden değilse de yan cihetten yüz ekşiten CHP geleneği, her seçimden aldığı darbelerle sersemlemiş bir hâletle çıkınca galiba aşağılık kompleksine kapılıp akıllarına ilk gelen "dinci" politik yatırımdan hisse senedi alıyorlar").

Bien sûr, même un enfant de 7 ans a idée que toute cette annonce est mâtinée d'opportunisme politique le plus grossier. On en est toujours, en 2009, à un CHP qui promet plus de démocratie; ça s'appelle un parti de gauche. "Mais j'te jure, crois-moi". On l'espère; le jour où le CHP virera sa cuti, la démocratie turque s'en trouvera affermie. Mais quand on voit que ces femmes voilées qui s'étaient massées à la porte du CHP tambour battant, ont démissionné en bloc quelques jours après, on ne feint même pas l'indignation; l'on connaît trop bien les longues et les brèves de cette idéologie. Le peuple ? Plebs sordida, cousue à la robe de l'ignorance. Il tourne les pages; nous, on écrit...